La Collection Islam Burkina Faso : promesses et défis des humanités numériques

Item

Resource class
Academic Article
Title
La Collection Islam Burkina Faso : promesses et défis des humanités numériques
list of authors
Frédérick Madore
Abstract
fr Cet article propose une réflexion sur les possibilités inédites qu'offre le numérique pour développer de nouvelles méthodes de recherche et de diffusion de données sur l'histoire de l'islam en Afrique de l'Ouest, ainsi que quelques considérations méthodologiques, technologiques et éthiques soulevées par de telles initiatives. Au centre de ces considérations se trouve la Collection Islam Burkina Faso. Ce projet de base de données numérique en libre accès, que j'ai lancé en 2021 et qui est hébergée par les bibliothèques George A. Smathers de l'Université de Floride (UF), contient actuellement plus de 2 500 documents d'archives, articles de la presse généraliste, publications islamiques sous diverses formes et photographies, en plus de 200 références bibliographiques liées à l'islam et aux musulmans du Burkina Faso (https://islam.domains.uflib.ufl.edu/s/bf-fr). Le texte propose également un bref état des lieux des humanités numériques dans le champ des études africanistes et plus spécifiquement sur l'islam.
en This article reflects on the unprecedented opportunities that digital technology offers for developing new methods of research and data dissemination on the history of Islam in West Africa, as well as some of the methodological, technological, and ethical issues raised by such initiatives. At the center of these considerations is the Islam Burkina Faso Collection. This open access digital database project, which I launched in 2021 and which is hosted by the George A. Smathers Libraries at the University of Florida, currently contains over 2,500 archival materials, newspaper articles, Islamic publications in various forms, and photographs, in addition to 200 bibliographic references related to Islam and Muslims in Burkina Faso (https://islam.domains.uflib.ufl.edu/s/bf/). The paper also provides a brief overview of digital humanities in the field of African studies and, more specifically, on Islam.
Journal
Revue d'Histoire Contemporaine de l'Afrique
Date
2021
Language
Français
Wikidata QID
Q113504767
Spatial Coverage
Burkina Faso
Côte d'Ivoire
extracted text
La Collection Islam Burkina Faso
Promesses et défis des humanités numériques
Frédérick Madore

Citer cet article : Frédérick Madore (2021), « La Collection Islam Burkina Faso : promesses et défis des
humanités numériques », Revue d’Histoire Contemporaine de l’Afrique, en ligne. URL :
https://oap.unige.ch/journals/rhca/article/view/stcmadore
Mise en ligne : 15 décembre 2021
DOI : https://doi.org/10.51185/journals/rhca.2021.e610

Résumé
Cet article propose une réflexion sur les possibilités inédites qu’offre le numérique pour développer de
nouvelles méthodes de recherche et de diffusion de données sur l’histoire de l’islam en Afrique de l’Ouest,
ainsi que quelques considérations méthodologiques, technologiques et éthiques soulevées par de telles
initiatives. Au centre de ces considérations se trouve la Collection Islam Burkina Faso. Ce projet de base de
données numérique en libre accès, que j’ai lancé en 2021 et qui est hébergée par les bibliothèques
George A. Smathers de l’Université de Floride (UF), contient actuellement plus de 2 500 documents
d’archives, articles de la presse généraliste, publications islamiques sous diverses formes et photographies,
en plus de 200 références bibliographiques liées à l’islam et aux musulmans du Burkina Faso
(https://islam.domains.uflib.ufl.edu/s/bf-fr). Le texte propose également un bref état des lieux des humanités
numériques dans le champ des études africanistes et plus spécifiquement sur l’islam.
Mots-clés : humanités numériques ; archives ; presse ; numérisation ; islam ; Omeka

The Islam Burkina Faso Collection: Promises and Challenges of Digital Humanities

Abstract
This article reflects on the unprecedented opportunities that digital technology offers for developing new
methods of research and data dissemination on the history of Islam in West Africa, as well as some of the
methodological, technological, and ethical issues raised by such initiatives. At the center of these
considerations is the Islam Burkina Faso Collection. This open access digital database project, which I
launched in 2021 and which is hosted by the George A. Smathers Libraries at the University of Florida,
currently contains over 2,500 archival materials, newspaper articles, Islamic publications in various forms, and
photographs, in addition to 200 bibliographic references related to Islam and Muslims in Burkina Faso
(https://islam.domains.uflib.ufl.edu/s/bf/). The paper also provides a brief overview of digital humanities in
the field of African studies and, more specifically, on Islam.
Keywords: digital humanities; archives; press; digitalization; islam; Omeka

Délivré selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution
Pas d’Utilisation Commerciale 4.0 International.

Open Acess Publication
https://oap.unige.ch/journals/rhca. e-ISSN : 2673-7604

2

| FREDERICK MADORE

Dans cet article, je souhaite réfléchir sur les possibilités inédites qu’offre le numérique
pour développer de nouvelles méthodes de recherche et de diffusion de données sur l’histoire
de l’islam en Afrique de l’Ouest ainsi que quelques considérations méthodologiques,
technologiques et éthiques soulevées par de telles initiatives. Au centre de cette réflexion se
trouve la Collection Islam Burkina Faso1. Ce projet de base de données numérique en libre
accès, que j’ai lancé en 2021 et qui est hébergée par les bibliothèques George A. Smathers de
l’Université de Floride (UF), contient actuellement plus de 2 500 documents d’archives, articles
de la presse généraliste, publications islamiques sous diverses formes et photographies, en
plus de 200 références bibliographiques liées à l’islam et aux musulmans du Burkina Faso
(https://islam.domains.uflib.ufl.edu/s/bf-fr). Ce matériel a été obtenu dans le cadre de mes
recherches doctorales (2013-2018), portant sur l’histoire du militantisme islamique chez les
jeunes et les femmes au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire depuis les années 1970, et au cours
desquelles j’ai pu constituer un vaste corpus de plus de 10 000 documents écrits pour les deux
pays2. Je reviendrai ici, dans un premier temps, sur l’intérêt de telles sources et notamment la
presse généraliste et islamique pour retracer l’histoire des communautés musulmanes
d’Afrique de l’Ouest depuis les indépendances. La deuxième partie propose un bref état des
lieux des humanités numériques dans le champ des études africanistes et plus spécifiquement
sur l’islam dans la région. Enfin, la dernière section présente de manière plus détaillée la base
de données, qui a été constituée à partir de la plateforme Omeka3, et les pistes potentielles
pour développer le projet à court et moyen terme, particulièrement en établissant une
collaboration avec d’autres chercheurs et organismes.

