Cataracte : des papys et mamies en quête de la vue

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Title
Cataracte : des papys et mamies en quête de la vue
Creator
Gaspard Bayala
Publisher
Sidwaya
Date
8 September 2014
Abstract
La coopération entre le Burkina Faso et le royaume d'Arabie Saoudite dans le domaine sanitaire se porte bien. Dans cette dynamique, plusieurs actions sociales sont entreprises en faveur des couches vulnérables du « pays des Hommes intègres », au nombre desquelles, des campagnes de lutte contre la cécité organisées par l'Agence des musulmans d'Afrique (AMA) en collaboration avec la fondation Al-Basar international.
Rights
In Copyright - Educational Use Permitted
Language
Français
Contributor
Frédérick Madore
content
La coopération entre le Burkina Faso et le royaume d'Arabie Saoudite dans le domaine sanitaire se porte bien. Dans cette dynamique, plusieurs actions sociales sont entreprises en faveur des couches vulnérables du « pays des Hommes intègres », au nombre desquelles, des campagnes de lutte contre la cécité organisées par l'Agence des musulmans d'Afrique (AMA) en collaboration avec la fondation Al-Basar international.

Une semaine durant, plus de 560 personnes du troisième âge ont convergé au centre polyvalent Annour sis au quartier Dassasgho de Ouagadougou( ex-secteur n°28) pour recouvrer la vue.

Dassasgho ex-secteur n°28 de Ouagadougou. Il est 16 heures 30 au centre polyvalent Annour. Nous sommes, le mercredi 4 septembre 2014.

La campagne d'opération de la cataracte organisée par l'Agence des musulmans d'Afrique (AMA) en collaboration avec la fondation Al-Basar international bat son plein. Des taxis, des minibus, des véhicules automobiles personnels, des vélos, des motos sont stationnés à l'entrée principale de cette bâtisse.

Un jeune homme et une femme de race blanche accompagnent un vieil homme vers un véhicule. Le tenant par les deux épaules, son œil gauche bandé avec du coton et du sparadrap, ce sexagénaire n'arrive pas à bien marcher.

Il trébuche mais, les deux accompagnants arrivent à le conduire. Ils l'installent dans le véhicule. « Son opération a été un succès», lance la Blanche («Nassara »), toute contente.

A l'intérieur du centre, deux vieux sont assis à même le sol sous un arbre. Vêtus de boubous blancs, leurs bonnets blancs sur la tête empêchent de voir totalement la blancheur de leurs cheveux. Des jets de pierre rythment les mouvements de leurs bras. Les têtes sur les genoux, ces vieux discutent en langue nationale mooré.

Les va-et-vient sont incessants. Certaines personnes tiennent des plats en main, d'autres les bras ballants. Toutes discutent sans relâche. C'est l'ambiance qui règne dans ce local plein à craquer, dont l'entrée est parsemée de gravier. Une grille en fer entoure le local.

Sur des pancartes, une flèche indique : « Laboratoire et administration». Dans ce milieu bondé de monde, d'autres tiennent des fiches blanches à la main. «Puis-je entrer ? Je suis journaliste », tentais-je d'expliquer à un homme d'environ quarante ans qui garde l'entrée fermée. Aussitôt, il nous ouvre la porte.

Nous apercevons de vieilles personnes, qui, assises par terre, sur des bancs et alignées avec des fiches et des numéros accrochés à leur poitrine. Elles sont aidées par des jeunes vêtus d'un uniforme vert-clair.

«Vous, c'est ??? », demande un jeune en uniforme, lorsqu'il m'aperçoit. Mon identité connue, il me présente à ses collègues assis sur un blanc. « C'est la presse; il est là pour la campagne. Je vais appeler le responsable », dit-il.

Sourire aux lèvres, deux demoiselles se lèvent pour me céder leur place. Un geste qui n'a trouvé satisfaction puisqu'au même moment, un homme de race blanche, la quarantaine environ, se présente à moi comme le patron de cette campagne. Très vite, il me met au diapason de la rencontre avec cette ribambelle de personnes âgées.

99,9% de succès

L'homme se nomme Mohammed Bentaleb. Il est le représentant national de Direct-aid/Agence des musulmans d'Afrique (AMA). M. Bentaleb soutient que c'est la 15e édition de la campagne de lutte contre la cataracte qui se tient du 1er au 7 septembre 2014. L'objectif est d'aider 560 personnes à recouvrer la vue grâce à la chirurgie.

« Nous intervenons au Burkina Faso depuis 1992 dans le domaine ophtalmologique et à ce jour, nous avons pu réaliser plus de 14 000 interventions chirurgicales avec un succès de 99,99% », affirme M. Bentaleb.

Il souligne que la campagne précédente (de 2013) a permis d'opérer 475 patients parmi lesquels, il y a eu une seule complication, qui a vite été traitée. Avec lui, un tour derrière le laboratoire permet de constater un monde « fou » installé dans un espace encadré par deux bâtiments servant de salles de classe.

