Phénomène des sectes religieuses : le Burkina n'est pas à l'abri / Comment reconnaître une secte? L'approche de l'abbé Jacques Zerbo

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Title
Phénomène des sectes religieuses : le Burkina n'est pas à l'abri / Comment reconnaître une secte? L'approche de l'abbé Jacques Zerbo
Creator
Mamadou Kabre
Publisher
Sidwaya
Date
16 May 2000
Abstract
Phénomène préoccupant que celui des sectes religieuses au point que l'Assemblée nationale a interpellé le vendredi dernier le ministre de l'Administration territoriale et de la Sécurité à travers une question orale avec débats.
Spatial Coverage
Bobo-Dioulasso
Rights
In Copyright - Educational Use Permitted
Language
Français
Contributor
Frédérick Madore
content
Phénomène préoccupant que celui des sectes religieuses au point que l'Assemblée nationale a interpellé le vendredi dernier le ministre de l'Administration territoriale et de la Sécurité à travers une question orale avec débats.

Sidwaya en précurseur avait publié dans son édition du week-end un dossier consacré à ce sujet. Malheureusement une photo non appropriée a été glissée lors du montage des textes.

Pour toutes ces raisons, nous reprenons ce dossier dans la présente édition

Il a fallu l'horreur en Ouganda pour que chacun frémisse à l'effet que le lieu de culte dont il n'a pas la moindre idée, est peut-être une secte entre les mains d'un gourou. Difficile de dire combien de Joseph Kibwuétéré compte-t-on au Faso. Mais en chaque chef religieux sommeille un gourou, si ce n'est déjà l'état d'éveil avec ces groupes religieux aussi mystiques que mythiques.

De façon globale, l'émergence d'une religion a toujours été un chaos pour son milieu. L'évidence est tellement attestée que des artistes en ont fait de la matière. Citons Roger Gnoan Balla dans le 7e art avec «Au nom du Christ», ou (Wolé Soyinka avec la «métamorphose du frère Jéro», une œuvre littéraire qui raconte l'escroquerie de l'homme d'Eglise, Frère Jéro. Bref, la secte de la Restauration des dix commandements de Dieu en Ouganda, dirigée par Joseph Kibwuétéré n'est pas dans sa finalité si différente de la secte du Temple soleil qui a commis des massacres collectifs en Occident notamment en France en décembre 1995. En Suisse, en France, aux USA, au Canada,... la parole du Christ était affreusement plus mortelle que l'épée qui tranche le cou de l'impie lors d'une Jihad.

Au Burkina, au coin des rues, surtout des quartiers périphériques, les cultes obscurs fleurissent. Même hors de la capitale où sur la nationale N° 3 à environ 60 km se trouve une Eglise de la Rédemption à Bonsrima dans le Bazèga. Tels les doctes musulmans, où à leur différence, voici les religieux qui privilégient une pensée de la religion pour dévier dangereusement vers l'apocalypse. Normal dans la logique, car beaucoup de grandes religions et la fin du monde, cela est une constance tant dans les écrits que dans les prêches.

En fait, que dire d'une secte d'un point de vue divinatoire? La plus récente élaborée par la Mission interministérielle de lutte contre les sectes en France (MILS) parle d'»association de structures totalitaires déclarant ou non des objectifs religieux, dont le comportement porte atteinte aux droits de l'Homme et à l'équilibre sociale».

«Droits de l'Homme» égalent liberté de culte mais aussi droits à la vie, au bien-être donc contre la spoliation des biens ou l'abus sexuel.

Dans son approche la MILS appréhende différentes catégories de sectes. Les sectes absolues «comme la scientologie, puis les mouvements» attentatoires aux libertés, aux principes constitutionnels ou aux lois dont feraient partie les témoins de Jéhovah. Enfin, les divers groupes dits apparentés à la vague «New age» importée de Californie aux USA, où la scientologie est une religion respectable. Excroissances religieuses

C'est du truisme que de dire que les sectes sont nées ex-nihilo et tirent leurs fondements d'une religion mère. Le petit Larousse de 1998 dit de la secte ceci: «Groupement religieux clos sur lui-même et créé en opposition à des idées et à des pratiques religieuses dominantes».

