Aspects de l'Islam sur la Côte de Guinée

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Academic Article
Title
Aspects de l'Islam sur la Côte de Guinée
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Delval, Raymond
Abstract
fr La Côte d'Ivoire compte aujourd'hui 33% de Musulmans, le Bénin 13%, le Ghana 12%, le Togo 10% et le Nigeria 46%. Le premier point qu'on examine, est l'expansion de l'Islam vers le sud, le golfe de Guinée; le deuxième phenomène est l'approfondissement de l'Islam. L'auteur étudie ces deux phénomenes en prenant deux exemples: le Togo et Abidjan.
Journal
Sociétés Africaines, Monde Arabe et Culture Islamique
volume
1
page start
179
page end
205
Date
1981
Language
Français
Wikidata QID
Q113527818
Spatial Coverage
Bénin
extracted text
ASPECTS DE L'ISLAM SUR LA COTE DE GUINEE

Je lim ite r a i mon analyse à la cflte du Bénin, qui s'étend de la
C6te d 'iv o ire au N ig é ria . I l s 'a g 1 t-là d'une région généralement considé­
rée comme non islam isée. Sur les cartes publiées par J.C . Froelich dans
son ouvrage L ee M usulmans d ' A f r i q u e N o i r e , par exemple, on n 'y trouve
mention que de "quelques éléments" musulmans. De te lle s cartes ne sont
plus valables au jo u rd 'h u i. Elles sont à r e f a ir e . Car le pourcentage des
Musulmans y devient chaque jo u r plus im portant. La CSte d 'iv o ir e compte
au jo u rd 'h u i, par exemple, 33% de Musulmans, le Bénin 13%, le Ghana 1 2 t.
le Togo 10%, le N igéria 46% (35 m illio n s ).
En p artant de ces données de base qui vous s itu e n t dans quel
contexte nous faisons c e tte étude, i l fa u t savoir que c 'e s t une région
oû les Etats sont des pays dont la population est en m ajo rité "anim iste” .
Mais quand même, i l y a dans le nord des m inorités islam iques, quelquefois
relativem ent anciennes, datant au moins du X V IIIe s iè c le e t , par le sud,
depuis le XIXe s iè c le e t surtout le XXe s iè c le , pénétration du c h r is tia ­
nisme : montée du christianism e vers le nord, descente de l'Is la m venant
du nord.
Le premier point que nous allons examiner est l'expansion de
l'Is la m vers le sud, la mer, le golfe de Guinée e t le deuxième phénomène,
très Im portant, c 'e s t qu'â c8té de ce développement numérique e t , en même
temps, de c e tte expansion géographique, i l y a également approfondisse­
ment de l'Is la m . C 'est un phénomène que nous verrons également en deu­
xième p a r tie . Ce sont ces deux m anifestations à l'h e u re a c tu e lle - c 'e s t
un phénomène qui se déroule de nos jours - que nous allons é tu d ie r en
prenant deux exemples trè s précis que Je connais tout p articu lièrem en t :
le Togo, oû j ' a i servi pendant quatre années de 1969 à 1973, ce qui m'a
permis, é ta n t en p lace, de fa ir e une enquête sur la communauté musulmane
du pays, e t Abidjan, oû j'a 1 f a i t une enquête assez poussée l'année der­
n iè re , qui reste encore un peu s u p e r fic ie lle , mais m'a donné quelques
idées sur l'im portance e t le développement de la conmunauté islamique
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d 'A bid jan. Ce phénomène que nous allons v o ir au Togo e t dans une grande
c a p ita le moderne, j e crois qu'on peut un p e t it peu le transposer a ille u r s ,
bien s û r, avec c ertain s aménagements, dans ces Etats du golfe de Guinée.
Voyons donc le Togo d'abord. Ce pays est en dehors de la zone
d'expansion de l'Is la m ancien. I l fau t attendre le X V IIIe s iè c le pour
entendre p a rle r de Musulmans au Togo. Cette expansion de l'Is la m se f a i t
de deux façons : d'un c 6 té , de manière extrêmement d iffu s e , par l ' i n t e r ­
médiaire de commerçants e t de l 'a u t r e , par le déplacement, l'im p la n ta tio n
de p e tits groupes islamisés p artie lle m e n t ou comportant une fra c tio n de
Musulmans. Cette pénétration d iffu s e de l'Is la m se f a i t par l'in te rm é ­
d ia ir e des conmerçants e t surtout par l'In te rm é d ia ire des Hausa, commer­
çants qui viennent du N ig é ria . C 'est quelque chose de c a ra c téris tiq u e
dans toute c e tte région. Ces commerçants, depuis plusieurs années, peutê tre plusieurs s iècles même, s u iv a ie n t les routes commerciales, a lla n t
du côté de la CCte d 'iv o ir e , sur la route pour le commerce de la noix de
Cola, a lla n t vers le sud pour le commerce du sel e t également pour la
t r a i t e des esclaves. Ce sont ces commerçants qui ont été les premiers
véhicules de l'Is la m . E t, dans ces pays, i l y a ce que l'o n appelle le
phénomène du “zo n g o " pour chaque v illa g e "païen", "anim iste", le chef du
v illa g e ou le chef local accepte la présence d 'étrang ers. Et ces étra n ­
gers s 'in s t a lle n t quelquefois 3 l 'i n t é r i e u r du v illa g e , quelquefois même
en dehors du v illa g e . Il s ont un secteur où i l s construisent leurs mai­
sons, quelquefois tien nen t le u r p e t it commerce. Le terme “zon g o " est un
un mot hausa qui veut d ire "résidence". C 'est en quelque sorte le quar­
t i e r des étrangers. Comme ces étrangers sont des Musulmans, par extension,
cela a s ig n ifié le q u a rtie r des Musulmans. Et dans n'im porte q uelle v i l l e ,
que ce s o it au Bénin, au Togo, au Ghana, vous a rriv e z dans une v i l l e ou
un v illa g e un peu Im portant, vous demandez le z o n g o , to u t de su ite on
vous indiquera le q u a rtie r musulman. Et dans ce q u a rtie r musulman, dès
q u 'il y a une p e tite communauté musulmane qui s 'é t a b l i t 3 un e n d ro it,
to u t de s u ite la s o lid a r ité islamique e n tre en je u . Comme les Musulmans
sont 13 pour quelques jo u rs , quelquefois pour quelques mois ou pour
quelques années, on se ré u n it, on c o n s tru it, on d é lim ite un lie u de
p riè re . Au début ce sera simplement un enclos avec une modeste p alis s a ­
de; un peu plus ta r d , c 'e s t une con struction , une p a illo t t e e t puis,
troisièm e stade, une construction en "banco", au mur de te r re battue

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avec une to itu re en chaume. Ceci se perfectionnera p e t it i p e t i t : on
aura une construction en dur à t o i t de t flle . Si plus tard le Centre de­
v ie n t plus Important, on aura la grande mosquée, l 'é d if i c e en parpaing.
Voilé les étapes successives de l'im p la n ta tio n des Musulmans dans une
agglomération. Ce phénomène du “xongo" est trè s im partant, parce que ces
comnerçants s 'in s t a lle n t dans un end ro it e t en môme temps i l s obtiennent
la protection du chef, ce qui le u r permet de se l i v r e r paisiblement é
leurs transaction s. I l s ont la s é c u rité . Mais, en c o n tre -p a rtie , il s
doivent verser un d ro it au chef coutumier, au chef de l'e n d r o it . I l y a
donc une espèce de double assistance de p a rt e t d 'a u tre . Les Musulmans
sont a c c u e illis . Je vous ai p arlé des Hausa venus du nord du N ig êria tou t
â l'h e u re . C 'é ta ie n t les premiers, les plus importants. Mais d'autres
Musulmans sont venus également : des Yoruba
des DJerma

venus du sud du N lg éria ,

venant du N ig er, quelquefois des Peuls. On v o it dans ce quar­

t i e r eo n g o toute une communauté musulmane d 'o rig in e très diverse qui
s 'é t a b l i t . Et c 'e s t par ce phénomène du zo n g o que l'Is la m pénètre. Et
quelquefois des contacts s 'é ta b lis s e n t, quelquefois des mariages, quel­
quefois des conversions. Dans la lo c a lité de Tdhamba, l'imam de cet en­
d ro it m'a d it : “Mon grand-père é t a i t un païen e t i l a vu un marchand
hausa q u 'il a hébergé chez l u i ; i l a été très frappé par la façon dont
i l p r i a i t e t ça l ' a amené â s 'in te r ro g e r, â s'in fo rm e r sur c e tte r e l i ­
gion. I l est a l l é ensuite passer plusieurs années à Kano pour se former,
pour bien apprendre 1 ' Islam".Comme c e la , i l y a â peine tro is générations
que dans ce v illa g e , qui e s t un c h e f-lie u de préfecture maintenant, a
démarré cet Islam qui e s t devenu très im portant. V o ilà donc un premier
aspect : c e tte d iffu s io n par les commerçants, e t en p a r tic u lie r par les
Hausa. Les Hausa sont des commerçants. La langue hausa e s t devenue la
langue de transaction e t également un p e t it peu la langue re lig ie u s e .
Tous les Musulmans que j ' a i rencontrés

dans ce pays p a rla ie n t hausa. La

p r iè r e , bien s û r, se f a i s a i t en arabe. Mais la conversion se f a i s a i t en
hausa. Quand i l y a eu les premiers imams qui ont voulu enseigner le
Coran aux jeunes en fan ts, quand 11 f a l l a i t le u r donner quelques e x p lic a ­
tio n s , cela se f a i s a i t en hausa. Et à l'h e u re a c tu e lle , ce sont des ma­
nuels d'enseignement de l'Is la m qui sont diffusés dans certaines lo c a li­
tés importantes.