L’histoire de l’islam et des communautés musulmanes d’Afrique de
l’Ouest à travers la presse
En comparaison des dépôts d’archives coloniales généralement considérés comme étant riches
en documents et très bien organisés, ceux des États postcoloniaux africains, disposant de
moyens extrêmement limités, sont souvent présentés comme très fragmentaires. En effet, la
plupart sont caractérisés par la rareté des documents, leur indisponibilité ou même la
disparition de fonds entiers, en plus d’être désordonnés car parfois dispersés dans plusieurs
centres et ne reposant pas sur une catégorisation efficace : « Archives for the postcolonial
period are as scattered, contingent and partial as the history they imperfectly capture4 ». Ainsi,
nombre d’historiens de l’Afrique postcoloniale se rabattent sur les sources issues des archives
des gouvernements étrangers, des organisations humanitaires et de la presse internationale
plutôt que celles des États africains qu’ils étudient5. Devant la pauvreté des sources écrites

1

Le terme « collection » a été privilégié à celui d’« archives », car l’usage du terme archives pour qualifier des projets en humanités
numériques est critiqué par de nombreux archivistes, qui préfèrent le terme « collection » ou « collection numérique ». Voir Theimer
Kate (2012), « Archives in Context and as Context », Journal of Digital Humanities, 1(2), en ligne. URL :
http://journalofdigitalhumanities.org/1-2/archives-in-context-and-as-context-by-kate-theimer/ (consulté le 5 décembre 2021).
2 Madore Frédérick (2018), « Rivalités et collaborations entre aînés et cadets sociaux dans les milieux associatifs islamiques en Côte
d’Ivoire et au Burkina Faso (1970-2017) », thèse de doctorat, Québec, Université Laval, en ligne, URL :
https://corpus.ulaval.ca/jspui/handle/20.500.11794/33246 (consulté le 5 décembre 2021).
3 https://omeka.org/s (consulté le 5 décembre 2021).
4 White Luise (2015), « Introduction – Suitcases, Roads, and Archives: Writing the History of Africa after 1960 », History in Africa, 42,
p. 266.
5 Ellis Stephen (2002), « Writing Histories of Contemporary Africa », The Journal of African History, 43(1), pp. 1-26.

REVUE D’HISTOIRE CONTEMPORAINE DE L’AFRIQUE

LA COLLECTION ISLAM BURKINA FASO |

3

souvent évoquée dans les recherches en milieu ouest-africain, il n’est dès lors pas étonnant
que les enquêtes orales soient considérées comme une source de premier plan y compris par
les historiens6. Comme l’a souligné Florence Bernault, elle-même historienne, les « historians
now wander like born-again ethnographers7 ».

Figure n° 1 : Archives de presse à la Bibliothèque nationale du Togo à Lomé (photographie de
l’auteur)

En dépit de nombreuses difficultés, j’ai pu constituer un riche corpus de sources écrites
en numérisant plus de 7 000 articles de presse portant sur les musulmans au Burkina Faso et
en Côte d’Ivoire (célébrations de fêtes religieuses, organisations d’activités islamiques, discours
de figures musulmanes, relations avec les pays arabo-musulmans, actions d’ONG islamiques,
etc.), ainsi que près de 1 000 publications islamiques diverses (brochures, bulletins, magazines,
journaux, mensuels, etc.), dont la plupart ont cessé de paraître. Ces documents ont été obtenus
à partir des fonds documentaires privés d’individus8 et d’associations islamiques des deux
pays9 ; du Centre de Recherche et d’Actions pour la Paix (CERAP)10 et des Archives Nationales
de Côte d’Ivoire à Abidjan ; de l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD)11 et du

White Luise, Miescher Stephan et Cohen David William (dir.) (2001), African Words, African Voices: Critical Practices in Oral History,
Bloomington, Indiana University Press.
7 Bernault Florence (2015), « Suitcases and the Poetics of Oddities: Writing History from Disorderly Archives », History in Africa, 42,
p. 270.
8 Je suis tout particulièrement redevable à Ibrahim Doumbia, un ancien responsable de l’Association des Élèves et Étudiants Musulmans
de Côte d’Ivoire (Aeemci) et journaliste, qui m’a généreusement ouvert ses vastes archives personnelles contenant d’innombrables
publications islamiques, dont Plume Libre et Islam Info.
9 Aeemci à Abidjan ; Association des Élèves et Étudiants Musulmans du Burkina (Aeemb) et Cercle d’Études, de Recherches et de
Formation Islamiques (Cerfi) à Ouagadougou.
10 https://cerap-inades.org (consulté le 5 décembre 2021).
11 https://www.ird.fr/burkina-faso (consulté le 5 décembre 2021).
6

RHCA, SOURCES, TERRAINS & CONTEXTES, EN LIGNE, 2021.

