Affirmations féminines islamiques dans les villes du Sud Bénin

Contenu

Classe de ressource
Book Section
Titre
Affirmations féminines islamiques dans les villes du Sud Bénin
liste des auteurs
Denise Brégand
Book Title
L'Afrique des générations : entre tensions et négociations
Place of Publication
Paris
Editeur
Karthala
Date
2012
première page
73
dernière page
119
Langue
Français
ISBN
978-2-8111-0631-7
Wikidata QID
Q113531167
Couverture spatiale
Bénin
extracted text
2
Affirmations féminines islamiques
dans les villes du Sud Bénin
Denise BRÉGAND*
Au Bénin, comme dans d’autres pays africains, le processus
de démocratisation des années 1990 a été marqué par l’affirmation
du religieux dans l’espace public. Dans le même temps, l’offre
religieuse se diversifiait avec la multiplication des églises
chrétiennes, essentiellement évangéliques et pentecôtistes1 et en ce
qui concerne l’islam, avec d’une part l’installation de nouveaux
courants et d’autre part la visibilité de courants déjà présents au
Bénin, mais restés discrets pendant le régime de la révolution. Les
ordres mystiques Nimatullahi et Alawiyya s’installaient à Porto
Novo, respectivement en 1991 et en 1997, la Ahmadiyya et le
Tabligh, mouvements prosélytes transnationaux nés dans l’Inde
britannique, présents au Bénin depuis la décennie 1960 pour la
Ahmadiyya et depuis 1981 pour le Tabligh, se déployaient dans les
villes du sud à partir desquelles ils gagneraient le nord. D’abord
représentée par les arabisants de retour des universités arabes et par
les Organisations non gouvernementales (ONG) islamiques
transnationales rejoints par une élite francophone instruite dans le
système scolaire et universitaire de type occidental, la mouvance
« réformiste » est celle qui a le plus fort impact. La catégorie
« réformiste » englobe les acteurs de la réislamisation qui veulent
ramener les croyants à un islam jugé par eux orthodoxe, non
confrérique, et islamiser la vie quotidienne. Ils dénoncent les
pratiques ancrées dans les cultures locales, telles les cérémonies
dispendieuses qui accompagnent les mariages et décès. Ils prônent

* LAM-Bordeaux. d.bregand@sciencespobordeaux.fr
1. Mayrargue, Cédric, Dynamiques religieuses et démocratisation au Bénin :
pentecôtisme et formation d’un espace public, Thèse de doctorat en Sciences
politiques, Bordeaux IV, 2002.

74

L’AFRIQUE DES GÉNÉRATIONS

l’éducation, l’ijtihad2 et recherchent la voie d’une modernité non
occidentale. La plupart de ces militants et militantes islamiques
réfutent le terme « réformiste », ils se dénomment eux-mêmes
Ahalli sunna (gens de la tradition)3. Ce courant, hétérogène,
comporte une frange « fondamentaliste » dont les acteurs font une
lecture littéraliste des textes sacrés et s’attachent à une
réislamisation conservatrice, en particulier en ce qui concerne les
femmes4. Le « fondamentalisme » n’est pas ici considéré comme un
courant différent du « réformisme », mais comme sa variante la plus
rigoriste, la plus radicale. Tous se reconnaissent comme appartenant
à un même mouvement, ils se sont lancés dans la da’wa5, et les
femmes, absentes du mouvement des arabisants et ONG islamiques
transnationales, trouvent leur place au sein de l’élite francophone.
Ils se sont structurés dans le cadre associatif qui s’est développé
grâce aux lois garantissant les libertés publiques, et particulièrement
grâce à la liberté d’association affirmée dans la constitution adoptée
en décembre 1990. Les insuffisances de l’État dans les domaines de
la santé, de l’éducation et de l’aide aux plus démunis offrent un
terrain d’action aux acteurs de la da’wa, les femmes y participent,
tant au sein d’associations mixtes telle l’Association culturelle des
élèves et étudiants musulmans du Bénin (ACEEMUB), qu’au sein
d’associations strictement féminines, plus rares, comme le Conseil
national de sœurs musulmanes du Bénin ou les associations de
femmes mariées constituées en vue de suivre un enseignement
religieux.
2. Ijtihad : effort d’interprétation des textes sacrés.
3. Cette réfutation est générale. En outre, l’auto-désignation « ahalli sunna » par
ces prosélytes d’un islam orthodoxe est spécifique à l’Afrique occidentale. En
Asie, ce sont les musulmans sunnites non réformistes (quelquefois catégorisés
comme « traditionnalistes ») qui se dénomment ainsi. Ces questions ont été
développées au séminaire de l’Institut d’Etudes de l’Islam et des Sociétés du
Monde Musulman (IISMM), « Multipolarités et nouvelles centralités en islam »
sous la responsabilité d’Andrée Feillard, Elizabeth Allés, Amina Mohamed-Arif
et Eric Germain (année 2008-2009) portant sur les catégorisations.
4. Olivier Roy emploie la catégorie « néo-fondamentalisme » pour désigner
l’interprétation littéraliste des textes et l’anti-occidentalisme culturel (Roy,
Olivier, L’islam mondialisé, Paris Seuil, 2002, référence p. 134).
5. Da’wa : appel à l’islam.

AFFIRMATIONS FÉMININES ISLAMIQUES AU SUD BÉNIN

75

Cette étude s’intéresse aux femmes musulmanes vivant dans
les villes du sud du Bénin où l’islam reste une religion minoritaire :
les musulmans représentent en effet 25,1% de la population de
Porto Novo, la capitale politique, et 14,2% de la population de
Cotonou, la capitale économique6. Dans les villes du Golfe du
Bénin, les femmes jouent un rôle actif dans l’économie,
elles « tiennent » le marché Dantokpa de Cotonou, des femmes
musulmanes figurent parmi les grandes commerçantes importatrices
et parmi les membres de l’Association des femmes d’affaires et
chefs d’entreprises du Bénin (AFACEB). Bien que les
discriminations soient loin d’avoir disparu en dépit des progrès
législatifs7, les élites féminines ont fait leur percée sur la scène
politique, et les femmes se sont imposées dans la société civile.
Ainsi, c’est une femme, Rekya Madougou, qui a lancé en juin 2004
le mouvement « Touche pas à ma constitution »8. Dans ce pays qui
a inscrit la laïcité dans sa constitution, et où fut voté en 2004 un
Code de la famille totalement laïc, la situation diffère de celle que
connaissent d’autres pays que la constitution déclare laïcs, mais où
l’islam domine le champ religieux et se trouve en mesure d’opposer
à des dispositions législatives « l’argument péremptoire et absolu du
sacré » comme le constate Fatou Sow au Sénégal9. Nous pouvons
également citer le Mali où les associations de femmes musulmanes
s’opposent au Code de la famille qu’elles jugent dicté par les
6. Source : recensement de la population de 2002.
L’islam est religion majoritaire dans les départements du Nord où il est présent
depuis le XVème siècle (voir Brégand, Denise, Commerce caravanier et relations
sociales au Bénin. Les Wangara du Borgou, Paris, L’Harmattan, 1998). Les
premiers noyaux musulmans dans le sud s’implantèrent dans la seconde moitié du
XIXème siècle : groupes de commerçants hausa venus du Nigeria, esclaves
revenus du Brésil dont les descendants sont appelés agudas.
7. Rapport du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des
femmes, Nations Unies, 22 juillet 2005, Document en ligne sur le site
www.un.org/womenwatch/daw/cedaw/cedaw33/conclude/benin/0545055F.pdf
8. Ce mouvement a mobilisé la société civile et a empêché le président Mathieu
Kerekou de modifier la constitution afin de pouvoir briguer un troisième mandat.
9. Sow, Fatou, « Les femmes, l’État et le sacré », in Gomez-Perez, Muriel (dir.)
L’islam politique au Sud du Sahara. Identités, discours et enjeux, Paris, Karthala,
2005, p. 281- 307, référence p. 283.

76

L’AFRIQUE DES GÉNÉRATIONS

institutions internationales10. C’est donc au sein même de leur
communauté de croyants et dans la famille patriarcale que les
critères religieux interviennent comme facteurs déterminants dans
l’existence des femmes musulmanes.
Il est impossible d’énoncer des généralités sur la condition
des femmes musulmanes dans le sud du Bénin, car elles connaissent
des situations variées, selon l’ethnie à laquelle elles appartiennent,
la situation sociale de leur famille, rurale ou urbaine, leur niveau
d’instruction et le rôle économique qu’elles tiennent
personnellement. Si nous comparons les groupes yoruba et hausa où
l’ancrage de l’islam est le plus ancien11, les femmes yorouba
jouissent d’une indépendance tant privée qu’économique, tandis
que les femmes hausa des quartiers zongo12 vivaient et vivent
encore parfois en claustration après le mariage, et nous verrons que
cette pratique connait un renouveau dans des ménages non
nécessairement hausa, au nom d’une interprétation littéraliste des
textes et selon le modèle de ce qu’est supposée avoir été la société
de Médine au temps du Prophète. Avec les nombreuses conversions
et les déplacements de populations venant du Nord du pays ou des
pays voisins, l’islam ne se limite plus aux groupes hausa et yoruba.
Il se dessine une « sphère islamique »13 plurielle dont aucune
10. Jonckers, Danièle, « Associations islamiques et enjeux démocratiques au
Mali. De l’affirmation identitaire à la contestation de l’État et des institutions
internationales », in Caratini, S. (éd.) La question du pouvoir en Afrique du Nord
et de l’Ouest, volume 2, Affirmations identitaires et enjeux de pouvoir, Paris,
L’Harmattan, 2009, p. 99-130.
11. Cooper, Barbara, « Gender and religion in Hausaland: variations in Islamic
Practices in Niger and Nigeria », in Bodman, H., Nayereh, T. (ed.), Women in
Muslim Societies, Diversity Within Unity, Boulder & London, Lynne Rienner
Publishers, 1998, p. 21-37 ; Pellow, Deborah, « From Accra to Kano: One
Woman’s Experience », in Coles & Mack (eds.), Hausa Women in the Twentieth
Century, Madison, London, University of Wisconsin Press, 1991, p. 50-68 ;
Callaway, B. and Creevey, L., The Heritage of Islam, Women, Religion &
Politics in West Africa, Boulder & London, Lynne Rienner Publishers, 1994.
12. Les quartiers zongo, fondés par les Hausa, existent dans la plupart des villes
d’Afrique occidentale.
13. Launay, Robert et Soares, Benjamin F., « La formation d’une sphère
islamique en Afrique Occidentale Française (1895-1958) », in Holder, Gilles
(éd.), L’islam, nouvel espace public en Afrique, Paris, Karthala, 2009, p. 63-100.

AFFIRMATIONS FÉMININES ISLAMIQUES AU SUD BÉNIN

77

composante ne reste figée, car aucune n’échappe à l’évolution de la
société béninoise au plan local, et aux dynamiques de l’islam dans
le monde.
C’est dans ce contexte d’islam minoritaire et en expansion,
auquel les actions de da’wa confèrent un dynamisme certain, que
les jeunes14 « réformistes » étudient l’arabe et les textes dans le but
d’ijtihad, comme effort d’interprétation et de réflexion, afin de
trouver dans le Coran et les hadiths, des réponses aux questions de
l’existence et du monde d’aujourd’hui. Leur entrée sur la scène
islamique s’inscrit dans le mouvement plus large d’affirmation de la
jeunesse sur la scène publique qui débute durant la décennie 1990 et
s’affirme au début du XXIème siècle, en particulier par le
mouvement associatif. Les jeunes femmes « réformistes » qui,
contrairement à leurs mères, ont reçu une éducation scolaire et
religieuse, se placent dans un cadre de référence islamique en
s’appuyant sur les textes, pour s’opposer à des pratiques culturelles
qu’elles considèrent étrangères à l’islam. En se réclamant d’un
islam détaché des cultures locales, d’une pratique individualisée,
sans intermédiaire entre Dieu et le croyant, elles se rattachent à
l’« islam mondialisé »15 ce qui correspond pour elles à une
redéfinition identitaire. Ce phénomène, général dans le monde
musulman, s’est développé en Afrique occidentale autant dans les
pays pluriconfessionnels, comme la Côte d’Ivoire16 que dans les
Le concept de « sphère islamique » semble plus approprié en milieu d’islam
minoritaire que celui d’ « espace public islamique » car il rend compte de la
discontinuité et de la fluidité, à distance des appartenances identitaires
« particulières » et de l’État.
14. La catégorie « jeunes » regroupe ici ceux qui ne sont pas encore établis,
restent de ce fait dépendants, les jeunes hommes ont entre vingt et quarante ans,
les filles sont évidemment beaucoup plus jeunes, car l’âge au mariage est plus
précoce pour elles que pour les hommes. Sur la jeunesse, voir Politique africaine,
No. 80, 2000; Gomez-Perez, Muriel, LeBlanc, Marie Nathalie et Savadogo,
Mathias, « Young men and Islam in the 1990s: Rethinking an Intergenerational
Perspective » in Journal of Religion in Africa, 39, 2, 2009, p. 186-218.
15. Roy, Olivier, op. cit., 2002.
16. LeBlanc, Marie Nathalie, Youth, Islam and Changing Identities in Bouaké,
Côte d’Ivoire, PhD. Thesis, Department of Anthropology, University College,
London, UK, 1998 ; « L’orthodoxie à l’encontre des rites culturels. Enjeux
identitaires chez les jeunes d’origine malienne à Bouaké (Côte d’Ivoire) », in