Une deuxième forme d'expansion de l'Is la m s 'e ffe c tu e par des
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groupes Islamises ou comportant des Musulmans. Le plus important consti­
tue une ethnie qu'on appelle les Tchokossi, à Mango, dans le nord du
Togo. Les Tchokossi, au dép art, sont des populations o rig in a ire s de la
Côte d 'iv o ir e , composées de tro is éléments : des g uerriers païens partant
d'une région du nord-ouest de la Côte d 'iv o ir e qui s 'a p p e lle Lano, accom­
pagnés de chefs,, les w atara, e t surtout de Musulmans qui proviennent de
la région de Kong (pendant des siècles Kong a été le grand centre de
rayonnement islamique dans le nord de la Côte d 'i v o i r e ) . On s itu e , grâce
à c ertains manuscrits en arabe que l'o n a retrouvés, vers 1760 l'im p la n ­
ta tio n de c e tte première communauté islam ique, la plus ancienne dont on
puisse re tro u ver les tra c e s . C e lle -c i a créé à Mango une c h e ffe rie , une
ethnie p a r tic u liè r e : les Tchokossi. Une deuxième m in o rité , composée
d'Ashanti à peu près contemporains des Tchokossi, s ’ é t a b lit vers 1860.
Ces Ashanti fu ie n t les persécutions du ro i ashanti Prempeh e t vont s 'é ­
t a b l i r à Bassari. C 'e s t un to u t p e t it groupe dont une m oitié est païenne
e t une m o itié musulmane. Mais i l s s 'in s t a lle n t dans cet en d ro it e t ju s ­
qu'à présent nous avons là c e tte population, l ’ ethnie des Bassari q u i,
au p o in t de d ép a rt, se composait d 'o rig in a ire s du pays a s h a n ti, en p a rtie
Islam isés. I l s s 'in s t a lle n t dans une p e tite lo c a lit é qui s 'a p p e lle
Tchamba qui e s t devenue le p rin c ip a l c h e f-lie u , du point de vue is la m i­
que. Le troisièm e groupe, le plus im portant, j e d ir a is même l'e th n ie la
plus Importante du Togo, e s t le groupe K o to koli, qui habite la région
ayant conrne c h e f-lie u Sokodê. Ces Kotokoli c o n s titu e n t to u t un ensemble
de populations p a rla n t la langue tem, parmi lesquelles des clans, p lu tô t
des grandes fa m ille s venues du Mali a c tu e l, sont venues s 'im p la n te r par
vagues successives. Ces cinq clans anciens, qui sont les fam ille s a ris to ­
cratiques en quelque s o rte , é ta ie n t toutes des fa m ille s musulmanes. Mais
c 'é ta ie n t des étrangers au moment de le u r a rr iv é e . Les Kotokoli sont
organisés en structures trè s solides : d iffé re n te s "c h e ffe rie s " coiffées
par des "chefs sup érieu rs". Et un de ces "chefs sup érieu rs", vers 1860,
s 'e s t converti â l'Is la m . Mais déjà les premiers Musulmans qui é ta ie n t
In s ta llé s avaien t pu co n s tru ire dans la v i l l e même de Sokodë, dans le u r
q u a r tie r , le u r n o n g o , le u r première mosquée, dont on a trace o f f i c i e l l e ­
ment en 1820. Donc, construction de la première mosquée au Togo en 1820,
dans le non go de Sokodé. C ette eth n ie trè s importante v o it donc son chef
qui se c o n v e rtit à l'Is la m en 1860 e t , de ce f a i t , bon nombre de ses
s u jets se co n vertissen t à l'Is la m , si bien que Sokodé e s t devenu le grand

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centre islamique dans le nord Togo.
Puis nous avons d 'autres populations islamisËes : des Peuls
dans le nord, Éleveurs s u rto u t, e t puis quelques Mossi qui vont s'im plan­
t e r dans une p e tite lo c a lité : on signale un chef Mossi revenant d'un
pèlerinage à La Mekke q u i, avec un groupe de compagnons, e s t venu s 'é ta ­
b l i r dans c e tte région. Là encore i l s 'a g it d'une p e tite m in o rité . Et
e n fin , nous avons des Djerma. Les Djerma, venant du N iger, ont joué pen­
dant un c e rta in temps un rô le assez curieux. C 'é ta ie n t surtout des guer­
r ie r s , des cavaliers organisés en bandes qui se m ettaient au service de
ro ite le ts locaux dans les c o n flits locaux. Et puis ces g uerriers se sont
sédentarisés. Si bien que nous voyons ces d iffé re n te s minorités musulma­
nes s 'im p la n te r dans d iffé re n te s p arties du Togo, surtout dans la p a rtie
nord. Nous allons alors a s s is te r à un mouvement de m igration. Ce que je
vous ai s ig n a lé , c 'e s t surtout la période antérieu re à la colonisation
(X V IIIe -X IX e s . ) . Pendant la période c o lo n ia le , le Togo a été une colonie
allemande jusqu'en 1914 e t a été placé ensuite sous l'a d m in is tra tio n
fra n ç a is e , sous mandat de la SDN. L 'a ffirm a tio n générale selon la q u e lle
le colo nisateu r provenant d'un pays occidental chrétien n 'é t a it pas fa ­
vorable à l'Is la m est à nuancer. Pendant la période d 'adm inistratio n
allemande, par exemple, i l y a eu toute une p o litiq u e panislamique dictée
par B e rlin . Les Allemands ont considéré que tou t le nord Togo é t a i t une
région islam isée, ce qui é t a i t fau x, étan t donné q u 'i l y a v a it un certain
nombre de chefs musulmans, si bien qu'en 1907, une ordonnance a été pu­
b lié e qui in t e r d is a it l'a c c è s du nord Togo à p a r t ir de Sokodë aux mis­
sionnaires e t aux commerçants. La population d evait viv re pratiquement,
sur le plan com nercial, économique e t re lig ie u x , presqu'en cercle fermé.
Les adm inistrateurs allemands - des o ffic ie r s en général - fa is a ie n t
respecter ( i l s avalen t des partisans sur place) ce tte p ro tection de
l'Is la m dans le nord. Ceci a favo risé le développement de l'Is la m . Tous
ces chefs musulmans qui é ta ie n t sur place ont en quelque sorte vu augmen­
t e r le u r p re s tig e , le u r a u to r ité , ce qui a favo risé la conversion des
non-musulmans à l'Is la m .
Pendant la période d 'adm in is tra tio n fra n ç a is e , i l

n'y a pas eu

la même p o litiq u e que du temps de l'a d m in is tra tio n allemande. Mais on
peut d ire que, du f a i t de la s é curité qui é t a i t é ta b lie e t des grandes
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p o s s ib ilité s de c irc u le r dans tou t l'ensemble de l'AOF, i l y a eu une
expansion de l'Is la m , notamment par les commerçants, e t une expansion
qui s 'e s t f a it e vers le sud. I l y a eu des migrations in té rie u re s nordsud des Kotokoli. Si bien q u 'il y a eu c o n s titu tio n de toutes ces p e t i­
tes m inorités dans c e tte région que l'o n peut apercevoir sur la carte
re lig ie u s e du Togo. I l y a des Musulmans presque partout e t jusqu'à la
mer. C 'est une v é rita b le mosaïque de Musulmans. Nous avons toujours des
Hausa. Ce sont les premiers, les précurseurs, les fondateurs, en compa­
gnie de Yourba également. Et puis sont venus ensuite des Kotokoli. Puis
des Djerma. Puis quelquefois même des o rig in a ire s du Borgou, région
fortement Islam isée du nord du Bénin. Nous avons, par exemple, une com­
munauté p a r tic u liè r e à la fro n tiè re du Ghana, dans la zone riche du
Togo, productrice de café e t de cacao. Au moment des ré c o lte s , des gens
viennent t r a v a i ll e r dans les p la n ta tio n s . I l y a là des K otokoli, des
gens qui viennent du Bénin e t puis, au moment de la ré c o lte , des Djerma,
des Hausa e t autres viennent d 'autres régions pour vendre le u r p a c o tille
contre de l'a r g e n t liq u id e que les producteurs de cacao ont reçu. Si
bien q u 'il y a tout le long de la fro n tiè re de c e tte région une frange
de populations, les unes s ta b ilis é e s qui se mettent a c u ltiv e r e t les
autres qui viennent épisodiquement au moment de la ré c o lte .
I l y a un autre fa c te u r d 'is la m is a tio n qui se déroule pendant
c e tte période de la colo nisatio n française : souvent, les Kotokoli vont
au Ghana pendant deux, tro is ans, de façon assez permanente, pour p a r ti­
c ip e r aux travaux e t acqu érir de l'a r g e n t. Les structures d 'accu eil dans
ces régions sont constituées principalem ent par les xongo. Eux sont
étrangers. Il s vont donc dans le q u a rtie r des étrangers : le q u a rtie r
musulman. Alors l é , i l s sont assez mal vus s 'i l s ne sont pas musulmans
comme les a u tre s . Et i l s vont adopter une a ttitu d e de musulmans. Ils
vont se jo in d re à eux. I l s vont f a ir e semblant de p r ie r â le u r manière.
C 'est là la voie de la conversion. S 'ils sont ré tic e n ts , quelquefois,
la s itu a tio n peut ê tre assez tragique : i l s vont v iv re en comunautés,
en groupes de c é lib a ta ir e s . Celui qui n 'e s t pas musulman sera servi en
d e rn ie r. On m'a c ité le cas de la mort d'un enfant dans une fa m ille
chrétienne. La fa m ille é t a i t seule pour a s s is te r à l'e n te rre m e n t. C 'est
quelque chose de dramatique. Et bien, l'année suivante, quand le chef
de fa m ille est revenu dans le secteur, i l s 'e s t converti à l'Is la m pour

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ne pas ê tre is o lé . Pour les "paTens", c 'e s t la même chose : quand on a
q u itté le pays, le t e r r o i r , perdu toutes les structures f a m ilia le s , t r i ­
bales h a b itu e lle s , on r e jo in t la communauté d 'accueil musulmane : le
q u a rtie r du a o n g o . Cela e x is te p arto u t. Ce n 'e s t pas propre 3 c e tte ré­
gion. Voilà une des façons dont la propagation de l'Is la m va se f a ir e .
C 'est a in s i que nous voyons pendant toute c e tte période de la
colo nisatio n française ces migrations vers le nord e t vers le sud. La
marche vers l'Océan.

