Bregand Denise, 1999 - Commerce caravanier et relations sociales au Bénin. Les Wangara du Borgou

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book review
Title
Bregand Denise, 1999 - Commerce caravanier et relations sociales au Bénin. Les Wangara du Borgou
list of authors
Vennetier, Pierre
Journal
Les Cahiers d'Outre-Mer
volume
52
issue
207
page start
333
page end
334
Date
1999
Language
Français
Wikidata QID
Q113531171
content
fr Fruit de recherches pluri-disciplinaires, cet ouvrage est aussi d'un grand intérêt pour le géographe qui s'intéresse à la fois aux villes, aux rapports internes à la société urbaine, aux courants commerciaux et à leur évolution, etc. Ethnologue, anthropologue, historienne, sociologue, l'auteur, à travers l'exemple du Borgou (région à cheval sur le nord-est du Bénin et le nord-ouest du Nigeria), a centré son étude sur les Wangara, marchands islamisés qui, à partir du Mali, migrèrent en tissant un réseau de pistes caravanières prolongeant vers le sud et le sud-est les pistes transsahariennes, et au long desquelles ils propagèrent leur religion. Fondateurs de marchés et constructeurs de mosquées, ils surent occuper une place éminente auprès des pouvoirs traditionnels, et sans jamais prendre leur place, en tirer les avantages nécessaires à leur prospérité.

Bien que centré sur le Borgou, ce travail déborde largement sur toute l'Afrique occidentale pour ce qui concerne la nature, les modalités, l'évolution du commerce des biens et des hommes, qui faisait la richesse des wangara - l'or, le sel, la potasse, les noix de kola, les tissus, les chevaux, les esclaves -, et les formes de rapports qu'ils entretenaient avec les groupes sociaux des régions traversées. Ce sont eux qui ont fondé les quartiers "wangara", séparés et plus ou moins distants des quartiers autochtones, différents d'eux par leur architecture et leur structure spatiale, par la pratique de la religion islamique, par l'influence de l'imam, chef spirituel de la communauté à côté du chef politique dépendant du pouvoir supérieur avec lequel ils entretiennent des relations très ritualisées. Les plus vieilles familles (Traoré, Cissé, Touré, Sylla...) continuent d'y résider, et leur histoire permet de reconstituer leurs périples migratoires depuis leurs lointaines régions d'origine.

La disparition du commerce caravanier a entraîné une profonde mutation à laquelle l'auteur consacre ses deux derniers chapitres. Il constate que les fils et petits-fils des wangara se sont reconvertis massivement dans le commerce moderne, et sont devenus grâce au "Titan" (camion de 30 1) de grands négociants prospères et/ou transporteurs routiers travaillant à leur compte ou à la demande, et dont certains possèdent un véritable parc de gros véhicules. Le trafic est assuré par la collecte du coton, par celle des produits vivriers à destination des marchés urbains, par la redistribution de produits importés, par des échanges transfrontaliers légaux ou clandestins. La crise économique a sensiblement réduits leurs activités, mais les plus riches ont su préserver l'avenir en investissant dans le foncier : domaines agricoles pour des cultures commerciales (vivres traditionnels, produits maraîchers, arboriculture fruitière) ; dans l'immobilier (maisons urbaines destinées à la location) ; dans le commerce de boutiques, voire le conditionnement des produits locaux. Puissants par leur fortune et pratiquant un mécénat ostentatoire aux formes multiples (construction de mosquées, entretien d'écoles coraniques, financement de pèlerinages à La Mecque), les "alhadji" ont une influence qui dépasse largement le cercle nombreux de leurs dépendants et obligés. Ils ne s'impliquent pourtant presque jamais dans la politique, du moins directement, mais entretiennent soigneusement leurs relations avec le pouvoir en place, qui a besoin d'eux et qui est garant des bonnes conditions de fonctionnement de leurs activités. Jouant un rôle social indiscutable, ils contribuent dans une certaine mesure à un développement sans rupture avec les structures sociales anciennes. Mais compte tenu de l'évolution des mentalités et de certaines influences politico-religieuses actuelles, l'auteur s'interroge sur les chances de voir perdurer un système quelque peu contradictoire avec les orientations dominantes de l'économie moderne. On ne peut que recommander chaudement la lecture de cette très intéressante étude.