78

L’AFRIQUE DES GÉNÉRATIONS

pays où l’islam domine très largement le champ religieux, comme
le Sénégal17, le Niger18, le Mali19. Sans que ces évolutions
s’expriment nécessairement par des ruptures brutales entre les
générations, elles se traduisent par une prise de distance des jeunes
femmes « réformistes » par rapport aux autres musulmanes20.
Les militantes « réformistes » qui portent obligatoirement le
hidjab peuvent s’appuyer sur des aînées qui furent des pionnières
dans la promotion de l’éducation et des droits des femmes
musulmanes. En effet, parmi les femmes des anciennes générations,
une petite minorité a pu suivre des études secondaires et
universitaires dans le système occidental, colonial ou postcolonial.
Ces femmes, dont une partie a maintenant atteint l’âge de la retraite,
ont développé des carrières de cadres dans les secteurs public ou
privé, et militent aujourd’hui pour l’amélioration de la condition des
femmes musulmanes. Elles se sont engagées dans un travail
d’explication et de persuasion auprès des familles musulmanes tant
Cahiers d’études africaines, XLVI, 2, 182, 2006, p. 417-436 ; « Imaniya and
Young Muslim Women in Côte d’Ivoire », in Anthropologica, 49, 1, 2007, p. 3550 ; « Nouveaux regards sur la vie associative des jeunes femmes : les jeunes
musulmanes en Côte d’Ivoire », in Fourchard, Laurent, Goerg, Odile et GomezPerez, Muriel (éd.), Lieux de sociabilité urbaine en Afrique, Paris, L’Harmattan,
2009, p. 435-459 ; Miran, Marie, Islam, histoire et modernité en Côte d’Ivoire,
Paris, Karthala, 2006.
17. Augis, Erin, « Dakar’s Sunnite Women: the Politics of Person », in GomezPerez, Muriel (dir.), op. cit., 2005, p. 309-325 ; Cantone, Cléo, «"Radicalisme" au
féminin? Les filles voilées et l’appropriation de l’espace dans les mosquées à
Dakar », in Gomez-Perez, Muriel (dir.), op. cit., 2005, p. 119-130 ; Gomez-Perez,
Muriel, « The Association des Etudiants Musulmans de l’Université de Dakar
(AEMUD) between the Local and the Global: An Analysis of Discourse », in
Africa Today, Vol. 54, 3, 2008, p. 95-117 ; Villalon, Leonardo, Alfonso,
« Generational Changes, Political Stagnation and the Evolving Dynamics of
Religion and Politics in Senegal », in Africa Today, 46, 3-4, 1999, p. 129-147.
18. Alidou, O., Alidou, H., « Women, Religion and the Discourses of Legal
Ideology in Niger Republic », in Africa Today, Vol. 54, 3, 2008, p. 21-36 ;
Masquelier, Adeline, Women and Islamic Revival in a West African Town,
Bloomington, Indiana University Press, 2009.
19. Schulz, Dorothea, « (Re)Turning to Proper Muslim Practice: Islamic Moral
Renewal and Women’s Conflicting Assertions of Sunni Identity in Urban Mali »,
in Africa Today, Vol. 54, 3, 2008, p. 20-43 ; Jonckers, Danièle, op. cit., 2009.
20. Schulz, op. cit., 2008.

AFFIRMATIONS FÉMININES ISLAMIQUES AU SUD BÉNIN

79

en ce qui concerne la scolarisation des filles que les questions
relatives à la santé. Ces pionnières non voilées de l’Union des
femmes musulmanes du Bénin (UFMB) assurent le relai entre les
jeunes des associations « réformistes » et les femmes des
générations plus anciennes qui n’ont en général pas reçu
d’instruction religieuse approfondie et pratiquent l’islam, tel qu’il
leur a été transmis, le plus souvent au sein de la Tidjaniyya.
Nous voulons montrer, dans ce texte, que si des différences
notables existent entre les générations présentées par le biais du
mouvement associatif, il serait réducteur de considérer que les
jeunes femmes « réformistes » sont seules détentrices de la
modernité, alors que les générations de leurs mères et grand-mères
resteraient attachées à un islam figé et se cantonneraient dans le
passéisme et le local.
Cette étude, basée sur des enquêtes effectuées en 2005, 2006
et 2008, dans les associations islamiques, « réformistes » et non
« réformistes » à Cotonou et Porto Novo, présente des femmes de
plusieurs générations engagées dans le mouvement associatif. Du
fait du caractère minoritaire de l’islam dans ces villes, de surcroît
nettement moins peuplées que les grandes villes ouest-africaines
comme Abidjan, Dakar ou les villes nigérianes21, le mouvement
associatif islamique n’y a pas le caractère massif qu’il atteint dans
ces dernières, et le nombre de participantes doit être relativisé en
tenant compte de la démographie. En outre, aujourd’hui au Bénin,
la plupart des musulmanes, de même que les hommes,
n’appartiennent ni aux confréries, ni au mouvement dit
« réformiste », elles sont des musulmanes « ordinaires », leur façon
de vivre leur religion les rattache à l’« islam mondain » entendu
comme « l’islam dans le monde actuel ou comment être musulman
dans les sociétés et sphères séculières», selon la définition qu’en
donnent R. Otayek et B. Soares22.

21. Environ un million d’habitants dans l’agglomération de Cotonou, plus de 4
millions dans celle d’Abidjan et plus de 2 millions à Dakar. La population du
district d’Abidjan équivaut à plus de la moitié de celle de tout le Bénin.
22. Otayek, René et Soares, Benjamin, (éd.), Islam, État et société en Afrique,
Paris, Karthala, 2009, référence p. 35.

80

L’AFRIQUE DES GÉNÉRATIONS

La première partie présente les associations féminines
islamiques dans lesquelles les femmes se retrouvent majoritairement regroupées par générations, sans qu’il existe pour autant un
clivage radical entre les générations. La seconde partie s’intéresse
aux jeunes femmes que leur militantisme place au cœur de la
réislamisation et qui se forgent une nouvelle identité musulmane par
leur niveau d’éducation religieuse et l’image de moralité que leur
confère le port du hidjab ou de voiles plus couvrants. La troisième
partie interroge les changements que les jeunes femmes peuvent
introduire dans leur vie en se situant dans un paradigme islamique.
Un mouvement associatif islamique féminin générationnel
plutôt qu’intergénérationnel
Dans l’islam tel qu’il s’est développé au sud du Bénin, les
femmes vivaient leur religion à la maison ou dans des espaces
séparés des hommes, ceci indépendamment de leur rôle social.
Cette religiosité sans mixité s’insérait très bien dans une société
dans laquelle hommes et femmes développaient des sociabilités
séparées. Actuellement, les femmes des générations aînées, tout en
participant à des associations de quartier, de développement, à des
associations professionnelles non confessionnelles, se rencontrent
dans des groupes à vocation religieuse : les groupes « assalat ».
Cette première partie présente trois types d’associations : les
groupes assalat, l’Union des femmes musulmanes du Bénin
(UFMB), fondée par des femmes appartenant aux mêmes
générations (d’aînées), qui ont reçu une éducation et se sont
engagées dans une action culturelle et sociale, et les associations
« réformistes » dans lesquelles militent les jeunes femmes.
Les groupes assalat : indépendance des femmes et ouverture à la
transnationalisation
Dans l’islam confrérique, mais également dans l’islam non
confrérique tel qu’il est pratiqué depuis son introduction au Bénin,
il est recommandé aux jeunes femmes de prier chez elles, car elles
pourraient distraire les hommes en prière et souiller les lieux sacrés
durant les périodes considérées comme périodes d’impureté, mais

AFFIRMATIONS FÉMININES ISLAMIQUES AU SUD BÉNIN

81

tout cela change avec la ménopause qui voit les mosquées s’ouvrir à
elles pour la prière du vendredi ; à la mosquée centrale de Jonquet à
Cotonou, elles se tiennent dans un bâtiment différent de celui des
hommes d’où elles suivent la prière et le sermon diffusés par hautparleur. Mais le dimanche, la mosquée leur appartient. Elles ont
constitué des groupes de prière, les groupes assalat, qui se
réunissent le dimanche dans les mosquées centrales et au moins une
fois par semaine en général dans un lieu différent. Toutes de blanc
vêtues, les cheveux couverts d’un voile ample ne cachant pas le
visage, elles chantent et psalmodient pendant des heures sous la
direction d’alfas.
L’enquête anthropologique s’est déroulée dans la plus grande
convivialité, dès lors que je leur eus expliqué le sens de ma
présence, elles m’ont convié à passer des dimanches à la mosquée :
« Vous pouvez rester et prendre des photos, nous sommes fières de
notre islam », me fut-il dit à la mosquée de Jonquet. Je présenterai
les deux groupes assalat que j’ai fréquentés en 2005, 2006, 2008 :
le groupe de Jonquet présidé par al hadja Ousmane Nassarate, et le
groupe « NASFAT au Bénin » présidé par al hadja Naïma
Toukourou, qui se réunit dans la mosquée qu’elle a fait construire
au quartier Fifadji d’Akpakpa à Cotonou.
Le groupe al-Fatih ul-Quareeb de la mosquée de Jonquet
La présidente al hadja Ousmane Nassarate, épouse de l’imam
central de Jonquet23, a, durant sa vie active, dirigé un atelier de
couture et tenu une boutique de vêtements qu’elle a laissée à l’une
de ses filles ; maintenant à la retraite, elle se consacre à ses activités
religieuses au sein de son groupe assalat. Une quarantaine de
femmes de tous âges se réunissent le dimanche matin à la mosquée
de Jonquet et le jeudi matin dans la petite mosquée qui fait face à la
maison de l’imam. La plupart appartiennent à la Tidjaniyya,

23. Il y a plusieurs mosquées centrales (pour la prière du vendredi), mais un seul
imam central, hiérarchiquement au-dessus des autres.

82

L’AFRIQUE DES GÉNÉRATIONS

branche non nyassène24. Sous la direction d’alfas qui se tiennent
devant elles sans aucune séparation, elles chantent durant des
heures en égrenant leur chapelet : répétition des plus beaux noms
d’Allah, réponse aux chants des alfas, prières lues dans une
translittération de l’arabe en caractères latins ; durant les stations
debout, le mouvement du corps rythme leur chant. Interrogée sur la
pratique du chant, al hadja répond en français : « Nous chantons
pour faire descendre l’esprit »25. Si cela évoque les séances de dhikr
de la Tidjaniyya, le vocabulaire employé est ici celui des groupes
évangéliques. À la fin de l’office, l’alfa prononce un sermon
adressé aux femmes dans lequel il développe les thèmes récurrents
tels que la pureté et l’impureté des femmes, thème partagé avec les
prédicateurs les plus « fondamentalistes » et pourfendeurs des
confréries. Plusieurs quêtes sont effectuées durant la séance, l’alfa
vend le calendrier de prières de la semaine à venir, la présidente
distribue des fascicules dont certains ont été offerts par l’Agence
des musulmans d’Afrique (ONG qui prône un islam orthodoxe),
nous voyons que les codes et les discours se mélangent.
En 2005, ce groupe se réunissait depuis une dizaine d’années
et l’Association (fédération) des groupes assalat existait depuis
deux ans. La présidente, à qui je demande comment l’idée lui est
venue, répond classiquement : « C’est Dieu qui me l’a envoyée », et
précise dans la suite de la conversation, que ces groupes font
beaucoup de bien aux femmes, celles qui ont des problèmes y
trouvent un soulagement, ce qui évoque encore les groupes
évangéliques et pentecôtistes.
En rejoignant le réseau nigérian Al Fatih-ul-Quareeb Islamic
Society of Nigeria, dont le siège se trouve à Lagos, le groupe
assalat est entré dans une démarche de transnationalisation, comme
le groupe d’al hadja Toukourou affilié à la Nasrul-Lahi-il Fathi
Society. Cette affiliation, effective entre 2005 et 2006, s’insère dans
un mouvement général de transnationalisation à l’échelle ouest24. Sur la pluralité au sein de la Tidjaniyya au Bénin, voir Abdoulaye, Galilou,
L’islam béninois à la croisée des chemins. Histoire, politique et développement,
Köln, Mainzer Beiträge zur Afrikaforschung, Rüdiger Köppe Verlag, 2007.
25. Entretien avec Al hadja Naserate Ousmane, à la mosquée de Jonquet, le 13
février 2005.

AFFIRMATIONS FÉMININES ISLAMIQUES AU SUD BÉNIN

83

africaine, généré par la venue fréquente de représentants nigérians
et touche autant les groupes chrétiens que musulmans. Pour les
membres des confréries, et de surcroît s’ils sont hausa ou yoruba,
les liens avec le Nigéria sont permanents, au sein des réseaux
confrériques ou des réseaux de commerce.
La Nasrul-Lahi-il Fathi Society (NASFAT) à Fifadji-Cotonou
Le groupe assalat d’al hadja Toukourou est entré dans le
réseau de la Nasrul-Lahi-il Fathi Society of Nigeria (NASFAT),
présente au Bénin depuis 2003 et qui a son siège à Lagos. Al hadja
Naïma Toukourou26, âgée de soixante-quinze ans, commerçante au
marché Dantokpa de Cotonou, importatrice de tissus et de dentelles
suisses, a assumé des responsabilités au sein de l’Association des
femmes d’affaires et chefs d’entreprise du Bénin (AFACEB), et a
effectué de nombreux voyages en Europe, aux États-Unis et en
Asie. Elle fait partie de ces entrepreneurs et entrepreneuses africains
qui n’ont pas attendu le discours sur la mondialisation pour
développer des échanges avec les autres continents, dès les années
1980.
Fervente adepte depuis plus de vingt ans de la Tidjaniyya
nyassène où elle est considérée comme une quasi-sainte, tous les
soirs, après avoir passé la journée dans sa boutique du marché
Dantokpa, elle va prier dans la zaouyya27 de feu l’imam Yaro,
cheikh de la Tidjaniyya nyassène. Présentes au Nigéria dans les
réseaux de la Tidjaniyya28, des femmes pieuses et parfois savantes

26. Ce qui suit découle de la fréquentation répétée de son groupe assalat durant
les « terrains » de février-mars 2006 et 2008, et d’un entretien à son domicile le
17 février 2008.
27. Zaouyya : nom local de zâwiya, désignant la maison du cheikh d’une
confrérie, où il forme ses disciples et où les adeptes viennent prier.
28. Hutson, Alaine S., « The development of Women’s Authority in the Kano
Tidjaniyya, 1894-1963 », in Africa Today, Vol. 46, 3-4, 1999, p. 43-64, et
« Women, Men, and Patriarchal Bargaining in an Islamic Sufi Order: The
Tijaniyya in Kano, Nigeria, 1937 to the Present », in Gender & Society, 15, 5,
October 2001, p. 734-753.

