Journée nationale de pardon : quelques citoyens apprécient

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Title
Journée nationale de pardon : quelques citoyens apprécient
Publisher
Sidwaya
Date
27 March 2001
Abstract
La route du pardon est longue. Nous avons essayé de l'emprunter, sur le tronçon Ouagadougou, Ouahigouya en passant par Yako, pour voir comment la journée nationale de Pardon qui s'annonce comme grandiose en rhétorique et en symbolique se prépare. Toutes les composantes sont conviées à ce grand receuillement prévu le 30 mars au stade du 4-Août.
Rights
In Copyright - Educational Use Permitted
Language
Français
Contributor
Frédérick Madore
content
La route du pardon est longue. Nous avons essayé de l'emprunter, sur le tronçon Ouagadougou, Ouahigouya en passant par Yako, pour voir comment la journée nationale de Pardon qui s'annonce comme grandiose en rhétorique et en symbolique se prépare. Toutes les composantes sont conviées à ce grand receuillement prévu le 30 mars au stade du 4-Août.

L'idée même de la journée nationale de Pardon n'est pas partagée par l'ensemble des acteurs politiques du Burkina. Pour ceux qui admettent l'opportunité et la nécessité de cette journée ils pensent qu'il aurait fallu un référendum pour légitimer la journée. On reste tout de même partant. Le secrétaire général du CDP à Arbollé dans la province du Passoré, M. Ouambi Sawadogo est un de ceux qui estiment qu'il est temps d'aller au pardon après tout ce qu'il y a eu comme souffrance, casses, discordes, crimes. «On ne peut plaire à tout le monde, dans un pays démocratique». Il s'élève contre l'accablement que certains acteurs politiques voudraient à la IVe République. Pour lui tous les régimes ont une mort sur la conscience. Il est bon cependant au stade actuel que tous les acteurs se décident à faire le pas vers le pardon.

Ce qui est arrivé, est arrivé!

Dans les provinces les informations ont été données pour aider à la mobilisation. M. Aamadou Sanfo premier adjoint au maire de Yako nous dit avoir reçu un message émanant des autorités pour procéder à la désignation de personnes représentant toutes les couches socio-professionnelles, et des organisations coutumières et religieuses pour constituer la délégation. Toutes les personnes qui ont été touchées se sont dit favorables nous a-t-il rapporté.

Parmi ceux qui sont favorables, nous avons trouvé le vieux Michel Tougma dans sa paisible retraite. M. Tougrtia a été le ministre de la Défense sous la Ire République jusqu'en 1965.

Pour lui, le 30 mars il faudrait que tous les Burkinabè, se recueillent et prient bon Dieu. Dans la nuit du 2 au 3 janvier 1966, M. Tougma alors qu'il n'était plus ministre a été arrêté pour «raison d'Etat». Le lendemain, le régime de Maurice Yaméogo chute. Au cours de l'enquête du Tribunal spécial, le président Maurice Yaméogo le trempe dans un détournement de 50 millions. «C'est un tort que Maurice Yaméogo a reconnu trois (3) ans après le jugement et est venu chez moi à Samandin me demander pardon».

Ce rappel nous a été fait par Michel Tougma pour motiver son adhésion à Ja journée nationale de Pardon. Il n'y a pas de raison que des gens refusent le pardon. «Un effort a été fait pour obliger les bourreaux à retrouver certaines tombes. Dès lors la vérité est faite et la justice suit son cours». Pour lui, toutes les douleurs sont venues de la Révolution que l'ensemble du peuple a adoptée par peur ou par conviction. Aujourd'hui encore les traces sont vécues à travers la constitution, le drapeau, les décorations, l'hymne... Quand on adopte la Révolution, on adopte aussi ses morts.

Il comprend que les jeunes principalement soient outrés. Ces jeunes qu'il appelle à écouter les sages, l'église. Sa conviction cependant est qu'on ne peut pas faire le pardon en un jour. Le 30 mars 2001 sera comme un acte de départ, en prenant par exemple l'Allemagne et la France par qui la guerre mondiale est arrivée mais qui forme aujourd'hui une force commune dans l'Union Européenne, pourtant il y a eu des morts. M. Tougma pense qu'il ne faut pas se cristalliser sur un seul mort, car des morts, il y a eu, il y en aura encore. L'important est d'arriver à faire en sorte que ces mauvaises choses ne se répètent pas.