Nous arrivons à la période de l'Indépendance du Togo. D'autres
f a it s importants vont se produire : d'abord, l'Is la m qui jusque 13 re­
p ré s e n ta it une toute p e tite m in orité de gens va ê tr e un peu plus impor­
ta n t (lO t de la p o p u la tio n ). De 1924 3 1960, le nombre de Musulmans est
passé de 20.000 3 134.000. Pendant ce laps de temps, en tre n te -s ix ans,
la population du Togo a doublé. Le nombre des Musulmans a été m u ltip lié
par sept. V o ilà quelques jalons pour s itu e r ce développement. A l'In d é ­
pendance, l'Is la m va ê tre reconnu cornue relfg-ton o f f i c i e l l e , au même
t i t r e que les grands cultes chrétiens : le catholicism e e t le protestan­
tism e. A l'o ccasio n des grandes cérémonies, fête s nationales e t autres,
le gouvernement en corps con stitué va a l l e r aux d iffé re n te s manifesta­
tions re lig ieu s e s : le vendredi après-midi 3 la mosquée, le dimanche
matin 3 la cathédrale e t en f in de matinée, au temple. L 'Islam q u i.
Jusque 13, é t a i t p lu tô t la re lig io n des é trang ers, des Hausa, a acquis
en quelque sorte d r o it de c i t é , avec les Kotokoll qui descendent vers
le sud, de plus en plus nombreux, e t également des gens du nord, d 'au­
tres eth n ies. Si bien que c e tte r e lig io n , qui é t a i t une re lig io n de
m inorités étrangères, devient re lig io n o f f i c i e l l e . D'autant plus que,
parmi les gens du nord qui viennent vers le sud, i l y a des agents de
la fonction publique, des hauts fo n c tio n n aire s , des m in is tre s, des per­
sonnages p o litiq u e s , des élus qui con stituen t une v é rita b le i n t e l l i ­
gentsia musulmane. Cela donne un c e rta in essor, un c e rta in poids 3
l'Is la m , q u 'i l n 'a v a it pas auparavant. C 'e s t a in s i que l'Is la m devient
une re lig io n qui é c lip s e en quelque sorte la re lig io n tr a d itio n n e lle :
i l y a encore 3 peu près 60X de Togolais qui p ratiq u en t la re lig io n
tr a d it io n n e lle , l'anim ism e, e t 11 y a c e tte concurrence du christianism e
sous deux formes : catholicism e e t protestantism e, e t de l'Is la m qui

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devient de plus en plus important. Cette importance va a l l e r en s'am p li­
f ia n t . I l y aura des émissions religieuses le vendredi. La p riè re à la
mosquée sera d iffu s é e , accompagnée de coimentaires. Au début cela s 'e s t
f a i t en hausa. Mais le hausa, c 'e s t une langue étrangère : on va essayer
de le fa ir e en k o to k o li. Pour donner les s ig n ific a tio n s de certains pas­
sages du Coran, on emploie la langue du sud, c e lle des Ewe. Les Ewe sont
pratiquement ré fra c ta ire s à l'Is la m , mais, en f a i t , i l n'y a pas d 'eth nie
véritablem ent r é fr a c ta ir e . Pourtant, le pourcentage de conversions est
plus ou moins important : 11 y a quelques in d iv id u s, quelques centaines,
quelques m illie r s de Musulmans. Mais toutes les ethnies sont touchées
par l'Is la m . Dans le sud, précisément, la population de la c a p ita le ,
l'e th n ie Ewe, qui déborde du cfitê du Ghana, e s t également influencée
(ce rta in s éléments du moins) par l'Is la m e t pour ces émissions du vendre­
di 4 la ra d io , i l y aura des versets du Coran tra d u its en langue êwé.
C 'est ainsi q u'est amorcée une traduction du Coran en langue éwé, langue
de l'e t h n ie du sud qui est la dernière a tte in te par l'Is la m .
I l y a également quelques f a it s d'importance in te rn a tio n a le
q u 'il fa u t souligner : du f a i t de l'indépendance, le Togo va nouer des
re la tio n s diplomatiques avec un c e rta in nonfere de pays e t , parmi ces
pays, des pays arabes, l'Egypte notamment. Au mois d'octobre 1960, l'am ­
bassade d'Egypte s 'e s t ouverte à Lomé. Voilà une présence musulmane im­
p ortan te. Beaucoup plus ta r d , en ja n v ie r 1976, c 'e s t la Libye qui ouvre
son anbassade. Nous connaissons le caractère dynamique de la p o litiq u e
libyenne. Voilà donc deux Etats arabes représentés sur place. A l ' i n t é ­
rie u r , i l y a d'autres phénomènes importants qui se produisent. En 1963
se crée un organisme qui s 'a p p e lle l'U nion Musulmane du Togo. C 'est une
association qui a un caractère o f f ic ie l e t une structure 4 1'échelon
n a tio n a l. En novembre 1969, i l y a un grave mouvement d'expulsion
d'étrangers de la p a rt du Ghana. Le gouvernement Busia expulse tous les
étrangers : i l y a 4 peu près 600.000 personnes q u i, brutalement, du
jo u r au lendemain, se trouvent dans l'o b lig a tio n de q u it te r le Ghana. Le
Togo est envahi par ces populations. Sur les plages de Lomé ou d 'a ille u r s ,
les gens campent. Il s s'en vont vers le Bénin, le N lg é ria , quelquefois
plus lo in . Mais beaucoup resten t sur place. Parmi ces expulsés se trou­
vent des Musulmans, e t ces Musulmans vont se f ix e r dans ces régions.
Certains d 'e n tre eux sont des l e t t r é s , des imams, des maîtres d 'é c o le .

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Ils vont devenir un élément d'approfondissement, un ferment d'approfon­
dissement de l'Is la m , s i bien que dans certaines p etites écoles corani­
ques où, jusque là 11 y a v a it un professeur ou deux sans grande compé­
tence, des éléments formés vont contribuer a ce développement de l'Is la m .
V o ilà , en gros, conment, historiquem ent, nous pouvons re tra c e r
c e tte propagation de l'Is la m au Togo.
En ce qui concerne l'im portance numérique, pendant très long­
temps on ne s a v a it pas exactement l'im portance des Musulmans dans le
pays. Il s é ta ie n t dispersés p arto u t. On en voyait p arto u t, mais on ne
s a v ait pas exactement le u r importance. Les Musulmans eux-mêmes se f a i ­
saien t quelques illu s io n s . En toute bonne f o i , i l s estim aient q u 'ils
é ta le n t à peu près de 1 ‘ ordre de 600.000, par conséquent représentant
30% de la population. I l a f a llu attendre le recensement de 1958 pour se
rendre compte qu'à ce moment-là i l s é ta ie n t seulement 134.000. Mais i l s
é ta ie n t quand même en progression e t le d ern ie r recensement, qui remonte
à 1970, a dénombré ZOO.000 Musulmans. A 1 'heure a c tu e lle , le Togo compte
Z .380.000 h a b ita n ts . On peut d ire q u 'il y a Z30.000 Musulmans à peu prés
dans le Togo.
Dans la r é p a r t itio n , on peut d is tin g u e r des grandes zones de
fo rtes densité islamique : nous avons cinq régions adm inistratives au
Togo. I l y a la région c e n tra le d'un côté e t la région des savanes de
l'a u t r e , qui sont deux zones de f o r t peuplement islamique r e l a t i f . Par
exemple, l ' a i r e koto ko li e s t islam isée à peu prés à 75-80% dans l 'é t a t
a c tu e l. Dans le nord, dans la circ o n s c rip tio n de Oapango, nous avons à la
fo ls des Mossi, des Djermas e t des Peuls, des ethnies lo c a le s , les Moba,
p artie lle m e n t converties à l'Is la m . Nous avons là une zone oû les Musul­
mans sont relativem ent nombreux ou p lu tô t assez bien ré p a rtis e t puis
nous avons la zone de Mango, la zone des Tchokossi. Voilà donc les deux
grandes zones de fo r te densité islamique au Togo. A ille u r s , c 'e s t ce que
j'a p p e lle r a i la zone de grande dispersion. Ce sont les deux circo nscrip ­
tions du sud : la région m aritim e, dans la q u e lle se trouve la c a p ita le ,
Lomé, la région des plateaux e t la région de l'Atakpame. Mais les gens
c irc u le n t énormément. Le Togo e s t doté d'une grande dorsale entièrement
goudronnée, financée par le FAC e t le FED, qui r e lie le nord e t le sud,