84

L’AFRIQUE DES GÉNÉRATIONS

se sont fait une réputation dans le califat de Sokoto29, au Sénégal30
et au Mali31. Al Hadja Toukourou se trouve à la tête d’une grosse
fortune grâce à laquelle après avoir financé la construction d’une
mosquée et d’une école coranique à Sakete, elle a financé la
construction d’une grande mosquée à Porto Novo et d’une mosquée
de quartier à Cotonou32, puis a fait construire un centre islamique à
côté de sa maison, dans le quartier Fifadji de Cotonou. Ce centre
rassemble une mosquée, une école, un orphelinat et un dispensaire,
elle en assure la construction, mais également le fonctionnement en
particulier en rémunérant les imams et les enseignants de l’école
coranique et le personnel nécessaire au fonctionnement du centre.
Sa mosquée rivalise avec les plus belles mosquées de la ville ;
inaugurée par feu l’imam Yaro, cheikh de la Tidjaniyya nyassène,
elle a été promue mosquée centrale pour tout le quartier. Al hadja
Toukourou y passe le dimanche entier ; le matin une soixantaine de
femmes du groupe assalat prient sous la direction d’alfas dont elles
sont séparées par un rideau symbolique d’un mètre de hauteur. Elles
psalmodient des prières lues dans une translittération de l’arabe,
dans un livre imprimé au Nigéria, qui donne également les
traductions en anglais et en yoruba. Si le chant tient une moins
grande place dans le rituel que dans le groupe Fatiou Quareeb,
l’ambiance y est tout aussi détendue et conviviale qu’à Jonquet.
Vers midi et demi, les prières s’arrêtent et al hadja Toukourou offre
une collation, elle reçoit alors les salutations de ses obligées. Al
hadja Toukourou se trouve dans un rôle social équivalent à celui
des alhadji du Nord du pays où un tel statut reste impensable pour
une femme.
Tous les participants à ce groupe exercent une activité
professionnelle, y compris les alfas, souvent des commerçants ; il
est procédé à plusieurs quêtes, au versement de cotisations destinées
29. Boyd, Jean et Last, Murray, « The Role of Women as “Agents Religieux” in
Sokoto », in Canadian Journal of African Studies, 19, 2, 1985, p. 283-300.
30. Coulon, Christian, Femmes, islam et baraka, Communication à Londres,
28/30 septembre 1985, Document CEAN-Bordeaux. 24 pages.
31. Tal, Tamari, « Des femmes savantes au Mali aux XIXème et XXème siècles »,
communication orale au Congrès des Études Africaines en France, BordeauxCEAN, 6-7-8 septembre 2010.
32. Quartier Djassin à Porto Novo et Akpakpa à Cotonou.

AFFIRMATIONS FÉMININES ISLAMIQUES AU SUD BÉNIN

85

aux actions caritatives, et avant la prière de quatorze heures, un
groupe d’hommes et de femmes se réunit pour faire les comptes.
Après la prière de quatorze heures à laquelle viennent assister les
fidèles du quartier, al hadja Toukourou fait apporter le repas aux
élèves de l’école coranique et distribuer de la nourriture aux
pauvres qui se présentent dans la cour du centre islamique. Une
partie des femmes du groupe assalat restent l’après-midi, rejointes
par d’autres, la journée se poursuit alternant prières obligatoires et
surérogatoires. Le groupe assalat se réunit également pour des
prières de nuit (Tahadjoud), de minuit à cinq heures, les deuxième
et quatrième vendredis de chaque mois. Totalement inséré dans la
vie du quartier et lieu de convivialité, le centre islamique par ses
actions caritatives supplée aux carences des pouvoirs publics à
l’instar des centres islamiques des ONG transnationales, mais ne
dépendant pas des financements étrangers, il garde une
indépendance religieuse qui s’exerce en particulier au sein de la
Tidjaniyya nyassène.
Le groupe assalat présidé par al hadja Toukourou est affilié à
la NASFAT, partout rappelée par des inscriptions : sur les gilets
fluorescents que portent les jeunes gens et jeunes filles du service
de sécurité, sur les T-shirts, sur le calicot qui sépare les hommes des
femmes, sur les livres de prière. Fondée à Lagos le 5 mars 1995, la
NASFAT se veut un mouvement élitiste sur le plan social et
intellectuel, avec une nette propension pour les milieux d’affaires :
islam et affaires y sont inséparables. Ce groupe s’est doté des
moyens de communication modernes : dans son bureau sis à
l’intérieur du centre, le secrétaire particulier d’al Hadja dispose
d’un ordinateur qui le relie à internet. Très répandue chez les
yoruba, la NASFAT a très rapidement développé son réseau au
Nigeria et au-delà et déclare rassembler un million de membres. Sur
son site, elle présente ses programmes, donne des informations
religieuses et lance des appels de fonds. Elle relie le groupe assalat
de Fifadji à un réseau transnational qui subsume les réseaux de
commerçants yoruba en Afrique occidentale et de la Tidjaniyya, et
participe aux échanges religieux entre Afrique francophone et
Afrique anglophone.

86

L’AFRIQUE DES GÉNÉRATIONS

Les groupes assalat, version béninoise des dahira féminins du
Sénégal33, ne se présentent pas comme des vestiges du passé, ils
accueillent même une importante proportion de femmes âgées de
trente à quarante ans qui, tout en développant leur forme
d’expression religieuse, viennent y chercher un réconfort, certains
aspects du fonctionnement présentent en effet des similitudes avec
ceux des mouvements protestants qui offrent à leurs fidèles un
groupe de référence et de soutien. Avec le développement de la vie
urbaine, les personnes se trouvent éloignées de leurs attaches
familiales et villageoises, ce qui favorise les phénomènes
d’individualisation, mais se traduit aussi par la recherche de
nouvelles solidarités à laquelle répondent les groupes religieux.
Dans ce domaine, les groupes évangéliques et pentecôtistes ont
impulsé un modèle de prise en charge des problèmes personnels par
le groupe de prière34.
Par l’intensité de la prière chantée et répétitive, les femmes
des groupes assalat entrent dans un état proche de l’état extatique.
Quelles que soient les conditions de subordination de leur vie
maritale, bon nombre de participantes échappent momentanément à
l’univers du foyer pour développer une vie spirituelle qui leur
appartient. Par ailleurs, tenues en position subalterne, voire absentes
des mosquées du vendredi, elles ont inventé une sociabilité et une
religiosité féminines, qui hormis la direction de la prière par les
alfas, se passent en dehors de l’univers des hommes. Les femmes
33. Sow, Fatou, op. cit., 2005, p. 298 : « Dahira : groupe de fidèles lié à une
confrérie, réuni pour mener des activités principalement religieuses et cultuelles.
Le dahira peut être masculin, féminin, mixte, de jeunes. Il a fini par se structurer
en organisation formelle de type moderne avec des organes de délibération et de
décision » ; Reveyrand-Coulon, Odile, « Les énoncés féminins de l’islam », in
Bayart, Jean-François (éd.), Religion et modernité politique en Afrique noire,
Paris, Karthala, 1993, p. 63-100.
34. Mayrargue, Cédric, « Pluralisation et compétition religieuses en Afrique
subsaharienne. Pour une étude comparée des logiques sociales et politiques du
christianisme et de l’islam », in Revue Internationale de Politique Comparée,
Vol. 16, No. 1, mai 2009, p. 83-98. Marie, Alain, « Du sujet communautaire au
sujet individuel. Une lecture anthropologique de la réalité africaine
contemporaine », in Marie, A. (éd.), L’Afrique des individus. Itinéraires citadins
dans l’Afrique contemporaine (Abidjan, Bamako, Dakar, Niamey), Paris,
Karthala, 1997.

AFFIRMATIONS FÉMININES ISLAMIQUES AU SUD BÉNIN

87

qui se trouvent à la tête de ces groupes y exercent un pouvoir, lié à
leur âge, à leur engagement religieux, à leur statut social. La plupart
de ces participantes exercent ou ont exercé une activité en tant que
commerçantes, couturières, infirmières et, comme dans les tontines,
paient une cotisation, constituant ainsi une caisse de solidarité
destinée à aider les plus démunies35. Avec l’argent des cotisations et
des quêtes à répétition, les groupes assalat participent à
« l’économie de la prière »36.
Dans ce contexte, elles ne remettent en question ni les
pratiques religieuses qui leur ont été transmises, ni leur place dans
la communauté des croyants, ni les pratiques sociologiques, mais
l’activisme des jeunes femmes « réformistes » d’une part, et la
concurrence des groupes évangéliques et pentecôtistes d’autre part,
les ont conduites à prendre des initiatives, à « occuper le terrain »,
elles contribuent elles aussi à la formulation de l’islam.
Parmi les femmes de ces générations, une minorité aborde la
religion différemment. Diplômées de l’enseignement secondaire ou
de l’université pour la plupart, elles privilégient l’étude des textes,
différencient religion et culture sans pour autant rejeter les cultures
locales, car elles considèrent que seule l’éducation tant scolaire que
religieuse peut les faire évoluer, et occupent une position de
médiatrices entre les générations. Elles déploient leurs activités au
sein de l’Union des femmes musulmanes du Bénin.

35. La cotisation était de 100 Francs CFA chaque dimanche pour le groupe Fatiou
Quareeb. Les plus riches donnent davantage. Cette solidarité n’a rien
d’exceptionnel parmi les groupes de femmes musulmanes ; sur les tontines de
femmes musulmanes à Dakar, destinées à payer le pèlerinage à la Mecque, voir
Ferdaous, H. et Semin, J., « Fissabillilah ! Islam au Sénégal et initiatives
féminines. Une économie morale du pèlerinage à La Mecque », in Afrique
contemporaine, No. 231, 2009/3, p. 139-153.
36. Soares, Benjamin, Islam and the prayer economy, History and authority in a
Malian town, London, Edinburg University Press, 2005.

88

L’AFRIQUE DES GÉNÉRATIONS

Les pionnières de l’Union des femmes musulmanes du Bénin
(UFMB)37
Si l’UFMB s’est dotée de statuts à la faveur du mouvement
associatif né de la démocratisation des années 1990, ses fondatrices
avaient, dès la période dite de la révolution (1974-1990), adopté la
posture et l’exigence qui sont aujourd’hui les leurs. Association
nationale
structurée
en
sections
départementales
et
d’arrondissement, l’UFMB est dirigée par des femmes ayant réussi
leur vie professionnelle et qui maintenant conduisent des
programmes d’éducation et de développement en direction des
femmes. Investies dans l’action sociale en milieu musulman, elles
veulent « sortir la femme de l’ignorance », lui faire connaître ses
droits et devoirs selon le Coran.
Convaincues que l’instruction est la condition première pour
aider les femmes à améliorer leur statut, elles forment des
formateurs pour les campagnes d’alphabétisation, dans les langues
vernaculaires38 et font des tournées de sensibilisation à la
scolarisation des enfants et des filles en particulier, la difficulté
principale n’étant pas d’envoyer les petites filles à l’école, mais de
les y maintenir, elles se heurtent à la pauvreté, à la priorité accordée
aux garçons, et au mariage précoce des filles39, mais les
répercussions de la pauvreté et de l’ignorance sur le sort des petites
filles ne concernent pas que les familles musulmanes, et cette
question reste une priorité du militantisme féminin. Les femmes de
l’UFMB interviennent aussi dans le domaine de la santé dans des
campagnes de vaccinations et de prévention du sida, et participent à
l’effort national pour le progrès social dans un cadre de référence
37. Entretien à Cotonou le 15 mars 2005 chez la présidente al hadja Bio Tchané
Aïcha, 79 ans, institutrice à la retraite, avec al hadja A. I., 58 ans, administratrice
à la retraite et al hadja L., institutrice en exercice, responsable de l’éducation. Les
citations sont extraites des notes prises lors de cet entretien.
38. Elles renforcent ainsi les campagnes nationales d’alphabétisation dans les
langues vernaculaires.
39. Le Rapport du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des
femmes, Nations Unies, 22 juillet 2005, relève « l’exercice de pratique
coutumières et ses conséquences », « le maintien de comportements structurels
patriarcaux », « les taux élevés d’abandon scolaire chez les filles, dus aux
grossesses et aux mariages précoces et forcés ».

AFFIRMATIONS FÉMININES ISLAMIQUES AU SUD BÉNIN

89

islamique. L’association avait encore peu de moyens en 2005, le
bureau travaillait avec les ONG transnationales, en particulier
l’Agence des musulmans d’Afrique (AMA). Ces femmes qui, sous
le régime de la révolution ont vécu le processus de sécularisation de
la société40, participent au mouvement général d’expression des
problèmes politiques et sociaux dans un paradigme religieux.
Néanmoins, séparant politique et religion et considérant que les
textes religieux doivent être appréhendés dans le contexte dans
lequel vivent les croyants, elles restent des musulmanes
sécularisées, et leur engagement religieux rejoint leur engagement
de citoyennes. Partageant avec l’Union islamique du Bénin (UIB)41
la volonté d’articuler religion et laïcité, l’UFMB peut également
apparaître comme le versant féminin d’associations culturelles telles
l’Organisation pour la culture islamique du Bénin (OCIB)42. Elles
ne portent pas le hidjab, mais leur capacité et leur volonté
d’interpréter le Coran, leur ferveur religieuse, leur souci
d’éducation des femmes et de promotion de la culture islamique
40. La sécularisation est un processus qui engage la société. Selon Jean Bauberot,
celle-ci se sécularise quand « les représentations sociales du monde et les
comportements de la vie publique s’autonomisent par rapport à la religion »
(Bauberot, Jean, Les laïcités dans le monde, Paris, PUF, 2009 (2007), référence
p. 18). Selon Olivier Roy : « c’est lorsque le religieux cesse d’être au centre de la
vie des hommes, même s’ils se disent toujours croyants ; les pratiques des
hommes comme le sens qu’ils donnent au monde ne se font plus sous le signe de
la transcendance et du religieux » (Roy, Olivier, La laïcité face à l’islam, Paris,
Stock, 2005, référence p. 19). Le régime de la Révolution (1974-1990) a favorisé
l’autonomisation des comportements publics par rapport à la religion.
Actuellement se pose l’hypothèse de la dé-sécularisation (Voir Otayek, René,
« Démocratisation sans sécularisation. La voie paradoxale de la modernité en
Afrique », in Vaner, S., Heradstveit, D. et Kazancigil, A. (éd.) Sécularisation et
démocratisation dans les sociétés musulmanes, Bruxelles, Bern, Berlin,
Franckfurt-am-Main, New York, Oxford, Wien, P.I.E. Peter Lang, 2008, p. 101122.
41. Interface entre les pouvoirs publics et les musulmans, l’UIB, fondée en 1984,
est souvent accusée de représenter l’islam officiel.
42. L’OCIB fait suite en 1986 à l’Union des Jeunes Musulmans du Dahomey
(UJMD) fondée en 1961. Elle est présidée par Al Hadj Yaaya Saouf Alidou,
inspecteur de la Banque commerciale du Bénin à la retraite. Tous ces acteurs
associatifs sont des précurseurs du mouvement associatif ayant pour objectif la
promotion de la culture islamique.

