2010 - An-Nasr Vendredi #332 (L'Azan le dernier son de .pdf

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2010 - An-Nasr Vendredi #332 (L'Azan le dernier son de .pdf
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Lorsque vient le secours d'Allah ainsi que la victoire, célèbre les louanges de ton Seigneur et implore son pardon

tir de son retard certain. Elle
Malgré les critiques d’une bonne
n’est toujours pas rentrée. Il
partie de la communauté inter­
s’inquiète plus pour elle que
nationale, Israël poursuit sa poli­
pour lui. D’habitude, à cette
tique de colonisation. Cependant
heure-ci, elle est à la maison.
ce projet d’expansion israélien a
Probablement, qu’elle est pastoujours déclenché des violentes
qui
resée
voir quelques une de ses
critiques des palestiniens
collègues.
vendiquent la paternité
des terres colonisées. L’Azan: le dernier Peut-être est
-elle
chez
Mais en quoi cette coloni­
son de Walid
Nathalie,
sation ; comme toute col’institutrice française en mis­
Ionisation d’ailleurs, est absolu­
sion civile. Walid reprend la
ment nuisible au peuple palesti­
route. Il continue tout droit. Le
nien ? An-nasr vendredi vous
phare gauche est éteint. Il est
propose à cet effet un récit qui
hors service. A chaque fois il se
en dit long, lisez plutôt ;
’hiver, la nuit tombe vite.
Les routes ne sont pas
éclairées. Les villages sont dis­
tants les uns des autres. Il faut
bien connaître son chemin. Walid a perdu le sien. Il conduit un
peu au hasard. 11 s’arrête et
avec son téléphone portable es­
saie de joindre Leïla pour l’avcr-

L

dit qu’il va le réparer et il ou­
blie. L’éclairage est insuffisant.
Il avance
lentement. Il ne
connait vraiment pas les lieux.
C’est la première fois qu’il vient
dans cette région de la Cisjor­
danie. En quittant Janine cet
après-midi, les habitants lui
avaient pourtant donne toutes
les indications. Il a du

se tromper à un moment. Il se
dit qu’il aurait dû faire demitour et rester jusqu’au lende­
main matin. Avec le jour, c’est
plus facile. 11 s’arrête de nouveau
et appelle Lcïla pour la troisième
fois. 11 laisse sonner plus long­
temps. Personne au bout du fil.
Dix-neuf heures. 11 repart.
11 se dit qu’au premier village, il
s’arrêtera pour la nuit. L’état de
la route se dégrade à grande vi­
tesse. 11 n’ya pratiquement plus
de goudron. 11 est en plein
champ, entouré d’arbustes. Ce
sont des oliviers.
Un couple harmonieux
Aurait-il quitté la route sans le
savoir ? Tout est possible. 11 ne
peut plus avancer et préfère s’ar­
rêter définitivement. Il envisage
faire un somme dans la voiture.
Il repense à son spectacle de la
journée. Ce n’était pas évident
sans Lcïla. Il lui fallait improvi­
ser et changer de voix constam­
ment. Walid est marionnettiste
ambulant. Sa femme Ixjïla, insti­
tutrice, l’accompagne souvent
dans scs tournées et tient les rô­
les féminins. 11 a dans son ré­
pertoire une dizaine d’histoires.
11 construit lui-même scs ma­
rionnettes. Taillées à la mesure
des scénarios dont il est l’au­
teur. Il s’inspire beaucoup du vé­
cu quotidien des gens. Il repro­
duit sur scène leurs joies et tris­
tesses, leurs bonheurs et mal
heurs, leurs courages et leurs

peurs, leurs enthousiasmes et
leurs déceptions, leurs révoltes
et leurs indifférences... 11 leur
montre leurs contradictions. Scs
spectacles plaisent aux enfants.
De village en village, d’une école
à une autre, de quartier en quar­
tier, d’une ville à une autre, son
répertoire s’enrichit de tournée
en tournée. Lcïla envisage sé­
rieusement quitter l’enseigne­
ment pour l’accompagner à plein
temps. Ils sont jeunes et n’ont
pas d’enfant.
D’une touche de son téléphone
portable, il recompose automati­
quement le numéro de la mai­
son. Il laisse sonner autant que
la dernière fois mais toujours
personne. Le répondeur n’est
pas branché. 11 ne peut meme
pas laisser de message. Il est in­
quiet. Ce n’est pas de l’habitude
de Lcïla de rester si tard dehors.
Ce n’est pas de l’habitude de
Walid d’appeler les parents et
amis pour savoir où elle se trou­
ve. 11 raccroche et s’installe dans
la voiture, toutes vitres fermées.
Le début d’une tragédie
Epuisé, il s’endort très vite. Le
matin, il est réveillé par un
rayon de soleil. 11 a eu froid toute
la nuit. Il contemple le paysage
qui s’étale devant lui II se trouve
en plein champ d’oliviers. Il de­
vra reculer pour rejoindre la rou-