4

| FREDERICK MADORE

Centre National des Archives à Ouagadougou ; du Library of Congress12 à Washington D.C. ; et
enfin, de l’agrégateur de journaux africains AllAfrica.com13.
La constitution d’un tel corpus de sources écrites offre plusieurs avantages. La presse
généraliste et les différentes publications islamiques sur support papier sont très riches et
constituent un excellent moyen pour retracer avec précision l’histoire des communautés
musulmanes. Ceci est particulièrement le cas pour les premières décennies de l’indépendance
alors que nombre d’acteurs importants de l’époque sont décédés et que les informations
obtenues par le biais des enquêtes orales peuvent comporter des imprécisions. De plus, ces
sources écrites offrent à la fois un regard interne et externe sur les activités de différents
individus et groupes musulmans. Dans les années 1970 et 1980, la presse généraliste
burkinabè14 et ivoirienne15 offrait une couverture relativement limitée de l’actualité touchant les
musulmans. Cela se réduisait généralement à des comptes rendus à l’occasion de fêtes
islamiques (Aïd al-Adha, Aïd el-Fitr), lors du pèlerinage à La Mecque, l’inauguration de
nouvelles mosquées ou la mort de dignitaires religieux. Cependant, à partir de la fin des
années 1980, le volume d’articles consacrés à l’islam a considérablement augmenté avec la
couverture assez détaillée de nombreuses activités de différentes associations islamiques, ainsi
que des conflits et dissensions internes au sein de la communauté musulmane – prenant
souvent une tournure médiatique importante dans les deux pays. Les différents articles
comportent aussi des témoignages et interviews de leaders musulmans ou de fidèles
« ordinaires ».
Figure n° 2 : Exemple d’un article de journal (L’Observateur, 23 septembre 1981)

https://www.loc.gov (consulté le 5 décembre 2021).
Cette plateforme, propriété de la société privée AllAfrica Global Media qui opère depuis Le Cap, Dakar, Abuja, Monrovia, Nairobi
et Washington D.C., relaie les nouvelles de plus de 140 organismes de presse africains. https://fr.allafrica.com/misc/info/about
(consulté le 5 décembre 2021).
14 Carrefour africain, L’Observateur, Sidwaya.
15 Fraternité Matin, Fraternité Hebdo.
12
13

REVUE D’HISTOIRE CONTEMPORAINE DE L’AFRIQUE

LA COLLECTION ISLAM BURKINA FASO |

5

Par ailleurs, dans le cadre d’une recherche de terrain sur un sujet sensible dans une région
où les défis sont nombreux16, surtout depuis la flambée d’attaques djihadistes, il est parfois
difficile d’obtenir la confiance de groupes ou d’individus dont les croyances sont a priori
considérées comme une menace à la sécurité. Ceci est tout particulièrement le cas pour les
mouvements salafis17, qui sont abusivement associés à la radicalisation et la violence. Les
chercheurs peuvent être pris pour des « espions » des services de renseignements nationaux
ou occidentaux dans la lutte antiterroriste18. À cela s’ajoute le fait que beaucoup d’acteurs
religieux sont tout à fait conscients de ce qui s’écrit sur eux. Cette méfiance s’était d’ailleurs
manifestée dans le cadre de mes recherches avec les groupes salafis ivoiriens, dont les leaders,
très préoccupés à l’idée que leur mouvement intéresse des chercheurs étrangers, avaient
affirmé ne pas vouloir participer à des projets de recherche. Or, ce problème d’accès fut
largement comblé par la presse islamique et généraliste, qui m’ont permis d’analyser le
développement rapide du salafisme en Côte d’Ivoire depuis les années 199019.
De plus, lors d’un entretien avec un chercheur occidental, des figures religieuses
importantes ou des musulmans lambda peuvent tenir des discours très policés alors qu’ils
peuvent avoir une prise de parole un peu plus libérée s’ils sont interrogés dans le cadre d’une
publication islamique, qui n’est pas destinée a priori à un public non musulman. À cela s’ajoute
le fait qu’il est plus difficile de mener des entretiens auprès de femmes appartenant à des
milieux salafis en étant un homme. Ainsi, les interviews de musulmanes et les comptes-rendus
d’activités islamiques strictement féminines dans la presse favorisent le croisement
d’informations obtenues par le biais d’enquêtes orales. Ils permettent aussi d’atténuer
l’avantage que les chercheures étrangères peuvent détenir sur leurs collègues masculins en
appartenant à un « troisième genre20 », qui facilite l’accès à la fois aux hommes et aux femmes
selon les contextes.
Les sources écrites ont également représenté un formidable outil pour accéder aux
discours et prises de position sur diverses questions religieuses, sociales et parfois politiques,
tant récents qu’anciens, de différents acteurs musulmans. Outre les débats entourant la laïcité,
l’organisation du pèlerinage, l’enseignement confessionnel islamique ou encore les réformes
du code de la famille, on peut aussi souligner l’importante médiatisation d’imams ivoiriens, qui
se sont prononcés publiquement sur l’« ivoirité » et les traitements infligés aux musulmans
Marzo Pietro et Gomez-Perez Muriel (2020), « Faire du terrain au Moyen-Orient et en Afrique : stratégies d’approche et défis de
positionnement du chercheur », Recherches qualitatives, 39(1), pp. 1-20.
17 Le salafisme est un mouvement de réforme musulman qui est né vers la fin du XIXe siècle en Égypte, bien que son origine exacte
fasse toujours l’objet de débats. Souvent apparenté au wahhabisme qui s’est développé dans l’actuelle Arabie Saoudite au XVIIIe siècle
sous l’impulsion d’Ibn ‘Abd al-Wahhab, le salafisme a influencé de nombreux penseurs et servi de base à divers mouvements en
islam. Il prône une pureté rituelle basée sur le modèle des « pieux prédécesseurs » (salaf al-ṣāliḥ), c’est-à-dire les compagnons du
prophète Muhammad, et l’unicité de Dieu (tawḥid). Ainsi, les salafis rejettent avec ferveur les confréries soufies (tarīqa) et
l’incorporation de traditions culturelles locales (divination, utilisation de charmes ou de talismans, vénérations des cheikhs), qui sont
assimilées à des innovations illicites (bid‘ah) et à de l’associationnisme (shirk). Ils estiment que ces pratiques ont corrompu l’islam et
visent à rétablir ce qu’ils considèrent comme l’islam véritable et authentique pratiqué par les trois premières générations de
musulmans. Voir Østebø Terje (2015), « African Salafism: Religious Purity and the Politicization of Purity », Islamic Africa, 6(1-2),
pp. 1-29.
18 Prud’homme Pierre (2015), « L’imam, l’expert et le diplomate : retour sur une recherche au Haut Conseil Islamique du Mali »,
Civilisations, 64(1), pp. 129-140.
19 Madore Frédérick (2016), « The New Vitality of Salafism in Côte d’Ivoire: Toward a Radicalization of Ivoirian Islam? », Journal of
Religion in Africa, 46(4), pp. 417-452.
20 Schwedler Jilian (2006), « The Third Gender: Western Female Researchers in the Middle East », Political Science & Politics, 39,
pp. 425-428.
16

RHCA, SOURCES, TERRAINS & CONTEXTES, EN LIGNE, 2021.