90

L’AFRIQUE DES GÉNÉRATIONS

vont dans le sens du « réformisme », ce dont elles ne veulent pas
entendre parler, car disent-elles à l’instar des acteurs du renouveau
islamique, « on ne peut réformer l’islam ».
Parmi ces femmes, al Hadja A. I.43 âgée de cinquante-huit ans
a reçu un enseignement secondaire au Dahomey indépendant, puis
est partie suivre des études de droit à Bordeaux. Bien que mariée et
mère de famille, elle a occupé un poste de cadre dans une
compagnie maritime, et maintenant jeune retraitée, consacre une
partie de son temps à la défense des droits des femmes musulmanes.
Elle considère que la femme « doit se prendre en charge et se
faire respecter en tant que musulmane » ; elle refuse tout modèle
importé, « le modèle de la femme occidentale, tout autant que la
condition des femmes du Pakistan ou d’Arabie Saoudite », et
revendique son héritage culturel : « Je suis Yoruba, et chez les
Yoruba la femme est au-devant de la scène ».
Les femmes de l’UFMB entretiennent d’excellents rapports
avec les jeunes militants et militantes « du réveil »44 qu’elles
mettent en garde contre l’excès de formalisme : « L’islam ne se
réduit pas au voile et à la barbe »45. Elles appartiennent à une élite
sociale et intellectuelle, et leur instruction qui fut la base de leur
conscience et de leur engagement les rapproche des associations de
jeunes militantes. Elles se trouvent ainsi à l’interface des
générations : la leur, souvent liée aux confréries, et celle des jeunes
« réformistes ».
L’entrée en scène d’un militantisme islamique, jeune et féminin
La réflexion sur « le statut de la femme selon le Coran et la
Sunna » s’est développée avec le réformisme, elle en fait partie. Les
prédicateurs « réformistes » visent essentiellement les jeunes et les
femmes, et particulièrement les jeunes femmes qui deviennent à
43. Entretien à Cotonou, le 15 mars 2005.
44. Selon leur propre terminologie. Les musulmans catégorisés comme
« réformistes » préfèrent les notions de « réveil », de « renouveau »,
de « clarification », ils disent représenter le « vrai islam ». La notion de « réveil »
fait partie des influences entre les groupes chrétiens et les militants de la da’wa.
45. Entretien avec Al hadja A. I., à Cotonou, le 15 mars 2005.

AFFIRMATIONS FÉMININES ISLAMIQUES AU SUD BÉNIN

91

leur tour des militantes engagées dans la réislamisation et jouent un
rôle primordial dans ce processus. Une partie de ces jeunes femmes,
scolarisées dans le système scolaire puis universitaire de type
occidental, ont fait le choix d’approfondir leurs connaissances en
arabe et en religion dans le but d’interpréter elles-mêmes le Coran.
L’engagement des jeunes femmes dans le militantisme
associatif est l’une des caractéristiques de l’évolution de la scène
islamique durant la dernière décennie. Il a été remarqué dans les
autres pays d’Afrique occidentale46. Au Bénin, l’entrée des jeunes
femmes dans le militantisme au service du « renouveau » de l’islam
fut plus tardive, s’imposant durant la première décennie du XXIe
siècle, en même temps que les autres associations « réformistes ».
Ce relatif retard par rapport aux pays de la sous-région tient
certainement au fait que le régime de la Révolution (1974-1990) a
freiné les expressions religieuses et que la sécularisation de la
société fut effective.
Les étudiantes de l’université rejoignent leurs « frères »47 au
sein de l’Association culturelle des élèves et étudiants musulmans
du Bénin (ACEEMUB) fondée en 2001 puis les plus militantes
d’entre elles, après l’université, poursuivent leur action au Conseil
national des sœurs musulmanes du Bénin (CNSMB) fondé en 2005.
Ces associations s’inscrivent dans la vague associative islamique
des années 2000, décennie durant laquelle le « réformisme »
s’impose sur la scène islamique dans les villes côtières48. Elles
participent au Réseau des associations et ONG islamiques du

46. Alidou, O. et Alidou, H., op. cit., 2008 ; Augis, Erin, op. cit., 2005 ; GomezPerez, Muriel, op. cit., 2008. LeBlanc, Marie Nathalie, op. cit., 2009, 2007, 1998;
Masquelier, Adeline, Women and Islamic Revival in a West African Town,
Bloomington, Indiana University Press, 2009 ; Miran, Marie, Islam, histoire et
modernité en Côte d’Ivoire, Paris, Karthala, 2006.
47. « Frères » et « sœurs » sont les termes par lesquels les « réformistes » se
désignent et s’adressent l’un à l’autre.
48 Le mouvement associatif islamique de la décennie 1990 a été dominé par des
intellectuels, soufis en ce qui concerne les principaux leaders, qui ont tenté de
réunir la communauté musulmane, de promouvoir le dialogue interreligieux, et
ont été partie prenante dans le processus de démocratisation.

92

L’AFRIQUE DES GÉNÉRATIONS

Bénin49 fondé en 2001 par l’imam « réformiste » de la mosquée de
Zongo à Cotonou dans le but de créer une synergie entre les
associations50.
Les objectifs des associations « réformistes » se différencient
très nettement de ceux des associations de l’islam non
« réformiste », il n’y a pas de consensus, cependant des contacts
existent entre les personnes et entre les générations, en premier lieu
au sein des familles. Dans leurs tournées de da’wa qui prennent la
forme de prêches publics et de visites aux familles musulmanes, les
militantes
« réformistes »
s’adressent
aux
musulmanes
« ordinaires », non militantes, n’appartenant à aucun groupe
religieux, et aux femmes des confréries. L’ACEEMUB, association
mixte fondée par des étudiants du campus d’Abomey-Calavi dans la
banlieue de Cotonou, succédait à d’autres associations d’étudiants
musulmans dont la première remonte à l’époque coloniale au lycée
Victor Balo de Porto Novo51. De telles associations d’étudiants
« réformistes » existent dans tous les pays d’Afrique occidentale52.
L’ACEEMUB comprend une section féminine dotée d’une
présidente, mais chapeautée par un homme responsable des affaires
féminines.
Les étudiants de sexe masculin qui ont terminé leurs études
poursuivent leur action militante au sein de l’Amicale des
49. Les associations et ONG du Bénin sont des ONG locales comme toutes les
ONG locales, nationales, distinctes des ONG islamiques transnationales, même si
elles appartiennent à la même sphère. Par exemple : une ONG transnationale
rémunère des prédicateurs qui sont par ailleurs membres d’ONG locales, et c’est
à ce titre qu’ils participent au réseau.
50. Brégand, Denise, « Du soufisme au réformisme : la trajectoire de Mohamed
Habib, imam à Cotonou », in Politique africaine, No. 116, décembre 2009, p.
121-142.
51. Fondée en 2001, l’ACEEMUB succède à l’Association des élèves musulmans
du Bénin qui en 1994 avait elle-même succédé à la Communauté islamique
Universitaire du Bénin, fondée en 1979.
52. Miran, Marie, « D’Abidjan à Porto Novo : associations islamiques et culture
religieuse réformiste sur la côte de Guinée », in Fourchard, Laurent, Mary, André
et Otayek, René (éd.), Entreprises religieuses transnationales en Afrique de
l'Ouest, Paris, IFRA Ibadan-Karthala, 2005, p. 43-72 ; Gomez-Perez, Muriel, op.
cit., 2008, Gomez-Perez, M., LeBlanc, M. N., Savadogo, M., op. cit., 2009, p.
186-218. Villalon, Leonardo, A., op. cit., 1999.

AFFIRMATIONS FÉMININES ISLAMIQUES AU SUD BÉNIN

93

Intellectuels musulmans du Bénin (AIMB), dont les statuts ont été
déposés en mars 2002. Ils organisent la formation, encadrent les
plus jeunes et supervisent l’ACEEMUB. À l’instar de l’AIMB, le
Conseil national des sœurs musulmanes du Bénin (CNSMB),
association strictement féminine, a été fondé en 2005 par C. L.,
précédemment chargée des affaires féminines à l’ACEEMUB,
« pour continuer la lutte après l’ACEEMUB »53. Le CNSMB se
présente comme un cadre extrêmement militant, aux objectifs et
terrains d’action bien définis.
Il ne m’a jamais été possible de rencontrer les filles de
l’ACEEMUB sans la présence d’un ou plusieurs éléments
masculins, en revanche j’ai pu m’entretenir en tête à tête avec la
présidente du CNSMB. Pour ce faire, je me suis rendue à
Nattitingou où elle préparait un stage de formation à l’occasion de
la journée de la femme. Les étudiantes de l’ACEEMUB partagent
les activités de leurs « frères », tout en se ménageant un espace de
réflexion spécifiquement féminin. Elles se réunissent en séances
non mixtes, pour débattre de questions religieuses ou de sujets qui
les préoccupent. Une étudiante de l’École nationale d’économie
appliquée et de management (ENEAM) qui vient de présenter un
exposé sur « l’engagement, la sincérité, le serment en islam »
commente :
« Nous étions une quinzaine, nous avons parlé, nous avons débattu.
L’ACEEMUB m’apporte un bien, aujourd’hui, j’ai comblé des lacunes
que j’avais. Il faut remonter la pente pour être au niveau. En venant
chaque fois à l’association, je constate une amélioration en ce qui
concerne ma connaissance de la religion »54.

Ce désir et cet effort d’éducation religieuse représentent un
des aspects primordiaux de la réforme ; en outre, en développant
leurs compétences religieuses, elles pensent gagner en crédibilité
auprès de leur famille et des autres musulmans lorsqu’elles
s’expriment sur des sujets les concernant : « Mes parents voient
bien que j’étudie, eux ne connaissent pas, ils n’ont pas eu la chance
53. Entretien avec C. L., à Nattitingou, le 15 mars 2006.
54. Entretien avec A. K., étudiante en première année de mathématiques sur le
campus d’Abomey-Calavi, le 5 mars 2005.

94

L’AFRIQUE DES GÉNÉRATIONS

d’étudier, alors il faut leur expliquer. À force, ils finissent par
t’écouter »55. Leur savoir religieux leur permet d’argumenter face à
leur mère dont elles ne veulent pas reproduire la vie.
Les femmes au centre de la réislamisation : éducation religieuse
et moralisation
Alors que les femmes des générations précédentes ont vu leur
éducation religieuse négligée, se limitant souvent à répéter, réciter,
sans nécessairement comprendre le texte, être militante « du réveil »
nécessite une bonne connaissance de l’islam. L’éducation aidera la
fille musulmane à assumer un rôle social en défendant les valeurs
de l’islam, y compris dans ses fonctions d’épouse et de mère, car
l’objectif global n’est pas l’autonomisation des femmes, même si
celle-ci progresse, mais la réislamisation. La chargée des affaires
féminines de l’ACEEMUB coordonne les actions impliquant les
filles de la cellule féminine qui portent toutes obligatoirement le
hidjab.
L’éducation religieuse des femmes, pilier de la réislamisation
Scolarisées pour la plupart dans le système scolaire
francophone, les élèves et étudiantes musulmanes militantes suivent
parallèlement un enseignement en langue arabe et en religion dans
les madâris. En outre, les associations organisent des cours, des
stages et des conférences destinés aux filles. Leur systématisation
est un phénomène récent au Bénin, alors qu’en Côte d’Ivoire, des
séminaires annuels furent mis en place dès 1987 par l’Association
des élèves et étudiants musulmans de Côte d’Ivoire (AEEMCI)56.
Durant les vacances universitaires, elles suivent les séminaires
de formation islamique des sœurs (SEFIS) du CNSMB, au cours
desquels interviennent d’autres femmes musulmanes instruites, par
exemple la présidente du CNSMB ou des femmes de l’UFMB, mais
également des hommes de l’AIMB. Pour la journée de la femme
55. N., entretien collectif sur le campus d’Abomey-Calavi, le 10 mars 2006.
56. LeBlanc, Marie Nathalie, op. cit., 2009 et Miran, Marie, op. cit., 2006,
référence p. 337-339.

AFFIRMATIONS FÉMININES ISLAMIQUES AU SUD BÉNIN

95

qu’elles allaient célébrer le 18 mars 2006 avec dix jours de retard, la
Présidente du CNSMB préparait une journée à Nattitingou sur le
thème de « L’éthique de la sexualité en islam », et précisait « face à
la dépravation des mœurs »57. Cette journée devait se dérouler sur
le modèle d’autres journées déjà organisées par ou pour les filles de
l’ACEEMUB et du CNSMB. Il y aurait une conférence-débat sur la
sexualité en islam, un concours de récitation du Coran, des jeux de
mémoire portant sur la connaissance du Coran et de la vie du
Prophète, un défilé de mode islamique, et le soir des matchs de
basketball. Cette manifestation reprenait l’organisation et les
activités du Festival de la jeunesse musulmane d’Afrique de
l’Ouest, sur le thème « Femme musulmane au service d’Allah » qui
s’était tenu à Cotonou du jeudi 12 au dimanche 15 janvier 2006, à
l’organisation duquel avait participé le CNSMB. Durant ces
journées, rythmées par les heures de prières, ont été traités des
sujets tels que l’habit islamique de la femme, le Code de la famille
et des personnes, la purification rituelle et la toilette, la
responsabilité de la femme musulmane (prière, jeûne, zakat), la
responsabilité de la femme dans l’éducation des enfants, l’éthique
de la sexualité en islam, thèmes récurrents dans ces séminaires. La
table ronde sur le Code de la famille et des personnes réunissait des
militants et militantes d’associations islamiques invités pour leurs
compétences en droit musulman, mais également la juriste Élise
Gbedo, non musulmane et candidate à l’élection présidentielle. Le
programme prévoyait des activités sportives ou artistiques en fin de
journée. À cet effet, les « sœurs » du CNSMB ont formé des
groupes de « théâtre en herbe », de poésie, car « l’islam, ce n’est
pas seulement la da’wa, c’est aussi la joie »58. À minuit, la journée
commencée à cinq heures se terminait par la prière de clôture.
Ces séminaires traitent essentiellement de sujets tendant à la
moralisation et à l’islamisation de chaque acte de la vie quotidienne,
il ne s’agit pas de dispenser un enseignement savant, mais
d’apporter la réponse du Coran et des hadiths à des questions
pratiques, que les militantes pourront à leur tour transmettre aux
autres femmes. La Présidente du CNSMB avait le projet de mettre
57. Entretien avec C., à Nattitingou, le 15 mars 2006.
58. Entretien avec C., à Nattitingou, le 15 mars 2006.