187

r e jo in t la Haute V o lta. I l y a également un réseau de routes secondaires.
C 'e s t le long de ces voles de communication que la d iffu s io n de l'Is la m
se f a i t . Voilà quelque chose de particulièrem ent s i g n i f i c a t if .
Ce q u 'il fau t r e te n ir également, à c6té de ce tte dispersion,
c 'e s t l'e x is te n c e de ce que j'a p p e lle r a i les grands centres islamiques.
I l fa u t en re te n ir t r o is . Le premier centre est Palimé, centre commercial
im portant, 4 proxim ité du Ghana, avec une route goudronnée qui permet de
d rain er le cacao vers la c a p ita le pour l'e x p o rta tio n . Palimé a été peuplé
d'assez bonne heure par les Hausa. Là, nous avons une zone d 'influen ce
islamique importante. Nous avons des théologiens, des le ttré s musulmans
de valeur e t au moins une dizaine de mosquées dans la lo c a lit é , mosquées
appartenant à d iffé re n te s eth n ies. Le deuxième centre est Sokodé, qu'on
peut appeler la c a p ita le historique de l'Is la m au Togo, car c 'e s t là que
s 'e s t constitué le premier centre le plus Im portant, avec la plus fo rte
islam isation de la région. Quand vous a rriv e z 4 Sokodé, vous êtes v é r ita ­
blement en pays musulman. Tous les gens sont h ab illés à la manière musul­
mane, avec le boubou, la c o iffu re . C'est là que se trouve numériquement
la plus fo rte population musulmane de l'ensemble du pays. E n fin , i l y a
Lomé. L 'h is to ire de Lomé est très p a r tic u liè r e , comme c e lle de toutes les
grandes capitales du sud de ces pays. Au début du s iè c le , i l n'y a v a it
que quelques v illa g e s de pêcheurs le long de la cfite. Lorsque les A lle ­
mands se sont in s ta llé s pour la première f o is , il s ont é ta b li le u r capi­
ta le un peu plus à l 'e s t . Mais lorsque les Allemands se sont in s ta llé s 4
Lomé, i l s ont voulu a t t i r e r d'abord des commerçants. Ces commerçants,
c 'é ta ie n t des Hausa. On a f a i t venir des Hausa des Zongo voisins e t on a
in s t a llé la c a p ita le . Ou re s te , i l y a v a it déjà un Zongo très important
a u tre fo is , surtout pour la t r a i t e des esclaves. Ce Zongo é t a it presque 4
la lim ite de la fro n tiè re du Ghana. Ils l'o n t f a i t venir au centre de la
v i l l e . Voilà donc les Hausa a ttir é s e t i l s ont p e t it 4 p e t it constitué
un élément de coimerce important au début de la colonisation allemande.
Et p u is , avec c e tte c a p ita le a d m in is tra tive , 11 y a eu développement
économique, développement des échanges, des transp orts, de la fonction
publique également, si bien que les d iffé re n ts concours a d m in is tra tifs
vont f a ir e venir de toutes les régions du Togo des hauts fonctionnaires
dans la c a p ita le . Et p uis, vont également a r r iv e r les hommes p o litiq u e s .
Si bien que nous avons une é l i t e islamique qui se con stitue, comme nous

188

l'avons vu, dans la c a p ita le . Et c e tte c a p ita le se développe à l'h eu re
a c tu e lle . I l y a a peu près ZOO.000 habitants dans Lomé e t p eu t-ê tre
1/10 de Musulmans : 20.000 Musulmans. Les Hausa sont à peu près Z .000,
les Yoruba à peu près 3 .000, les Kotokoli environ 3 .0 0 0 /3 .5 0 0 , les Djerma
entre Z .000 e t 5.000. Pendant la période d'échange, il s viennent de par­
to u t, font le u r commerce e t puis re p a rte n t. Les Peuls sont à peu près un
m i l l i e r . I l s sont les seuls éleveurs du Togo. Certains louent leurs ser­
vice couine bergers de p ro p rié ta ire s éwé dans le sud, qui ont des tro u ­
peaux dans les environs de la c a p ita le . Q uelquefois, i l s ont leurs mai­
sons sur place. Les Peuls sont également des gens qui font le commerce
de bestiaux : 11s se liv r e n t à la vente du b é ta il v i f - boeufs, chèvres,
moutons - qui v ie n t du nord. Nous avons également des Bassari - à peu
près 300,

des Tchokossl - ZOO, des Moba - 100, des gens du Borgu - 400,

des Mossi - 100, des Kabré - 100. Les Kabré sont une population du nord
â la q u e lle a p p a rtie n t le chef de l ' E t a t , le Général Eyadema. Cette ethnie
fortement s tru c tu ré e , ré fr a c ta ir e à l'Is la m dans sa propre sphère, se
c o n v e rtit facilem ent â l'Is la m quand e lle q u itte son pays d 'o r ig in e . Nous
en avons quelques-uns à Lomé. S1 bien que nous -voyons là une représenta­
tio n de toutes les ethnies du Togo avec un p e t it pourcentage de fesulmans
Ce qui c a ra c téris e cet Islam d'une façon générale, dans l'e n ­
semble du Togo, c 'e s t ce qu'on peut appeler l'Is la m " tra d itio n n e l" ,
c 'e s t- à - d ir e pas trè s profond du point de vue de la connaissance de la
r e lig io n . Ce sont les écoles coraniques qui d é liv re n t un enseignement
souvent trè s c ritiq u é par les le ttr é s musulmans : le m aître d 'école se
contente d'apprendre aux enfants la ré c ita tio n par coeur des versets du
Coran auxquels i l s ne comprennent r ie n . Ou quelquefois, lorsque le maî­
tr e essaie de donner une e x p lic a tio n aux jeunes, comme ce n 'e s t pas un
théologien, i l donne ses explic a tio n s personnelles e t cela ne va pas
très lo in . D 'a u tre p a r t, 11 y a d 'autres structures : 11 y a les confré­
rie s qui ne sont pas très développées : la Q adiriya n 'e x is te pratiquement
pas. Par c o n tre , la T ija n iy a e s t assez développée. Ce sont des Hausa qui
ont in tr o d u it la T ija n iy a dans le Togo. Si bien que, d'après des observa­
teurs arabes, égyptiens notamment, qui ont étu d ié c e tte re lig io n musul­
mane au Togo, les Togolais s e ra ie n t T1jan1 sans le savo ir. Citons égale­
ment la c o n fré rie de la "Tarblya" qui se réclame d'Ibrahim a Nyass,
In tro d u ite par des jeunes gens qui ont vécu au Ghana. Ou p lu tô t i l y a

189

deux aspects. I l y a une forme ancienne de Musulmans très pieux e t res­
pectables S Sokodé e t puis brusquement l'a tte n tio n est portée sur la
"Tarbiya" par des jeunes gens q u i, véritablem ent, é ta ie n t des tru b lio n s .
C 'é ta ie n t des gens qui é ta ie n t to u t à f a i t en marge des préceptes de
l'Is la m , qui menaient une vie absolument dissolue, au grand scandale de
tous les autres Musulmans. Si bien q u 'il y a eu de v é rita b le s bagarres â
l 'I n t é r ie u r des mosquées. D'autant plus que les gens de la “Tarbiya"
p ria ie n t les bras croisés e t non allongés - c 'e s t le vieux c o n f lit des
bras croisés e t des bras allongés pendant la p riè re qui re p a ra ît ic i si bien que ces gens de la ''Tarbiya", cause de désordres, ont été a rrê té s .
I l a f a llu fa ire in te rv e n ir les forces de l'o r d r e . Le chef de l 'E t a t l u i même a dû In te rv e n ir pour ré g le r ce c o n f lit . A un moment donné, on ne
f a i s a i t que p a rle r de la "Tarbiya". C 'é t a it , i l y a cinq ou s ix ans,
l'élém en t p erturbateur de l'Is la m au Togo.
Une autre c ritiq u e formulée contre cet Islam " tra d itio n n e l"
concerne la pratique de ce que l'o n appelle le "maraboutisme" ou “mara­
boutage" : certains Musulmans, pieux, connaissant bien leurs te x te s , le
Coran, ont la p rétention de g u é rir également selon le procédé classique
de versets du Coran é c rits sur une f e u ille de papier que l'o n d éla ie
ensuite dans l'e a u que l'o n f a i t boire au malade. E lle est censée g u é rir
le malade. I l y a toutes sortes de " g r i- g r is " , de charmes. Ces Musulmans
sont très c ritiq u é s . E n fin , on v o it apparaître certaines survivances de
pratiques tra d itio n n e lle s qui ont été intégrées au f a i t islamique. C 'est
ain si que, dans la région de Sokodé, i l y a chaque année la "fê te des
couteaux" : ce sont des danses qui durent tro is jo u rs . Les gens jon glen t
avec des couteaux. I l s se donnent de grands coups de coupe-coupe ou de
sabre sans se fa ir e de mal, p a ra ft-1 1 . C 'e s t une grande a ttr a c tio n . Mais
p lie coïncide avec une fê te re lig ieu s e musulmane. C 'est devenu une fê te
musulmane. Et les gens, surtout les K otokoli, se réunissent 9 c e tte occa­
sion. Voilé comment la re lig io n islamique e s t adaptée un peu aux circons­
tances lo c a le s . O r, dans ce contexte de re lig io n un peu t r a d it io n a lis t e ,
un peu ignorante, est venu se g re ffe r tou t un mouvement d'approfondisse­
ment de l'Is la m . J 'a i parlé de la fondation de l'U nion Musulmane du Togo
qui s 'e s t constituée en 1963. Au p oint de départ, i l y a tro is personna­
l i t é s . D'abord El Kaj Marna Foussenl, un K o to koli, haute personnalité
musulmane â l'h e u re a c tu e lle , d ire c te u r de l'E c o le Nationale d'Adminis­

190

tra tio n du Togo, qui e s t grand chan celier de l'O rd re National Togolais,
q u i, l u i , ancien in s t itu t e u r , ayant reçu c e tte formation très prim aire
sur la q u e lle i l n 'e n te n d a it pas grand chose, s 'e s t mis à approfondir per­
sonnellement ses connaissances de l'Is la m . Et c 'e s t en u t ilis a n t des t r a ­
ductions du Coran en français - la traduction de Blachère - que lui-mème
a découvert sa re lig io n , q u 'il l ' a appro fon die.

