Les réformistes et l'État au Bénin

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Classe de ressource
Book Section
Titre
Les réformistes et l'État au Bénin
liste des auteurs
Denise Brégand
liste des rédacteurs
René Otayek
Soares, Benjamin
Book Title
Islam, État et société en Afrique
Place of Publication
Paris
Editeur
Karthala
Date
2009
première page
187
dernière page
210
Langue
Français
ISBN
978-2-8111-0249-4
Wikidata QID
Q113528185
Couverture spatiale
Bénin
extracted text
6
Les réformistes et l’État au Bénin
Denise BRÉGAND

Par la Constitution promulguée en décembre 1990, le Bénin devient
une république laïque qui garantit la liberté religieuse et la liberté d’association, reconnaît implicitement les valeurs religieuses mais stipule
qu’aucun parti religieux ne peut présenter de candidats aux élections.
La mise en place du nouveau régime politique issu de la conférence
nationale qui s’est tenue en février 1990 sous la présidence de Monseigneur
de Souza1, s’accompagne d’un foisonnement de mouvements religieux,
majoritairement chrétiens, et d’une plus grande visibilité du religieux qui
touche même la sphère politique : Nicéphore Soglo, élu Président en 1991
se tourne vers le vaudou et octroie un jour de fête nationale pour les cultes
traditionnels, Mathieu Kérékou se présente aux élections présidentielles de
1996 en homme nouveau, il s’est converti au pentecôtisme et n’apparaît
plus sans la Bible (Strandsberg, 2000 ; Mayrargue, 2004). Le discours
religieux et le discours politique s’entrecroisent : « Dieu aime le Bénin »,
il lui donne la démocratie et lui envoie l’aide internationale (Mayrargue,
2002).
Si l’on compare la situation religieuse du Bénin à celle d’autres pays
d’Afrique de l’Ouest, et en particulier à celle du Nigeria voisin, il apparaît
comme un modèle de bonne cohabitation interreligieuse, et l’on trouve
fréquemment des chrétiens, des musulmans et des adeptes des religions
traditionnelles dans une même famille. Cependant, dans le contexte de
réactivation du religieux qui suit la chute du régime de la Révolution,
1.

Archevêque de Cotonou, décédé le 13 mars 1999.

188

ISLAM, ÉTAT ET SOCIÉTÉ EN AFRIQUE

certains responsables ont perçu des risques de radicalisation, ont instauré
dès la Conférence nationale un dialogue interreligieux2 qui s’est poursuivi
durant les premières années de la décennie dans des conférences et des
publications3. Les musulmans furent peu nombreux à participer à la
Conférence nationale ; ils avaient jusque-là privilégié le commerce, s’intéressant peu à la vie politique. Mais cette situation est en train de changer,
les nouvelles générations s’engagent davantage dans les partis politiques
et se présentent à des fonctions électives.
Religion majoritaire au Nord du Bénin, atteignant 94,3 % à Malanville,
minoritaire dans le Sud avec 14,2 % à Cotonou et 25,1 % à Porto Novo
les deux villes principales, l’islam progresse dans tout le pays, passant de
20,6 % des appartenances religieuses déclarées au recensement de 1992
à 24,4 % en 20024.
Introduit essentiellement par les commerçants, majoritairement confrérique (la Tijaniyya, puis sa branche nyassiste ont supplanté la Qadiriyya
toujours présente), l’islam a été réinterprété et réapproprié, il a connu une
forte expansion durant la seconde moitié du XXe siècle, qui se poursuit
grâce aux nombreuses conversions. Cet islam « traditionaliste », ainsi
qualifié parce qu’ancré dans les pratiques sociales locales, est un mode de
vie : il rythme le temps, organise la sociabilité autour de la mosquée et à
l’occasion des cérémonies qui accompagnent les grands moments de la
vie : aqiqa le septième jour après la naissance, mariages, cérémonies intervenant une semaine, quarante jours, trois mois après les décès. Il est inséparable de la divination et de la magie, et les alfas (lettrés coraniques
formés dans ce système), par leurs talismans et leurs prières soulagent des
malheurs de l’existence5. Parallèlement à cet islam populaire, l’islam
confrérique se développe dans des milieux intellectuels qui s’orientent
essentiellement vers la recherche mystique, et il se renouvelle avec l’installation de deux ordres mystiques récents au Bénin : l’ordre Nimatullahi
2.

3.

4.
5.

« Avec d’autres responsables religieux, nous nous sommes dit : il faut arrêter le
fanatisme des religieux traditionnels, les Aïno (en fon : les maîtres de la terre),
l’extrémisme de certains chrétiens dans un contexte de multiplicité des Églises, et
l’extrémisme des jeunes arabisants qui reviennent d’Arabie. », entretien avec
l’Imam Ligali, Cotonou, 11 mars 2005.
Dans cet effort de dialogue interreligieux au début des années 1990, deux tendances
émergent : d’une part le mouvement impulsé par Yacoubou Fassassi, Maître de
l’ordre mystique Nimatullhi, fondateur dès 1985 de l’association AGIR (Groupement
africain pour le renouveau islamique) qui publie la revue trimestrielle Iqraa Afrique
et d’autre part le mouvement intellectuel autour d’el-hadj Bachir Soumanou
(Tijaniyya nyassiste) fondateur du journal La lumière de l’islam et du CERID
(Centre d’étude et de recherche islam et développement).
Dans le même temps, les nouveaux groupes chrétiens, essentiellement évangélistes
et pentecôtistes, passent de 6 % à 12,5 %.
Sur l’islam « traditionaliste », PIGA, 2003 et COULON, 1993.