Certains sont assis à même le sol, sur des tables-bancs, d'autres sur des morceaux de cailloux ou encore sur des nattes. Là-bas, les patients sont enregistrés, apprêtés et conduits au bloc opératoire.

Courbé, vêtu d'un tee-shirt zébré, pantalon jean noir, Aijaz membre de l'équipe, environ la trentaine, ausculte à tour de rôle, les patients sur un banc. «Je suis chargé de consulter leurs yeux avant l'intervention.

On prend leur tension, le poids et on contrôle leur sang pour voir s'ils n'ont pas le diabète », explique en anglais, Aijaz.

Outre les Burkinabè, les patients sont venus du Ghana, du Mali et de la Côte d'Ivoire dans l'espoir de recouvrer la vue. Fatimata Dicko est une sexagénaire venue du Ghana. L'air désemparée, elle est arrivée au centre hier (NDLR : 3 septembre 2014). Elle espère être consultée afin de se faire opérer. « Nous sommes là, pour l'opération.

J'ai fait tous ces kilomètres parce que mes yeux me font mal et ne voient plus bien. Donc, je fonde l'espoir que je serai consultée et je retournerai chez moi, guérie », marmonne-t-elle, d'un air atterrée. Comme dame Dicko, plusieurs personnes attendent d'être situées après consultation. C'est le cas de Koahié Yaro, qui est accompagné par sa mère.

Il confie avoir quitté Pô, chef-lieu de la province du Nahouri dans la région du Centre-Sud depuis le 1er septembre dernier. « Je suis arrivé avec la vieille depuis lundi matin et nous dormons ici.

Elle a été consultée et elle est programmée pour aujourd'hui (NDLR : 4 septembre 2014). Mais, j'ignore si cela aura lieu vu l'heure (NDLR : 20h 07 minutes). Nous étions là, l'année dernière, mais nous n'avons pas été consultés. Cette année, je prie Dieu pour que ça marche», espère M. Yaro.

Satisfaction des patients

D'autres patients sont dans le bloc opératoire. Une grande pièce traversée par un petit couloir qui débouche sur une autre pièce.

A gauche, se trouve la salle d'anesthésie, à droite, la salle d'opération. Le groupe des hommes passe avant celui des femmes. Assises sur un banc, cinq femmes âgées attendent d'être introduites dans la salle d'anesthésie par des jeunes en gilet. Fiche en main, elles ont chacune un numéro accroché à leur poitrine.

L'air consternée, Fatimata Ouédraogo/Yaro, 58 ans, est la suivante. « J'habite Ouagadougou. Mais je suis venue au centre depuis dimanche (NDLR : 31 août 2014).

Je ne suis pas stressée. Je veux me faire opérer l'œil droit qui me fait mal depuis maintenant quatre ans et j'espère revenir l'année prochaine pour l'œil gauche », dit-elle. A l'intérieur, une longue table est disposée au milieu de la pièce pour recevoir les patients.

L'assistante de santé au Centre national de lutte contre la cécité, Fatimata Ouédraogo, vêtue d'une blouse verte, un cache-nez, la tête bien couverte, s'attelle à préparer les seringues. «Tout se passe bien. Nous avons beaucoup de patients.

Nous nous demandons si nous allons pouvoir les opérer tous », s'interroge-t-elle. Dans l'antichambre de la salle d'opération, un groupe de six vieux hommes entrent par ordre d'arrivée. Moussa Kaboré, 65 ans, est le dernier à sortir du bloc d'anesthésie et attend d'entrer dans l'autre. Il a quitté Léo, chef-lieu de la province de la Sissili.

« Je n'ai pas peur, j'ai foi que l'opération va bien se passer. Je souffre depuis 3 ans et c'est un docteur qui travaille au centre ici qui m'a informé de cette campagne », souffle le vieux Kaboré, la main gauche posée sur un morceau de coton à son œil gauche.

Les chirurgiens, au nombre de neuf, font les opérations à l'aide de miscroscopes opératoires. Dans cette salle, six patients sont tous allongés, leurs yeux examinés. L'opération dure entre 15 et 20 minutes. Visiblement ému, Ali Ouédraogo, 60 ans, se rejouit du succès de son opération.

Il vient d'être libéré d'un mal qu'il traîne depuis près de dix ans. Commerçant de son état, il soutient avoir été informé de la campagne à la radio. « J'étais malade, maintenant je remercie le bon Dieu parce que je suis guéri. Je félicite les docteurs pour leur brillant travail», dit-il visiblement soulagé.