Comme i l a été a ffe c té

pendant quelques années à l'é c o le W illiam Ponty a Dakar, i l a eu des
contacts avec d 'autres jeunes Musulmans comme l u i . Et c 'e s t ainsi que
lui-même, par son tr a v a il personnel, e s t a rriv é à approfondir sa propre
r e lig io n . Ce personnage a été m in istre de l 'I n t é r ie u r en 1963, après
a v o ir été député. Un second personnage, M. Kasslm Mensa, est un Ewé, par
conséquent un homme du sud, de c e tte ethnie qui jusque la s 'e s t avérée
p artic u lière m e n t r é fr a c ta ir e a l'Is la m . I l a été bap tisé. I l a même été
quelques années au p e t i t séminaire cath oliq ue. Puis i l a voyagé. I l est
a llé au Ghana. Et l â , i l a découvert l'Is la m . I l a appris l'Is la m . I l a
appris l'a r a b e , par correspondance d'abord, puis ensuite avec un m aître.
Ensuite i l a lancé ces fameuses émissions A la ra d io , avec des versets
du Coran tra d u its en éwé. Le troisièm e personnage, Mohamed B elly el Fouti
e s t un Peul dont les ancêtres sont o rig in a ire s du Sénégal e t se sont
in s ta llé s au N o rd -N ig ëria, A Kano. Lui-même e s t né au Ghana, A Accra, oQ
i l a approfondi ses connaissances de l'Is la m . Ensuite. 11 e s t retourné à
Kano e t 11 est devenu un grand m a ître . A l'h e u re a c tu e lle , c 'e s t le plus
grand théologien reconnu du Togo. I l est c o n s e ille r re lig ie u x pour un
c e rta in nombre de groupements, aussi bien au Ghana qu'au Nigêria e t même
jusqu'en Afrique du Sud. I l y a des revues, des publications patronnées
par 1u1. I l est très connu A l'e x t é r ie u r du Togo. Ce sont ces tro is per­
sonnages q u i, en 1963, ont créé l'U n ion Musulmane du Togo.
Leur progranme e s t d'abord de l u t t e r contre l'Is la m ignorant.
L'enseignement des maîtres coraniques e s t c r itiq u é . Pour que l'Is la m
puisse évo lu er, i l

fa u t connaître l'a r a b e . I l

fa u t donc passer par l 'a p ­

prentissage de l'a r a b e . Puis i l s lu t t e n t contre les déviations de l ' I s ­
lam : to u t ce qui ne va pas dans le sens de l'o rth o d o x ie coranique. Ils
condamnent vigoureusement les confréries e t surtout le maraboutisme, le
"maraboutage". Le ré s u lta t e s t que, devant c e tte attaque de l'Union
Musulmane du Togo, les co n fré rie s d isparaissent ou p lu tô t ne se manifes­
ten t plus au grand jo u r. D'autre p a r t, une de leurs actions a été

191

l'o rg a n is a tio n du pèlerinage. A u tre fo is, quand i l f a l l a i t a lle r â La
Mekke, c 'é t a i t une v é rita b le expédition : i l f a l l a i t d'abord a l l e r au
N ig é ria , emprunter des camions, se rendre jusqu'au Tchad, traverser tou t
le désert par Khartoum, b re f, un p érip le qui d u ra it au moins s ix mois. A
l'h e u re des avions à ré a c tio n , i l é t a i t anachronique d 'u t i l i s e r de p a re ils
moyens. Il s ont essayé d 'u t i l i s e r l'a v io n , en fré ta n t un avion au N ig éria .
Mais lorsque vous n 'êtes pas sur place, vous avez beau fa ir e des réserva­
tions 4 l'avance, lorsque vous a rriv e z pour prendre l'a v io n , 11 est com­
p le t e t vous manquez votre pèlerinage. Si bien q u 'ils ont décidé d'orga­
n is e r eux-mêmes le u r propre pèlerinage. Dès 1966, il s ont fré té un prearier
avion. I l y a eu des défections de compagnies à certains moments. (tais a
l'h e u re a c tu e lle , i l s ont constitué le u r propre agence de transport â
Lomé, avec des ram ifications â l'i n t é r ie u r du pays. Et tro is ou quatre
mois avant le p èlerinage, i l s d iffu s e n t leurs c irc u la ire s . I l y a des
annexes de l'UMT dans les principaux centres musulmans. A in s i, i l s a r r i ­
vent suffisamment â l'avance â fa ir e rem plir toutes les fo rm a lité s , qui
sont extrêmement compliquées : des gens dont le nom complet qui fig u re
sur le passeport n 'e s t pas celui par lequel on les appelle habituellem ent
ne répondent pas à l'a p p e l de le u r nom. I l y a des vaccinations, des
problèmes de change, d 'a c c u e il, des problèmes s a n ita ire s . Tout cela est
très bien organisé, c 'e s t même un modèle du genre, e t même des gens des
pays voisin s, de COte d 'iv o ir e , p ro fite n t des transports de l'Agence
Togolaise du Transport Aérien e t T errestre pour ce tte organisation du
p èle rl nage.
E n fin , le plus important est l'enseignement coranique rénové.
Il s ont constitué dans les tro is principaux centres musulmans : Palimé,
Sokodé e t Lomé tro is médersas où l'a rab e e s t enseigné. Les études durent
quelques années. I l s ont été aidés par des professeurs arabes ou b é n é fi­
c ia ire s de diplômes des U n iversités. Un second point e s t l'e n vo i des
boursiers dans les pays arabes : tous ceux^ qui ont été formés par les
médersas, après quatre 1 cinq années d'études, sont envoyés ensuite pour
se p erfectionner s o it à Al Azhar, s o it en Arabie Saoudite, s o it â T r ip o li.
I l y a tou t un mouvement qui se f a i t J l'h e u re a c tu e lle . Et même le d i­
recteur de la médersa de Lomé, qui é t a i t un professeur arabe, est mainte­
nant t i t u l a i r e d'une chaire de C iv ilis a tio n Islamique â l'U n iv e r s ité de
Lomé. Voilà comment se f a i t cet enseignement en profondeur de l'Is la m .

192

A l'h e u re a c tu e lle , en p artan t de ces tro is médersas, cet enseignement a
donné de si bons ré s u lta ts que, depuis deux ans, le d ire c te u r de la mèdersa de Lomé est un Togolais. C 'e s t un ancien élève qui a beaucoup voyagé.
I l n 'e s t pas passé par l'U n iv e r s ité Islamique, mais i l a p a rtic ip é à tan t
de rencontres, à tan t de congrès islam iques, q u 'i l est très à l 'a is e dans
tous les m ilie u x. I l p arle l'a ra b e de façon trè s courante. Cette formation
en profondeur s 'e ffe c tu e S l'h e u re a c tu e lle avec l'a id e des pays arabes.
Il s sont a llé s im planter cinq autres nouvelles écoles, à B assari, B a filo ,
Tchamba, Dapango, Anié e tc . I l s ont m u ltip lié ces centres d'enseignement
de l'Is la m avec des méthodes absolument modernes. On f a i t v e n ir les ou­
vrages du Caire ou d 'a ille u r s . I l y a des professeurs to u t à f a i t capa­
b le s . Cet approfondissement de l'Is la m a été favo risé par l'a id e d'un
c e rta in nombre de pays arabes. Dès la présence de l'ambassade d'Egypte,
dont nous avons déjà p a r lé , à Lomé, les membres de l'U n ion Musulmane du
Togo ont f a i t des démarches pour un aide de l'E gypte pour approfondir
l'enseignement de l'Is la m au Togo. Cela c a d ra it to u t à f a i t avec la p o li­
tiq u e du président Nasser. Ce fu t une rencontre e n tre , d'un cfltê la dé­
marche de ces jeunes musulmans togolais èvoluês-qui voulaient Im planter
un enseignement s é rie u x , valable de l'Is la m dans le u r pays, e t le d és ir
de Nasser de développer l'Is la m à l 'e x t é r ie u r . I l s ont eu très facilem ent
l'e n v o i de cinq ou s ix professeurs diplêmés d'Al Azhar qui sont venus
enseigner dans les tro is premières médersas. L'Egypte a donc aidé au
p oint de départ. La p o litiq u e de Sadate e s t moindre que c e lle du p ré s i­
dent Nasser. I l y a encore quelques professeurs égyptiens sur place, dont
le t i t u l a i r e d ’ une chaire à l'U n iv e r s ité de Bénin. Mais, pour l e finance­
ment, c 'e s t la Libye qui finance les cours de la chaire de l'U n iv e r s ité
de Bénin, dont le professeur est égyptien. Cela se p roduit également pour
tous les autres professeurs. Maintenant, ce sont des professeurs venus
du Soudan ou d 'autres régions que l'o n v o it dans les cinq autres médersas
qui se sont créées dans le pays. L'Arable Saoudite e t le Koweït ont éga­
lement aidé l'UMT locale de façon e ffic a c e . Les bâtiments des tr o is pre­
mières médersas ont été con struits grâce â des fonds donnés par ces deux
pays. Il s ont également aidé à la construction de mosquées.
Su rto ut, depuis le mois de décentre 1976, la présence de la
Libye est p artic u lière m e n t marquante. Le président Kadhafi lui-même est
venu en voyage o f f i c ie l â Lomé au mois de ja n v ie r 1977. Une action très