LES RÉFORMISTES ET L’ÉTAT AU BÉNIN

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introduit en 1991 par Yacoubou Fassassi, grand Maître de l’ordre pour
l’Afrique de l’Ouest, et la confrérie Alawiyya, introduite à Porto Novo
en1990 par el-hadj Saliou Latoundji, pharmacien lui-même disciple de
Cheikh Bentounès, autorité spirituelle résidant en France. Les membres,
encore peu nombreux de ces deux nouveaux ordres, font partie de l’élite
intellectuelle et sociale.
Au Bénin comme dans d’autres pays d’Afrique occidentale, cet islam
est, depuis les années 1970, contesté par les diplômés des universités
islamiques arabes qui, ne se référant qu’au Coran et à la Sunna, veulent
éradiquer tout ce qui ne relève pas des textes. Ces diplômés arabisants
sont rejoints par d’autres qui ont étudié en Afrique subsaharienne, dans les
universités du Nord du Nigeria, à Niamey, ou en Côte d’Ivoire. Ils
reçoivent le soutien des ONG islamiques internationales qui, tout en
apportant une aide humanitaire, poursuivent leur objectif principal, la
da’wa 6. Les principales ONG islamiques présentes au Bénin ont leur
siège à Cotonou, il s’agit de l’AMA (Agence des musulmans d’Afrique),
koweïtienne, l’Organisation mondiale d’assistance islamique fondée par la
Ligue du monde musulman (d’influence saoudienne), l’AMAI (Association
mondiale de l’Appel à l’islam), libyenne, et Al-Muntada al-islami, ONG
britannique fondée au Royaume-Uni par des musulmans d’origine arabe
et asiatique7. Des ONG islamiques de moindre importance, pour la plupart
koweïtiennes et saoudiennes, interviennent dans tout le pays. Toutes ces
ONG apportent une aide humanitaire, mais leur objectif principal reste la
da’wa, leur « bureau de la da’wa » engage comme prédicateurs (en
moyenne quarante pour chacune des grandes ONG) les diplômés des
universités arabes. Elles ont aussi pour vocation d’être les fers de lance de
la politique africaine de l’État qui les finance (Schulze, 1993 ; et Mattes,
1993), c’est particulièrement flagrant en ce qui concerne l’AMAI, tant
dans les brochures distribuées que dans les couloirs de l’école francoarabe et du centre de santé du complexe islamique de Cotonou où
s’affichent les citations de Moammar al-Khaddafi. Dans un contexte social
très difficile, ces ONG représentent pour les diplômés des universités
arabes une offre d’emploi sur le marché du travail religieux.
Enfin, si la scène islamique locale est souvent occupée par les tensions
entre anciens et nouveaux courants, bon nombre de musulmans ne sont ni

6.
7.

Appel à l’islam, propagation de la foi.
« Similarly, the activities of International Islamic organizations like Al-Muntada alislami Foundation [...] their publications and enlightenment campaigns provide
additional impetus to Muslim’s aspiration for Islamic system in Nigeria », Mukhtar
Umar Bunza (historien à la faculté Usman Dan Fodiyo de Sokoto), 2004 : 54.

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ISLAM, ÉTAT ET SOCIÉTÉ EN AFRIQUE

membres d’une confrérie, ni réformistes ou fondamentalistes ; musulmans
non militants, ils ne s’impliquent pas dans les conflits internes à l’islam.
Après avoir présenté les courants et les formes d’action de la mouvance
réformiste et fondamentaliste multiforme, nous interrogerons les rapports
qui se sont établis entre ces courants et l’État.

Le renouveau islamique : un réformisme éclaté
Islam et modernité
La volonté de réformer l’islam, générale dans le monde musulman,
trouve partiellement ses racines dans la péninsule arabique, chez Abd elWahhab (1703-1792), inspiré lui-même du Syrien ibn Taymiyya (12631328) et partisan d’un modèle rigoriste. Le concept de « réformisme »
désigne plus précisément le mouvement qui, du milieu du XIXe siècle aux
années 1935-1940, a confronté l’islam à la problématique de la modernité,
et dont les figures les plus connues sont Jamal al-din al-Afghani, Mohamed
Abduh et Rashid Rida. Par modernité, ils entendaient la maîtrise des
sciences et du progrès technique qu’il s’agissait d’adopter sans réticence,
tout en les accompagnant d’un retour à la religion des pieux ancêtres
(salaf). Depuis, d’autres penseurs ont influencé l’évolution de la réflexion
islamique dans un sens politique, parmi lesquels Mawdoudi (1903-1979),
fondateur en 1941 de la Jama’at-i Islami dans le sous-continent indien et
Hasan al-Banna (1906-1949), fondateur en 1929 en Égypte du mouvement
des Frères musulmans, et dans le même mouvement Sayyib Qotb (19061966), continuent d’exercer une influence. Au Bénin, il n’est jamais fait
référence aux précurseurs ni aux « penseurs contemporains de l’islam »
(Benzine, 2004), et la notion de « réformisme », réfutée par ses protagonistes qui lui préfèrent celle de « renouveau » ou de « réveil », est ici pragmatique et vise essentiellement à épurer l’islam de ses adaptations locales
(cérémonies, pratiques magiques) et à revenir aux textes fondateurs :
Coran et hadiths. Selon l’interprétation qui en est faite et le sens donné au
concept de modernité, nous nous trouvons face à un réformisme éclaté qui
s’échelonne entre une lecture situant les textes dans leur historicité et la
version fondamentaliste qui, à la lumière d’une interprétation littérale,
prône un retour aux principes fondamentaux, et veut imposer ses normes.
Dans tous les cas, le rapport entre l’islam et la modernité est au cœur
de la réflexion. Tout dépend de ce que l’on place dans le concept de

LES RÉFORMISTES ET L’ÉTAT AU BÉNIN

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modernité dont le contenu change avec les époques. Dans un entretien
accordé à la revue Mouvements, Olivier Roy, réfléchissant sur la
modernité du réformisme s’exprime ainsi :
« On peut définir la modernité en termes de valeurs (celles de la
démocratie). Ou bien on peut définir la modernité dans le sens du
détachement de l’individu des identités et des appartenances naturelles et
de l’affirmation du sujet8. »

Comme le souligne l’auteur, cette définition englobe des valeurs relevant
de l’ordre politico-social et des valeurs relevant de l’ordre de l’individu.
Par l’individualisation de leur engagement religieux, tous se libèrent des
appartenances primordiales, familiales et villageoises (Marie, 1997), mais
tous n’acceptent pas les valeurs de la démocratie occidentale dont le
modèle est transposé au Bénin, et les fondamentalistes se distinguent par
leur critique radicale de l’Occident, de ses valeurs et de sa politique.
S’il est aisé de cerner les extrêmes de ce large mouvement de
« renouveau », la situation s’avère très complexe, le réformisme se décline
sur une palette qui se déploie du réformisme libéral ouvert aux évolutions
du monde, au fondamentalisme le plus normatif. En outre, il existe un
réformisme endogène, porté par des hommes et des femmes souvent
instruits, occupant ou ayant occupé des postes importants dans la fonction
publique ou des entreprises privées, qui refusent catégoriquement la
notion de réformisme. Ainsi, l’anthropologue se rendant à un entretien
avec un musulman supposé « traditionaliste » se trouve quelquefois face à
un interlocuteur ou une interlocutrice qui n’a pas étudié dans les
universités islamiques, mais cherche dans le Coran des réponses aux
questions d’aujourd’hui ; pragmatique, il ou elle s’investit dans des
associations pour développer l’éducation coranique chez les musulmans et
revenir à une pratique plus orthodoxe, tout en maintenant le lien avec les
imams en place. Ce sont eux qui rendent possibles les « passerelles »
(Otayek, 1993 : 8) entre le réformisme et l’islam confrérique, mais cellesci restent rares.
Pour la commodité de l’exposé, seront appelés « réformistes » pour les
différencier des fondamentalistes, ceux qui travaillent à réformer l’islam
en le pensant dans son contexte et ne voient pas de contradiction entre leur
religion et les évolutions politiques et sociologiques en cours au Bénin.
Le fondamentalisme consiste à vouloir « coller au plus près » de textes
religieux pris à la lettre et, dans une appréhension mythique des premiers
temps de l’islam, à vouloir en retrouver les pratiques, ce qui se traduit par
8.

