An-Nasr Vendredi #233 (Crise libanaise et intoxication médiatique)

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Title
An-Nasr Vendredi #233 (Crise libanaise et intoxication médiatique)
Creator
Mohamed Tahar Bensaada
An-Nasr Vendredi
Date
16 May 2008
issue
233
Spatial Coverage
Israël
Palestine
Rights
In Copyright - Educational Use Permitted
Language
Français
Contributor
Frédérick Madore
Wikidata QID
Q116190741
extracted text
Lorsque vient le secours d'Aliah ainsi que la victoire, célèbre les louangesde ton Seigneur et implore son pardon

ne fois de plus, les der­
niers développements de
la crise politico constitu­
tionnelle libanaise ont
donné lieu à une campagne d’in ­
toxication médiatique des plus
grossières. Le Hezbollah serait cou­
pable d’un « coup de force » contre
les institutions « démocratiques »
de l’État libanais. Au-delà de l’in­
terprétation tendancieuse de ce qui
reste un développement déplorable
d’une
crise
politico cons­
titutionnelle
c o m p le x e
qu’on
ne
peut
com­
prendre et résoudre sans la repla­
cer dans un cadre géopolitique ré­
gional en butte à des interventions
étrangères, américaines en premier
lieu, les véritables enjeux stratégi­
ques sont occultés par les médias
occidentaux.
De quoi s’agit-il en dernière analy­
se ? Si on prenait la peine de re­
prendre le fil des évènements de­
puis le début, on s ’apercevrait aisé­
ment que le véritable « coup de for­
ce » provient de cette même « majo­
rité » gouvernementale qui crie au­
jourd’hui au « coup de force » du
Hezbollah !

En effet, la double décision gouver­
nementale de mettre fin à la mis­
sion d’un responsable sécuritaire
proche du Hezbollah en poste à
l ’a é r o p o r t
in t e r n a t io n a l
de
Beyrouth et la mise hors la loi d’un
réseau de télécommunications de
100 000 lignes appartenant au mê­
me Hezbollah, outre qu’elle souffre
d’un vice de forme puisqu’elle tou­
che à une question sécuritaire na­
tionale qui devrait réunir le conseninter­

Crise libanaise et intoxication
médiatique
communautaire, apparaît comme
une action préventive et délibérée
en vue d’atteindre un double objec­
tif tactique d’une gravité avérée si
on l ’analysait du point de la sécuri­
té nationale libanaise : d’une part,
le limogeage du responsable proche
du Hezbollah vise directement à
faire de l ’aéroport de Beyrouth une
plate-forme ouverte aux agisse­
ments des services de sécurité
américains (et donc israéliens).
D ’autre part, la neutralisation du
réseau de télécommunications du
Hezbollah vise à priver ce dernier’
d’une capacité de communication
autonome, déterminante en cas de
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de conflit avec Israël. De la même manière
qu’il a surpris les agresseurs israéEens par sa
capacité de résistance opérationnelle sur le
terrain, durant l’été 2006, le Hezbollah a, cette
fois-ci, surpris ses adversaires internes et
externes, par sa capacité de réaction rapide,
montrant que la meilleure défense peut être
l’attaque. Dans le contexte présent, il s’agit
plus d’une contre-attaque. Il ne faut pas s’y
tromper et il ne sert à rien dans ce cas de se
cacher derrière les arguments fallacieux du
formalisme juridique pour juger de la nature
de la contre-attaque du Hezbollah.
Ce que les médias occidentaux et certains
médias arabes oublient de rappeler, c’est que
la « souveraineté » de l’Etat libanais dont ils se
servent comme un cache-sexe est avant tout
mise à mal par l’interventionnisme américain
et européen dans les affaires intérieures du
Liban.
■ En effet, on ne peut comprendre la nature des
F derniers développements de la crise libanaise
sans comprendre au préalable les enjeux
véritables de la crise poEtico constitutionnelle
que d’aucuns voudraient instrumentaliser
pour en faire l’anti-chambre d’une nouvelle
guerre civile. La crise libanaise n’est pas une
crise entre communautés même s’il existe des
forces politiques qui cherchent à prendre en