6

| FREDERICK MADORE

dans les années 1990 et 200021. Ceci m’a permis d’adopter une approche résolument empirique
en donnant un large accès aux discours des acteurs étudiés.

Figure n° 3 : Première page du journal Le Jour (9 août 1995)

Enfin, la presse généraliste est très révélatrice de l’influence médiatique dont bénéficient
différentes figures et associations islamiques. Par exemple, au Burkina Faso, de jeunes
« intellectuels musulmans » francophones ont éclipsé les porte-paroles traditionnels de leur
communauté durant le processus de transition suivant la chute du président Blaise Compaoré
en octobre 201422. En effet, la presse s’avère très utile pour analyser les rapports de pouvoir
qui sous-tendent l’accès à la sphère publique et la participation de groupes qui sont
habituellement exclus des débats publics tels que les jeunes et les femmes. La comparaison
entre les journaux proches du pouvoir et la presse de l’opposition permet de voir comment les
médias progouvernementaux accordent un traitement privilégié et donnent une large visibilité
à certains groupes musulmans plus proches de l’État au détriment d’autres mouvements et
dirigeants soupçonnés d’être proches de l’opposition23.

Par exemple, la déclaration du Conseil supérieur des imams appelant à « réexaminer, dès que possible, les aspects contestés du
[nouveau] code électoral », qui excluait la candidature d’Alassane Ouattara à l’élection présidentielle d’octobre 1995, se trouvait à la
une des journaux Le Jour et La Voie. Voir « Message des imams et du CNI : “Le Code électoral a divisé la nation” », Le Jour, 9 août
1995 ; « Pour prévenir tout risque d’éclatement social : les imams appellent à un réexamen du code électoral », La Voie, 9 août 1995.
22 Madore Frédérick (2020), « Francophone Muslim Intellectuals, Islamic Associational Life and Religious Authority in Burkina Faso »,
Africa, 90(3), pp. 625-646.
23 Ce fut tout particulièrement le cas de la couverture, par la presse ivoirienne, des différentes associations islamiques habilitées à
organiser le pèlerinage à La Mecque dans les années 1990 et 2000. Ainsi, durant la présidence d’Henri Konan Bédié, l’organisation
des différents pèlerinages par le Conseil supérieur islamique, qui était réputé être à la solde du pouvoir, bénéficia d’une couverture
médiatique exagérée et démesurément positive. Voir Madore Frédérick et Traoré Yssoufou (2018), « L’organisation du hadj en Côte
d’Ivoire : entre facteur de cohésion et source de rivalités au sein de la communauté musulmane (1993-2010) », Cahiers d’études
africaines, 229, pp. 179-208.
21

REVUE D’HISTOIRE CONTEMPORAINE DE L’AFRIQUE

LA COLLECTION ISLAM BURKINA FASO |

7

Humanités numériques et études africanistes : des progrès en demiteinte
À l’instar d’autres champs d’études, la facilité avec laquelle les chercheur·e·s africanistes
peuvent dorénavant accéder à un large éventail de ressources en ligne, gratuitement ou de
manière payante, ont transformé la nature du processus de recherche et ont offert de nouvelles
opportunités. En effet, les programmes de numérisation d’archives africaines, publiques et
privées, se sont multipliés depuis les années 200024. On peut notamment évoquer l’African
Online Digital Library (AODL)25, le SlaveVoyages (Trans-Atlantic and Intra-American slave trade
databases)26, le Endangered Archives Programme de la British Library27, ou encore
l’impressionnant travail effectué par Derek R. Peterson de l’Université du Michigan sur
l’Ouganda28. Les archives d’un nombre croissant de journaux africains sont désormais
disponibles en ligne, bien que cela concerne davantage la presse anglophone que
francophone29. Outre des projets financés par des institutions américaines et britanniques, des
initiatives africaines venant de plusieurs bibliothèques, centres d’archives et universités du
continent ont été lancées avec succès. L’Afrique du Sud et le Nigeria ont été particulièrement
dynamiques à cet égard30. Bien que le continent demeure encore quelque peu en marge du
développement des humanités numériques, un réseau pour les humanités numériques en
Afrique31 s’est constitué en 2019 à la suite du colloque annuel de l’Alliance of Digital Humanities
Organizations (ADHO). D’autres conférences ont aussi été organisées sur ce sujet, dont la
quatrième édition du Princeton African Humanities Colloquium en 2020, qui avait pour thème
« Africa and Digital Humanities32 ». À la lumière de ces développements, un nombre croissant
d’auteurs ont souligné l’essor du tournant numérique (« digital turn ») dans les études
africanistes33.
Cependant, en dépit de la popularité croissante des humanités numériques, un nombre
très limité d’initiatives en lien avec l’islam en Afrique de l’Ouest a tenté de mobiliser les outils
du numérique pour traiter et analyser les données, mais surtout pour faciliter la diffusion et le
partage des savoirs. Jusqu’à tout récemment, les premières ressources en ligne telles que le
portail Islam and Modernity: Alternatives in Contemporary Senegambia & Ghana34 étaient
restées au stade de « projet pilote35 ». Bien qu’étant indirectement liés à l’islam, le Tombouctou