Roy, 2004.

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ISLAM, ÉTAT ET SOCIÉTÉ EN AFRIQUE

exemple par l’imitation supposée du prophète dans le vêtement et le port
de la barbe. Les fondamentalistes ne refusent pas la modernité, ils considèrent qu’elle est déjà dans le Coran, ils l’identifient aux progrès scientifiques et techniques mais s’opposent à ce que ces progrès conduisent à des
changements dans la société et dans les modes de vie. L’un d’eux précise :
« Est-ce vu sous le sens occidental, encourager la liberté et le libertinage ? Selon moi, la modernité, c’est ce qui permet à l’homme d’être au
niveau, d’accepter les découvertes scientifiques et de les adapter à son
islam. Si c’est cela, la modernité est contenue dans l’islam. Le premier
verset incite à la recherche. Le Coran parle de la biologie, de la physique,
de la médecine. On ne peut pas être musulman et s’écarter de la modernité,
seulement le musulman se met des limites9 ».

Un exemple illustre les différences dans la manière d’appréhender les
problèmes contemporains : l’un des rares interlocuteurs à se déclarer
« réformiste », diplômé d’Al-Azhar, enseignant dans une école francoarabe de Porto Novo, a participé à des journées de sensibilisation organisées par ONUSIDA, et dans ses prêches aborde la question de la
prévention, considérant que la prise en compte de ce problème fait partie
de la réforme. En revanche, un fondamentaliste affirme que la prévention
ne peut « qu’encourager la débauche » et que dans les pays où l’on
applique la Charia, il n’y a pas de problème de sida.
Une mouvance fondamentaliste hétérogène
À côté de groupes transnationaux structurés et identifiables, Tabligh et
Ahmadiyya, une nébuleuse10 fondamentaliste qui se définit elle-même
comme sunnite, présente tous les degrés du dogmatisme et du rigorisme.
Le Tabligh, organisation missionnaire fondée en Inde près de Delhi en
1927 par un lettré Mawlana Muhammad Ilyas, s’est donné pour buts la
propagation de la foi et l’amélioration de la foi et de la pratique des
musulmans (Gaborieau, 1998). Répandu dans le monde entier à partir
de 1947, il pénètre au Bénin en 1986 depuis le Nigeria et se développe
surtout dans le Sud du pays. Son grand rassemblement à Glodjigbe à la
sortie de Cotonou a réuni 700 personnes durant trois jours en février 2005,
il y aurait un millier de tablighis au Bénin. Selon leur technique de « la
sortie », ils partent en groupe, prêchent et dorment dans les mosquées.
9. B.M. Entretien à l’école coranique, quartier Dodgi, Porto Novo, 26 janvier 2005.
10. Par « nébuleuse », j’entends « mouvement diffus, non organisé ».

LES RÉFORMISTES ET L’ÉTAT AU BÉNIN

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Bien qu’appartenant à un mouvement transnational, ils n’en reçoivent pas
d’argent, vivent dans le dénuement, se déplacent beaucoup à pied, et
doivent travailler tout en restant très disponibles, car appartenir au Tabligh
demande un engagement total. Très mobiles, ils n’hésitent pas à partir
prêcher dans les pays voisins et reçoivent des missionnaires pakistanais,
nigérians, ghanéens. Ils essaient de recréer le modèle de la communauté
musulmane des débuts, de l’âge d’or, de l’époque du prophète, et
observent un code très strict de comportement au quotidien. Ils vivent
dans l’obsession de la pureté, dans la peur de l’enfer et les femmes portent
obligatoirement le voile intégral noir.
Autre mouvement transnational prosélyte : la Ahmadiyya fondée en
Inde à Qadian où est né Mirza Ghulam Ahmad, le « Messie promis et
Mahdi » (1838-1908) qui, en 1882, se déclara réformateur choisi par Dieu
(Friedman, 1989). Il appela les musulmans à renoncer à la guerre sainte et
à se consacrer au prosélytisme pacifique. Il encouragea l’action
missionnaire dans tout l’empire britannique et au-delà, programme qui
sera mis en œuvre par ses successeurs. Le jihad au sens de guerre sainte a
laissé la place à la prédication (da’wa)11.
La Ahmadiyya arriva en Afrique orientale et en Afrique occidentale
dans le premier quart du XXe siècle (Ajayi & Crowder, 1988), elle fut
introduite au Bénin durant les années 1960, et après une éviction durant le
régime de la Révolution, put ouvrir des missions à la faveur du
Renouveau démocratique. Le responsable spirituel et temporel, l’amir,
réside au siège à Porto Novo et envoie des missionnaires dans les départements. Les autres musulmans ne reconnaissent pas les ahmadis par
ailleurs interdits de pèlerinage à La Mecque. Mouvement ambivalent, la
Ahmadiyya peut être qualifiée de fondamentaliste dans la mesure où ses
membres se réfèrent strictement au Coran et aux recommandations de
Mirza Ghulam Ahmad, mais d’un autre côté, elle prône l’adaptation au
monde, la réussite sociale, le dialogue interreligieux et les femmes y
tiennent une place importante. Dans ses prêches, l’amir a condamné les
attentats du 11 septembre et toute violence au nom de l’islam, insistant sur
le sens du « grand jihad » : effort sur soi-même12. La Ahmadiyya
entretient d’excellents rapports avec les pouvoirs en place, sa publication
Le Message de novembre 2004 recommande : « Chaque citoyen ahmadi
est libre d’avoir son allégeance politique, mais après la joute électorale, il
doit soutenir l’État et le gouvernement en place ».
Les fondamentalistes d’inspiration wahhabite ne se dissocient pas des
autres musulmans en appartenant à des organisations, ils exercent une
11. Gaborieau, 2000.
12. Prêche de l’amir le jour de la fête de Tabaski en février 2002.