Plus poussée dans l'analyse on découvre que «la secte repose sur un mouvement de conversion personnelle et sur le refus de toute médiation de type arcerdotal. Généralement née de la contestation d'une institution ecclésiale accusée de laxisme, la secte adopte, sous la conduite d'un guide, une attitude fondamentaliste à l'égard des textes sacrés et révolutionnaire vis-à-vis des structures sociales. Nombreuses dans toutes les religions et à toutes les époques, les sectes se sont multipliées depuis la fin des années 1960, se distinguant notamment par leur idéal de renouvellement, leur goût pour le syncrétisme, leur souci de changer la vie individuelle et de vivre dans une société harmonieuse, exigeant de leurs adeptes une adhésion totale et exclusive» op. cité (P 927).

Dans la religion islamique, le phénomène n'est pas étrange, car selon Mamadou Alioune Diouf, du (CERFI), Cercle d'étude et de recherche pour la formation en Islam, la «secte est le fait d'un illuminé qui remet en cause des principes de la religion». Il cite les Amadihiya et le nouveau bourgeon typiquement burkinabè qu'est l'Ayatollah de Bobo nommé Haïdara. Mais s'empresse-t-il de corriger, les sectes ne sont pas des confréries, qui sont elles des écoles, enseignant une voie.

Les Baha'is, persécutés en Iran au temps des Perses sont présents au Burkina. Vue comme une secte de l'Islam, la foi Baha'ie selon Jean-Pierre Sweedy est «une religion indépendante et elle n'est ni une secte, ni de l'Islam, ni du catholicisme». Pour le responsable national des Baha'is il faut enlever le mot secte de son côté péjoratif sinon «les sectes existent partout et le catholicisme, le protestantisme, l'orthodoxie sont des sectes de la chrétienneté».

Mais l'abbé Jacques Zerbo du séminaire de Kosoghin, n'est pas de cet avis, car «la secte exprime en quelque sorte le principe extrémiste ou intransigeant en religion. Elle rassemble des personnes unies par un idéal religieux en rupture avec les croyances et les valeurs du reste de la société». Les méthodes des sectes sont carrées. Ainsi, citant le Père Jean Vernette, responsable du service pastoral, sectes et nouvelles croyances auprès de l'Episcopat français, l'abbé Zerbo énumère quatre critères d'identification des sectes: l'aliénation des personnes par pressions morales et conditionnement psychologique, la manipulation de la parole de Dieu; l'enfermement du groupe sur ses certitudes et la rupture avec les proches et enfin les visées financières.

Aux yeux de cette évidence sous toutes les latitudes, tout croyant peut prendre ses responsabilités dans le choix de son culte.

Mea-culpa ou dynamique religieuse

La prolifération des sectes, issues pour la plupart des grandes religions révélées, avoue abbé Jacques Zerbo marque l'incapacité des religions. Pour lui «la société moderne a évacué la dimension religieuse constitutive de l'homme en substituant une vision profane à la vision religieuse du monde. Cette vision profane apparaît de plus en plus comme un vide à combler absolument. Or le religieux dans les temps anciens, sous toutes ses formes intégrait l'homme au réel en le reliant à tout le cosmos, et même à lui-même, à son origine et à sa fin». C'est donc une aubaine pour les sectaires de prendre corps, car avec la vie d'incertitudes, les sectes dopent leurs fidèles. Karl Marx avait raison de dire que «la religion est l'opium du peuple». Les sectes «resocialisent» les croyants désocialisés. Il est donc difficile d'endiguer le phénomène des sectes religieuses au Burkina avec la liberté de culte et de croyances garantie par la Constitution. A ce moment soutient Mamadou Alioune Diouf, «juguler le péril des sectes se pose au niveau des individus. Les religions révélées ont une source accessible, ce qui n'est pas le cas des sectes où c'est l'adoration de la personne. L'échec des responsables religieux est la source de l'éclosion des sectes.

Chez les Baha'is, la religion est vue comme un processus continu et la «vérité religieuse est progressive et relative» soutient Jean-Pierre Sweedy qui affirme l'antagonisme du message divin: «social (ponctuel) et immuable (éternel)».

A leurs yeux la redéfinition du sens du mot secte dans son ensemble s'impose.

Dans la secte religieuse, chacun y va de son intérêt. Le croyant à la recherche du salut de son âme sur terre et dans l'au-delà et aussi du besoin d'être mis en confiance dans un groupe qui s'impose. D'autre part c'est le gourou en mal d'affirmation sociale ou de se décomplexer vis-à-vis de ses origines confessionnelles et surtout dans l'attente d'une retombée financière.