Fouéré Marie-Aude, Rillon Ophélie et Pommerolle Marie-Emmanuelle (2020), « Pourquoi Sources ? Rigueur empirique, réflexivité et
archivage en sciences humaines et sociales et dans les études africaines », Sources, 1, pp. 9-10.
25 https://aodl.org (consulté le 5 décembre 2021).
26 https://www.slavevoyages.org (consulté le 5 décembre 2021).
27 https://eap.bl.uk (consulté le 5 décembre 2021).
28 https://derekrpeterson.com/archive-work (consulté le 5 décembre 2021).
29 Voir par exemple la collection East African Newspapers du Global Press Archive CRL Alliance, qui contient plus de 450 000 pages
de journaux des années 1940 au début des années 2000. https://www.crl.edu/news/global-press-archive-crl-alliance-makes-secondcopyright-collection-available (consulté le 5 décembre 2021).
30 Voir par exemple le South African Centre for Digital Language Resources (SADiLaR).
31 https://dhafrica.blog (consulté le 5 décembre 2021).
32 https://pah.princeton.edu/colloquia/princeton-2020 (consulté le 5 décembre 2021).
33 Chamelot Fabienne, Hiribarren Vincent et Rodet Marie (2020), « Archives, the Digital Turn, and Governance in Africa », History in
Africa, 47, pp. 101-118.
34 Foley Catherine (2014), « Developing Materials for a Digital Library Gallery », Islamic Africa, 5(1), pp. 83-90 ; Robinson David (2014),
« Muslim Societies in West Africa: Historical and Contemporary Perspectives in Digital Form », Islamic Africa, 5(1), pp. 103-121.
35 Limb Peter (2014), « Islamic Africa: A Select, Annotated Webography », Islamic Africa, 5(1), pp. 91-102.
24

RHCA, SOURCES, TERRAINS & CONTEXTES, EN LIGNE, 2021.

8

| FREDERICK MADORE

Manuscripts Project 36, mené par l’Université de Cape Town, et l’African Ajami Library 37, créé et
dirigé par Fallou Ngom, sont particulièrement dignes de mention. Plus récemment, Zachary
Wright a lancé le Tijani Literature Project 38, une base de données numérique de manuscrits en
arabe à propos de la Tijaniyya, l’ordre soufi le plus important d’Afrique.
Bien que les perspectives et les promesses offertes par les technologies numériques
soient nombreuses pour les études africanistes, nombre de chercheurs et d’archivistes ont
toutefois souligné le problème de la « fracture numérique » (« digital divide ») en raison de
l’accessibilité d’Internet qui demeure encore limitée en Afrique subsaharienne39. D’autres ont
aussi soulevé les problèmes liés à la propriété intellectuelle des sources numériques ou encore
le bouleversement des pratiques et normes archivistiques. La visite de chercheurs étrangers
dans les centres d’archives africains peut également constituer une source de revenus non
négligeable pour ces établissements. À cela s’ajoutent les enjeux politiques de l’archivage
numérique, qui tendent à reproduire les hiérarchies coloniales alors que certains pays ou
institutions sont privilégiées pour les possibilités de financement. En effet, la plupart des projets
de numérisation, qui sont souvent coûteux, sont financés par des institutions du Nord ou sont
menés par des sociétés privées dont l’objectif est le profit financier plutôt que la large diffusion
gratuite des connaissances40. Ainsi, certains ont dénoncé l’« impérialisme numérique41 » et le
« Digital Savior Complex42 » comme ce fut le cas de Peter Limb, historien spécialiste de l’Afrique
du Sud, qui, dès 2007, avait affirmé que « Twenty-first century missionaries carry not Bibles but
scanners43 ». L’archivage en ligne des données de recherche, consultables sans barrière
financière, constitue néanmoins une alternative intéressante pour les chercheurs tant ouestafricains qu’étrangers pour pallier les difficultés souvent rencontrées dans les bibliothèques et
les centres d’archives de la région44.

Une base de données numérique avec Omeka : un projet en constante
évolution
L’idée de diffuser et d’archiver en accès ouvert (« open access ») une large partie de mon
corpus de sources, afin que ces documents soient consultables par des chercheurs du monde
entier pour mener de nouvelles études sur l’islam au Burkina Faso, a donc été fortement
influencée par les humanités numériques ainsi que les réflexions entourant la « science
ouverte45 ». J’ai été particulièrement inspiré par la démarche d’Enrique Martino, qui a créé un
http://www.tombouctoumanuscripts.uct.ac.za (consulté le 5 décembre 2021).
https://open.bu.edu/handle/2144/1896 (consulté le 5 décembre 2021).
38 https://tijani.org (consulté le 5 décembre 2021).
39 Barringer Terry et Wallace Marion (dir.) (2014), African Studies in the Digital Age: Dis/Connects?, Leiden, Brill.
40 Chamelot F., Hiribarren V. et Rodet M., « Archives, the Digital Turn », art. cité ; Fouéré M.-A., Rillon O. et Pommerolle M., « Pourquoi
Sources ? », art. cité, p. 10.
41 Breckenridge Keith (2014), « The Politics of the Parallel Archive: Digital Imperialism and the Future of Record-Keeping in the Age
of Digital Reproduction », Journal of Southern African Studies, 40(3), pp. 499-519.
42 Shringarpure Bhakti (2020), « Africa and the Digital Savior Complex », Journal of African Cultural Studies, 32(2), pp. 178-194.
43 Limb Peter (2007), « The Politics of Digital “Reform and Revolution”: Towards Mainstreaming and African Control of African
Digitisation », Innovation, 34, p. 23.
44 Daly Samuel Fury Childs (2017), « Archival Research in Africa », African Affairs, 116(463), pp. 311-320.
45 La science ouverte, qui se veut au service du bien commun, promeut notamment le libre partage des connaissances scientifiques
et des données de recherche et bibliographique sans barrière financière afin d’instaurer une meilleure justice cognitive dans les pays
des Suds. Voir Piron Florence, Régulus Samuel et Dibounje Madiba Marie Sophie (dir.) (2016), Justice cognitive, libre accès et savoirs
locaux : pour une science ouverte, juste, au service du développement local durable, Québec, Éditions science et bien commun.
36
37