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ISLAM, ÉTAT ET SOCIÉTÉ EN AFRIQUE

influence diffuse à partir de points d’ancrage, leur ambition est de promouvoir « le réveil » de tous les musulmans, et les diplômés en religion
cherchent à conquérir les postes d’imams pour diriger la communauté
musulmane. Ce sont les musulmans « traditionalistes » et les nonmusulmans qui les appellent « wahhabites », mais eux-mêmes ne se
réfèrent pas aux fondateurs de cette idéologie, en particulier ibn Taymiyya
(1263-1328) et Abd al Wahhab (1703-1792), ils s’en tiennent à la stricte
observance de règles rapportées des universités de Médine ou du Koweit,
et s’attachent à suivre au plus près les textes, c’est-à-dire la lecture qu’ils
en font. L’idéologue le plus influent est certainement Abubacar Gumi
(1922-1992) – Loimeier 1997 et 2003 –, fondateur au Nigeria en 1978 du
mouvement radical Yan Izala (Jamaat Izalat al-bida wa iqamat al-sunna :
Société pour l’éradication de l’innovation démoniaque et l’établissement
de la sunna) dont l’idéologie et l’action ont contribué à l’instauration de la
Charia dans les États du Nord du Nigeria. Le mouvement Yan Izala de
Malanville, ville frontalière et marché international, en est une émanation
directe, il n’a pu obtenir une mosquée qu’en mars 2001 après d’âpres
conflits locaux (Abdullay, 2003). Outre Yan Izala, des groupes très
minoritaires se dénommant eux-mêmes Ahalli-Sunna présents surtout à
Porto Novo et à Cotonou, représentent le versant le plus radical de cette
mouvance teintée de wahhabisme. En dehors de ces groupes, le fondamentalisme se décline dans tous les degrés, dans une circulation à
l’intérieur d’un réseau local de mosquées, d’écoles coraniques ou francoarabes et d’ONG islamiques internationales.
La plus grande visibilité de l’islam dans l’espace public
Le fondamentalisme se manifeste par une plus grande visibilité dans
l’espace public, dont les non-musulmans ont une perception amplifiée.
Très attachés à la forme, ils se vêtent d’une jallabia, longue tunique
blanche sur un pantalon raccourci, certains se coiffent d’un turban et tous
portent la barbe taillée à la « longueur réglementaire ». Il semble d’ailleurs
que s’impose une mode vestimentaire, le respect de ces codes permettant
l’entrée dans les cercles qui contrôlent le marché du travail religieux. Les
femmes se couvrent nécessairement du voile noir intégral quand elles
sortent. Le hijab, voile non intégral des étudiantes militantes de
l’ACEEMUB (Association culturelle des étudiants et élèves musulmans
du Bénin) prend davantage un caractère revendicatif.
La plus grande visibilité de l’islam se manifeste aussi dans le paysage
urbain et rural : grâce aux financements des ONG, des dizaines de

LES RÉFORMISTES ET L’ÉTAT AU BÉNIN

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mosquées, les « mosquées Koweït », ont fleuri dans tout le Bénin, et le
paysage religieux des villes a changé avec la construction de complexes
islamiques rassemblant une mosquée, un centre de soins, une école
coranique et parfois un orphelinat. Les fondamentalistes ont ouvert des
bibliothèques qui leur donnent pignon sur rue ; durant la dernière décennie,
ils ont conquis l’espace public de manière particulièrement spectaculaire à
Djougou (Brégand, 1999). Le souci d’éducation dans des médersas13
faisait partie du grand mouvement de réforme dès le XIXe siècle. Tous les
réformistes et fondamentalistes insistent sur la nécessité d’éduquer les
enfants dans la religion et de développer l’enseignement du français :
l’école est devenue un outil majeur de la da’wa.
Si au début des années 1990 du XXe siècle, l’arabisation accompagnait
l’islamisation et s’affirmait comme « instrument de reconstruction identitaire et langue du politique » (Otayek, 1993 : 11), aujourd’hui au Bénin, la
nécessité d’apprendre l’arabe pour comprendre le Coran demeure un fait
acquis, mais les campagnes de prosélytisme se font en français, langue
dans laquelle est traduit le Coran que distribuent les ONG. C’est certainement une des conditions de la réussite spectaculaire de la da’wa. Les
ONG, mais également des petits entrepreneurs individuels ouvrent des
écoles, encouragés par la forte demande de scolarisation. En effet, depuis
la libéralisation de l’économie, l’insuffisante capacité d’accueil des écoles
publiques et leur mauvaise réputation ont favorisé la multiplication des
écoles privées qui reçoivent des élèves issus de tous les milieux sociaux ;
même des parents faiblement rémunérés (par exemple des conducteurs de
taxi-moto, ou des domestiques), envoient leurs enfants dans les écoles
privées, car il existe au Bénin, en tout cas dans les villes, une véritable
valorisation de l’école. Le secteur de l’éducation connaît la même
évolution que le secteur de la santé : le désengagement de l’État laisse la
place aux initiatives privées et les établissements musulmans, nouveaux
sur ces marchés, suppléent aux carences des pouvoirs publics. Il y a donc
une place pour de nouvelles écoles franco-arabes, ce qui en outre crée des
emplois pour les diplômés des universités islamiques. Le succès grandissant de l’école franco-arabe tient au fait qu’elle garantit la morale
musulmane, alors que l’école publique ou chrétienne éloignerait de la foi.
Dans ce contexte, les fondamentalistes s’attachent à contrôler des
espaces : une mosquée, une école, créant ainsi les noyaux d’un réseau à
l’intérieur duquel ils circulent, pour enseigner et pour prêcher. S’il existe
13. Les médersas associent l’enseignement des disciplines modernes et de la religion.
Elles sont appelées au Bénin « écoles franco-arabes » ; on y enseigne le programme
national, la religion et l’arabe. Une partie de l’enseignement est dispensée en français.
Dans les écoles coraniques, on n’enseigne que la religion, et parfois l’arabe.

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ISLAM, ÉTAT ET SOCIÉTÉ EN AFRIQUE

des flux internationaux de capitaux (le financement des ONG par les
pétrodollars) et de prédicateurs, c’est par un travail local quotidien qu’ils
gagnent peu à peu en audience. Le local prime sur le global, ainsi certains
diplômés qui à leur retour se sont livrés à une vive contestation des imams
en place, s’établissent et deviennent des entrepreneurs religieux réinsérés
dans leur société dès lors qu’ils accèdent au poste d’imam d’une importante mosquée14.
La difficulté réside dans le risque de faire un amalgame entre tous les
réformistes. Le réformisme est en effet un phénomène pluriel et en
devenir dont la diversité se traduit par des attitudes et des prises de
position politiques différentes selon les acteurs. Si tous, en tant que
musulmans se sentent appartenir à l’Oumma et partagent la volonté de
revenir à un islam plus orthodoxe, le discours sur le monde, l’appréciation
de l’évolution politique du pays depuis maintenant quinze ans, la
projection dans le futur ne permettent aucune généralisation. Tous tiennent
un discours sur la politique, mais son contenu et les formes concrètes de
l’action varient.