Le cœur est divin

A cette étape, l'ensemble de la classe politique gagnerait à donner tous les pouvoirs au président Biaise Compaoré pour qu'il dise le pardon. «Il faut lui donner le pouvoir d'arranger» martèle Michel Tougma qui croit qu'il faut aujourd'hui aller de l'avant. Le même souci est partagé par le Cheick de Ramatoulaye Sidi Mohammed II dans le département de Namisghma au Cheick Sidi Mohamed Maïga II de Ramatoulaye. «Depuis que le monde existe, le pardon a toujours existé. Il ne faut jamais refuser le pardon».

Yatenga. En tant que chef du mouvement Tidjania, il travaille présentement à rassembler tous les musulmans autour du Pardon. C'est un évènement de taille selon le Coran parce que «tout part du Pardon, et tout peut se faire à partir du Pardon». Le Cheick de Ramatoulaye dans cette situation de manque de confiance où les uns suspectent les autres pourrait prendre fin à partir du Pardon. Et que se passe t-il quand un des protagonistes refuse le pardon «Selon le Coran, lorsqu 'il y a conflit et l'on demande pardon tout le monde doit l'accepter. D'ailleurs le Coran ordonne le groupe majoritaire à combattre le minoritaire jusqu'à ce qu 'il accepte le pardon». Autrement dit Dieu donne toujours raison à celui qui est favorable au pardon» nous a révélé le Cheick de Ramatoulaye. Epousant cet événement de la journée nationale de Pardon, il a pris l'engagement de faire en sorte que les fidèles se réfèrent au Coran qui donne tous les éléments de bienfaits du pardon. «Le pardon s'il vient du cœur, Dieu ne peut que l'accepter, le cœur est divin». Le pays connaît tellement de difficultés. Il cite en exemple les rapatriements des Burkinabè de Côte d'Ivoire, la famine, le manque d'eau. Toutes ces préoccupations internes et externes commandent un resserrement, une union, une force». «Dieu est maître de toutes les données, il n'y a qu'à lui demander». Le Cheick de Ramatoulaye nous dit qu'il sera personnellement présent au stade du 4-Août le 30 mars 2001. Tout est effectivement organisé par un Comité provincial dirigé par le haut-commissaire du Yatenga Christophe Compaoré. Il a reçu pour mission d'organiser les populations constituées en délégation provinciale. Une délégation qui comprendra des représentants de l'ensemble des couches sociales notamment les coutumiers, religieux, anciens, jeunes femmes. «Une délégation départementale de 20 membres pour les 13 départements et plus des délégués de la commune. Le comité provincial s'est réuni le 22 mars et a procédé à la nomination des responsables de commissions: transport, hébergement, restauration, action sociale et santé. Ils seront au total 155 personnes à constituer la délégation de la province du Yatenga et selon le haut-commissaire Christophe Compaoré, il y a de la bousculade. «En dehors du PAI qui dit se ranger dans la ligne du G-14 et qui pose des conditions». «Le PAI de Philippe Ouédraogo s'entend», a-t-il déclaré. Une large majorité s'est dégagée favorable à la philosophie de la tenue de JNP. Cela est un sentiment aussi du ministre Sanné Mohammed Topan, qui a conduit une mission gouvernementale dans le cadre des préparatifs de la journée du 30 mars. «Toutes les personnes ressources que nous avons rencontrées se sont montrées favorables. Ceci est un motif de satisfaction pour notre mission», nous a-t-il lâché à Yako quand nous l'avons croisé à notre retour.

Issoufou OUEDRAOGO

Nous devons chercher à dégager ce que nous pouvons faire concrètement pour qu'à l'avenir de telles fautes ne se reproduisent. La Journée de Pardon est nécessaire.

L'appel que je lance, est que tout le monde se retrouve pour le pardon. Quoi qu'on dise, notre ennemi commun, c'est la pauvreté, la misère. Pardonner ne signifie pas pour moi qu'il faut arrêter les actions en justice. La justice poursuit le travail entamé et le pardon allège les cœurs et doit permettre à la justice de poursuivre sa recherche de la vérité sur les questions en cours de jugement.