Les religions sont de véritables entreprises commerciales. Aussi bien par l'œuvre des fidèles que des politiciens, grands pourvoyeurs d'argent sale aux gouroux ou à certains guides religieux dont la droiture est parsemée de déviations de toute nature.

Le Burkina n'a pas encore connu de massacre collectif avec les sectes, mais compte ses divorcés, ses fous, et les enfants non reconnus par le fait des sectes.

L'on a encore en souvenir de la secte «Multipliez-vous», «les Mounis» du milieu des années 80.

Et comme tout nous tombe dessus en provenance d'Europe, à long terme la kyrielle de sectes dénombrées et qualifiées de dangereuses dans l'Hexagone auront pion sur rue au Burkina.

Et ce n'est pas de main morte que abbé Jacques Zerbo appréhende cinq groupes dominants de sectes. Il y a les dissidences d'origine chrétienne parmi lesquelles il cite les Témoins de Jéhovah, les Mormons, les Assemblées de frères, la communauté néo-apostolique, etc.

A la suite de quoi, se présentent les mouvements syncrétistes, se comportent comme appelés à prendre le relais de toutes les autres religions: Théosophie, Anthropologie, Rose-croix, Scientologie, etc. Les mouvements de Pentecôte dans lesquels des aspects fondamentaux du christianisme reprennent vie.

Comme actions c'est la prière de louange, l'action de grâce, la vie contemplative. Non moins importants, arrivent les fondamentalistes qui prennent la Bible, toute la Bible et rien que la Bible au pied de la lettre. Ces quatre groupes sont d'obédience chrétienne, alors que le 5e celui venant d'Orient prennent une distance vis-à-vis du christianisme au maximum. Ce sont cite-t-il l'Hindouisme, avec les disciples de Krishna, le Boudisme, les écoles de méditation transcendantale. Et l'actualité nous commande d'y inclure la secte Falungong en Chine. Quant aux Millénaristes et Apocalyptiques qui prédisent sans cesse la fin du monde, ils sont à la base des pires horreurs confessionnels.

Ce ne sera pas la fin du monde avec les sectes soutient Mamadou Alioune Diouf. Mais il faut craindre les religions révélées elles-mêmes qui mal interprétées générèrent l'extrémisme, l'intolérance religieuse, et la désocialisation des fidèles. Rien que prier, ne rien posséder comme bien et voir l'autre comme infestant la terre conduisent parfois au drame. On en a frôlé de près.

Mamadou KABRE

Comment reconnaître une secte? L'approche de l'abbé Jacques Zerbo

Michel Monroy et Anne Fournier coauteurs d'un petit fascicule de vulgarisation intitulé: les sectes donnent des critères sur 7 points qui permettent de repérer ou de reconnaître un groupe sectaire: Il s'agit d'un certain nombre de questions qu'on peut se poser.

- Le recrutement: est-ce qu'on a insisté pour vous avoir? pour vous recruter?

- Références: quelles sont les références du groupe, un texte, ou un maître incontesté? Dans le groupe, condamne-t-on l'évolution du monde actuel? Tout ce qui n'est pas du groupe, ses idées, son mode de vie, est-il condamné?

- Manipulation: Quel temps consacre-t-on au groupe, au moment du recrutement, et après? Y a-t-il des remèdes ou des boissons particulières recommandés par la secte? Y a-t-il des prières, des formules ou des exercices répétitifs? Y a-t-il des cérémonies ou des exercices provoquant chez les assistants une émotion collective bouleversante? Le groupe organise-t-il un contrôle des membres les uns par les autres?

- Direction du groupe: Qui dirige le groupe: un ou des élus? Elus par qui? Y a-t-il des discussions pour les décisions à prendre? Comment sont perçues les critiques; avec indifférence, ou comme une trahison ? Comment sont perçus les dirigeants? Font-ils l'objet de critique? De respect? D'une loyauté absolue? De vénération? De culte?

- L'argent: Y a-t-il de l'argent donné par les membres? Qui en dispose? Y a-t-il transparence en la matière, au niveau local, au niveau international?

- Prosélytique: Recrute-t-on de nouveaux adeptes? Comment sont perçus les gens de l'extérieur?

- Rupture: Le groupe pousse-t-il à la rupture avec la famille, les parents, les amis?

Suggère-t-on des voyages à l'étranger pour une formation et une initiation plus poussées?

Attention, ce serait arbitraire de juger qu'un groupe est sectaire à partir d'un seul critère. Il y aura toujours un ensemble d'indices plus ou moins clairs qui doivent pousser à la méfiance.
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