Mouvement sunnite : bras de fer chez les wahhâbites de Ouaga

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Title
Mouvement sunnite : bras de fer chez les wahhâbites de Ouaga
Creator
Emile Bayala
Publisher
Le Pays
Date
9 February 1995
Abstract
Une fois encore, le ton est monté au sein des frères musulmans du Mouvement sunnite, couramment connu sous l'appellation “Wahhabia". Hier matin, la nouvelle mosquée du secteur 2, sise avenue Yennenga, était envahie. C'est la quatrième fois que la Police se rend sur les lieux pour éviter le pire. A l'origine du malaise, un conflit pernicieux et confus. L'Imam est pris à partie par le leader du Mouvement.
Rights
In Copyright - Educational Use Permitted
Language
Français
Source
Archives Le Pays
Contributor
Frédérick Madore
content
Une fois encore, le ton est monté au sein des frères musulmans du Mouvement sunnite, couramment connu sous l'appellation “Wahhabia". Hier matin, la nouvelle mosquée du secteur 2, sise avenue Yennenga, était envahie. C'est la quatrième fois que la Police se rend sur les lieux pour éviter le pire. A l'origine du malaise, un conflit pernicieux et confus. L'Imam est pris à partie par le leader du Mouvement.

Les hommes de M. Konzoï Ouédraogo, Commandant du corps urbain de la Police, étaient très tôt devant la mosquée à peine achevée. Beaucoup de passants craignaient une effusion de sang, tant le climat était très tendu et l'attroupement assez nourri.

Les Wahhâbites vivent une confusion administrative que beaucoup n'arrivent pas à justifier. Toujours est-il qu'une affaire de doublon est au centre de la mésaventure. Il est question d'une “Caisse de prêche islamique". A ce propos, M. Mahamadi Kafando, l'un des initiateurs, a reconnu que l'existence de celle-ci était justifiée par un besoin d'aider les nécessiteux, les imams et certains projets. Ainsi, toutes les 55 mosquées de la ville de Ouagadougou devaient y participer mensuellement à raison de 50 F CFA pour les femmes et 100 F CFA pour les hommes.

Mahamadi Kafando et ceux de son bord ont dû recourir à un récipissé pour la gestion de la caisse dont les avoirs ont été déposés à la BICIA-B. Il est dit aussi que le président du Mouvement, El Hadj Idrissa, a proféré des injures à l'endroit de ceux qui ont constitué le récipissé. Le président a alors rédigé deux circulaires avec ampliations aux Hauts-commissaires, Comissaires de Police et aux membres de la caisse, interdisant ces derniers de se réunir dans les mosquées et les médersa (écoles Franco-arabes). L'intervention des Maires de commune et du Haut-commissariat n'ont pas pu éteindre le conflit. Selon M. Kafando, ce n'est plus un problème de Caisse qui oppose les Wahhâbites, mais il s'est gardé de se prononcer sur les "secrets du litige".

de El Hadj Siemdé (président du Mouvement sunnite)

Le problème réel est une longue histoire. Il y a que le Mouvement sunnite a été reconnu en 1973. Il a un bureau national élu tous les trois ans, deux bureaux régionaux - l'un à Bobo et l'autre à Ouaga - plus de 110 bureaux locaux. Les bureaux régionaux sont élus tous les deux ans et les locaux chaque année. Un président national ne peut briguer plus de trois mandats de suite, même s'il est aimé. Pour le président régional, le maximum est de 3 mandats, soit 6 ans et le président local fait 5 ans soit 5 mandats successifs.

On a connu des succès mais je les passe outre, puisque nous sommes sur un problème. La première crise, date de 1980 : trois membres avait démissioné du bureau national. Des gens ont voulu s'élever contre cela mais ont fini par être combattus. Pour éviter les bagarres, ils ont fini par démissionner.

Ensuite, le même Imam en 1989 a fait des prêches incendiaires en s'attaquant à des gens, obligeant le bureau à le suspendre, parce qu'une organisation sérieuse doit sévir, même si en son sein, des gens s'écartent de la voie de l'Islam.

La troisième crise est due au problème “tabligh". L'Imam y était encore. Mais c'est le premier président que cette crise a emporté. Depuis ce temps, moi je suis le président provisoire, depuis 1988 et jusqu'au congrès 1990 où J'ai été élu normalement.

Le problème qui demeure est qu'il s'est créé au sein du Mouvement sunnite, une organisation appelée : "Caisse de prêche islamique*, qui vise dans ses statuts entre autres l'aide aux nécessiteux, aux imams, aux muezzins et la construction de mosquées.

Pourtant, de cette organisation est né un conflit II y a un conflit permanent entre l'Imam et le bureau (NDLR ; du mouvement sunnite). Cet Imam traite de kafres, de juifs, de Nassara (Blancs NDLR) tous ceux qui ont été à l'école française, entre autres, le président national et les Secrétaires du bureau. Il dit que ces gens ne méritent pas de diriger le Mouvement et qu'il fallait les en chasser.

Le Pays : En fait, c'est vous qu'il conteste ?

El Hadj Idrissa Siemdé : L'Imam, oui. C'est pourquoi la Caisse a été créée sous son instigation. Mais il prend soin de dire qu'il ne connaît pas les problèmes de la Caisse. Sinon nous savons ce qui se passe et c'est cela qui a amené les problèmes. On nous a traînés devant les autorités communales, au commissariat. Les autorités de Bobo, les frères des pays arabes du Koweït, de l'Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis sont même intervenus et ont dépéché des délégations pour venir nous assister ici. Et les gens de la Caisse ont toujours refusé.

Nous leur avons dit : "Si vous êtes au sein du Mouvement Sunnite, inutile de chercher un autre récépissé pour vous séparer”. La religion conseille l'Union. Nous avons tout fait, ils ont refusé. Nous leur avons donc suggéré d'aller de leur chemin, parce que la loi permet à chacun de constituer son association. Ils ont dit non, car, repliquent-ils, ils se sont Constitués mais restent Sunnite.

Au niveau de la pratique religieuse, il n'y a aucune distinction, mais au niveau associatif, la Caisse qui a son bureau, ses instances, qui élit ses responsables parallèlement au Mouvement Sunnite qui a aussi ses congrès, ses assemblées, ne peut pas s'entendre avec la Caisse. Ou alors celle-ci doit chercher son récépissé. Mais je le repète, la Caisse est un alibi, c'est un outil de travail aux mains de l'Imam.

Le Pays : Quelles précautions avez-vous donc prises pour que le problème soit résolu ?

I.S : Il y a eu beaucoup de précautions, surtout en ce mois de carême. On a été devant les autorités, le bureau national a statué et on nous a conseillé de surseoir à tout ce qui peut susciter des soulèvements pour finir au moins le mois du Ramadan. Après, on verra. Ce que l'autre camp ne veut pas et c'est aujourd'hui qu'il propose de venir installer un bureau régional pendant qu'il y en a un qu'ils disent ne pas reconnaître.

Nous avons alors dit que ça ne se passera pas ainsi. “Si vous voulez faire votre bureau, allez où vous faites vos réunions. Une autre association ne peut pas venir à notre siège pour former son bureau. Nous ne sommes pas d'accord et c'est pourquoi les fidèles se sont dressés ainsi.
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