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j

te. Vaut mieux ne pas trop s’at­
tarder en terre inconnue, il re­
monte en voiture et entame la
manœuvre de marche arrière. A
une dizaine de mètres il atteint
un carrefour. Son point d’erreur.
C’est là qu’il aurait fallu conti­
nuer tout droit au lieu de pren­
dre à droite. Il avance lentement
et au premier virage, juste en fa­
ce de lui, il voit apparaître l’ali­
gnement de maisons toutes neu­
ves, recouvrant le versant de la
colline. 11 est à proximité d’une
colonie juive. Il s’arrête net.
Impossible de. faire demi-tour,
pas assez de place. La route est
trop étroite. Pas question d’avan­
cer jusqu’à la colonie. Sans plus
réfléchir, il passe la marche ar­
rière et recule prudemment.
Trop tard ; 11 est repéré. Les vigi­
les de la colonie le rattrapent
plus en amont, par un raccourci
en chemin de terre. Ils lui bar­
rent la route. Il s’en rend compte
à quelques mètres d’eux. Il déci­
de d’abandonner la voiture et se
lance à travers les champs en
contrebas. Il se précipite vers la
vallée. En se retournant, il s’a­
perçoit qu’il est poursuivi. 11 dé­
cide de se cacher derrière un
énorme buisson, le temps de re­
prendre haleine. Peut-être que
ses poursuivants, le perdant de

vue, décideraient d’abandonner
la poursuite. Il a chaud. Il invo­
que Dieu pour Son aide. Il trans­
pire abondamment. Il ne bouge
pas. Ils sont tout près. Il ignore
leur nombre. Il les entend com­
muniquer entre eux. Ils le re­
cherchent toujours. Il a un es­
poir de leur échapper. 11 passe à
quelques mètres de lui. Il voit
quelques uns très distinctement.
Ils sont armés. Il retient son
souffle. Il ne respire pratique­
ment plus .11 entend les batte­
ments de son propre cœur. Il
serre les dents .11 a enfoncé scs
doigts dans la terre. La sueur
coule de son front.
A jamais
De la poche interne de sa
veste, la sonnerie de son télé­
phone portable le fait Sursauter.
Il est trahi. Il veut se saisir de
l’appareil pour le déconnecter
mais c’est trop tard.
Très vite, il est entouré par qua­
tre, cinq, six, sept...vigiles. Son
portable continue d’émettre l’azaan de Shaykh Abdoul Baassit.
Une mélodie qui éveille le cœur.
Lcila l’avait programmé spéciale­
ment pour lui. Il pense à clic. Il
décide de sc rendre. Lentement,
les mains levées, il sc redresse .11
ne parvient pas à se mettre

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complètement débout. Il est abat­
tu, il s’écroule. Le corps de Walid
est allongé par terre, dans une
marre de sang. Il est couché sur
son portable qui ne sonne plus.
Ne décrochant pas Ixnla lui a
laissé un message : "Je suis
chez Mariam. Elle a été agres­
sée par des colons. J'ai passé
la nuit chez elle pour la ré­
conforter. A ce soir, je t’aime. "
Le sort de Walid n’est que la par­
tie visible de l’iccbcrg en matière
de victimes faites par cette colo­
nisation .Eh oui ! Chers lecteurs
nous sommes au 21 siècle et on
parle toujours et encore de colo­
nisation. L’annexion illégale des
terres palestiniennes par l’Israël
ne cesse de poursuivre au mé­
pris du droit international. Au
moment où un peu partout des
efforts sont faits pour relancer le
processus de paix ; le gouverne­
ment israélien vient d’autoriser la
construction de 1600 logements
dans une colonie au mépris des
palestiniens. Toute porte à croire
que l’Etat israélien n’a aucune
intention de cesser scs injustices
envers le peuple palestinien. Ce
qui ne se fait pas sans consé­
quence .Ainsi des femmes, des
enfants, des hommes sont inno­
cemment tués. D’autres perdent
leur travail. Des enfants et des

jeunes étudiants manquent enco- 4
re et encore leurs rentrées scolai- K
res .Une image de rues vides et
de centaines de magasins fermés
n’est pas la conséquence d’un
.couvre feu ou d’un deuil pour les
martyrs mais plutôt due à la
présence de
dizaine de colons
dans ces rues. Des colons qui
terrorisent la population palesti­
nienne en toute impunité avec la
complicité de l’armée israélienne.
Ces colons ne veulent aucun pa­
lestinien sur leur chemin. Pire
encore ils les privent de l’eau
potable pendant ce temps eux
même sont entrain d’en gaspiller.
C’est une injustice inimaginable.
Ce
peuple soufre toujours de
l’absence de voix de la commu­
nauté internationale. Le monde
arabo -musulman s’est caractéri­
sé par son mutisme. Tout un
peuple meurtri laissé à lui- mê­
me. Il n’a que ses mains pour se
défendre contre des chars blin­
dés. Et on se demande alors à
quand la fin de cette injustice,
de cette inhumanité ? En atten­
dant prions pour ce peuple pa­
lestinien car il mérite mieux que
ce traitement.

In action 1998

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