Les réformistes, la politique et l’État :
« La situation est sous contrôle »
Les fondamentalistes : « Moraliser la société pour moraliser
la vie publique »
Les fondamentalistes, à l’exception de Yan Izala, ne sont pas des
islamistes : conscients de vivre en situation d’islam minoritaire, particulièrement dans les villes côtières, ils n’ont pas le projet de prendre le pouvoir
au nom de l’islam. Ils entrent dans la catégorie qu’Olivier Roy appelle
néofondamentaliste, qui se définit par une vision très stricte et littéraliste
du message coranique et par l’anti-occidentalisme (Roy, 2002).
Dans le monde entier, il est maintenant possible dès lors que l’on
dispose d’une antenne parabolique, de capter les chaînes de télévision
étrangères. Au Bénin, tous les interlocuteurs se sont révélés particulièrement bien informés ; ils suivent régulièrement des émissions d’actualité
sur les chaînes francophones et captent les chaînes arabes. Utilisateurs
14. Le cas est très net à la mosquée du complexe du quartier Zongo de Parakou. Mon
hypothèse est que le même cas de figure se retrouve à la grande mosquée du
quartier Zongo de Cotonou.

LES RÉFORMISTES ET L’ÉTAT AU BÉNIN

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d’Internet, ils trouvent leur argumentation sur des sites islamiques et
islamistes15. Si point n’est besoin d’être fondamentaliste pour critiquer
l’ordre mondial, les fondamentalistes se distinguent des autres musulmans
par la radicalité de leur discours anti-occidental. Ils partagent avec
d’autres Béninois la critique de la Banque mondiale et des ajustements
structurels, mais c’est dans le domaine des relations internationales que
leur radicalisme s’affirme. Les critiques portent également sur l’utilisation
dévoyée des progrès de la science, sur la perte des valeurs familiales, sur
la dépravation des mœurs.
Intéressés par les questions liées à l’islam qui agitent de façon récurrente l’actualité française, au cours des entretiens qui se sont déroulés de
janvier à mars 2005, ils dénonçaient l’islamophobie et la loi de mars 2004
interdisant les signes religieux à l’école et prenaient avec véhémence la
défense de Tariq Ramadan, considéré comme injustement traité par les
médias.
Il est donc logique qu’ils ne se satisfassent pas d’un système politique
calqué sur le modèle occidental dont ils ne partagent pas les conceptions
de la démocratie et des libertés publiques. Comme bon nombre de leurs
compatriotes, ils dénoncent la corruption mais se distinguent par les
solutions qu’ils proposent pour y remédier.
Ils pensent que la moralisation de la société conduira à la moralisation
de la vie publique16. Le code de bonne conduite et la morale sont au cœur
de leurs préoccupations, leurs discours expriment l’obsession des bons
comportements, et ils prônent une morale sociale sans faille. À la
question : « Comment participez-vous au développement de votre
pays ? », un membre du groupe Ahalli-Sunna répond :
« Nous participons au développement à notre façon, en moralisant la
vie sociale, parce que nous pensons que si nous ne moralisons pas la vie
sociale, la vie publique ne sera pas morale. Quand déjà à la mosquée ou à
l’église, l’homme voit qu’on lui soutire de l’argent, il ira soutirer de
l’argent dans le public. Par la da’wa, nous pouvons moraliser, nous
n’avons pas besoin d’aller au pouvoir. Y aller n’est pas contraire à l’islam.
Si vous sentez que vous pouvez améliorer, il faut y aller, car si vous sentez
que vous pouvez faire quelque chose et n’y allez pas, vous péchez. Le

15. « Islamistes » désigne ceux qui utilisent l’islam à des fins politiques ; « islamique »
se rapporte à un islam militant, prosélyte, qui ne s’accompagne pas nécessairement
du projet de s’emparer du pouvoir.
16. Voir dans ce livre la contribution d’Abdulaye Sounaye qui analyse la dimension
éthique du discours islamiste au Niger. Ses observations et ses analyses s’appliquent
aux fondamentalistes du Bénin.

198

ISLAM, ÉTAT ET SOCIÉTÉ EN AFRIQUE

prophète n’a pas été seulement un homme spirituel, il a été un homme
d’État, il a organisé la société17. »

Par le détour du religieux, ils dénoncent toutes les formes de corruption
et de détournements de fonds loin d’être éradiquées au Bénin (Blundo &
Olivier de Sardan, 2002). Pour ces hommes qui, pour la plupart appartiennent encore aux « jeunes générations », le religieux est bien le mode
d’énonciation du politique. Même les conflits pour le contrôle des
mosquées expriment la lutte des « jeunes » contre le pouvoir des aînés qui
bloquent la relève des générations. Leurs propositions de changements
s’appuient sur les règles morales, ils pensent que l’application de la Charia
permettrait de régler tous les problèmes, et idéalisent sans distinction les
États qui l’appliquent :
« Pour nous la loi divine est là. Ici, ça n’est pas possible, à moins que
tout le monde soit musulman. Nous sommes dans un pays laïque, mais
nous sommes persuadés intérieurement qu’avec la charia, on peut réglementer la société, parce qu’avec la Charia, tous les enfants doivent aller à
l’école, les droits de l’homme doivent être respectés, celui qui vole a
enfreint aux droits de l’autre homme, et là Dieu vous dit : “Coupez-lui le
bras” et là où on coupe le bras aux gens, dans ces pays il y a moins de
vols. Là où on lapide, on frappe l’adultère, c’est là où il y a le moins de
problèmes de sida. Plus la loi est rigoureuse, moins on a de problèmes de
sécurité. Nous avons des informations, au nord du Nigeria, les Ibos
reviennent car ils se sentent plus en sécurité, on ne viole plus leurs
femmes. C’est Dieu qui a amené la Charia, et on l’appliquait du temps du
Prophète18. »

Les réformistes pensent aussi que la Charia reste un idéal, mais
inaccessible car circonscrit à un contexte historique, que la réalité de la
société contemporaine ne permet pas d’atteindre19, le rapport à l’histoire
érige une barrière entre les réformistes et les fondamentalistes. Ces

17. Entretien collectif à la mosquée du quartier Tchébié à Porto Novo le 26 janvier
2005.
18. Mosquée Tchébié, même entretien. Murray Last a relevé les mêmes arguments et
les mêmes espoirs au Nord-Nigeria lorsque fut décidée l’application de la Charia
(LAST, 2000).
19. « Pour les “musulmans éclairés”, fort peu écoutés dans les instances musulmanes
officielles, la sharî’a, même dans le domaine du droit matrimonial, est une
inspiration, une voie (qui), exprimée dans un contexte précis historiquement et clos
depuis longtemps... » (CARRÉ, 1993 : 34).

