An-Nasr Vendredi #214 (Être musulman au coeur de la modernité)

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Title
An-Nasr Vendredi #214 (Être musulman au coeur de la modernité)
Date
4 January 2008
issue
214
Rights
In Copyright - Educational Use Permitted
Language
Français
Contributor
Frédérick Madore
Wikidata QID
Q116190700
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Lorsque v ie n t le secours d'A llah a in si que la v ic to ire , célèbre le s louanges de ton Seigneur e t implore son pardon

l’observer, à le compren­
dre, notre monde paraît
inaccessible. Les jours pas­
sent et confirment la folie
des hommes. Emportés, ici,
technique et le bruit, ils vivent de la
vitesse, de l’informatique, de la musi­
que et du cinéma... alourdis, là-bas, par
la faim et l’ennui, ils survivent dans
l’attente, dans l’espoir, dans le silence...
comme au ci­
néma d’ici. Les
temps moder­
nes ont, pour
nos mémoires,
le souci de l’i­
mage. Et l’infi­
nie négligence de la réalité et du sens.

A

le confort devait contenter. Où est la
voie ? Où allons-nous ? Comment être
une femme, comment être un homme
aujourd’hui ?
par la
Comment, au cœur de cette tour­
mente, répondre à notre cœur et pro­
téger la spiritualité qui nous fait être ?
Comment, sur les ruines de tant de
déséquilibres, enfanter l’équihbre et
l ’h a r ­
monie
q u i
a p a i­
sent
1 e s

E tre musulman
au cœur de la modernité

A l’Orient comme à l’Occident, notre
époque donne naissance à la plus
grande famine jamais constatée sur la
terre. La torture des corps fait écho à
la souffrance des âmes : les corps et
les cœurs ont faim d’humanité. La
pauvreté, l’errance, les dictatures, les
guerres bafouent chaque jour la digni­
té de plusieurs milliards de femmes et
d’hommes. La solitude, l’individua­
lisme, la misère morale, le manque d amour rongent l’être de tous ceux que
A n -n a s r vendredi n'214 du 0 4 fan. 2 0 0 8

cœurs ? Comment rester fidèle au
pacte de l’origine quand la modernité
nous rend si infidèles à notre humani­
té ? Mémoire du premier matin :
".Quand ton Seigneur tira des reins d’Adam
sa descendance et ¡esfit témoigner : Ne suisje pas votre Seigneur V -Ils répondirent :
'Certes, nous en témoignons’ " C7 V172
Notre cœur est notre espoir ; la spiri­
tualité est notre chemin : "Ce ne sont pas
les yeux qui sont aveugles, mais les cours,
dans lespoitrines" C22 V46
Être avec Dieu pour lire ses signes,
vivre de son souvenir pour s’emplir
P.199

d’humilité, donner à la nuit sa lumière
et prier à voix haute dans un infini si­
lence : "Nous allons faire descendre sur toi
une parole de grand poids : la prière du début
de ¡a nuit laisse une empreinte plus forte et
permet une attention plus soutenue ; tu as,
dans la journée, de nombreuses occupations.
Invoque le nom de ton Seigneur ; consacre-toi à
lui de tout ton être. Il est le Seigneur de l’O­
rient et de l’Occident ; il n’y a de Dieu que
lu?' C73 V5-9
Donner vie à son cœur est difficile, tel­
lement. Le quotidien du monde nous
vole à nous-mêmes. Au point, parfois,
de rendre double notre personnalité et
de nous déchirer. J’ai ce souvenir, si
présent à mes yeux... une image, en Tu­
nisie, en Egypte, en Inde, aux EtatsUnis, en Europe...à l’Orient comme à
l’Occident. Vendredi et jours de se­
maine : le déchirement du monde mu­
sulman est là.
La foule. La communauté. La ferveur.
L’espoir et les meilleures intentions. Le
plus beau jour de la semaine, le jour de
tous les symboles. Le sermon, le rappel
du sens, les yeux mouillés, les larmes du
cœur... Le monde de l’islam vibre : en
ce vingt et unième siècle comme au dé­
but du septième, Dieu est témoin de
cette force de la foi. Vendredi...les mos­
quées s’épanchent, les rues sont mos­
quée, la terre est mosquée. La Ummah
est là. Le pauvre et le riche, l’informati­
cien et l’analphabète, témoins du même
témoignage, étanchant la même soif.
Le sommeil est lourd, les occupations
préoccupent. Tant de silences vendredi,
tant de mots les autres jours. Tant de