96

L’AFRIQUE DES GÉNÉRATIONS

sur pied le Colloque international des sœurs musulmanes de
l’espace francophone (CISMEF), version féminine du Colloque
international des musulmans de l’espace francophone (CIMEF)59,
manifestant ainsi la volonté d’affirmer la présence et l’action des
femmes dans le « renouveau » de l’islam.
Cette demande d’éducation s’étend bien au-delà du milieu
universitaire, des femmes mariées se sont constituées en
associations de quartier (qui pour la plupart existent de fait sans
qu’ait été déposée une demande de statut au ministère de
l’intérieur), afin de suivre des cours d’enseignement religieux. Elles
fréquentent les écoles ouvertes par des entrepreneurs religieux60 et
suivent une, deux ou trois demi-journées par semaine un
enseignement portant sur le Coran, des rudiments d’arabe, et le rôle
de la femme en islam : comment être une bonne épouse et une
bonne mère selon le Coran et la Sunna. Tout en s’inscrivant dans le
mouvement général d’éducation religieuse des femmes, elles
attendent des solutions à leurs problèmes61, ce qui évoque les
attentes des « born again » protestants. La plupart des ces écoles
dispensent un enseignement conforme à l’interprétation la plus
littéraliste des textes, s’adressant à des femmes mariées dont les
époux considèrent qu’il est de leur devoir d’assurer l’entretien du
ménage et l’éducation religieuse de leurs épouses vivant en général
en claustration. Une importante proportion de ces femmes, ainsi que
leurs époux, appartiennent à la frange « fondamentaliste » du
mouvement de « renouveau » de l’islam.

59. Le CIMEF s’est tenu pour la première fois à Abidjan en 2000 à l’initiative du
SIFRAM (Séminaire international de formation des responsables d’associations
musulmanes), puis à Cotonou en 2002.
60. Un entrepreneur religieux est une personne qui fait fructifier son capital
scolaire et religieux ou son réseau de relations (capital social), par exemple en
fondant une école (et ces écoles religieuses privées fleurissent) ou en captant les
flux financiers de l’aide humanitaire islamique pour en gérer l’usage. Il s’agit
alors de « courtiers en développement », voir Bierschenk, Thomas, Cheveau,
Jean-Pierre et de Sardan, Olivier, Courtiers en développement, les villages
africains en quête de projets, Paris, Karthala et APAD, 2000.
Abdoulaye, Galilou, op. cit., 2007, p. 173-193.
61. Schulz, Dorothea, op. cit., 2008.

AFFIRMATIONS FÉMININES ISLAMIQUES AU SUD BÉNIN

97

Prenons l’exemple à Cotonou de l’école de la place de
Bulgarie dirigée par M. K. qui se définit comme Ahalli sunna. Il a
lui-même étudié au Nigeria, à Kano, Katsina et Sokoto, scolarise
deux cents femmes, qui se succèdent durant la semaine par petits
groupes. Presque toutes sont « des ménagères », des femmes
cloîtrées qui, « lorsqu’elles sortent, par exemple pour venir ici, sont
entièrement voilées (visage couvert), mais pas obligatoirement en
noir. Il y a dans le groupe présent, des Nigériennes, des Nigérianes,
des Togolaises, des Maliennes et des Béninoises »62. Elles sont
environ vingt-cinq, plusieurs générations s’y côtoient (elles ont
d’une vingtaine à une cinquantaine d’années), les plus jeunes
viennent accompagnées de leur enfant en bas âge, elles parlent des
langues différentes, certaines comprennent le français, toutes
apprennent l’arabe63.
Parmi les élèves, Amsra64, âgée de trente-neuf ans, mère de
quatre enfants, s’est convertie à l’islam depuis dix ans (auparavant,
elle était catholique). Elle-même ne porte pas le voile intégral. Elle
a obtenu un diplôme de secrétariat et a cessé l’activité
professionnelle à la naissance de son premier enfant. Pour sortir,
elle a besoin de l’autorisation de son mari jusqu’ici monogame. Elle
se retrouve, dit-elle, avec des femmes qui n’ont pas le même niveau
intellectuel qu’elle, mais un niveau supérieur en religion. Elle
apprécie le groupe qui « lui donne la patience » et les versets lui
apportent « l’amour du prochain ».
Dans la plupart des écoles, ce sont des hommes, souvent
diplômés des universités arabes, qui enseignent aux femmes, mais
cette situation n’est pas considérée comme satisfaisante. Ainsi à
Porto Novo, à l’école coranique du quartier Tchébié dont les
responsables se déclarent Ahalli sunna, l’un d’eux explique :
« Il y a des filles qui viennent apprendre le Coran. Les grandes femmes ne
viennent pas encore, car nous n’avons pas encore un lobby de femmes
62. Entretien sous l’auvent de la maison de M. K., à Cotonou, le 9 mars 2006.
63. Je suis venue plusieurs fois dans cette école, très bien reçue par le directeur
M. K., beaucoup moins bien par les femmes, très méfiantes, qui se sont détendues
lorsque je me suis installée avec elles, par terre, sous l’auvent où se tenait le
cours.
64. Entretien à l’école de M. K., à Cotonou, le 3 mars 2005.

98

L’AFRIQUE DES GÉNÉRATIONS
assez formées pour enseigner, parce que nous évitons surtout le contact
entre l’homme et la femme, car c’est par là qu’il y a la fornication, qu’on a
des méthodes contraires à l’islam, contraires à l’éthique de l’islam, quand
l’homme est en contact avec la femme, vous vous regardez, ça crée un
certain nombre d’incitations sataniques, donc nous sommes en train de
former les maîtresses pour former nos femmes, mais il y a déjà un groupe
dont le niveau permet de former les autres »65.

La condition de ces femmes ne correspond pas aux objectifs
des filles de l’ACEEMUB et du CNSMB qui revendiquent au
contraire pour la femme un rôle social, déclarent vouloir occuper un
emploi à l’issue de leurs études et dans ce but, se font parrainer par
des femmes musulmanes ayant une notoriété telles que les femmes
ministres, les femmes de l’Union des femmes musulmanes du
Bénin, les hauts fonctionnaires qui représentent pour elles des
modèles. Le parrainage repose sur une relation intergénérationnelle,
les aînées parrainent ces étudiantes pour les soutenir dans leurs
études, les orienter vers la vie professionnelle, donc vers
l’autonomie financière, mais cette autonomie financière ne
constitue en rien une nouveauté pour les musulmanes des villes du
sud, en particulier les grandes commerçantes, qui assument souvent
la charge du foyer. En revanche, l’instruction doit permettre aux
filles de choisir leur profession, elles considèrent que « l’éducation
des femmes est facteur de développement »66 et, par leur travail,
elles veulent contribuer à la moralisation de la société. Le
parrainage se révèle particulièrement utile sur un marché du travail
où l’embauche dépend beaucoup de l’appartenance à un réseau.
L’avenir dira si les jeunes femmes du CNSMB ont réussi ce pari de
mener de front vie professionnelle et vie familiale et surtout si elles
ont réussi à faire accepter cette situation à des militants devenus des
époux qu’elles entendent bien choisir. Mais l’avenir des jeunes ne
se joue pas que sur la scène religieuse, il dépend de la situation
économique du pays et du marché du travail qui offre peu de
débouchés aux diplômés (ées). Par un effet dialectique, la crise

65. Entretien à Porto Novo, dans le quartier Tchébié, le 25 janvier 2005.
66. Entretien avec la présidente du CNSMB, à Nattitingou, le 15 mars 2006.

AFFIRMATIONS FÉMININES ISLAMIQUES AU SUD BÉNIN

99

économique se répercute à son tour dans l’engagement religieux des
jeunes femmes sans emploi67.
Présentes à l’université et dans le mouvement associatif,
organisant des prêches lors des tournées de da’wa, les filles
« réformistes », nécessairement « voilées » contribuent à la
visibilité de l’islam dans l’espace public et se forgent une image
d’humilité.
Polysémie du voile
Il est ici question des formes importées du voile : le hidjab et
les versions plus longues. Outre le voile blanc dont s’enveloppent
les femmes des groupes assalat les jours de prière, le châle porté
par les musulmanes avant l’introduction d’une mode islamique
uniformisante mondialisée consistait en un tissu plus ou moins
enveloppant, couvrant les épaules et ne cachant pas le visage. Il
était porté surtout pour la prière, les musulmanes ne s’en couvraient
pas nécessairement pour sortir et la plupart d’entre elles nouaient
sur leur tête une pièce de pagne comme les autres femmes. On ne
voyait pas une femme porter le hidjab à Cotonou en 1991, celui-ci
se présente donc comme une nouveauté vestimentaire,
caractéristique des jeunes qui se distinguent par leur tenue des
femmes des générations précédentes.
Le militantisme à l’ACEEMUB et au CNSMB implique une
grande exigence envers soi-même. « Les sœurs » ont à donner
l’exemple de bons comportements, par le vêtement et le port du
hidjab, mais aussi par leur implication dans les études. Se
présentant voilées, et à ce titre doublement minoritaires, en tant que
musulmanes et minoritaires parmi leurs coreligionnaires pour les
raisons déjà évoquées, elles doivent se faire accepter. Une étudiante
de l’École nationale d’économie appliquée et de management
(ENEAM) témoigne :
« J’ai une sœur68 en troisième année. Quand nous sommes arrivées, les
autres s’écartaient de nous. Mais nous nous sommes imposées par le
67. Voir dans cet ouvrage le chapitre d’Erin Augis sur la situation au Sénégal.

100

L’AFRIQUE DES GÉNÉRATIONS
travail, maintenant les autres se rapprochent de nous. Certaines veulent
savoir pourquoi nous portons le voile »69.

En correspondant à l’image de la « bonne musulmane »70,
elles servent d’exemples pour attirer les autres à l’islam ou pour
amener des musulmanes qu’elles jugent dans l’erreur à adopter de
nouveaux comportements en même temps que le voile (remarquons
que l’étudiante francophone ci-dessus parle de « voile » pour
désigner le hidjab). Le fait que les autres étudiantes se montrent
intriguées révèle la relative nouveauté et le caractère encore
minoritaire parmi les musulmanes de ce choix vestimentaire dont la
généralisation constitue un enjeu. Les militantes du CNSMB les
confectionnent pour les distribuer lors de leurs tournées de da’wa
durant lesquelles elles « s’adressent surtout à des musulmanes
égarées »71.
Aujourd’hui partout le voile accompagne la da’wa, il est le
marqueur d’un choix religieux, et prend une dimension identitaire et
générationnelle. Adeline Masquelier a fait les mêmes observations à
Dogondoutchi au Niger, cependant, du fait du caractère minoritaire
du hidjab dans le sud du Bénin, nous sommes loin du phénomène
de généralisation (quasiment de mode) observé à Dogondoutchi72.
En même temps qu’elle s’affirme musulmane impliquée dans le
« réveil » de l’islam, la « fille voilée » marque ses distances avec
l’islam des générations précédentes. Gellner remarquait justement
que, d’une manière générale, dans les villes, la femme musulmane
ne porte pas le voile parce que sa grand-mère le portait, mais au
contraire parce qu’elle ne le portait pas, soulignant une rupture entre
les générations73.
68. « Sœur » est à comprendre au sens de « sœur en islam » et n’implique pas de
lien de parenté.
69. Entretien avec Kassirath. ANEAM, à Cotonou, le 5 mars 2005.
70. LeBlanc, Marie Nathalie, op. cit., 2009.
71. Entretien avec la présidente du CNSMB, à Nattitingou, le 15 mars 2006.
72. Masquelier, Adeline, op. cit., 2009. Voir aussi Van Santen, José, C. M., « My
"Veil" Does Not Go With My Jeans: Veiling, Fundamentalism, Education and
Women Agency in Northern Cameroon », in Africa, 80, 2, 2010, p. 275-300.
73. Gellner, Ernest, Postmodernism, Reason and Religion, London & New York,
Routledge, 1992, référence p. 16.

AFFIRMATIONS FÉMININES ISLAMIQUES AU SUD BÉNIN

101

Certaines étudiantes de l’ACEEMUB témoignent de la
désapprobation manifestée par leur famille devant ce choix
vestimentaire, mais elles n’incriminent nullement leurs mères et
grand-mères, considérant que ces dernières n’ont pas eu la chance
d’être correctement éduquées en islam : « Il y a des problèmes dans
certaines familles. Il y a des parents qui n’ont pas encore trop
compris la chose. Nos mères n’étaient pas voilées »74.
Si le port du voile a pu être à l’origine de tensions entre la
génération des mères et celle des filles, contrairement à la situation
constatée au Sénégal où les mouvements « réformistes » sont plus
massifs75, au sud du Bénin, les conflits restent ponctuels.
Objet politique non identifié (OPNI)76, le voile participe à la
visibilité de l’islam dans l’espace public. Plusieurs sortes de voiles
circulent, le hidjab qui encadre le visage et tombe sur les épaules,
n’a pas exactement la même signification que le grand voile noir
(jilbab), qui laisse encore le visage dégagé et a fortiori que le grand
voile noir intégral (niqab) que portent certaines femmes Ahalli
sunna et les femmes du Tabligh77 pour sortir. Un changement de
signifiant introduit un changement du signifié, en changeant de
contexte, une femme changera de voile : C. porte le hidjab à
l’extérieur du foyer dans ses activités habituelles, mais lorsqu’elle
intervient comme formatrice dans les séminaires (SEFIS), elle porte
le long voile noir (jilbab), et lorsque nous nous sommes quittées,
elle a tenu à se faire photographier revêtue du grand voile blanc,
donnant ainsi une image de pure religiosité, de pureté,
correspondant sans doute à un idéal de soi.