LES RÉFORMISTES ET L’ÉTAT AU BÉNIN

199

derniers, dans le mythe de l’Oumma idéale20, rêvent d’un système
politique et social qui prendrait comme modèle l’époque du Prophète,
mais ils ne se situent pas hors du monde : à la différence des fondamentalistes du Tabligh qui proclament que le but de la vie est de
« préparer l’au-delà », ils pensent que la loi islamique peut changer la vie
sur terre, c’est en cela qu’ils sont proches des islamistes.
Comment concilier le désir de Charia et la laïcité de l’État ?
La laïcité, qui relève du domaine de la loi, s’applique au Bénin dans
une société non sécularisée (Roy, 2005), dans laquelle la religion et la
religiosité restent omniprésentes. La laïcité ne pose pas de problème aux
musulmans, et les fondamentalistes qui prennent la précaution de dire
qu’ils la respectent, négocient un accommodement entre leur désir de
Charia et la laïcité.
Cette contradiction vécue au quotidien concerne en premier lieu le
mariage, la famille, le divorce, l’héritage. Le premier numéro du journal
Al-Oumma Al-Islamia de la mosquée du quartier Zongo de Cotonou,
paraît le 27 juillet 2001, alors que le Code des personnes et de la famille
va être voté. Un article s’intitule : « Pourquoi pas une option de législation
pour les musulmans ? », l’auteur réaffirme la reconnaissance de la laïcité
de l’État, et au nom de la liberté de conscience et de la liberté religieuse,
demande des possibilités de dérogation aux dispositions de la loi qui,
selon lui, sont contraires à l’islam, et de conclure :
« Il est temps dès à présent d’envisager la possibilité pour certaines
catégories de citoyens de choisir une option de législation. Les musulmans
pourraient alors avoir la possibilité d’appliquer la législation coranique
dans les situations d’incompatibilité avérée avec le Code des personnes et
de la famille. »

Cette proposition resta sans suite dans les numéros suivants, ce fut
peut-être une mesure de prudence, à plusieurs reprises les pouvoirs
publics ont rappelé à l’ordre la mosquée de Zongo. La polygamie et la
réclusion des femmes forment le cœur de la contradiction entre la loi et la
Charia. Dans le nord du pays, les femmes Hausa vivaient souvent
cloîtrées, en particulier dans les familles d’alfas et d’imams ; à Parakou,
pendant la Révolution, l’armée est entrée dans les concessions et les a fait
20. APPADURAI, 2001, insiste sur la dimension imaginaire de la vie liée aux réseaux
transnationaux dans le monde globalisé.

200

ISLAM, ÉTAT ET SOCIÉTÉ EN AFRIQUE

sortir (Brégand, 1998 : 223). Dans le Sud en revanche où l’islam a été
introduit par les commerçants yorubas, il n’y a pas de tradition de
réclusion des femmes, celles-ci tiennent un rôle social très important, ainsi
à l’instar des alhadji de Parakou, les alhadja commerçantes au marché
Dantokpa de Cotonou financent la construction de mosquées, acquérant
ainsi un prestige social impensable dans le nord du pays21. Les fondamentalistes qui prônent la polygamie et la réclusion des femmes contournent
la loi en ne se mariant pas civilement, ce qui leur donne le sentiment de
vivre selon la Charia, au moins dans leur sphère privée.
Si, comme l’a rappelé un interlocuteur précédemment cité, l’islam ne
s’oppose pas à l’activité politique, sans l’espoir d’instaurer un régime
islamique, n’y aurait-il pas une contradiction à participer à un système
calqué sur celui de l’Occident honni ? Actuellement, il ne semble pas que
des fondamentalistes notoirement connus comme tels soient engagés dans
la politique institutionnelle, ils préfèrent se consacrer à leur œuvre
« d’islamisation par le bas », tandis que les réformistes n’hésitent à
développer des activités politiques.
« Séparer religion et politique » et faire de la politique
Les réformistes posent comme principe qu’« on ne peut pas mélanger
religion et politique22 », mais cela ne signifie pas un effacement ou un
retrait de leur part ; ils déploient une grande activité sur le terrain associatif et la séparation des sphères religieuse et politique les libère et leur
permet de s’engager individuellement en politique en tant que citoyens.
L’État n’intervient directement dans les affaires musulmanes que dans des
circonstances exceptionnelles, laissant à des instances d’intermédiation le
soin de régler les problèmes internes à l’islam.
Le nombre des associations islamiques enregistrées au Service des
cultes et des coutumes du ministère de l’Intérieur, de la Sécurité et de

21. Alhadji : qui a accompli au moins un pèlerinage à La Mecque ; est devenu un nom
commun pour désigner les riches musulmans (féminin : alhadja. Al-hadja).
Toukourou, riche commerçante à Dantokpa, très respectée pour sa générosité,
finance actuellement un complexe islamique dans son quartier d’Akapakpa à
Cotonou.
22. Pour l’islamologue Olivier Carré, les « rares vrais réformés et réformateurs »
montrent « que le politique et le religieux sont bel et bien distincts et que la théorie
musulmane elle-même, pas seulement la pratique, a soigneusement séparé le
spirituel du temporel, une fois close la pratique prophétique » (CARRÉ, 1993 : 34) et
pour l’auteur, c’est cela la Grande Tradition.

LES RÉFORMISTES ET L’ÉTAT AU BÉNIN

201

l’Aménagement du territoire23, certes très inférieur à celui des associations
chrétiennes, traduit la volonté de ces musulmans de se poser en acteurs de
la société civile24. La consultation du registre des associations fait émerger
des leaders de la scène islamique responsables de plusieurs associations.
En 1992, trente-deux associations musulmanes s’étaient réunies au stade
de l’Amitié (Cotonou) à l’initiative d’un politicien et soufiste, Yacoubou
Fassassi, promoteur d’une « Conférence nationale des associations
islamiques du Bénin » ou CONAIB-Shura, afin de coordonner leurs
actions, mais cette initiative échoua du fait des rivalités de pouvoir et resta
sans suite. Plus récemment, en 2000, l’imam de la mosquée du quartier
Zongo, pôle du réformisme à Cotonou, fonda le Réseau des associations
et ONG islamiques du Bénin en vue de fédérer les associations ; une
quinzaine s’y sont affiliées. D’une manière générale, les associations
poursuivent leurs actions en ordre dispersé, certaines se consacrant à la
promotion de l’éducation islamique.
Prenons l’exemple de l’OCIB (Organisation pour la culture islamique
du Bénin) qui fait partie du Réseau : elle s’est donné pour but principal
l’éducation islamique selon le Coran et la Sunna, tient deux réunions par
mois à la mosquée de l’AMAI à l’occasion desquelles des arabophones
donnent des cours et un imam fait une conférence suivie d’un débat.
L’OCIB se déclare apolitique en tant qu’association, mais ses membres
participent à titre individuel à la politique institutionnelle, dans des partis
qui peuvent s’opposer. Ils adoptent une posture laïque et, comme les
musulmans qui, depuis l’indépendance ont occupé des sièges de députés
ou des postes de ministres, ils n’entrent pas en politique en se réclamant
de l’islam, mais de leur citoyenneté25. En tant que politiciens, ils deviennent
des musulmans séculiers.
Autre exemple : l’Union des femmes musulmanes du Bénin, dirigée
par des femmes instruites, engagées dans la vie active ou retraitées26. Elles
ont axé leur programme sur la santé, l’éducation et la connaissance de
l’islam, s’occupent d’alphabétisation, d’information sur le sida, et luttent
pour la scolarisation des filles et contre la déperdition scolaire de celles-ci.
Elles donnent des conférences et, préoccupées par la condition de la
23. Ce service enregistre les demandes d’associations, et vérifie que les principes de
laïcité sont respectés, « mais, me dit un interlocuteur bien informé, ce service luimême ne sait pas très bien à quoi il sert ». Consultation du registre en février 2005 ;
Nombre de demandes enregistrées : 6 en 1992, 5 en 1993, 8 en 1994, 1 en 1995,
4 en 1996, 12 en 1997, 4 en 1998, 1 en 1999, 6 en 2000, 12 en 2001, 27 en 2002,
4 en 2003 et 2 en 2004.
24. Sur la pertinence du concept, voir PIROTTE, 2005.
25. Entretien avec le Président el-hadj Yaaya Salouf Alihou, Cotonou, 3 mars 2005.
26. Entretien chez Madame Bio Tchané, la présidente, Cotonou, 10 mars 2005.