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vérité, puis tant de mensonges ; tant
d’espoirs, puis tant de plaintes ; tant de
volonté, puis tant de paresse. Il y avait
la mémoire, il reste l’oubli. Il y avait
tant, il reste si peu. Jours de semaine : le
quotidien a ses raisons qui ont raison
de notre fidélité. Notre époque est une
torture. La spiritualité est une épreuve.
Les soufis, par leur contemplation, par
leur exil intérieur, par leur éloignement
du monde, ont suivi, et suivent encore,
l’exemple de Muhammad (BPSL) qui
passait des nuits entières en prière, en
recueillement, à embellir sa mémoire, à
approfondir sa reconnaissance, à par­
faire son adoration. Les larmes, nées de
la méditation, faisaient apparaître les
signes dans l’univers. La présence du
sacré : " Il y a, dans la création des deux et
de la terre, dans la succession desjours et des
nuits, des signespour ceux qui sont doués d’in­
telligence. Ceux qui se souviennent souvent de
Dieu, debout, assis ou couchés et qui méditent
sur la création des deux et de la terre” C3
V190-191
Au cœur de notre quotidien agité, noyé
dans les occupations les plus envahis­
santes, faire un pas en arrière, s’exiler
au centre de soi, chercher la force de sa
mémoire, aimer et reconnaître, remer­
cier et prier... dans le bruit, chercher le
silence et vivre avec force le sens de ces
mots : "Sois sur la terre comme un étranger,
ou un passant', est sans conteste la voie
du salut
Cette spiritualité est la nôtre, avec ses
exigences également, au cœur de notre
quotidien. Il s’agit de ne rien nier de
notre être, ni notre corps, ni notre es­
prit, ni cette vie, ru l’au-delà. L’épreuve

P.200

de la spiritualité est l’épreuve de l’équili­
bre ; la voie du "juste milieu" est la voie
de toutes les difficultés. Certains ne
veulent que la vie de ce monde, et ils se
perdent : "Parmi tes hommes, il en est qui
disent : ’Notre Seigneur, accorde-nous les biens
de ce monde' ; mais ils n ’auront aucune part
dans la viefuture"
D ’autres, à la mesure de leur humanité,
veulent être ici pour mieux être là-bas :
"Parmi tes hommes, il en est qui disent :
Notre Seigneur ! Accorde-nous des biens en ce
monde et des biens dans la vie future" C2
V200-201
Vivre au quotidien, travailler, s’engager.
Mettre sa foi à l’épreuve de ses actions,
de ses colères, de ses déceptions. Etre
avec Dieu, parmi les hommes et donner
à ce que l’on a, le sens de ce que l’on
est : "Recherche, au moyen des biens que Dieu
t ’a accordés, la demeure dernière. Ne néglige
pas ta part de la vie de ce monde. Sois bon
comme Dieu est bon pour toi. Ne recherchepas
la corruption sur la terre. Dieu n ’aime pas
ceux qui sèment la corruption" C28 V77
Etre de tout son être dans cette vie et
porter le témoignage de sa foi par l’ac­
tion de justice et de bonté. Ne rien re­
fuser de ce que l’on est pour être de
tout son être. Devant Dieu, pour les
hommes : "Le meilleur des hommes est celui
qui est te plus utile aux hommes" Hadîth
(hassan) rapporté par al Qadâ’î et a’ Dâraqutnî
Pourtant, notre époque nous met au
défi. La société du divertissement et de
la consommation à outrance, l’indivi­
dualisme généralisé coexistent avec le
dénuement le plus extrême, la misère la