193

e ffic a c e s 'e s t f a i t e . Mais cela n'a pas a tt e in t les proportions que le
président kadhafi a u ra it voulu lui-même. I l p a r a îtr a it que, sur un pro­
gramme de voyage de tro is jo u rs , 11 d evait a l l e r à Sokodé, principal
centre islamique du pays, mais a dû y renoncer. D'entrée de je u , i l au­
r a i t proposé au général Eyadema sa conversion à l'Is la m , comme Omar Bongo
l ' a f a i t au Gabon. Le général Eyadema n'a pas accepté. Et la grande par­
t i e du progranme, avec tous les fonds spectaculaires qui devaient être
accordés, a été écourtée. I l est re p a rti au bout du deuxième jo u r. Mais
cela a donné to u t de même des ré s u lta ts importants, car tro is sociétés
se sont constituées sur le plan aide au développement du Togo : d'abord
la BALTEX, Banque Arabe Libyenne Togolaise de Conmerce E x té rie u r, banque
qui va contribuer aux échanges e x té rie u rs , aussi bien 1 l'Im p o rta tio n
qu'à l'e x p o rta tio n du Togo, créée entre le mois de ja n v ie r e t le mois de
j u i l l e t 1977. Ensuite, la SATALM, Société Agricole Togolaise Arabo-Libyenne Mixte pour le développement de l'a g r ic u ltu r e . Puis la STALPECH, Société
Togolaise Arabo-Libyenne de Pêche. V o ilà , sur le plan économique, une
im plantation très concrète des Libyens avec leurs capitaux. Les d ire c ­
teurs de ces sociétés sont des Libyens. Mais 11s ont des homologues togo­
l a i s . Et p u is , à cOté de c e tte in fra s tru c tu re économique de la présence
libyenne, i l y a toute l'a c tio n sur le plan musulman proprement d it . I l
s 'e s t passé, au mois de novembre 1976, un événement important dans la
v i l l e même de Lomé : le Zongo de Lomé, qui est en p lein coeur de la v i l l e ,
e s t un q u a rtie r absolument insalubre e t surpeuplé. Les habitations sont
principalem ent en matériau lé g e r. I l est surtout surpeuplé depuis que
les réfugiés du Ghana se sont réfugiés au Togo. Ce q u a rtie r musulman
n 'e s t pas très esthétique pour une c a p ita le moderne. L'adm inistratio n a
déplacé ce Zongo à quinze kilomètres au nord de la v i l l e , dans un s ite
neuf, zone d'extension de la fu tu re ca p ita le moderne du Togo. On a rasé
complètement l'a n c ie n q u a rtie r. Ce sera un des centres les plus impor­
tants de la v i l l e . Malheureusement, on a également f a i t sauter à la
dynamite la grande mosquée de Lomé qui s 'y tro u v a it. Cela a été très mal
vu par les Togolais. Maintenant, 11 va f a l l o i r reconstruire une mosquée
dans le nouveau Zongo, à quinze kilomètres de la c a p ita le même. Mais, à
p ro xim ité, i l y a la mëdersa où 11 y a v a it une mosquée qui n 'a v a it jamais
été achevée depuis v in g t ans. Cette mosquée e s t achevée à l ’ heure a c tu e l­
le - l'in a u g u ra tio n a eu lie u en Janvier 1979 - e t ce sont les Libyens
qui ont achevé sa construction. Cette mosquée est devenue la grande

194

mosquée de la v i l l e de Lomé, pour la m in orité Islamique qui continue J
v iv re dans la v i l l e , à proxim ité de la médersa. Et ce sont les Libyens
qui ont entièrement financé sa construction. Les Libyens se proposent
également de construire un vaste centre c u ltu re l islam ique. Et c 'e s t au
nord de la c a p ita le a c tu e lle , dans le vaste secteur ré s id e n tie l moderne
de “Lomé 2" en con struction , où le chef de l 'E t a t a déjà une résidence,
que les Libyens ont reçu deux hectares de te rra in pour construire ce
centre islamique considérable. C e lu i-c i comporte des s alles d'enseigne­
ment, une b ib lio th è q u e , un te r ra in de s p o rt, une s a lle de cinéma e t c .,
b r e f, tout ce qui peut a t t i r e r la jeunesse tog olaise ( i l n 'e s t pas réser­
vé exclusivement aux Musulmans). Cette opération e s t entièrement financée
par la Libye. E n fin , la Libye envoie des étudiants à T rip o li e t finance
également certaines bourses, de même que le Koweit, du re s te . On v o it
ic i q u e lle est la d iffé re n c e d 'in flu e n c e entre les Etats : l'E gypte con­
tin u e à donner des bourses pour les étudiants musulmans d'Al Azhar. La
bourse s 'é lè v e à 35.000 frs CEA par mois. Ce n 'e s t pas lourd. Les étu­
diants a rriv e n t to u t ju s te à survivre e t i l s ont besoin d 'ê tre aidés par
leurs parents, qui n 'o n t pas grand'chose généralement. La Libye e t le
Koweit, eux, donnent des bourses de 50.000 frs CFA par mois. Par dessus
le marché, au moment des vacances, le voyage de re to u r est payé. Les
étudiants se ruent donc vers les bourses accordées par T rip o li e t le Ko­
w eit e t on néglige un peu c e lle s données par l'E g y p te . Cela s itu e un peu
la manière dont l'a id e des pays arabes joue à l'h e u re a c tu e lle un rOle
trè s important auprès de la fu tu re é l i t e musulmane au Togo.
Ce q u 'il fa u t r e te n ir s u rto u t, à l'h e u re a c tu e lle , de 1 'Islam
au Togo, c 'e s t que cet Islam , au point de vue o rg an isatio n, est très bien
s tru c tu ré . Les division s in te rn e s , les r iv a lit é s entre ethnies e x is te n t
tou jou rs. Dans les centres un peu im portants, i l a f a l l u désigner des
imams. Les premiers imams ont été des Hausa. Lorsque les Kotokoli sont
devenus plus nombreux, i l a f a l l u nommer des K otokoli. Cela a f a i t des
tira ille m e n ts à l 'i n t é r i e u r des mosquées. Mais, p e t i t à p e t i t , ces con­
f l i t s d 'ordre ethnique se sont apaisés. Ce sont des nationaux togolais
qui prennent de plus en plus la place des Musulmans kotokoli ou d'autres
e th n ie s , qui sont là au premier plan. L'Union Musulmane du Togo a connu
également des c o n flits à c ertain s moments. Mohamed B e lly el F o u ti, l'u n
des fondateurs, qui é t a i t en même temps t r é s o r ie r , a eu des problèmes de

195

gestion fin a n c iè re dont 11 n 'a pas pu rendre compte dans des circonstances
fîcheuses e t a été élim in é. Maintenant, 11 a été réin tég ré e t c 'e s t lu i
le D irecteur de l'Agence de Transport pour le pèlerinage. Donc, nous
voyons â l'i n t é r ie u r de ce p e t it E ta t, pour ces 200.000 e t quelques Musul­
mans, toute une structure extrêmement coordonnée qui permet 4 l'Is la m de
se développer, non seulement numériquement mais également en profondeur.
Nous allons passer maintenant 4 un tout autre domaine, non plus
4 l'é c h e lle d'un pays, mais 4 c e lle d'une grande ca p ita le : Abidjan. Le
développement de la c a p ita le iv o irien n e est quelque chose de prodigieux.
Au début du s iè c le , 4 l'emplacement d'A bidjan, 11 y a la lagune, avec
deux ou tro is p e tits v illa g e s de pêcheurs animistes e t pas un seul Musul­
man. Le point de départ du développement de la v i l l e se situ e en 1903 :
11 f a l l a i t trouver le débouché pour le chemin de f e r du Soudan e t le
point le plus proche sur la cflte, du c8té de l'Océan. On a choisi une
zone appelée "le plateau'* oû se trouve le terminus du chemin de f e r . A
p a r t ir du moment où on a décidé la création du chemin de f e r , 11 va f a l ­
l o i r fa ir e venir du personnel pour les services de la gare e t de la
maln-d'oeuvre pour le c h a n tie r. Le personnel de la gare viendra du Séné­
g a l, celui du chan tier du Soudan. Ce sont des Musulmans. Vo114 donc en
1903 les premiers Musulmans qui s 'i n s t a l l e n t ^ Abidjan. Ce sont des
étrangers. Cette première In p lan tatlo n sera modérée pendant les premières
années. En 1912, on compte seulement 1200 habitants 4 Abidjan, sur le
Plateau e t un p e t it peu 4 T re ic h v ille . En 1922, Paul Marty, qui étudie
toutes les communautés musulmanes de ces régions parle de plusieurs cen­
taines de Musulmans e t signale déjà la grande d iv e rs ité de le u r o rig in e .
Bien sOr, 11 signale des Toucouleur e t des Wolof du Sénégal. Mais i l
p arle également de Hausa, de Peul. Donc, une d iv e rs ific a tio n se f a i t
déjà 4 ce moment-14. Puis, en 1928, la v i l l e se développe : on a 5400
h ab itan ts. Ces premiers Musulmans ont con struit une mosquée sur le Pla­
teau e t , comme c 'e s t T re ic h v ille qui devient le q u a rtie r "indigène", la
première p e tite mosquée construite sur le Plateau sera transférée 4
T re ic h v ille en 1928. C 'est un bâtiment du genre p a lllo t t e , mais c 'e s t
déJ4 quelque chose de relativem ent vaste pour la population musulmane de
l'époque. En 1931, Abidjan va jou er le rê le de p o rt. Jusque 14 la capi­
ta le é t a i t 4 Grand Bassam, puis 4 B1ngerv1l1e. A ce moment-14, un warf
va ê tre c o n s tru it 4 Port Bouët, terminus du chemin de f e r . Abidjan