REVUE D’HISTOIRE CONTEMPORAINE DE L’AFRIQUE

LA COLLECTION ISLAM BURKINA FASO |

9

site Internet sur lequel se trouve la quasi-totalité des sources d’archives qu’il a utilisée pour sa
thèse sur l’histoire de la Guinée Équatoriale46. Ainsi, grâce à un financement du programme de
bourses postdoctorales Banting du Canada et au soutien inestimable de Perry Collins et de
Tiffany Esteban des Bibliothèques George A. Smathers de l’UF ainsi que de Leonardo A. Villalón
du Sahel Research Group, j’ai pu mettre en ligne une base de données numérique novatrice,
et en accès libre, de documents de différentes formes liés à l’islam au Burkina Faso. Elle a été
constituée avec la plateforme Omeka, qui est développée par le Center for History and New
Media (CHNM) de l’Université George Mason47. Ce logiciel gratuit et open source, qui est
notamment utilisé par de nombreux musées, bibliothèques, sociétés historiques, centre
d’archives et chercheur·e·s, permet la publication sur le web de fichiers de tout type (vidéo,
audio, image, texte) et leur identification par l’attribution de métadonnées afin de faciliter la
conservation et la consultation de collections numériques. Omeka permet également de
générer un site web facile à administrer et dit « réactif », dont la consultation est adaptée pour
des formats d’écran différents (ordinateur, tablette, téléphone portable), et accessible avec des
connexions Internet limitées.
En plus de l’attribution de métadonnées selon le format Dublin Core48 relatif au contenu
(titre, sujet, description, langue), à la propriété intellectuelle (créateur, éditeur, source, gestion
de droits d’auteur) et à l’instanciation (date, type), la reconnaissance optique de caractères
(ROC) a aussi été appliquée à chaque document afin d’indexer le texte intégral. De cette
manière, il est donc possible d’effectuer une recherche simple par mots-clés, ou avancée en
croisant plusieurs critères parmi les milliers de documents de la base de données. Ceci permet
également un référencement efficace pour améliorer le positionnement des pages du site web
dans les résultats des moteurs de recherche. Un index des métadonnées « sujet » a aussi été
produit, qui répertorie plus de 600 mots-clés identifiant les différents thèmes du contenu du
document tels que : les individus et les associations musulmanes impliqués (« imam X »,
« AEEMB (Association des Élèves et Étudiants Musulmans du Burkina)») ; les lieux (« Grande
mosquée de Zangouettin », « Institut islamique El Nour ») ; les sujets dont il est question
(« laïcité », « voile ») et certains évènements importants de l’actualité burkinabè (« Projet de loi
sur les libertés religieuses (2016-2017) »). Le site, dont l’interface est bilingue (français-anglais),
offre aussi la possibilité de télécharger la version PDF des versions numérisées des documents.

Martino Enrique (2014), « Open Sourcing the Colonial Archive – A Digital Montage of the History of Fernando Pó and the Bight of
Biafra », History in Africa, 41, pp. 387-415. L’auteur a également consacré un billet de blogue sur les questions éthiques et juridicopolitiques liés à la gestion des droits d’auteur pour la diffusion en ligne de documents provenant de bibliothèques et fonds d’archives
de différents pays européens et africains : « Law, License and Digital Reproduction in the Colonial Archive », 17 février 2014,
http://www.opensourceguinea.org/2014/02/law-license-and-digital-reproduction-in.html (consulté le 5 décembre 2021).
47 Le CHNM est aussi à l’origine du logiciel de gestion de références bibliographiques Zotero.
48 Dublin Core est une norme internationalement reconnue pour la description de toute ressource.
46

RHCA, SOURCES, TERRAINS & CONTEXTES, EN LIGNE, 2021.

10

| FREDERICK MADORE

Figure n° 4 : Exemple d’un document avec métadonnées et texte intégral obtenu avec la ROC

REVUE D’HISTOIRE CONTEMPORAINE DE L’AFRIQUE

LA COLLECTION ISLAM BURKINA FASO |

11

Tous les documents sont regroupés par « collections » thématiques selon leur type :
articles de la presse généraliste (Carrefour africain [1962-1987], L’Observateur [1979-1984],
Sidwaya [1983-2019], L’Observateur Paalga [1991-2019], et Le Pays [1992-2019]), journaux
islamiques (Al Mawadda49, An-Nasr Trimestriel50, An-Nasr Vendredi51 et La Preuve52) et
photographies. Enfin, le site propose plus de 200 références d’ouvrages, chapitres de livre,
articles de revue, mémoires et thèses – incluant celles soutenues dans des universités africaines,
qui sont souvent mal référencées – en lien avec l’islam au Burkina Faso. Ces références sont
facilement importables avec les logiciels de gestion bibliographique comme Zotero.

Figure n° 5 : Collections thématiques

« Bimestriel d’information et de formation islamique » publié par l’Association Islamique d’al Mawadda du Burkina (AIMB), qui a
commencé à paraître vers 2000-2001.
50 « Bulletin trimestriel d’information et de formation de l’AEEMB » publié depuis la fin des années 1990.
51 Bulletin hebdomadaire publié par l’Aeemb depuis 2004.
52 « Mensuel islamique d’informations générales », publié entre 2007 et 2011.
49

RHCA, SOURCES, TERRAINS & CONTEXTES, EN LIGNE, 2021.