libanais, le fait même que des ministres
chiites et un ministre représentant la commu­
nauté chrétienne orthodoxe quittent le
gouvernem ent remet gravement en question
le consensus intercommunautaire indispen­
sable dans le traitement de toute question
engageant le destin national.
D ans ces circonstances, continuer à parler de
« majorité » gouvernementale et de légitimité
constitutionnelle comme le font les médias
occidentaux relève tout simplement d’une
manipulation grotesque digne des services
d’action
psychologique
des
armées
coloniales ! Le blocage poEtico constitution­
nel entourant l’élection d’un président de h
répubhque ne peut s’expEquer en dehors de
ce contexte. Les Américains, et leurs alliés
israéEens et européens, savent qu’au fond
toute solution constitutionnelle consensuelle
risque de faire revenir le Liban dans le camp
de la résistance régionale au nouveau plan
impérial que l’oncle Sam cherche à impose!
dans la région.
Or, la mise en œuvre de cette « pax americana » doit passer nécessairement par la
neutrabsation de la Syne de l’Iran et de leurs
aüiés, le Hezbollah Ebanais et le Hamas
palestinien. Les raisons sociologiques, démo­
graphiques et pobtiques qui expEquent

otage telle ou telle communauté pour en faire
une chair à canon dans un conflit contraire
aux intérêts supérieurs du Liban et de la
région.
La crise libanaise est avant tout une crise
politique. Dans le système constitutionnel

poEtique
Ebanaise
sont
l’équation
nombreuses mais il n’y a aucun doute que
l’ouverture démocratique relative qui carac­
térise ce pays depuis sa naissance y est pour
beaucoup. A cet égard, on peut légitimement
émettre l’hypothèse que si dans les autres
pays arabes, une ouverture

-IF*
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démocratique véritable sonnerait le glas de la
politique de compromission anti-nationale
dans laquelle se complaisent les régimes
compradores qui ne doivent leur survi qu’à
leur soumission au nouvel ordre international
!
Le fait de rappeler ce cadre général, sans la
prise en compte duquel on ne peut
comprendre les derniers développements de
la crise libanaise, ne nous interdit pas de
considérer les autres aspects qui contribuent à
envenimer le conflit et qui nsquent d’être
instrumentalisés par les Américains et leurs
alliés.
Dans sa recherche légitime à s’assurer une
ceinture de sécurité régionale contre les
menaces réelles que font peser sur lui Améncains et israéliens, l’Iran n’est pas à l’abri de
quelques velléités hégémoniques que ses
adversaires ont vite fait de grossir auprès de
ses voisins arabes en vue de justifier les
fabuleux contrats d’armement qui se chiffrent
en dizaines de milliards de dollars et le protec­
torat de fait qu’ils leur ont imposé depuis la
première guerre d'agression contre l’Irak de
1991. Par ailleurs, malgré tous les efforts de
communication déployés en vue de faire
passer son message de résistance nationale, le
Hezbollah continue à donner l’apparence
d un mouvement avant tout chiite, lié à l’Iran
et auquel on attribue, à tort ou à raison, une
volonté politique hégémonique dans l’espace
public libanais.
Mais quelle que soit la teneur de ces éléments
géopolitiques, où il est difficile