202

ISLAM, ÉTAT ET SOCIÉTÉ EN AFRIQUE

femme, veulent « faire connaître à la femme ses droits et ses devoirs selon
le Coran ». Bien qu’elles refusent la notion de réformisme, car « il n’y a
qu’un islam », elles ont une démarche réformiste car c’est à partir de
l’interprétation du Coran qu’elles travaillent à l’amélioration de la
condition féminine, tout en faisant une lecture aux antipodes de celle des
Ahalli-Sunna. L’ACEEMUB également organise des conférences ; en
fixant parmi leurs objectifs de « former des cadres intègres », les étudiants
et étudiantes de cette association entendent bien influer sur le devenir de
leur pays. Ils veulent que les musulmans, qu’ils jugent sous-représentés
dans la haute fonction publique et dans la politique, rattrapent leur retard27.
Bien que les fondamentalistes affichent une visibilité du fait de leurs
codes vestimentaires, les réformistes musulmans, y compris les fondamentalistes, restent finalement très discrets si on les compare aux Églises
évangéliques et pentecôtistes dans le Sud du Bénin. Les religions chrétiennes ont aussi leurs fondamentalismes, la radicalisation pourrait-elle un
jour troubler la paix interreligieuse ? L’État, tout en garantissant la liberté
religieuse dans un pays où la religion prend un fort relief, doit garantir la
paix sociale. Quelle est sa politique à l’égard des communautés musulmanes régulièrement perturbées par des conflits internes ?
L’État et les communautés musulmanes : « La situation
est sous contrôle »
Les libertés de religion et d’association sont parfaitement respectées au
Bénin, les ONG et associations doivent demander la reconnaissance du
ministère de l’Intérieur, de la Sécurité et de l’Aménagement du territoire
(Pirotte, 2005 : 35). L’État dispose ainsi d’un moyen de contrôle par
l’intermédiaire des services administratifs, mais il est rare qu’il intervienne
directement dans les affaires musulmanes, laissant l’UIB (Union islamique
du Bénin) gérer les problèmes internes à l’islam. Du fait du développement de l’islamisme dans le monde et de la proximité du Nigeria, les
fondamentalistes, dont certains ont l’impression d’être sous haute surveillance, font l’objet d’une attention particulière et le contrôle s’est discrètement accentué. Les ONG islamiques, comme les autres ONG dépendent
en outre d’un ministère de tutelle correspondant à leur domaine d’activité,
par exemple la construction d’un centre de soins nécessite l’autorisation
du ministère de la Santé. Tous les directeurs d’ONG déclarent travailler
27. Entretien avec les responsables de l’ACEEMUB le 4 mars 2005. L’amir
Moudachirou Dramani qui participait à cet entretien collectif est décédé dans un
accident à la fin de l’année 2005.

LES RÉFORMISTES ET L’ÉTAT AU BÉNIN

203

avec l’État qui ne s’oppose pas à leurs projets car les constructions
d’écoles ou de centres de santé suppléent à ses propres carences. Ses
services appliquent la loi, ainsi c’est au nom de la laïcité que l’ACEEMUB
s’est vu refuser l’autorisation de construire une mosquée dans l’enceinte
du campus d’Abomey-Calavi (banlieue de Cotonou). Cette mosquée, base
de la da’wa à l’université, fut construite à l’extérieur du campus grâce à
un financement saoudien.
Le ministère de l’Éducation nationale délivre avec sévérité les agréments
aux écoles franco-arabes. L’imam de la mosquée de Zongo, personnalité
très en vue sur la scène de l’islam réformiste (ou fondamentaliste, selon
les points de vue recueillis à Cotonou), fondateur de l’école franco-arabe
en face de la mosquée, déplore le fait que ce fût un ministre musulman qui
opposa le plus d’obstacles à l’ouverture de son école. L’élection de
Mathieu Kérékou à la présidence de la République a permis de débloquer
la situation, car ce quartier de Cotonou, majoritairement musulman, a voté
en 1996 pour le candidat pentecôtiste28. Les puissantes ONG islamiques
obtiennent les agréments sans difficulté car les conditions d’études dans
leurs établissements sont souvent meilleures que dans l’enseignement
public ; en revanche, pour les écoles ouvertes avec peu de moyens par des
diplômés qui créent ainsi leur emploi, la situation s’avère périlleuse car les
locaux correspondent rarement aux normes, se réduisent même quelquefois à un auvent, et les enseignants n’ont pas toujours les qualifications
exigées pour la reconnaissance par l’État.
Lorsqu’éclatent des problèmes internes à la communauté musulmane,
l’État n’intervient qu’en cas de désordre public, l’UIB joue un rôle
d’intermédiation en assurant l’articulation entre des acteurs musulmans
individuels ou collectifs et les instances politiques centrales29. Fondée en
1984, l’UIB s’est structurée en reprenant le découpage administratif du
Bénin, avec un bureau national et des bureaux départementaux. Ses
responsables sont maintes fois intervenus pour apaiser des conflits entre
les traditionalistes d’une part et les arabisants et ONG islamiques d’autre
part. Les conflits éclatent par exemple lorsqu’une ONG ayant construit
une mosquée veut imposer un imam, ce fut le cas à Parakou où l’AMA a
construit plusieurs mosquées, dont celle du complexe islamique de Zongo.
La situation y fut tellement tendue au moment de la nomination de
28. Les musulmans béninois (majoritaires dans le Nord du pays), mais également ceux
du quartier Zongo de Cotonou soutiennent M. Kérékou.
29. Marie Miran (2005) donne de l’UIB un point de vue très négatif, qui est celui de ses
détracteurs, la communauté musulmane étant très divisée, comme le remarque
justement l’auteur. Tout ce qui suit se base sur mes propres observations de terrain
plusieurs années consécutives dans le Nord et en janvier-mars 2005 dans le Sud, et
sur des entretiens avec les acteurs concernés par les événements relatés.