12

| FREDERICK MADORE

Un des défis majeurs de tout projet de numérisation et d’archivage de journaux est
d’obtenir le consentement du titulaire des droits d’auteur, ce qui est souvent difficile. Ceci est
d’autant plus vrai que les historiens sont généralement peu formés sur ces questions juridiques.
J’ai donc contacté les éditeurs des journaux Sidwaya, L’Observateur Paalga et Le Pays afin de
leur présenter le projet et sa valeur scientifique. Après consultation avec leur service juridique
respectif, ils ont gracieusement accepté, en tant que titulaires des droits d’auteur, de signer un
« contrat de distribution numérique » m’autorisant à numériser, distribuer et archiver les
articles identifiés à des fins éducatives et à but non lucratif via Internet pour le compte de
l’Université de Floride. Pour ce qui est des œuvres orphelines (« orphan works »), c’est-à-dire
les documents dont le(s) titulaire(s) des droits d’auteur sont impossibles à localiser ou à
identifier – et qui se trouvent en quelque sorte dans un vide juridique –, il est possible
d’invoquer le « fair use » (« usage raisonnable »)53. Dans ce cadre, le matériel peut donc être
mis à disposition à des fins éducatives et non lucratives d’autant plus que la transformation
d’articles de presse ou d’un journal qui a cessé de paraître en une source primaire historique
n’affecte pas la valeur marchande du document original, qui provenait de sa date de vente
initiale remontant à plusieurs années ou décennies54. C’est donc ce qui a été employé pour les
journaux islamiques Al Mawadda et La Preuve pour lesquels la mention « protégé par le droit
d’auteur – titulaire(s) des droits impossible(s) à localiser ou à identifier » a été attribuée. Si un
avertissement du détenteur des droits d’auteur (« takedown notice ») advenait, les articles ou
les journaux seraient alors immédiatement retirés de la base de données et un refus pourrait
conduire à des procédures judiciaires55.

***

Dans une prochaine phase du projet, je souhaite, d’une part, l’élargir à la Côte d’Ivoire
en y incorporant le matériel que j’ai déjà numérisé par le biais d’un partenariat avec Issouf
Binaté, enseignant-chercheur à l’Université Alassane Ouattara de Bouaké. D’autre part, je vais
chercher à obtenir l’autorisation d’autres périodiques burkinabè (« contrat de distribution
numérique » ou en utilisant le fair use le cas échéant) afin de pouvoir ajouter de nouveaux
documents à la base de données existante. Surtout, une collaboration avec les Archives
nationales du Burkina Faso à Ouagadougou permettrait d’intégrer les centaines de documents
contenus dans le fonds « 7V485 Correspondance des communautés musulmanes au Chef de
l’État. Textes réglementaires. 1956-1995 ». La publication des inventaires d’archives, tel que le
site web sur les Archives coloniales de l’Afrique Équatoriale Française56, pourrait également
constituer une option intéressante.

Enrique Martino s’est d’ailleurs appuyé essentiellement sur le fair use pour son site opensourceguinea.org (consulté le 5 décembre
2021).
54 Hansen David (2016), « Digitizing Orphan Works: Legal Strategies to Reduce Risks for Open Access to Copyrighted Orphan Works »,
in K. K. Courtney et P. Suber (dir.), Harvard Library, https://dash.harvard.edu/handle/1/27840430 (consulté le 5 décembre 2021).
55 Clause de non-responsabilité : il est à noter que ceci ne représente en aucun cas un conseil juridique professionnel. Veuillez
consulter des spécialistes de votre institution pour vous conseiller pour tout projet de numérisation que vous souhaiteriez mettre en
œuvre.
56 https://archivescolonialesbrazzaville.wordpress.com (consulté le 5 décembre 2021). Voir aussi
https://archivescolonialesabidjan.wordpress.com sur les archives coloniales conservées aux Archives nationales de Côte d’Ivoire
(consulté le 5 décembre 2021).
53

REVUE D’HISTOIRE CONTEMPORAINE DE L’AFRIQUE

LA COLLECTION ISLAM BURKINA FASO |

13

Dans de tels projets, les questions liées à la durabilité numérique et aux stratégies de
développement à long terme sont également primordiales. Collaborer avec une bibliothèque
universitaire représente un avantage à cet égard. Ainsi, la LibraryPress@UF, qui est une
imprimerie de l’University of Florida Press et des bibliothèques George A. Smathers de l’UF,
assurera la préservation de la base de données et du site web en l’archivant dans le dépôt
institutionnel de l’institut pendant au moins dix ans. Ceci permettra d’assurer un
développement à moyen et long terme du projet. Outre l’amélioration du design graphique
du site web, je travaille actuellement à l’ajout d’« expositions numériques » comme points
d’entrée pour la collection. Chacune d’entre elles regroupera une sélection de documents de
la base de données par thèmes, tels que les musulmans et la laïcité, l’enseignement
confessionnel islamique et l’activisme étudiant. En plus de fournir de l’information contextuelle
pour approcher ce matériel, une bibliographie sélective viendra compléter la présentation de
l’exposition. Les documents pourront aussi être intégrés à une ligne du temps interactive et
être géolocalisés afin de pouvoir les parcourir sur une carte.
À moyen et long terme, j’ai l’intention d’utiliser ce projet comme une vitrine pour obtenir
un financement afin de construire une base de données numérique collaborative plus large sur
l’islam en Afrique de l’Ouest, qui inclurait non seulement du matériel provenant de mes
nouvelles recherches sur le Bénin et le Togo, mais également d’autres pays et chercheurs. En
effet, l’interface d’Omeka offre un ensemble de fonctions administratives et de permissions
d’utilisateur, qui permettent d’accorder un accès différencié selon le type « chercheur »,
« éditeur » ou « administrateur ». Ainsi, selon un modèle de recherche collaborative, d’autres
spécialistes pourraient participer au projet en créant leurs propres collections sur des thèmes
particuliers ou en alimentant la base de données de leurs propres sources dans le respect des
droits d’auteur selon la démarche telle qu’énoncée précédemment57. Ceci m’apparaît une piste
d’autant plus intéressante que la plupart des chercheurs de nos jours stockent des gigaoctets
de photographies d’archives avec leur téléphone portable.
Par ce projet, j’espère pouvoir démocratiser l’accès à des documents de diverses natures
sur l’islam au Burkina Faso, paver la voie à de nouvelles recherches sur ce sujet et surtout servir
de modèle pour d’autres initiatives similaires. Les humanités numériques ont la capacité de
développer la recherche en histoire sur l’Afrique en plus de valoriser l’interdisciplinarité et la
collaboration entre chercheurs de différentes régions du monde pour la production, le partage,
le traitement et la publication des connaissances.