196

devient p o rt. En 1934, e lle devient c a p ita le . I l j a donc implantation
de toute l'a d m in is tra tio n , augmentation de population e t également déve­
loppement d'un centre économique. En 1950 s 'e ffe c tu e le percement du
canal de V r id i. C 'e s t là un phénomène c a p ita l. Tous les grands bateaux
pénètrent à l 'i n t é r i e u r de la lagune, le port se développe du côté de
T r e ic h v ille . Le développement in d u s trie l d'Abidjan est amorcé. A p a r tir
de c e tte d ate , la population augmente de façon considérable. En 1967,
nous avons 340.000 h ab ita n ts , en 1975, 940.000. A l'h e u re a c tu e lle la
v i l l e augmente au rythme de 100.000 habitants par an. En 1978, e lle comp­
t a i t 1.200.000 h ab ita n ts . En même temps, le c h iffr e de la population
musulmane augmente dans les mêmes proportions. I l e s t de l'o rd re de 38%
à 40% de c e tte population. I l y a donc croissance considérable de la
communauté musulmane dans la c a p ita le iv o irie n n e . Nous avons à l'h eure
a c tu e lle 464.000 Musulmans dans c e tte seule v i l l e . Deux fo is plus que
pour tout le Togo.
En ce qui concerne l'o r ig in e de c e tte population, 107.327 habi­
tants sont venus de Haute V o lta . Dans ce pays le pourcentage de Musulmans
n 'e s t pas très é le vé . I l e s t de T o rd re de 30%. 556.250 habitants vien­
nent du M a li. Or, le Mali e s t fortement islam isé. 11.214 sont o rig in a ire s
du Sénégal. 14.918 de Guinée où Ton compte 85% à 90% de Musulmans. Du
Niger sont venus 11.000 h ab ita n ts . Du Ghana, 14.000. Du N ig éria , 15.000.
Du Bénin, 10.000 e tc . Beaucoup d 'hab itan ts d'Abidjan sont également venus
de l 'i n t é r i e u r de la Côte d 'iv o ir e , dont 8.254 de la région d'Odiennè
(région nord) où se trouve la communauté islamique la plus Importante de
Côte d 'iv o ir e . 7.600 viennent de la région de Korhogo, en p a rtie islam i­
sée. 58.384 sont venus de la v i l l e de Bouaké, s itu ée à peu près à michemin entre Abidjan e t le nord du pays, qui est un centre musulman im­
p o rta n t. La population de la c a p ita le se développe donc grâce à ce tte
m igration. En gros, 37% pourtant est o rig in a ire du département d'A bidjan,
32,5% d'un autre département de la Côte d 'iv o ir e e t 29% de pays étran ­
gers, dont c e rta in s sont pleinement Islam isés.
On y trouve également des Musulmans non-Africains : les Liba­
n ais. La colonie liban aise de Côte d 'iv o ir e e s t Im portante. D'après
l'ambassade du Liban, i l y a u ra it 25.000 Musulmans liban ais dans l'ensem­
ble du pays. En f a i t , on estime à peu près à 100.000 le nombre des

197

Libanais a c tu e ls. Car, depuis les événements du Liban, 11 y a eu une ve­
nue massive de Libanais S l'I n t é r ie u r de la Cflte d 'iv o ir e . Généralement,
ces Libanais sont o rig in a ire s du sud du Liban, si bien que sur 100 Liba­
n ais , 11 y a environ 60% de C h iite s , 20% de Sunnites e t 20% de Maronites.
On p o u rra it d ire que les 2 /3 des Libanais in s ta llé s en C6te d 'iv o ire se
trouvent â Abidjan. Nous avons lé un apport musulman non négligeable, en
fo rte m ajorité c h iit e .
Voyons maintenant l'im p la n ta tio n de la coranunauté musulmane à
l'i n t é r ie u r d'Abidjan. Au fu r e t à mesure que la v i l l e se développe, des
quartiers nouveaux se créen t. Au point de départ, 11 y a v a it surtout
T re lc h v ille . Puis en annexe du Plateau, qui est la grande c ité moderne,
avec ses b u ild in g s , nous avons Adjamë, qui est une sorte de banlieue qui
se développe e t est devenue un secteur populaire. Avec Adjamé, i l y a
Abobo puis Koumassi. A l'h e u re a c tu e lle , la v i l l e se développe surtout
vers la région d'Abobo, d'où partent les grandes routes, le chemin de fe r
vers le nord. Cette zone d'Abobo-gare constitue la zone de plus fo rte
im plantation des Mjsulmans actuellem ent. Mais i l y en a p arto u t. Au fu r
e t J mesure que la v i l l e se développe, l'a p p o rt islamique s 'a c c ro ît. En
1975, le q u a rtie r de T re lc h v ille comptait en gros 57.800 Musulmans (68%
de la population du q u a r t ie r ) . Adjamé, 66.000 (52% de la population du
q u a rtie r). Koumassi, 61.000 (41%). Abobo-gare, 56.000 Musulmans (41%).
Oans cet apport de populations d 'o rig in es très diverses, i l
n 'y a pas de structure Islamique véritablement organisée. Chez les Musul­
mans les plus anciens, on reconnaît l'e x is te n c e de c on fréries. Mais cer­
tain s Musulmans les Ignorent complètement. La Qadiriya est représentée,
la tija n iy a également, mais surtout par la présence des Sénégalais. Les
Mourldes sont fortement Implantés. Oe l'aveu de certains Musulmans sur
place, ce sont les Sénégalais, bien s tru ctu rés, bien organisés, qui sont
un peu meneurs de je u . Tout au moins en ce qui concerne ces con fré rie s .
I l y a également une présence de Ahmadlstes. Mais dans cet apport de
Musulmans qui viennent de p arto u t, nous avons un peu le même phénomène
qu'au Togo : les étrangers risquent d 'ê tre éliminés p e t it à p e t i t . Ce
sont les M allnkê, venus de la p a rtie nord-ouest e t de la Guinée, qui
s'im plantent un peu p arto u t, qui sont é l'h e u re a c tu e lle l'élém en t le
plus a c t i f à l 'i n t é r ie u r . S1 bien que quelquefois, dans les q u a rtie rs ,

198

des mosquées se construisent e t 11 y a des c o n flits . Dans T r e ic h v ille ,
11 y a ce que l'o n appelle la mosquée d ioula e t une autre que l'o n appe­
l a i t "mosquée des Sénégalais". On appelle maintenant c e tte dernière la
"mosquée des allogènes". I l y a eu des c o n flits à propos de problèmes de
succession d'imams. La communauté s 'e s t divisée en deux p arties : i l y a
eu les partisans de l'a n c ie n e t ceux du nouveau e t , comme les premiers
imams é ta ie n t des étrangers, lorsque vers 1960, puis 1964, i l a f a l l u
désigner le nouvel 1mam dans c e tte fameuse mosquée des "allogènes", on a
présenté un homme du pays, un M alinké. Cela n'a pas marché. Les deux mos­
quées se sont séparées. Si bien que maintenant i l y a la mosquée d ite des
Oioula , qui est plus particu lièrem en t c e lle des Iv o irie n s , e t c e lle des
"allogènes" où se retrouvent tous les étrangers. C 'est une h is to ire de
c o n f lit local propre à T r e ic h v ille . Nous avons a ille u r s une mosquée peul,
une mosquée typiquement sénégalaise, plus p e tite e tc . Partout a ille u r s ,
on a s siste à des constructions considérables de mosquées. Par exemple, â
Adjamé, i l y a une trè s grande mosquée en cours d'achèvement â l'h e u re
a c tu e lle . Les étapes sont brûlées par rapport au processus vu pour le
Togo ( p e t i t enclos, p a i l l o t t e , "banco", mosquée en dur à t o i t de t81 e ,
é d ific e en parpaing). A Adjamé, la première mosquée est une toute p e tite
baraque

en brique à t o i t de té lé e t la deuxième, construite à l'h e u re

a c tu e lle , est un é d ific e somptueux, de s ty le remarquable. I l y a eu de
grandes contributions pour la con s tru ire . Le président Houphouet Boigny
lui-même a apporté 150.000.000 CFA. Le gouvernement iv o ir ie n a o ff e r t
28.000.000 CFA e t la communauté musulmane du secteur 40.000.000 CFA. E lle
a coûté plus de 200.000.000 CFA. P arto ut, on v o it des minarets se dres­
ser dans les q u a rtie rs périphériques. Je d ira is que c 'e s t un peu la
c o n tre -p a rtie des buildings modernes que l'o n v o it dans le secteur du
Plateau. Ces grandes mosquées témoignent de la fo i de ces Musulmans qui
sont venus nombreux e t q u i, également, s 'e n ric h is s e n t. Car toute ce tte
a ttr a c tio n de population est lié e au développement économique d'A bidjan.
Oans cet apport de Musulmans de m ultiples o rig in e s , voyons
comment s 'e ffe c tu e l'approfondissement de l'Is la m . 0'abord, comme au
Togo, nous avons des mouvements. I l y a un mouvement relativem ent ancien:
l'U n ion C u ltu re lle Musulmane. C e lle -c i a été créée en 1954, donc en pé­
riode de colo nisatio n fra n ç a is e , mais â Oakar. C 'é t a it dans le vaste
ensemble de l'AOF qu'une é l i t e de Musulmans évolués s 'e s t groupée dans