Pierre VENNETIER
Spatial Coverage
Bénin
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BIBLIOGRAPHIES

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BIBLIOGRAPHIES

BREGAND Denise, 1999 - Commerce caravanier et relations sociales au Bénin. Les
Wangara du Borgou. Paris, L'Harmattan, 272 p. (Collect. Sociétés Africaines &
Diaspora) .
Fruit de recherches pluri-disciplinaires, cet ouvrage est aussi d'un grand intérêt
pour le géographe qui s'intéresse à la fois aux villes, aux rapports internes à la société
urbaine, aux courants commerciaux et à leur évolution, etc. Ethnologue, anthropo¬
logue, historienne, sociologue, l'auteur, à travers l'exemple du Borgou (région à
cheval sur le nord-est du Bénin et le nord-ouest du Nigeria), a centré son étude sur les
Wangara, marchands islamisés qui, à partir du Mali, migrèrent en tissant un réseau de
pistes caravanières prolongeant vers le sud et le sud-est les pistes transsahariennes, et
au long desquelles ils propagèrent leur religion. Fondateurs de marchés et constructeurs
de mosquées, ils surent occuper une place éminente auprès des pouvoirs traditionnels,
et sans jamais prendre leur place, en tirer les avantages nécessaires à leur prospérité.
Bien que centré sur le Borgou, ce travail déborde largement sur toute l'Afrique
occidentale pour ce qui concerne la nature, les modalités, l'évolution du commerce des
biens et des hommes, qui faisait la richesse des wangara - l'or, le sel, la potasse, les
noix de kola, les tissus, les chevaux, les esclaves -, et les formes de rapports qu'ils
entretenaient avec les groupes sociaux des régions traversées. Ce sont eux qui ont
fondé les quartiers "wangara", séparés et plus ou moins distants des quartiers autoch¬
tones, différents d'eux par leur architecture et leur structure spatiale, par la pratique de
la religion islamique, par l'influence de l'imam, chef spirituel de la communauté à côté
du chef politique dépendant du pouvoir supérieur avec lequel ils entretiennent des
relations très ritualisées. Les plus vieilles familles (Traoré, Cissé, Touré, Sylla...)
continuent d'y résider, et leur histoire permet de reconstituer leurs périples migratoires
depuis leurs lointaines régions d'origine.
La disparition du commerce caravanier a entraîné une profonde mutation à
laquelle l'auteur consacre ses deux derniers chapitres. Il constate que les fils et petitsfils des wangara se sont reconvertis massivement dans le commerce moderne, et sont
devenus grâce au "Titan" (camion de 30 1) de grands négociants prospères et/ou trans¬
porteurs routiers travaillant à leur compte ou à la demande, et dont certains possèdent
un véritable parc de gros véhicules. Le trafic est assuré par la collecte du coton, par
celle des produits vivriers à destination des marchés urbains, par la redistribution de
produits importés, par des échanges transfrontaliers légaux ou clandestins. La crise
économique a sensiblement réduits leurs activités, mais les plus riches ont su préserver
l'avenir en investissant dans le foncier : domaines agricoles pour des cultures
commerciales (vivres traditionnels, produits maraîchers, arboriculture fruitière) ; dans
l'immobilier (maisons urbaines destinées à la location) ; dans le commerce de
boutiques, voire le conditionnement des produits locaux. Puissants par leur fortune et

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LES CAHIERS D'OUTRE-MER

pratiquant un mécénat ostentatoire aux formes multiples (construction de mosquées,
entretien d'écoles coraniques, financement de pèlerinages à La Mecque), les "alhadji"
ont une influence qui dépasse largement le cercle nombreux de leurs dépendants et
obligés. Ils ne s'impliquent pourtant presque jamais dans la politique, du moins direc¬
tement, mais entretiennent soigneusement leurs relations avec le pouvoir en place, qui
a besoin d'eux et qui est garant des bonnes conditions de fonctionnement de leurs
activités. Jouant un rôle social indiscutable, ils contribuent dans une certaine mesure à
un développement sans rupture avec les structures sociales anciennes. Mais compte
tenu de l'évolution des mentalités et de certaines influences politico-religieuses
actuelles, l'auteur s'interroge sur les chances de voir perdurer un système quelque peu
contradictoire avec les orientations dominantes de l'économie moderne. On ne peut
que recommander chaudement la lecture de cette très intéressante étude.

Pierre VENNETIER

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