Frédérick Madore
Leibniz-Zentrum Moderner Orient (ZMO) (Allemagne)

Louis Audet Gosselin a d’ailleurs accepté de partager diverses publications islamiques du Burkina Faso de sa collection personnelle,
dont plusieurs documents se trouvent déjà en ligne.

57

RHCA, SOURCES, TERRAINS & CONTEXTES, EN LIGNE, 2021.

14

| FREDERICK MADORE

Bibliographie
BARRINGER Terry et WALLACE Marion (dir.) (2014), African Studies in the Digital Age: Dis/Connects?,
Leiden, Brill.
BERNAULT Florence (2015), « Suitcases and the Poetics of Oddities: Writing History from Disorderly
Archives », History in Africa, 42, pp. 269-277.
BRECKENRIDGE Keith (2014), « The Politics of the Parallel Archive: Digital Imperialism and the Future of
Record-Keeping in the Age of Digital Reproduction », Journal of Southern African Studies, 40(3), pp. 499519.
CHAMELOT Fabienne, HIRIBARREN Vincent et RODET Marie (2020), « Archives, the Digital Turn, and
Governance in Africa », History in Africa, 47, pp. 101-118.
DALY Samuel Fury Childs (2017), « Archival Research in Africa », African Affairs, 116(463), pp. 311-320.
ELLIS Stephen (2002), « Writing Histories of Contemporary Africa », The Journal of African History, 43(1),
pp. 1-26.
FOLEY Catherine (2014), « Developing Materials for a Digital Library Gallery », Islamic Africa, 5(1), pp. 8390.
FOUÉRÉ Marie-Aude, RILLON Ophélie et POMMEROLLE Marie-Emmanuelle (2020), « Pourquoi Sources ?
Rigueur empirique, réflexivité et archivage en sciences humaines et sociales et dans les études
africaines », Sources, 1, pp. 1-21.
HANSEN David (2016), « Digitizing Orphan Works: Legal Strategies to Reduce Risks for Open Access to
Copyrighted Orphan Works », in K. K. COURTNEY et P. SUBER (dir.), Harvard Library, en ligne.
URL : https://dash.harvard.edu/handle/1/27840430 (consulté le 5 décembre 2021).
LIMB Peter (2014), « Islamic Africa: A Select, Annotated Webography », Islamic Africa, 5(1), pp. 91-102.
__________ (2007), « The Politics of Digital “Reform and Revolution”: Towards Mainstreaming and African
Control of African Digitisation », Innovation, 34, pp. 18-27.
MADORE Frédérick (2020), « Francophone Muslim Intellectuals, Islamic Associational Life and Religious
Authority in Burkina Faso », Africa, 90(3), pp. 625-646.
__________ (2016), « The New Vitality of Salafism in Côte d’Ivoire: Toward a Radicalization of Ivoirian
Islam? », Journal of Religion in Africa, 46(4), pp. 417-452.
__________ (2018), « Rivalités et collaborations entre aînés et cadets sociaux dans les milieux associatifs
islamiques en Côte d’Ivoire et au Burkina Faso (1970-2017) », thèse de doctorat, Québec, Université
Laval, en ligne. URL : https://corpus.ulaval.ca/jspui/handle/20.500.11794/33246 (consulté le 5 décembre
2021).
MADORE Frédérick et TRAORÉ Yssoufou (2018), « L’organisation du hadj en Côte d’Ivoire : entre facteur
de cohésion et source de rivalités au sein de la communauté musulmane (1993-2010) », Cahiers d’études
africaines, 229, pp. 179-208.
MARTINO Enrique (2014), « Open Sourcing the Colonial Archive – A Digital Montage of the History of
Fernando Pó and the Bight of Biafra », History in Africa, 41, pp. 387-415.

REVUE D’HISTOIRE CONTEMPORAINE DE L’AFRIQUE

LA COLLECTION ISLAM BURKINA FASO |

15

MARZO Pietro et GOMEZ-PEREZ Muriel (2020), « Faire du terrain au Moyen-Orient et en Afrique :
stratégies d’approche et défis de positionnement du chercheur », Recherches qualitatives, 39(1),
pp. 1-20.
ØSTEBØ Terje (2015), « African Salafism: Religious Purity and the Politicization of Purity », Islamic Africa,
6(1-2), pp. 1-29.
PIRON Florence, RÉGULUS Samuel et DIBOUNJE Madiba Marie Sophie (dir.) (2016), Justice cognitive, libre
accès et savoirs locaux : pour une science ouverte, juste, au service du développement local durable,
Québec, Éditions science et bien commun.
PRUD’HOMME Pierre (2015), « L’imam, l’expert et le diplomate : retour sur une recherche au Haut Conseil
Islamique du Mali », Civilisations, 64(1), pp. 129-140.
ROBINSON David (2014), « Muslim Societies in West Africa: Historical and Contemporary Perspectives in
Digital Form », Islamic Africa, 5(1), pp. 103-121.
SCHWEDLER Jilian (2006), « The Third Gender: Western Female Researchers in the Middle East », Political
Science & Politics, 39, pp. 425-428.
SHRINGARPURE Bhakti (2020), « Africa and the Digital Savior Complex », Journal of African Cultural
Studies, 32(2), pp. 178-194.
THEIMER Kate (2012), « Archives in Context and as Context », Journal of Digital Humanities, 1(2), en ligne.
URL : http://journalofdigitalhumanities.org/1-2/archives-in-context-and-as-context-by-kate-theimer/
(consulté le 5 décembre 2021).
WHITE Luise (2015), « Introduction – Suitcases, Roads, and Archives: Writing the History of Africa after
1960 », History in Africa, 42, pp. 265-267.
WHITE Luise, MIESCHER Stephan et COHEN David William (dir.) (2001), African Words, African Voices:

Critical Practices in Oral History, Bloomington, Indiana University Press.

RHCA, SOURCES, TERRAINS & CONTEXTES, EN LIGNE, 2021.

Media