204

ISLAM, ÉTAT ET SOCIÉTÉ EN AFRIQUE

l’imam, que le ministre de l’Intérieur s’y déplaça. Il y eut également un
grave conflit lorsque l’AMA voulut inaugurer une mosquée à l’extérieur
de Parakou et la déclarer « mosquée zuma » (mosquée du vendredi)
malgré l’opposition formelle des imams en place. Une telle situation se
reproduisit dans d’autres localités, chaque fois, le président de l’Union
islamique du département du Borgou dut assurer la médiation.
De manière récurrente se pose la question du calendrier ; en effet, le
début et la fin du mois de Ramadan sont fixés par les instances officielles
de l’islam30 et ne sont pas suivis par les imams réformistes qui s’alignent
sur l’apparition de la lune en Arabie saoudite, avec un jour de décalage.
Les fêtes religieuses sont donc célébrées deux jours différents, à un jour
d’intervalle, ce qui complique la vie publique, puisque toutes les fêtes
religieuses sont des jours fériés au Bénin.
Conscients d’avoir été affaiblis par leurs divisions et soucieux de redynamiser l’action de l’UIB, ses membres ont élu un nouveau bureau lors du
congrès de décembre 2003, et ont décidé de se consacrer davantage à la
promotion de l’enseignement islamique. Dans le nouveau bureau où se
côtoient des traditionalistes et des cadres formés dans le système
occidental, les positions ne sont pas figées, les idées réformistes ont
pénétré l’UIB, la priorité donnée à l’éducation islamique en est un indice.
Durant les entretiens, il arrive de trouver des membres de l’UIB sur la
crête entre traditionalisme et réformisme, certains sont plus modernistes31
que d’autres, mais tous partagent la volonté de s’opposer au développement du fondamentalisme et évoquent l’exemple du Nigeria. La plupart
d’entre eux déclarent ne pas être inquiets, car, disent-ils : « La situation est
sous contrôle ». Quelques énoncés rendent compte de leurs préoccupations et de leur détermination :
« Nous sommes en train de faire un effort pour que ceux-là qui veulent
diriger l’islam, se calment, et qu’on fasse l’unité islamique dans notre
pays. À Kano, ils croisent les bras, si tu ne croises pas, ils peuvent te tuer.
Nous ne voulons pas de ces histoires-là dans notre pays, nous sommes en
train de lutter pour cela, pour un islam en paix. »
« Il y a des jeunes qui sont revenus des pays arabes et ils ont voulu
changer les choses, mais ils ont rencontré une résistance, et je pense qu’ils
sont calmés, ils sont obligés. Quand il y a des tentatives de s’imposer, ils
sont vite maîtrisés ».
30. Conseil supérieur de l’islam au Bénin, UIB.
31. « Modernistes » dans la mesure où ils préconisent d’abandonner certaines pratiques
et de repenser l’islam dans le contexte contemporain.

LES RÉFORMISTES ET L’ÉTAT AU BÉNIN

205

Le contrôle est exercé par les musulmans eux-mêmes, ce qui n’exclut
pas de la part de l’État le recours aux moyens habituels qu’utilise le
pouvoir quand il veut faire surveiller des individus ou des groupes.
* * *
L’islam au Bénin connaît une progression qui encourage les différents
acteurs à poursuivre la da’wa, et ils sont de plus en plus nombreux à s’y
engager. Le dynamisme de l’islam est stimulé par l’activisme des
nouveaux courants, mais aussi par la concurrence des Églises évangélistes
et pentecôtistes. Le réformisme et le fondamentalisme restent un phénomène urbain, car la vie urbaine est ouverte aux influences extérieures,
favorise l’individualisation et rend le changement possible. De plus, dans
les villes convergent les diplômés dans l’espoir de trouver un emploi dans
une ONG islamique ou dans une école. À partir de là, les prédicateurs
partiront dans les villages où les ONG construisent des mosquées et, en
moins grand nombre, des écoles. Le réformisme, pluriel et pragmatique,
gagne de nouvelles couches de musulmans dont certains viennent de
l’islam traditionaliste ; parmi eux, des personnalités se sont affirmées
comme de véritables acteurs de la démocratisation, militants de la paix
sociale et pour un islam pacifique et cohabitationniste, dignes héritiers de
la tradition d’el-hadj Salim Suwari (Wilks, 1968). Ils sont conscients des
évolutions en cours, et un imam remarque avec indulgence : « On peut
parler d’un réveil islamique sous contrôle d’éviter l’euphorie d’une
jeunesse qui vient de naître ; il faut qu’ils étudient le terrain ». Le
réformisme, le fondamentalisme traversent les communautés musulmanes
du monde entier, mais les réformistes béninois, y compris leur branche
extrême fondamentaliste, se montrent finalement très attachés à leur
société et à la paix, le local l’emporte sur le global. Il y a une seule société,
composée de musulmans, de chrétiens et d’adeptes des religions
traditionnelles, et les rivalités politiques ne conduisent pas au Bénin à
mettre en exergue les clivages religieux. Face à ce renouveau difficile à
saisir, l’État semble rester à distance et laisser l’UIB gérer les questions
touchant l’islam, une UIB très confiante, dont un membre déclare : « Au
Bénin, tout est sous contrôle, il n’y a pas de problème, et quand il y en
aura, on est bien placé pour intervenir ». Sous contrôle, sans doute, mais
pour combien de temps ? L’islam traditionaliste manque de relève, aussi
le visage de l’islam changera-t-il nécessairement avec le renouvellement
des générations. Les confréries se renouvèlent aussi avec l’arrivée de
nouveaux ordres mystiques qui restent très élitistes. Le changement peut
être dominé par un renouveau endogène, qui tout en se rapprochant de

206

ISLAM, ÉTAT ET SOCIÉTÉ EN AFRIQUE

l’orthodoxie du texte coranique se situe dans la continuité de tolérance et
d’ouverture qui a caractérisé et caractérise encore l’islam au Bénin. Ces
forces existent, mais elles peuvent être dépassées par le fondamentalisme
rigoriste militant, qui ne connaît que le Coran et la sunna et réfute toute
idée de culture.
En outre, sans tomber dans le déterminisme, nous pouvons poser pour
le futur la question du rapport entre la radicalisation politique et l’aggravation des inégalités. Un intellectuel béninois musulman, membre de la
Qadiriyya, très actif sur la scène islamique locale, qui s’est rendu en juin
2004 à un séminaire organisé à Islamabad par le Pakistan sur le thème
« La modération éclairée face à l’islamisme et au terrorisme », conclut
ainsi : « Qu’est-ce qui crée l’intégrisme ? Ce sont l’injustice sociale et la
pauvreté qui font le lit de l’intégrisme. »

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