74. Entretien avec Kassirath, ANEAM, à Cotonou, le 5 mars 2005.
75. Voir chapitre de Erin Augis dans cet ouvrage.
76. Martin, Denis-Constant (ed.), Sur la piste des OPNI – Objets politiques non
identifiés, Paris, Karthala, 2002.
77. Voir Janson, Marloes, «Roaming about for God’s Sake : the Upsurge of the
Tabligh Jama’at in the Gambia», in Journal of Religion in Africa, 35, 4, 2005,
p. 450-481. La situation est tout à fait similaire au Bénin, où le Tabligh a
cependant moins d’adhérents (enquête menée à Porto Novo en janvier 2005
parmi les membres du Tabligh, hommes et femmes).

102

L’AFRIQUE DES GÉNÉRATIONS

Les étudiantes de l’ACEEMUB, d’abord scolarisées dans des
écoles publiques, puis à l’université, justifient l’adoption du hidjab
par une meilleure connaissance de l’islam78 :
« C’est avec la clarification qu’on pratique correctement l’islam. Avant, le
principe existait, maintenant, il y a plus de connaissances. Avant, ceux qui
ne connaissaient pas l’arabe ne comprenaient pas, maintenant avec les
traductions, tout le monde peut comprendre »79.

Elles ont fait le choix de se voiler souvent vers seize, dix-sept
ans, sous l’influence d’une fille déjà voilée ou d’un élément
masculin de leur milieu familial et à leur tour, elles militent pour
amener les musulmanes à se voiler. Elles partagent les arguments de
leurs coreligionnaires voilées des villes occidentales : toutes
déclarent que le voile attire le respect, protège de la concupiscence
des hommes, en imposant une distance entre soi et les autres, il
devient une protection. Une étudiante ajoute : « Quand tu
comprends le sens de ta religion et que tu prends le voile, quand tu
sors, tu as plus confiance en toi »80. De plus, comme nous le
verrons, le voile est élément d’une stratégie de résistance.
Cependant une distinction s’impose entre ces pionnières du hidjab
et les fillettes des générations suivantes. En effet, dans les écoles
franco-arabes financées par les ONG transnationales, le hidjab fait
partie de l’uniforme des petites filles, l’habitude de s’en couvrir la
tête génère nécessairement une pratique corporelle, une attitude,
une façon de vivre le rapport aux autres, un habitus au sens
bourdieusien, il devient indispensable au bien-être de celles qui le
portent pour sortir. En imposant le hidjab dans l’uniforme des
écolières des madâris, on tend vers une banalisation ; j’ai d’ailleurs
pu constater que des petites filles fréquentant le samedi une école
coranique dirigée par un membre éminent de la Tidjaniyya

78. Les étudiantes se rendent voilées à leurs cours à l’université ; les élèves des
écoles publiques portent un uniforme national, elles se coiffent du hidjab pour se
rendre à leurs cours de religion à l’extérieur du lycée.
79. Entretien avec la présidente de la section féminine, à la mosquée Oumar ben
Khatab, le 4 mars 2005.
80. Entretien avec Y., sur le campus d’Abomey-Calavi, le 4 mars 2005.

AFFIRMATIONS FÉMININES ISLAMIQUES AU SUD BÉNIN

103

nyassène81 portaient elles aussi le hidjab, non à la demande du
maître coranique, mais parce que cette coiffe distribuée lors d’une
tournée de da’wa avait dû paraître très convenable aux parents.
Cette nouvelle image permet aux jeunes femmes
« réformistes » de s’affirmer par rapport aux éléments masculins ;
associée à leurs compétences en religion, elle devient stratégique
pour induire des changements dans leur vie, tant religieuse que
privée.
« Nous parlons à partir du Coran »82
La vie des femmes des anciennes générations a été réglée par
la reproduction des usages locaux. Aux cultures, les militantes
« réformistes » opposent le livre dont les « fondamentalistes » font
une lecture littéraliste, la question des femmes soulignant
l’hétérogénéité de ce courant.
Leur posture d’humilité et leur savoir religieux leur
permettent d’introduire des changements dans leur vie religieuse,
par l’accès aux mosquées du vendredi, et dans la construction de
leur vie, par le refus des mariages arrangés ou forcés tels que les ont
subis leurs mères.
Accès aux mosquées et nouvelles formes de sociabilité
Mal acceptées dans les mosquées de l’islam classique, dans
toute l’Afrique les jeunes femmes fréquentent les mosquées
« réformistes ». Les femmes y prient dans le même espace que les
hommes, séparées par un rideau ou un voile, ou dans un espace
prévu pour elles ; la nouveauté par rapport aux anciennes mosquées
réside dans le fait qu’elles y ont accès quel que soit leur âge et
reçoivent directement le sermon de l’imam. À la mosquée
« réformiste » du quartier Zongo de Cotonou, dans laquelle hommes
et femmes pénètrent par deux entrées séparées, les femmes, qui
viennent souvent de quartiers éloignés, ne sont pas toutes des jeunes
engagées dans le renouveau de l’islam, beaucoup sont des
81. École coranique de Jonquet, dirigée par El Hadj Issa W.B. Yessoufou, visite
de l’école les samedis 12 mars 2005 et 11 mars 2006.
82. Entretien avec C. L., à Nattitingou, le 15 mars 2006.

104

L’AFRIQUE DES GÉNÉRATIONS

musulmanes « ordinaires » attirées par cette mosquée à l’esthétique
inspirée de celle de Médine, par les sermons de l’imam.
En instaurant une frontière symbolique entre les sexes, le
voile permet l’entrée des femmes dans des espaces jusque-là
réservés aux hommes. Après la prière du vendredi à la mosquée
Oumar ben Khatab construite avec des fonds saoudiens à côté du
campus d’Abomey-Calavi, dans la banlieue de Cotonou, comme
dans les mosquées Ibadou du Sénégal83, les filles de l’ACEEMUB
participent à des débats mixtes, dans un espace non cloisonné ;
ainsi, paradoxalement, le voile, qui matérialise la séparation entre
les sexes, devient facteur de mixité.
La sociabilité qui se développe dans les mosquées
« réformistes » est un phénomène quasi général84, mais du fait de la
situation minoritaire de l’islam dans le sud du Bénin, le mouvement
des femmes n’a pas la même envergure que dans les mosquées du
Caire fréquentées par Saba Mahmood et elles n’ont pas atteint
l’autonomie de leurs coreligionnaires égyptiennes les plus
engagées. La fréquentation des mosquées par les femmes fait partie
d’une demande et d’une évolution qui ne se limitent pas aux
« réformistes ». Dans les mosquées de la Ahmadiyya, hommes et
femmes prient ensemble, séparés par un rideau, les familles,
hommes, femmes et enfants, se rendent ensemble sur la place idi85
les jours de fêtes musulmanes. Les femmes de la Ahmadiyya
déclarent avoir été attirées par l’importance de l’étude qui permet
de mieux connaître sa religion et d’avoir des échanges intellectuels,

83. Cantone, Cléo, « The contemporary mosque phenomenon as lieux de
sociability : gender, identity and space », Communication à la Conférence
internationale Les lieux de sociabilité urbaine dans la longue durée en Afrique,
CEAN/Sedet, Paris, 22-24 juin 2006 ; Cantone, Cléo, op. cit., 2005.
84. Mahmood, Saba, Politics of Piety. The Islamic Revival and the Feminist
Subject, Princeton, Oxford, Princeton University Press, 2005, Voir également
Ghazi-Walid, D. et Nagel, C. (ed.), Geographies of Muslim Women: Gender,
Religion and Space, New York, The Guilford Press, 2005 (contributions centrées
sur le Moyen-Orient et le Maghreb).
85. La place idi est le terrain sur lequel se rassemblent les musulmans lors des
fêtes. Comme la Ahmadiyya a été rejetée de l’umma, elles dispose de sa propre
place idi.

AFFIRMATIONS FÉMININES ISLAMIQUES AU SUD BÉNIN

105

en particulier au sein du couple86. Les femmes de l’ordre mystique
Nimatullahi fréquentent la même khanikah87 que les hommes avec
lesquels elles partagent les séances de sama. Au-delà des
déclarations, l’égalité de l’homme et de la femme se traduit dans la
pratique religieuse et parmi les ouvrages de référence de l’ordre
Nimatullahi figure le Mémorial des Saintes, le livre des Vies
merveilleuses des femmes mystiques musulmanes, par le Dr Javad
Nurbakhsh, grand Maître de l’ordre lors de la parution de l’ouvrage
en 199188. Ces nouveaux courants, encore minoritaires, attirent des
femmes appartenant à la bourgeoisie ou à la classe moyenne
instruite, sans exclusion de génération, avec cependant une majorité
de jeunes adultes.
Les mosquées « réformistes » génèrent-elles une nouvelle
sociabilité pour les femmes ? Les mosquées ont toujours été des
lieux de sociabilité89, il s’y développe des solidarités générationnelles. Participer à la prière du vendredi affirme l’appartenance
à l’umma et les femmes qui en étaient exclues ont inventé leur
propre sociabilité, strictement féminine (voir supra). Les mosquées
« réformistes » induisent de nouvelles formes d’occupation, les
deux principales nouveautés étant la mixité et l’accès sans
distinction d’âge et de statut social90. Les nouvelles formes
d’occupation des mosquées ne se limitent pas à la prière, celle du
vendredi se poursuit par des débats, comme c’est le cas à la
mosquée Oumar ben Khatab d’Abomey-Calavi. Quant aux
nouvelles grandes mosquées, conçues comme des centres

86. Brégand, Denise, « La Ahmadiyya au Bénin » in Archives de Sciences
Sociales des Religions, 135, juillet-septembre 2006, p. 73-90.
87. Nom d’origine persane, désigne le lieu où se déroulent les séances de sama et
les retraites mystiques. Sama : écoute musicale mystique.
88. Entretien avec Yaboubou Fassassi, Grand maître de l’ordre Nimatullahi pour
l’Afrique de l’Ouest, le 18 février 2005, à la Présidence de la République où il
occupait un poste de conseiller du Président Kerekou.
89. Gomez-Perez, Muriel, « Autour des mosquées à Ouagadougou et à Dakar :
lieux de sociabilité et reconfiguration des communautés musulmanes », in
Fourchard, Laurent, Goerg, Odile, Gomez-Perez, Muriel (éd.), Lieux de
sociabilité urbaine en Afrique, Paris, L’Harmattan, 2009, p. 405-433.
90. Cantone, Cléo, op. cit., 2006.

106

L’AFRIQUE DES GÉNÉRATIONS

islamiques, à l’instar des markaz du mouvement Yan Izala91, elles
abritent des salles de réunion, souvent une madrasa, une
bibliothèque, des boutiques. Après la prière du vendredi à Zongo,
quelques jeunes hommes et jeunes femmes se rencontrent à la
librairie pour parler de religion, commenter le sermon de l’imam, et
tout simplement pour être ensemble.
Les nouveaux lieux de l’islam, lieux physiques tels les
mosquées « réformistes » la librairie, l’école, ou lieux fondés par la
sociabilité, tels les stages de formation, les associations islamiques92
les festivals internationaux, restent majoritairement investis par les
jeunes, sans grand lien intergénérationnel.
Par l’éducation et l’image qu’elles donnent d’elles-mêmes, les
jeunes femmes voilées cherchent une reconnaissance religieuse que
n’avaient pas nécessairement les femmes des générations
précédentes. Fortes de leur savoir religieux, elles ont fait du
mariage le thème central de leur action.
Le mariage : point de rupture entre les générations
Les militantes de l’ACEEMUB et du CNSMB s’appuient sur
leurs compétences en religion pour refuser des pratiques locales
qu’elles dénoncent comme étrangères à l’islam93. Comme dans les
sermons étudiés en Côte d’Ivoire par Marie Nathalie LeBlanc94 le
mariage est l’un des thèmes les plus mobilisateurs de la jeunesse.
Très répandus dans les familles musulmanes, mais non
exclusivement dans celles-ci, les mariages arrangés, voir forcés, de
filles très jeunes et sans leur consentement, existent encore dans les
zones rurales et dans les familles les moins éduquées en milieu
urbain95, en infraction au Code des personnes et de la famille de
91. Sounaye, Abdoulaye, « Izala au Niger : une alternative de communauté
religieuse », in Fourchard, Laurent, Goerg, Odile, Gomez-Perez, Muriel (éd.),
Lieux de sociabilité urbaine en Afrique, Paris, L’Harmattan, 2009, p. 481-500.
92. LeBlanc, Marie Nathalie, op. cit., 2009.
93. Pratiques très largement développées également dans les pays arabes et dans
le monde indo-pakistanais.
94. LeBlanc, Marie Nathalie, op. cit., 2006.
95. Voir Rapport du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des
femmes, Nations Unies, le 22 juillet 2005.

AFFIRMATIONS FÉMININES ISLAMIQUES AU SUD BÉNIN

107

2004 qui établit la majorité à dix-huit ans pour les hommes et les
femmes et rend obligatoire le consentement des époux96. Il est
cependant aisé de contourner la loi en ne se mariant que
religieusement.
Contre le mariage forcé, l’ACEEMUB et le CNSMB ont
engagé un important travail militant, dans lequel les garçons
s’impliquent également97. La présidente du CNSMB explique :
« Nous encourageons le mariage entre membres de l’ACEEMUB, "le
mariage militant". Les hommes de l’ACEEMUB sont encouragés à
épouser les filles de l’ACEEMUB, les filles sont autorisées à épouser des
hommes qui ne sont pas de l’ACEEMUB, mais on attend d’elles qu’elles
les amènent à une bonne compréhension de l’islam. Ils se marient très
jeunes et continuent les études, c’est le mariage d’amour. Nous nous
opposons aux mariages arrangés, la femme choisit son mari. Nous faisons
un travail auprès des parents qui veulent faire des mariages forcés. Nous
parlons à partir du Coran. Nous expliquons aux parents que le mariage
n’empêche pas de poursuivre les études »98.