Aidée par sa fille, Fatimata Ouédraogo/Yaro a elle aussi le sourire aux lèvres. Elle acquiesce du pouce gauche en signe de satisfaction. « Tout s'est bien passé », lance sa fille, toute heureuse, qui la tient par les épaules. Le manager de la campagne 2014 de lutte contre la cataracte, Fakhruddin Dakhan, définit la maladie comme une opacification totale ou partielle du cristallin (lentille convergente située à l'intérieur de l'œil).

«Cette pathologie est le plus souvent liée à l'âge. On ne peut pas éviter la cataracte. L'intervention consiste à enlever le cristallin opaque et à le remplacer par un cristallin artificiel », explique-t-il.

Les symptômes de la cataracte sont la diminution progressive de la vue, une incapacité de voir loin. M. Dakhan laisse entendre que la campagne est financée à hauteur de 50 000 dollars, environ 25 millions de F CFA par la fondation Al-Basar international.

Un véritable business

Le représentant de Direct-Aid, Mahammed Bentaleb, souligne que les patients sont logés, soignés et nourris gratuitement. Des médicaments ont été distribués à 1300 personnes et 1000 autres ont bénéficié de lunettes. Il ajoute qu'un mois après l'opération, des médecins reviendront pour contrôler tous ceux qui ont été opérés.

Il confie que les chirurgiens sont des spécialistes pakistanais qui ont fait leur preuve en Europe. « Je suis satisfait, vu l'engouement. L'année prochaine, nous allons installer deux camps : un à Ouagadougou et un autre à Bobo-Dioulasso », laisse-t-il entendre.

De son côté, le chargé des relations publiques à Direct-Aid/Burkina, Amadou Sidibé, indique que le ministère de la Santé du Burkina Faso les accompagne en leur délivrant des autorisations d'intervention en collaboration avec le Centre national de lutte contre la cécité.

« Nous sommes satisfaits, étant donné que la population est venue nombreuse. La difficulté que nous avons eue est que certaines personnes n'ont pas eu l'information à temps et sont venues en retard et n'ont pas pu être consultées », fait remarquer M. Sidibé.

Quant au président du comité d'organisation, par ailleurs président de l'association Dr Abdul Rahman Al Sumait des anciens orphelins de Direct-Aid, Abdoulaye Ouédraogo, l'organisation de cette 15e campagne est une expérience en plus.

« Je suis content parce que tout s'est bien passé. Les années passées, l'organisation était assurée par des personnes âgées, cette année, ce sont des jeunes. Cela permet d'assurer la relève et nous permet d'acquérir beaucoup d'expériences », déclare M. Ouédraogo.

Le malheur des uns fait le bonheur des autres, dit-on. Installées devant la porte, côté gauche du centre polyvalent Annour, des commerçants vendent de l'eau, des jus, des produits divers, de la nourriture(le tô, le riz, etc).

Julienne Yerbanga, commerçante au 14-Yaar, un marché situé non loin du centre, dit avoir déplacé son commerce pour la circonstance. Elle veut fructifier ses affaires. « Je ne vends pas ici, mais comme il y a du monde, j'ai décidé de venir vendre mon tô et mon benga(haricot).

Depuis le début, je pense que je fais de bonnes affaires parce que ça marche. Les gens sortent acheter à manger et je suis ravie », se réjouit Mme Yerbanga même si elle ne veut pas décliner son bénéfice journalier. Non loin d'elle, des parkings ont été créés pour la circonstance.

Sébastien Ilboudo est un gérant de parking. Lui aussi a été attiré par cette marée humaine. « J'ai été informé qu'il y aura une campagne d'opération des personnes malades de la cataracte.

Comme je sais que ces genres d'activités attirent du monde, je suis venu implanter mon parking. Par jour, je peux avoir 15 000 F CFA. Nous remercions les organisateurs pour cette action noble qui nous permet aussi de glaner quelques sous pour avoir notre pitance quotidienne », dit-il.

La cataracte est cause de cécité chez plusieurs personnes à 80%, selon les statistiques de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). La majorité de ces cas se retrouvent dans les pays en voie de développement.

Par ailleurs, selon certains scientifiques de l'OMS, le seul traitement efficace de la cataracte est la chirurgie. L'intervention se fait sous anesthésie partielle pour les patients de plus de 45 ans et générale pour les moins de 30 ans.

En chirurgie, l'opération d'une cataracte sénile est décrite comme suit : extraction extra capsulaire du cristallin latéralisé (droit ou gauche) par phacoémulsification par ultrasons avec conservation de la capsule postérieure et mise en place d'un implant intra capsulaire.

L'intervention se passe sous microscope opératoire. L'extraction extra-capsulaire consiste à retirer seulement le contenu opacifié du cristallin par une petite incision de 2 à 3 millimètres.

Le cristallin est fragmenté par des ultrasons puis aspirés. L'implant est ensuite introduit. Cette technique de phacoémulsification par ultrasons est pratiquée par une toute petite incision en général suturée par un seul fil ou sans suture.
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