M. Raphaël Zoundi, gestionnaire des hôpitaux (Koupéla)

Je ne suis pas contre le pardon. Mais je pense que je 30 mars 2001 n'est pas le moment indiqué. Pour demander pardon, il faut que celui qui a fauté reconnaisse sa faute et que la victime accepte pardonner. Pour que cette JNP se fasse, il fallait confier l'organisation à la Commission d'enquête indépendante qui a recensé tous les cas et a proposé des solutions de sortie de crise. En ce moment, on allait suivre toutes les étapes de façon chronologique et aboutir à un apaisement. C'était à cette commission de nous dire voilà nous avons mené nos démarches, nous avons atteint ce stade, voilà pourquoi nous proposons que l'on choisisse une date ou une période pour se donner mutuellement pardon. C'est ce que je pense. Sinon, je ne suis pas contre le pardon parce qu'il faut pardonner à celui qui nous le demande. Mais pour une vie qu'on a ôtée, il faut que les auteurs de ces crimes puissent demander publiquement pardon.

Donner le pardon pour moi n'empêche pas à la justice de poursuivre ses investigations. Telle que la démarche de demande de pardon est engagée, je pense qu'on a mis les charrues avant les bœufs. Il fallait rendre justice quitte à ce que les parents des victimes disent, “ils sont venus demander pardon, nous avons accepté graciez-les”.

Moi je propose que l'on surseoit à cette JNP parce que les cœurs ne sont pas bien préparés pour le pardon. D'abord des démarches auprès des familles concernées, le pardon viendra plus aisément.

Abbé Honoré, Vicaire paroissial, Koupéla

Lorsque j'ai appris que le gouvernement organise la Journée de Pardon pour le 30 mars 2001, ma première réaction a été tout à fait positive. Nous chrétiens, nous sommes les gens du pardon. Beaucoup de choses se sont passées dans nos pays. L'intention de la tenue d'une journée de pardon est bonne. Je souhaite que tous les Burkinabè puissent accepter cela. Bien sûr, pour les familles concernées, ce n'est pas très facile. Et pour ceux qui ne sont pas directement touchés par les événements, ils peuvent eux facilement parler de pardon. Mais la volonté de Dieu, c'est que nous puissions pardonner. Et l'originalité du christianisme, par rapport aux autres religions à travers le monde et par rapport au judaisme, ce n'est pas autre chose. C'est le pardon. Et si l'on enlève le pardon au christianisme, nous n'avons plus rien à apporter à l'humanité. Je suis pour cette journée et je prie pour qu'elle soit un succès. C'est un début, et tout ne sera pas parfait. Mais je pense qu'avec la bonne volonté et la prière des uns et des autres, nous pourrons être des gens de pardon. Je prie pour les victimes pour que le Seigneur leur donne le courage de pardonner.

Je prie pour que le Seigneur prenne pitié de ceux qui ont fait du mal à d'autres et de ceux qui ont été victimes du mal. Je souhaite que cette journée réussisse.

Je demande à tous de pouvoir accepter que cette JNP se tienne parce que le Burkina doit rester une terre de paix.

El Hadj Mohamadou Korgho, imam de la grande mosquée de Koupéla

La journée de Pardon est une très bonne chose et Dieu aime celui qui pardonne. Si malgré les torts subis ceux qui ont été offensés acceptent donner le pardon, Dieu s'en félicite car c'est la preuve d'une capacité appréciable de se surpasser pour les autres.

Je demande que tous ceux à qui on va demander pardon acceptent volontiers, car c'est par là que nous allons construire notre pays dans la paix. Que ceux qui ont offensé et qui demandent pardon s'engagent à ne plus poser des actes répréhensifs afin que les fils et filles du Burkina vivent unis.

Pour la communauté musulmane de Koupéla, il n'est pas nécessaire de reconsidérer un par un les crimes ou forfaits commis avant de donner le pardon. Cela réveillera encore certaines inimitiés. Or, la JNP a pour but de réconcilier les Burkinabè entre eux. Bien entendu, les dossiers en justice doivent trouver un solutionnement et il n'est pas obligé d'avoir le verdict avant de tenir la JNP qui doit aussi aider à préparer les cœurs à un apaisement total.

M. Hamadou Maïga SG de la mairie de Tenkodogo

La Journée nationale est une bonne chose qui pourrait même être programmée une fois par an ou tous les cinq ans car il y a toujours quelque chose à se pardonner. Il faut faire un retour en soi-même car étant donné qu'on vit ensemble, on ne peut pas ne pas se frotter. Il est donc bon qu'à un moment donné, on se retrouve, pour se pardonner et repartir sur de nouvelles bases.

Au Boulgou, la journée se prépare normalement. Contrairement à ce qui se dit, l'opinion au Boulgou est en général favorable à la tenue de cette (…)
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