« Le mariage militant » renforce l’organisation et participe à
la moralisation en mettant les intéressés à l’abri des tentations avant
le mariage. Les futurs époux, quant à eux, espèrent que leur
adhésion à une commune morale islamique sera une garantie pour
le ménage et l’éducation des enfants. Comme les associations
ivoiriennes similaires99, l’ACEEMUB offre aux jeunes filles des
possibilités de rencontres matrimoniales, leur image vertueuse
devenant alors un atout de séduction. Les discussions sur le mariage
sont un des points de tension des relations intergénérationnelles, les
jeunes militantes ne cherchent pas la rupture avec les familles, elles
attribuent à l’ignorance des pratiques qu’elles refusent désormais
avec fermeté. La conformité de leur tenue à une norme jugée
orthodoxe donne aux filles l’assurance nécessaire pour faire état
d’une connaissance des textes religieux supérieure à celle de leurs
96. Article 119 du Code des personnes et de la famille : chacun des deux époux,
même mineur, doit consentir personnellement au mariage.
97. Ces derniers sont également très mobilisés contre les dépenses occasionnées
par les cérémonies et le prix de la fiancée qui leur incombent.
98. Entretien avec la présidente du CNSMB, à Nattitingou, le 15 mars 2006.
99. LeBlanc, Marie Nathalie, op. cit., 2007.

108

L’AFRIQUE DES GÉNÉRATIONS

parents, aux coutumes elles opposent le texte sacré, c’est en ce sens
que le port du voile peut être stratégique. Si elles ne réussissent pas
à convaincre les parents, elles feront appel à un imam « réformiste »
qui interviendra dans la famille.
« Nous faisons un travail d’assistance : dans quelle mesure les parents
peuvent-ils voir qu’il faut que leur enfant entre dans le licite ? S’ils ne se
marient pas avec la personne de leur choix, ils risquent de tomber dans
l’illicite, c’est ce qu’interdisent les textes, mais il n’est pas écrit qu’un mari
peut être imposé contre l’avis de la fille concernée. Si les parents ne veulent
pas comprendre, la démarche la plus simple est d’aller voir une autorité
religieuse qui intervienne »100.

L’amir de l’ACEEMUB, qui remplit des fonctions à la fois
administratives (il est le président) et religieuses (il est imam de
l’ACEEMUB) déclare être déjà intervenu dans ce sens101.
Le refus du mariage arrangé ou forcé va de pair avec
l’évolution vers l’individualisation. Il s’inscrit par ailleurs dans une
évolution générale de la société ; dans le sud du Bénin où l’islam est
minoritaire, cette question du mariage se négocie au sein des
familles et ne génère pas de conflits intergénérationnels massifs.
Les mariages militants existent également à l’intérieur du
Tabligh102, mais dans ce cas, au Bénin, ce sont des mariages
arrangés par les hommes les plus âgés, la polygamie y est courante
et revendiquée. Les femmes du CNSMB ne mettent pas une
opposition de principe à la polygamie103, elles donnent les mêmes
explications que les hommes Ahalli sunna :
« Les gens n’ont pas compris la polygamie. Il y a des hommes qui avec
une seule femme ne sont pas satisfaits. L’islam interdit les maîtresses,
donc l’homme qui a beaucoup de pulsions doit prendre plusieurs femmes,
100. Nadiath, entretien collectif sur le campus d’Abomey-Calavi, le 5 mars 2005.
101. Nadiath, entretien collectif sur le campus d’Abomey-Calavi, le 5 mars 2005.
L’amir était alors Dramani A. Moudachirou, étudiant en 4ème année d’anglais,
décédé dans un accident de voiture en août 2005.
102 .Janson, Marloes, op. cit., 2005.
103. La polygamie n’est pas reconnue par le Code des personnes et de la famille.
Article 125 : Nul ne peut contracter un nouveau mariage avant la mention sur le
registre de l’état civil de la dissolution du précédent.
Article 143 : Seul le mariage monogamique est reconnu.

AFFIRMATIONS FÉMININES ISLAMIQUES AU SUD BÉNIN

109

mais il doit être équitable. J’ai été élevée dans une famille polygame, mon
père avait quatre femmes, et j’ai été heureuse dans ce cadre. J’accepterais
que mon mari prenne d’autres femmes, pourvu qu’il soit équitable »104.

Erin Augis a relevé la même acceptation chez les femmes
sunnites de Dakar qui l’interprètent comme une soumission à
Dieu105. Ces militantes entreprennent une démarche émancipatrice
en revendiquant le savoir, la réussite professionnelle, le choix du
conjoint, mais paradoxalement elles gardent une conception
conservatrice des rapports de genre :
« On parle de prééminence de l’homme sur la femme, car Dieu dit qu’ils
sont égaux, et que l’homme a l’autorité sur la femme du fait qu’il doit
l’assumer matériellement »106.

Il est fait ici implicitement référence au début du verset 34 de
la sourate IV : « Les hommes assument les femmes à raison de ce
dont Dieu les avantage sur elles et de ce dont ils font dépense sur
leurs propres biens »107, sourate réinterprétée par les « féministes
islamiques ». Margot Badran, dont les travaux portent sur le
« féminisme islamique » le définit ainsi : « Un discours et une
pratique féministe qui tirent sa compréhension et son autorité du
Coran, recherchant les droits et la justice dans le cadre de l’égalité
des hommes et des femmes, dans la totalité de leur existence »108.
Les militantes béninoises ne se présentent pas comme
« féministes islamiques », ne prononcent même pas le nom, mais
elles partagent la démarche qui consiste à chercher dans le texte
coranique qu’elles interprètent elles-mêmes, un guide pour leur
existence et pour les rapports de genre. Il est à noter que dans le
numéro de la revue Critique internationale « Le féminisme
islamique aujourd’hui », sous la direction de Stéphanie Latte-

104. Entretien avec C. L. présidente du CNSMB, à Nattitingou, le 15 mars 2006.
105. Augis, Erin, op. cit., 2005.
106. Entretien avec C. L., à Nattitingou, le 15 mars 2006.
107. Coran, traduction Jacques Berque. En note (de Jacques Berque) :
« assumer », sous-entendre « la protection, les besoins des femmes ».
108. Texte en ligne (10 février 2006) sur le site http://www.islamlaicite.org/article334.html,
page 1sur 5.

110

L’AFRIQUE DES GÉNÉRATIONS

Abdallah, aucun article ne traite d’un exemple subsaharien109. La
question de savoir si les efforts de ces femmes peuvent être
qualifiés de « féministes » reste un débat à part entière qui ne sera
pas abordé ici.
Les militantes de l’ACEEMUB et du CNSMB n’ont pas
totalement franchi le cap de l’égalité de fait entre les sexes et de la
contestation du système patriarcal. Elles ne déploient pas de
manière absolument autonome leurs activités, toujours supervisées
par un élément masculin. Bien que militants et militantes semblent
apprécier de travailler ensemble, l’encadrement suppose toujours un
contrôle de la part de ceux qui encadrent. Les filles de
l’ACEEMUB avaient décidé en 2005, 2006, et également en
2008110, d’organiser à Cotonou la journée de la femme en louant
une salle, « Une journée pour les sœurs, la possibilité de nous
retrouver entre nous »111. Chaque fois, des difficultés d’organisation
n’ont pas permis que cette journée se tienne, elle a été reportée à
une date ultérieure, mais ce n’était plus alors la journée mondiale
des femmes, et la manifestation perdait sa force symbolique. Il n’en
demeure pas moins que ce désir de participer à la journée mondiale
des femmes représente une nouveauté, reste l’initiative des jeunes
femmes, et ne concerne pas les anciennes générations qui restent
extérieures à ces initiatives et ne sont pas consultées.
Conclusion
Ces militantes du « vrai islam » se démarquent des
générations qui les ont précédées en refusant tout ancrage culturel,
en ce sens leur islam concorde parfaitement avec la globalisation et
les pratiques religieuses individualisées112. Elles revendiquent
l’interprétation personnelle des textes et l’autonomisation de leurs
choix religieux par rapport à leurs appartenances familiale et
ethnique. Cette individualisation les rattache à un mouvement
109. Critique internationale « Le féminisme islamique aujourd’hui », n°46, 2010.
110. Mes enquêtes se déroulaient durant ces périodes.
111. Entretien avec la responsable aux affaires féminines, sur le campus
d’Abomey-Calavi, le 12 mars 2005.
112. Gellner, Ernest, op. cit., 1992.

AFFIRMATIONS FÉMININES ISLAMIQUES AU SUD BÉNIN

111

général en islam, et en séparant religion et culture, elles peuvent
s’extraire du local pour se sentir appartenir à une umma universelle,
à une « communauté imaginée »113. L’individualisation les a
conduites (de même que les hommes) à supprimer tout
intermédiaire dans le rapport à Dieu, tandis que les femmes des
groupes assalat restent attachées au cheikh et au groupe. Ces aînées
n’ont pour la plupart pas étudié, mais envoient leurs filles à l’école
et à l’université, ainsi leur donnent-elles les moyens de choisir leur
voie, tant religieuse que professionnelle, et de les contester. Par la
séparation symbolique que représente le voile, les jeunes femmes
ont gagné l’accès à des espaces religieux mixtes, mais supervisés
par les hommes, alors que leurs aînées pratiquent leur religion dans
des groupes féminins et développent une sociabilité dans des
univers distincts de ceux des hommes.
Si l’on compare la pratique religieuse individualisée des
jeunes « réformistes » à celle des femmes des générations
précédentes, attachées au cheikh et au groupe, les jeunes se placent
du côté de la modernité, dont elles se réclament. « L’islam, c’est
moderne », dit la présidente de l’ACEEMUB en écoutant dans le
taxi qui nous conduit à l’université, un disque de Youssouf Islam,
ex. Cat Stevens. Qu’entendent les « réformistes » et qu’entendonsnous par « modernité »? Pour les militants Ahalli sunna, la
modernité est inscrite dans le Coran :
« Selon moi, la modernité, c’est ce qui permet à l’homme d’être au niveau,
d’accepter les découvertes scientifiques et de les adapter à son islam. Si
c’est cela, la modernité est contenue dans l’islam. Le premier verset incite
à la recherche. Le Coran parle de la biologie, de la physique, de la
médecine. On ne peut pas être musulman et s’écarter de la modernité,
seulement le musulman se met des limites »114.

Ils associent la modernité aux progrès scientifiques, mais
refusent les transformations sociales qu’entraînent ces progrès, en
particulier la liberté des femmes, ils veulent, au contraire,
113. Anderson, Benedict, Imagined Communities, London, New York, Verso,
1983.
114. Un participant à l’entretien collectif au quartier Dodgi à Porto Novo, le 21
janvier 2005.

112

L’AFRIQUE DES GÉNÉRATIONS

« islamiser la modernité », selon l’expression consacrée. Le concept
de « modernité » a été fort utilisé par les chercheurs et sous diverses
acceptions115. Nous considérerons la modernité, à l’instar d’Olivier
Roy, sous l’angle de l’individualisation, de la prise de distance par
rapport aux identités et aux appartenances116. Les militantes de
l’ACEEMUB affirment leur modernité en prônant un islam
universel, détaché des contextes culturels et en refusant le mariage
forcé et arrangé. En se situant dans un paradigme islamique, elles
recherchent la voie d’une modernité non occidentale et se
démarquent des groupes féministes qui réclament l’émancipation
des femmes et remettent en question les rapports de genre tels qu’ils
existent dans la famille patriarcale. La fréquentation de l’université
participe aussi de la modernité, elle ouvre aux femmes d’autres
horizons de pensée et de vie, mais un niveau intellectuel élevé ne
s’accompagne pas nécessairement d’une remise en question des
rôles dans le domaine privé. Comme le Tabligh, le « réformisme »
dans sa version « fondamentaliste », enferme à nouveau les
femmes, épouses de polygames Ahalli sunna. L’hétérogénéité du
réformisme se manifeste justement à travers les contrastes des
conditions féminines. Parmi les influences exercées sur le
mouvement « réformiste », la proximité du Nigeria donne une
audience particulière à Yan Izala dont les prédicateurs s’expriment
dans les mosquées et sur l’unique radio islamique, « la Voix de
l’islam », qui émet depuis la mosquée de Zongo à Cotonou. Ces
prédicateurs prônent une interprétation littéraliste des textes,
l’islamisation du quotidien et la charia117, leur influence est visible
dans le formalisme exprimé dans les codes vestimentaires et
sociaux. Les musulmans de Porto Novo, notables et membres des
confréries se sont opposés à l’installation de Yan Izala qui n’a pu
s’établir qu’à Malanville, à la frontière avec le Niger, après des
conflits locaux prolongés118. Comme à Dogondoutchi, plus
115. Voir Miran, Marie, op. cit., 2006, p. 13-17.
116. Roy, Olivier, « Modernisation, réformisme et réislamisation », in Mouvements, n°36, 2004, p. 22-31.
117. Conscients de l’impossibilité d’espérer la charia au Bénin, les adeptes de cet
islam fondamentaliste tentent de s’aménager des îlots de charia.
118. Abdullaye, Galilou, op. cit., 2007.

AFFIRMATIONS FÉMININES ISLAMIQUES AU SUD BÉNIN

113

l’influence de Yan Izala est importante, plus les femmes sont
cloîtrées et absentes de l’espace public119.
Le combat des filles voilées de l’ACEEMUB et du CNSMB
semble décalé dans un contexte politique national favorable à
l’égalité des sexes. L’appareil législatif œuvre dans ce sens, sur un
terrain où les femmes, y compris les femmes musulmanes, exercent
un pouvoir économique fort dont al hadja Toukourou représente
une figure emblématique. Lorsque Fariba Abdelkah analyse la
situation en Iran, elle remarque que le port du tchador a permis la
présence dans l’espace public et à l’université, de femmes qui
jusque-là en étaient exclues. La situation diffère donc au Bénin où
l’espace public et la vie politique sont ouverts aux femmes,
cependant l’audience des courants les plus « fondamentalistes »
conduit à un retour, certes minoritaire, de la claustration des
femmes, de leur exclusion de l’espace public.
« La modernité » serait-elle l’apanage des jeunes
« réformistes » et resterait-elle inaccessible aux femmes des
générations précédentes ? Selon le sens commun, la jeunesse et la
nouveauté se placent du côté de la modernité. Certes, les femmes
des confréries n’ont pas rompu avec les appartenances et avec les
pratiques collectives, les groupes assalat en sont un exemple,
cependant ceux-ci évoluent, ainsi que l’ensemble de l’islam non
« réformiste ». Par leur rôle économique et social, les femmes de la
génération des aînées font partie des forces qui font avancer le pays,
les grandes commerçantes ont très tôt participé à une économie
mondialisée et acquis une autonomie financière qui leur confère un
pouvoir, elles apportent elles aussi leur concours aux multiples
facettes de la modernité des femmes musulmanes dans les villes du
Golfe de Guinée.