199

c e tte association, avec des f i l i a l e s un peu p arto u t, dont en Côte d 'iv o i­
re . Depuis l'indépendance, ces d iffé re n te s f i l i a l e s de l'UCM ont le u r
propre autonomie. C e lle de Côte d 'iv o ire a sa propre organisation. Son
p résident, depuis 1960, M. C oulibaly, e s t un Haut Fonctionnaire des PTT.
Ce qui cara c téris e ce tte Union C u ltu re lle Musulmane e s t un bureau e x trê ­
mement é to ffé : toutes les Hautes personnalités musulmanes’ y fig u re n t,
dont le président du Conseil Economique et S o cial, Mamadou Coulibaly,
M. Amadou Hampaté BS e tc . En f a i t , ce n 'e s t pas très e ffic a c e , car beau­
coup ne sont 1S que comme figurants e t on reproche S cet organisme d 'ê tre
un peu somnolent. I l est de bon ton d'en f a ir e p a r tie . Mais e lle se con­
ten te d'envoyer de temps en temps des boursiers dans les u niversités
arabes. Cela ne va pas plus lo in . Et puis nous avons un autre groupement:
les Wahhabites. I c i , c 'e s t une forme d 'a c tiv ité qui re jo in t un d é s ir de
pureté de l'Is la m . I l s 'a g it de retrouver l'o rtho do xie Islamique. Mais
en même temps, i l est réform iste; les fenmes, par exemple sont v o ilé e s ,
revêtues de grandes robes noires. On y p rie les bras croisés. A certaines
époques, 11 y a eu des persécutions de Wahhabites. I l y a eu des tro ub les.
Bouaké a été le u r centre. Maintenant, c e lu i-c i a été tra n s fé ré à Abidjan.
Leur association e x is te depuis 1964. Mais e lle e x iste o ffic ie lle m e n t de­
puis 1975. A Adjamé, i l s ont le u r propre mosquée. Cette communauté wahhab 1te , de pratique Islamique rig id e , s ’ est développée. Ils s 'in t it u le n t
quelquefois les Musulmans "orthodoxes". Ce terme prête à c ritiq u e . Ils
s 'i n t i t u l e n t également quelquefois Musulmans "sunnites", conformes à la
tr a d it io n , à la sunna.
A côté de ces deux associations v ie n t l'A s s o cia tio n des Jeunes.
En I97Z, des jeunes Musulmans, d'un établissement d'enseignement o f f i c ie l
ont créé la "Jeunesse Etudiante Musulmane", Inspirée de la JEC (Jeunesse
Etudiante Chrétienne). Ces jeunes Musulmans ont d it que, dans le u r pays,
on les c ritiq u a ie n t parce q u 'ils a lla ie n t â l'é c o le des blancs au lie u
d ’a l l e r i l'é c o le coranique e t q u 'ils y perdaient le u r f o i . Leurs parents
les c ritiq u a ie n t également en disant que depuis q u 'ils a lla ie n t à l'é c o le
des blancs, ce n 'é ta ie n t plus de vrais Musulmans. Eux-mêmes avaient honte
v ls -â -v is de leurs collègues, à l'é c o le , de s'avouer Musulmans. Leurs
connaissances relig ieu s e s é ta le n t p articu lièrem en t fa ib le s . Alors qu'on
d is c u ta it philosophie ou science, il s é ta ie n t perdus quand on d is c u ta it
re lig io n . Ils ont alors décidé d 'é tu d ie r le u r re lig io n . Il s se sont

200

adressés â des In te lle c tu e ls de 1 ‘ Islam. Ainsi s 'e s t constituée en 1972
la JEM. Ils sont passés du niveau secondaire au niveau supérieur, à
l'U n iv e r s ité , si bien que le nom de l'a s s o c ia tio n e s t devenu depuis 1975
ce lu i d'Association des Etudiants e t Elèves Misulmans (AEEMC).
11 n 'y a pas beaucoup d'entente entre l'UCM e t les Mahhabites.
Il s annexent mutuellement leurs adhérents.
En ja n v ie r 1978, i l s 'e s t créé une autre association qui a des
chances de f a ir e l 'u n i t é des Musulmans, parce q u 'e lle s 'i n t i t u l e : "Asso­
c ia tio n Musulmane pour l'O rg a n is a tio n des Pèlerinages". Sur la question
du p èlerinage, tou t le monde e s t d'accord. I l n 'y a pas de problème de
d o c trin e , de façon de p r ie r ou a u tre . Jusqu'à présent, i l n'y a v a it pas
d 'organ isation du pèlerinage comme c e lle du Togo. Cette nouvelle organi­
sation vie n t donc de se c ré e r. E lle a â sa tê te un ancien p r é fe t, un
homme â poigne.
X,
A l'h e u re a c tu e lle , sur le plan de l'enseignement islam ique,
i l y a tr e n te -tr o is médersas à Abidjan. Le terme de médersa est un peu
impropre, car si certaines ont des enseignants formés par les universités
arabes d'Al Azhar ou d 'a ille u r s ( i l y a seize enseignants t itu la ir e s
d'une licence d 'u n iv e rs ité s a rab es), les autres sont moins b rilla n te s .
E lle s ont décidé, â p a r t ir de la rentrée 1978-1979, d 'u n ifo rm is er le u r
programne, d 'a v o ir un enseignement arabe véritablem ent v a lab le , avec les
d iffé re n te s d is c ip lin e s q u 'il fa u t. E lles voudraient que le u r enseigne­
ment permette de donner non seulement une formation re lig ie u s e , mais
également une formation générale.
I l y a également quelque chose de trè s important à Abidjan :
le Centre Culturel Musulman de Mil 1ia m s v ille , créé en 1975 dans un quar­
t i e r en p le in développement. I l se trouve dans un bâtiment qui est le
siège d ’ une de ces médersas. I l y a des s a lle s de conférences. Et tous
les samedis après-m idi, i l y a des jeunes élèves, des étu d ian ts, des
in te lle c tu e ls de l'u n iv e r s it é qui viennent discu ter de l'Is la m , de le u r
f o i , de le u r r e lig io n . I l y a des conférences suivies de débats. Des
personnalités que je q u a lifie r a i de "maftres â penser" de l'Is la m , gui­
dent les débats de ces jeunes. I l y a d'abord, notanment 3 T re ic h v ille ,

201

H. Boubakar Sako, le doyen, un o rig in a ire du Soudan, a rriv é vers 1910 à
Abidjan. C 'est le maître tra d itio n n e l. I l f a i t p a rtie de la co n fré rie
T ija n iy a . I l a formé des générations d 'A bid janals. On f a i t appel à lu i
de temps en temps lo r s q u 'il a des exposés à f a ir e . On l i t également ses
é c r it s . Une autre personnalité est M. El Haj Boubakar Fofana, entièrement
formé â Al Azhar. I l a suivi des études économiques. C 'est une des Hautes
personnalités d'A bidjan. I l est fondé de pouvoir dans une grande banque:
la Société Iv o irien n e de Banque. I l a reçu sa formation complète â Al
Azhar. I l est plus rig o ris te que le précédent dans sa façon de v o ir e t
i l est parfois du cflté des Wahhabites. Un troisièm e personnage e s t M.
Alpha Cissé, d ire c te u r de l 'I n s t i t u t Géographique. C 'est un ingénieur
qui a f a i t ses études â P a ris , qui a appris l'Is la m i travers des traduc­
tions en français du Coran; c 'e s t un s c ie n tifiq u e à l 'e s p r i t trè s ouvert.
I l a créé un c a len d rie r musulman pour ré g le r les problèmes concernant la
question du début du ramadan, les Sénégalais d'Abidjan étant à l'écou te
de radio Dakar pour savoir si on y a vu la lune ou non, les Musulmans de
l 'i n t é r ie u r du pays à l'é c o u te de l'A ra b ie Saoudite e tc . I l y a des con­
troverses. Ce personnage a apporté des données astronomiques concernant
l'h e u re précise du coucher du s o le il i Abidjan e t dans chaque v i l l e de
l 'i n t é r ie u r . I l t i r e son c a len d rie r chaque année â un m illie r d'exemplai­
res e t le d iffu s e , e t , p e t it â p e t i t , on l'a d o p te . M. Alpha Cissé propose
de repenser l'Is la m â la lumière de la science moderne e t de c o n c ilie r
l'Is la m e t la tra d itio n .
A in s i, en même temps que la grande c ité d'A bidjan, la communauté
islamique de c e tte v i l l e se développe, se s tru c tu re , prend place.
A p a r t ir de ce que nous avons vu, d'un cOté, du Togo, e t de
l'a u t r e , de la Cfite d 'iv o ir e , nous allons g én éraliser à tous ces Etats
qui bordent le Golfe de Guinée. Les mêmes constatations peuvent se fa ir e
a ille u r s . On trouve dans toutes ces régions le mouvement du nord vers le
sud. Egalement, dans toutes ces grandes v i l l e s , ces grands ports qui bor­
dent la mer, on v o it l'Im p la n ta tio n de communautés musulmanes de plus en
plus Importantes, numériquement p a rla n t, e t surtout de plus en plus vala­
b le s , parce que ce sont des In te lle c tu e ls de l'Is la m qui en prennent la
charge. Dans ces grandes c a p ita le s , dans ces c h e fs -lie u x , c 'e s t l ' é l i t e
économique, a d n in is tra tiv e , p o litiq u e que vous trouvez â sa t ê t e . C 'est

202

par eux qu'une c e rta in e transform ation de l'Is la m peut se f a i r e , si bien
que toutes ces métropoles a d m in is tra tive s , économiques e t p o litiq u e s de­
viennent actuellem ent les c a p ita les in te lle c tu e lle s de l'Is la m . A Lagos,
i l y a environ 1.200.000 Musulmans sur 2.000.000 d 'h a b ita n ts . A Accra, à
Porto Novo e t à Cotonou, i l y a des communautés musulmanes importantes
qui s'o rg anisent. Je crois que le grand phénomène auquel nous assistons
- c 'e s t une c a ra c té ris tiq u e de l'Is la m dans c e tte région - c 'e s t ce f a i t ,
que les grandes v ille s du sud deviennent des ca p ita les in te lle c tu e lle s
de 1 ' Islam.

]
Raymond DELVAL



,■

t1

203

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204

CARTE DESFLUXOEPOPULATIONS VERS L’AGGLOMERATION ABIDJANAISE

205