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parfois de faire la part des choses entre
l’intox et la réalité, l’attitude des pays arabes
hostiles au Hezbollah, à savoir l’Égypte,
l’Arabie Saoudite et la Jordanie, est injusti­
fiable. A supposer que leurs craintes vis-à-vis
de l’Iran soit justifiée, com m ent pourraientils justifier auprès de l’opinion publique
arabe et musulmane que cette crainte est plus
forte que la crainte , bien réelle celle-là, que
devrait leur inspirer la politique de recoloni­
sation que les USA sont en train de pratiquer
dans la région depuis plus d’une décennie ?
Comment pourraient-ils justifier auprès de
leur opinion publique leur soi-disant crainte
du programme nucléaire au moment où
Israël ne cache pas son statut de seule
puissance nucléaire dans la région ? Si
hégémonisme iranien il y a, il ne pourrait être
efficacement contrecarré que par une
attitude diplomatique juste qui passe par le
soutien à l’Iran contre les menaces améncaine et israélienne qui le visent directement
et par le soutien au peuple palestinien dans
son combat en vue de recouvrer sa terre
spoliée et sa dignité bafouée.
De la même façon, au Liban, les dirigeants
politiques qui prennent aujourd’hui en
otages leurs communautés (chrétienne m aro­
nite et musulmane sunnite) en cherchant à
les entraîner dans un conflit confessionnel,
loin de la nature géopolitique véritable du
conflit, commettent une erreur stratégique
monumentale. En croyant se servir du
parapluie européen et américain pour venir à
bout du supposé hégémonisme du

Hezbollah, la famille Harin trahit et le Liban et
la communauté sunnite.
En effet, en cherchant à faire de la commu­
nauté sunnite la chair à canon dans un possible
conflit confessionnel contraire à la paix civile
libanaise et en se rangeant de fait dans la camp
américain (et donc israélien), les dirigeants
communautaires qui prétendent défendre les
intérêts de la communauté sunnite contri­
buent à isoler cette communauté de son milieu
géopolitique naturel représenté par l’opinion
publique arabe qui est à la fois majoritaire­
ment sunnite et majoritairement contre la «
pax americana », contre l’arrogance israélienne
et pour la libération de la Palestine !
Moralement, il est indéfendable de comploter
contre le Hezbollah qui représente la seule
force qui a libéré le sud du pays de
l’occupation israélienne, qui a résisté magnifi­
quement à l’agression israélienne de l’été 2006
et qui a de fait sauvé l’honneur arabe dans une
bataille pourtant largement disproportionnée.
Mais même tactiquement, ce n’est pas en
s’alliant aux Américains que les dirigeants
sunnites arriveraient à se défaire d’une suppo­
sée hégémonie politique du Hezbollah.

A cet égard, l’attitude politiquement coûta
geuse du courant chrétien patriotique ment
par le général Michel Aoun devrait êta
méditée par les dirigeants sunnites et druzes
On peut émettre des réserves sérieuses ci
légitimes sur le rôle de la Syrie et de l’Iran ai
Liban tout en faisant le choix de la résistance
du consensus intercommunautaire et d’unt
alliance stratégique mais critique avec les
Etats qui s’opposent présentement à la « par
americana ».
En gelant la double décision gouvernemen­
tale qui a provoqué la réaction du Hezbollah
et en restant sourde aux appels belliqueux di
premier ministre libanais, l’armée libanaise i
fait le juste choix, évitant ainsi une escalade
préjudiciable à la paix civile libanaise. Lt
Hezbollah l’a bien compris en acceptant dt
retirer ses miliciens des rues de Beyrouth. Nul
doute que l’armée libanaise sera dans ta
prochains jours et les prochaines semaines b
cible des Américains et des Israéliens.
En montrant qu’elle est prête à toute épreuve
de force visant à la neutraliser et en conti­
nuant son mouvement de désobéissance civile
et pacifique en vue de trouver une solution
consensuelle à une crise politico constitution
nelle qui aurait pu être réglée depuis bien
longtemps sans l’intervention américaine
l’opposition libanaise, et le Hezbollah et
particulier, mérite le soutien de toutes ta
forces sociales et politiques qui résistent aux
manœuvres tentaculaires de l’empire améri­
cain dans la région et partout dans le monde

C’est dans la résistance commune aux
tentatives d’instrumentalisation du Liban dans
le jeu impérial américain et aux tentatives de
rallumer le feu de la guerre civile que les
différents protagonistes de la scène libanaise
trouveront la force d’éviter le pire et de
reconstruire un pacte national digne d’une
histoire qui fait la fierté de tous les Libanais !

Mohamed Tahar Bensaada
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