119. Masquelier, Adeline, op. cit., 2009.

114

L’AFRIQUE DES GÉNÉRATIONS

Bibliographie
ABDELKAH, Fariba, La révolution sous le voile. Femmes
islamiques d’Iran, Paris, Karthala, 2000.
ABDOULAYE, Galilou, L’islam béninois à la croisée des chemins.
Histoire, politique et développement, Köln, Mainzer Beiträge zur
Afrikaforschung, Rüdiger Köppe Verlag, 2007.
ALIDOU, O. et ALIDOU, H., « Women, Religion and the
Discourses of Legal Ideology in Niger Republic », in Africa Today,
Vol. 54, 3, 2008, p. 21-36.
ANDERSON, Benedict, Imagined Communities, London, New
York, Verso, 1983.
AUGIS, Erin, « Dakar’s Sunnite Women: the Politics of Person »,
in GOMEZ-PEREZ, Muriel (dir.), L’islam politique au sud du
Sahara. Identités, discours et enjeux, Paris, Karthala, 2005, p. 309325.
BADRAN, Margot, « Où en est le féminisme islamique ? », in
Critique internationale, No. 46, 2010/1, p. 25-44.
________, Feminism in Islam: Secular and Religious
Convergences, Oxford, Oneworld Publications, 2009.
________, « Le féminisme islamique revisité », 10 février 2006,
texte présenté à l’Institut Neerlandais du Caire, en ligne sur le site
www.Islamlaicité.org
________, « Féminisme islamique, qu’est-ce à dire? », publié dans
Al-Ahram Weekly, Le Caire, 17-23 janvier 2002, en ligne sur le site
www.genreenaction.net
BAUBEROT, Jean, Les laïcités dans le monde, Paris, PUF, 2009
(2007).
BODMAN, L. H. et NAYEREH, T. (ed.), Women in Muslim
Societies, Diversity Within Unity, Boulder & London, Lynne
Rienner Publishers, 1998.
BIERSCHENK, Thomas, CHEVEAU, Jean-Pierre et OLIVIER DE
SARDAN, Jean-Pierre, Courtiers en développement, les villages
africains en quête de projets, Paris, Karthala et APAD, 2000.

AFFIRMATIONS FÉMININES ISLAMIQUES AU SUD BÉNIN

115

BOYD, Jean et LAST, Murray, “The Role of Women as “Agents
Religieux” in Sokoto”, in Canadian Journal of African Studies, 19,
2, 1985, p. 283-300.
BRÉGAND, Denise, « Du soufisme au réformisme : la trajectoire
de Mohamed Habib, imam à Cotonou », in Politique africaine,
No.116, décembre 2009, p. 121-142.
BRÉGAND, Denise, « Les réformistes et l’État au Bénin », in
OTAYEK, René et SOARES Benjamin (éd.). Islam, État et société
en Afrique, Paris, Karthala, 2009, p. 187-210.
BRÉGAND, Denise, « La Ahmadiyya au Bénin » in Archives de
Sciences Sociales des Religions, 135, juillet-septembre 2006, p. 7390.
BRÉGAND, Denise, Commerce caravanier et relations sociales au
Bénin. Les Wangara du Borgou, Paris, L’Harmattan, 1998.
CALLAWAY, B. and CREEVEY, L., The Heritage of Islam,
Women, Religion & Politics in West Africa, Boulder & London,
Lynne Rienner Publishers, 1994.
CANTONE, Cléo, « The contemporary mosque phenomenon as
lieux de sociability : gender, identity and space », Communication à
la Conférence internationale Les lieux de sociabilité urbaine dans la
longue durée en Afrique, CEAN/Sedet, Paris, 22-24 juin 2006.
CANTONE, Cléo, « "Radicalisme" au féminin? Les filles voilées et
l’appropriation de l’espace dans les mosquées à Dakar », in
GOMEZ-PEREZ, Muriel (dir.), L’islam politique au sud du Sahara.
Identités, discours et enjeux, Paris, Karthala, 2005, p. 119-130.
COOPER, Barbara, « Gender and religion in Hausaland : variations
in Islamic Practices in Niger and Nigeria », in BODMAN, H. and
NAYEREH, T. (eds), Women in Muslim Societies, Diversity Within
Unity, Boulder & London, Lynne Rienner Publishers, 1998, p. 2137.
COULON, Christian, Femmes, islam et baraka, Communication à
Londres, 28/30 septembre 1985, Document CEAN-Bordeaux.
Critique internationale « Le féminisme islamique aujourd’hui »,
n°46, 2010.
FERDAOUS, H. et SEMIN, J., « Fissabillilah ! Islam au Sénégal et
initiatives féminines. Une économie morale du pèlerinage à La
Mecque », in Afrique contemporaine, No. 231, 2009/3, p. 139-153.

116

L’AFRIQUE DES GÉNÉRATIONS

FOURCHARD, Laurent, MARY, Alain et OTAYEK, René (éd.).
Entreprises religieuses transnationales en Afrique de l’Ouest,
Ibadan, Paris, IFRA-Karthala, 2005.
GABORIEAU, Marc, « Tablighi Djama’at », in Encyclopédie de
l’islam, Tome X nouvelle édition, Brill, 1998.
GELLNER, Ernest, Postmodernism, Reason and Religion, London
& New York, Routledge, 1992.
GHAZI-WALID, D. et NAGEL, C. (éd.), Geographies of Muslim
Women : Gender, Religion and Space, New York, The Guilford
Press, 2005.
GOMEZ-PEREZ, Muriel, « Autour des mosquées à Ouagadougou
et à Dakar : lieux de sociabilité et reconfiguration des communautés
musulmanes », in FOURCHARD, Laurent, GOERG, Odile et
GOMEZ-PEREZ, Muriel, (éd.), Lieux de sociabilité urbaine en
Afrique, Paris, L’Harmattan, 2009, p. 405-433.
______________, « The Association des Étudiants Musulmans de
l’Université de Dakar (AEMUD) between the Local and the Global:
An Analysis of Discourse », in Africa Today, Vol. 54, 3, 2008, p.
95-117.
______________ (dir.), L’islam politique au sud du Sahara.
Identités, discours et enjeux, Paris, Karthala, 2005.
GOMEZ-PEREZ,
Muriel,
LEBLANC,
Marie
Nathalie,
SAVADOGO, Mathias, « Young men and Islam in the 1990s:
Rethinking an Intergenerational Perspective », in Journal of
Religion in Africa, 39, 2, 2009, p. 186-218.
HUTSON, Alaine S., « Women, Men, and Patriarchal Bargaining in
an Islamic Sufi Order: The Tijaniyya in Kano, Nigeria, 1937 to the
Present », in Gender & Society, 15, 5, October 2001, p. 734-753.
HUTSON, Alaine, S., « The development of Women’s Authority in
the Kano Tidjaniyya, 1894-1963 », in Africa Today, Vol. 46, 3-4,
1999, p. 43-64.
JONCKERS, Danièle, « Associations islamiques et enjeux
démocratiques au Mali. De l’affirmation identitaire à la contestation
de l’Etat et des institutions internationales », in CARATINI, S. (éd.)
La question du pouvoir en Afrique du Nord et de l’Ouest, volume 2,
Affirmations identitaires et enjeux de pouvoir, Paris, L’Harmattan,
2009, p. 99-130.

AFFIRMATIONS FÉMININES ISLAMIQUES AU SUD BÉNIN

117

JANSON, Marloes, « Roaming about for God’s Sake: the Upsurge
of the Tabligh Jama’at in the Gambia », in Journal of Religion in
Africa, 35, 4, 2005, p. 450-481.
LAUNAY, Robert et SOARES, Benjamin F., « La formation d’une
sphère islamique en Afrique Occidentale Française (1895-1958) »,
in HOLDER, Gilles (éd.), L’islam, nouvel espace public en Afrique,
Paris, Karthala, 2009, p. 63-100.
LEBLANC, Marie Nathalie, « Nouveaux regards sur la vie
associative des jeunes femmes : les jeunes musulmanes en Côte
d’Ivoire », in FOURCHARD, Laurent, GOERG, Odile, et GOMEZPEREZ, Muriel, (éd.), Lieux de sociabilité urbaine en Afrique,
Paris, L’Harmattan, 2009, p. 435-459.
_________, « Imaniya and Young Muslim Women in Côte
d’Ivoire », in Anthropologica, 49, 1, 2007, p. 35-50.
_________, « L’orthodoxie à l’encontre des rites culturels. Enjeux
identitaires chez les jeunes d’origine malienne à Bouaké (Côte
d’Ivoire) », in Cahiers d’études africaines, XLVI, 2, 182, 2006,
p.417-436.
LEBLANC, Marie Nathalie, Youth, Islam and Changing Identities
in Bouaké, Côte d’Ivoire, PhD. Thesis, Department of
Anthropology, University College, London, UK, 1998.
MAHMOOD, Saba, Politics of Piety. The Islamic Revival and the
Feminist Subject, Princeton, Oxford, Princeton University Press,
2005.
MARIE, Alain, « Du sujet communautaire au sujet individuel. Une
lecture anthropologique de la réalité africaine contemporaine », in
MARIE, Alain (ed.), L’Afrique des individus. Itinéraires citadins
dans l’Afrique contemporaine (Abidjan, Bamako, Dakar, Niamey),
Paris, Karthala, 1997.
MARTIN, Denis-Constant (éd.), Sur la piste des OPNI – Objets
politiques non identifiés, Paris, Karthala, 2002.
MAYRARGUE, Cédric, « Pluralisation et compétition religieuses
en Afrique subsaharienne. Pour une étude comparée des logiques
sociales et politiques du christianisme et de l’islam », in Revue
Internationale de Politique Comparée, Vol. 16, No. 1, mai 2009,
p.83-98.
MAYRARGUE, Cédric, Dynamiques religieuses et démocra-

118

L’AFRIQUE DES GÉNÉRATIONS

tisation au Bénin : pentecôtisme et formation d’un espace
public, Thèse de doctorat en Sciences politiques, Bordeaux IV,
2002.
MASQUELIER, Adeline, Women and Islamic Revival in a West
African Town, Bloomington, Indiana University Press, 2009.
MERNISSI, Fatima, Le harem politique. Le Prophète et les femmes,
Paris, Albin Michel, 1987 (Rabat, 1983).
MIRAN, Marie, Islam, histoire et modernité en Côte d’Ivoire, Paris,
Karthala, 2006.
_______, « D’Abidjan à Porto Novo : associations islamiques et
culture religieuse réformiste sur la côte de Guinée », in
FOURCHARD, Laurent, MARY, André et OTAYEK, René (éd.),
Entreprises religieuses transnationales en Afrique de l'Ouest, Paris,
IFRA Ibadan-Karthala, 2005, p. 43-72.
OTAYEK, René, « Démocratisation sans sécularisation. La voie
paradoxale de la modernité en Afrique », in VANER, S.,
HERADSTVEIT, D. et KAZANCIGIL, A. (éd.) Sécularisation et
démocratisation dans les sociétés musulmanes, Bruxelles, Bern,
Berlin, Franckfurt-am-Main, New York, Oxford, Wien, P.I.E. Peter
Lang, 2008, p. 101-122.
OTAYEK, René et SOARES, Benjamin, (éd.), Islam, État et société
en Afrique, Paris, Karthala, 2009.
PELLOW, Deborah, « From Accra to Kano: One Woman’s
Experience », in COLES and MACK (ed.), Hausa Women in the
Twentieth Century, Madison, London, University of Wisconsin
Press, 1991, p. 50-68.
REVEYRAND-COULON, Odile, « Les énoncés féminins de
l’islam », in BAYART, Jean-François (éd.), Religion et modernité
politique en Afrique noire, Paris, Karthala, 1993, p. 63-100.
ROY, Olivier, La laïcité face à l’islam, Paris, Stock, 2005.
____, « Modernisation, réformisme et réislamisation », in
Mouvements n°36, 2004, p. 22-31.
____, L’islam mondialisé, Paris Seuil, 2002.
SCHULZ, Dorothea, « (Re)Turning to Proper Muslim Practice:
Islamic Moral Renewal and Women’s Conflicting Assertions of
Sunni Identity in Urban Mali », in Africa Today, Vol. 54, 3, 2008,
p.20-43.

AFFIRMATIONS FÉMININES ISLAMIQUES AU SUD BÉNIN

119

SOARES, Benjamin, Islam and the prayer economy, History and
authority in a Malian town, London, Edinburg University Press,
2005.
SOUNAYE, Abdoulaye, « Izala au Niger : une alternative de
communauté religieuse », in FOURCHARD, Laurent, GOERG,
Odile et GOMEZ-PEREZ, Muriel, (éd.), Lieux de sociabilité
urbaine en Afrique, Paris, L’Harmattan, 2009, p. 481-500.
SOW, Fatou, « Les femmes, l’État et le sacré », in GOMEZPEREZ, Muriel (dir.) L’islam politique au Sud du Sahara. Identités,
discours et enjeux, Paris, Karthala, 2005, p. 281- 307.
VAN SANTEN, José, C. M., « My "veil" does not go with my
jeans: veiling, Fundamentalism, Education and Women Agency in
Northern Cameroon”, in Africa, 80, 2, 2010, p. 275-300.
VILLALON, Leonardo, Alfonso, « Generational Changes, Political
Stagnation and the Evolving Dynamics of Religion and Politics in
Senegal », in Africa Today, 46, 3-4, 1999, p. 129-147.
Sites internet :
www.un.org/womenwatch/daw/cedaw/cedaw33/conclude/benin/05
45055F.pdf
www.Islamlaicité.org
www.genreenaction.net