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plus totale. Devant ces fatalités, où est
le sens ? Emplis du souvenir de Dieu, à
quelle source, au cœur de cette moder­
nité, pourrons-nous étancher notre
soif?
Chacun connaît les détours de cette vie
qui tue quelque chose en nous : assis
devant les écrans de télévision, assom­
més pat des torrents d’informations,
paralysés par l’ampleur des fractures.
Dire Dieu, et vivre sans vie. Perdre son
esprit parce que l’on perd son cœur.
Jour après jourOn aimerait pourtant tellement savoir
être un homme, pouvoir être une
femme. Devant Dieu, dans le miroir de
sa conscience, dans le regard de ceux
qui nous entourent. On souhaiterait tel­
lement trouver la force d ’embellir ses
pensées, de purifier son cœur. Vivre
dans la sérénité, cheminer dans la trans­
parence. C’est l’espoir de tous, c’est l’at­
tente de chacun : la paume des mains
orientées vers le ciel, patiemment. Au
cœur de la modernité.
Un homme, une femme. Être, simple­
ment ; être bon et faire le bien. Quel
homme n’a-t-il pas espéré être pour sa
compagne l’horizon de ses attentes ;
marcher sur la même rive et, de ten­
dresse et de pardon, faire de leur union
un signe : un couple qui soit à l’humani­
té ce que le soleil est à la nature. Cha­
leur et signe de la création. Quelle
femme n’a-t-elle pas voulu, de cette
même volonté, être pour l’époux l’éner­
gie du chemin. Au cœur de la moderni­
té.

P.201

Quelle mère, quel père, quels parents
n’ont-ils pas espéré pour leur enfant l’es­
pace le plus harmonieux, la famille la
plus unie, la force intérieure la plus libé­
ratrice. Qui n’â-t-il jamais espéré voir
dans les yeux de son fils ou de sa fille, au
fond de leur cœur, l’étincelle qui dit la
reconnaissance et la conviction qui fait la
foi ? Quel fils, quelle fille n’ont-ils pas
désiré vivre entre deux êtres portés par
leur amour, nourris par leurs valeurs,
forts de leur cohérence. Au cœur de la
modernité.
Des choses si simples dans une époque
si troublée. Etre bon, et faire le bien. De­
vant Dieu. C’est le sens de cet appel,
scandé plus de dix-sept fois par jour, hier
comme aujourd’hui, au cœur de la mo­
dernité : "Guide-nous (ô Dieu) sur la voie de
la droiture" C1 V6
Cheminer sur la voie droite, la voie du
juste milieu, se souvenir de Dieu et gar­
der en son cœur le sens des valeurs et
des finalités. Cheminer, cheminer tou■ jours, malgré les écueils et les adversités,
I malgré les injustices et les horreurs, espé­
rer en Dieu pour ne pas désespérer des
hommes et des événements. Cheminer,
cheminer encore, essayer d’être un
homme, essayer d’être une femme, sim­
plement. Dans la transparence, dans la
clarté, accepter ses faiblesses et son hu­
manité, au cœur du pardon trouver la
force de son humilité. Etre humble, pour
être, au cœur de la modernité. Et la mé­
moire, et le rappel : "Souviens-toi de ton Sei­
gneur, en toi-même, à mi-voix, avec humilité,
avec crainte, le matin et le soir. Ne sois pas au
nombre de ceux qui sont négligents. Ceux qui
demeurent auprès de ton Seigneur ne se considè­
rent pas trop grands pour l’adorer. Ils le glori­
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fient et ils seprosternent devant lui' Ç 7V 2Q5206
Face à tous les individualismes inhu­
mains, face à tous les réflexes de
consommation, face à toutes les illusions
télévisuelles ou cinématographiques, face
à toutes les négligences... en refusant
toutes les injustices, en s’opposant à tou­
tes les exploitations, en luttant contre
toutes les misères... dire, et affirmer avec
détermination, la force de cette humilité
et de cette confiance en Dieu. Infini­
ment. Dans l’action, chercher la route ;
avec la patience s’armer de lumière. Dans
la fraternité des hommes contre la socié­
té des individus, dans l’union des libertés
contre l’égoïsme des indépendances. La
voie droite, au cœur de la modernité :
notre spiritualité, en notre cœur, est au
cœur de la vie.
Refuser la négligence. E t entendre, en­
tendre du plus profond des âges, enten­
dre et écouter, la voix de l’ancien esclave
Bilal appelant le fidèle à sa fidélité, par
jour cinq fois, et pour l’éternité. Cher­
cher, dans l’écho de cette voix, au
rythme des prières... chercher et trouver
la direction, la voie. Au cœur de la mo­
dernité.
& lariq Ramadan

ERRATUM
U n e e r r e u r s ’e s t g lis s é e d a n s n o ­
tr e d e r n iè r e p a r u tio n . Il s ’a g is s a it
d u n°213 au lieu du n°212 comme indiqué.

Toutes nos excuses pour les désagré­
ments que cela a pu bien causer.

P.202

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An-Nasr Vendredi