La mendicité : l'autre cause du sous développement

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Title
La mendicité : l'autre cause du sous développement
Creator
Raphaël K. Zong-Naba
Publisher
Le Pays
Date
22 July 1992
Abstract
Historiquement circonscrite dans la société traditionnelle (adulte) à des groupes sociaux très limités (élèves de l'école coranique, fous, griots), la mendicité a, au fil des ans, pris des proportions inquiétantes au Burkina Faso.
Rights
In Copyright - Educational Use Permitted
Language
Français
Source
Archives Le Pays
Contributor
Frédérick Madore
content
Historiquement circonscrite dans la société traditionnelle (adulte) à des groupes sociaux très limités (élèves de l'école coranique, fous, griots), la mendicité a, au fil des ans, pris des proportions inquiétantes au Burkina Faso.

Cette évolution a atteint une dimension telle que dans nos villes, plus d'un Burkinabè s'est mis à s'interroger. Il ne se passe plus un mois sans que la radio, la télévision ou la presse écrite n'interpelle la conscience collective.

Ces différentes réactions au sein de l'opinion publique, réjouissent certainement le ministre délégué chargé de l'Action sociale et de la Famille qui a comme mandat, de créer les conditions sociales favorables à l'épanouissement de tous les Burkinabè.

Devant ces multitudes de réactions, il reste à savoir si les Burkinabè évoluent résolument vers une prise en charge collective de la mendicité.

Si tel est dorénavant le desiderata de chacun et de tous, alors gageons rapidement avec le ministère délégué chargé de l'Action sociale et de la Famille, avant que nous n'atteignions une situation de non retour dans notre pays.

La lutte contre les phénomènes sociaux dans la société contemporaine relève de plus en plus d'une réflexion collective.

Dès lors, il importe que chacun apporte sa contribution tant du point de vue théorique que pratique à la lutte contre ces fléaux divers.

Cependant, il est indispensable que nous ne nous laissions pas guider par l'esprit simpliste dans cette lutte. Il faut donc connaître les causes, se fixer des priorités et dégager les stratégies afin d'atteindre des résultats réalistes et tangibles.

Nous voulons donc par la présente réflexion apporter notre petite lanterne à l'ensemble des analyses faites çà et là sur la mendicité au Burkina Faso.

Il n'est certainement pas superflu de rappeler qu'il existe selon les mobiles, plusieurs types de mendiants dans la cité d'aujourd'hui.

Il s'agit :

- Des élèves de l'école coranique couramment appelés "garibous".

- Des personnes handicapées, généralement atteintes d'au moins une infirmité.

- Des enfants désœuvrés, immigrés ou non en situation de rupture familiale.

- Des personnes âgées et/ou Invalides,

- Des mères de jumeaux, triplets...

- Des exclus sociaux couramment appelés sorciers et ex-communiés de leur communauté.

- Des autres mendiants (griots, pauvres, malades...).

Notre première réflexion portera sur la mendicité des jeunes en rupture familiale et celle des personnes handicapées par suite d'infirmités.

Les causes de ces deux types de mendicité sont de plusieurs ordres, il s'agit entre autres :

- Des causes économiques très patentes.

- Des causes affectives et relationnelles.

- Des causes de communication.

- Des causes de complexes divers.

- Des causes culturelles.

- Des causes politiques etc...

Toutes ces causes trouvent leur origine dans la mutation sociale, économique et culturelle qui s'opère difficilement. Cette mutation rompt l'équilibre du tissu socio-économique et altère le déterminisme social ou économique du fait de l'interaction et de l'intensification de l'influence réciproque des facteurs.

La solution au problème de la mendicité procède d'abord d'une analyse complète qui prenne en compte l'ensemble des facteurs sus-cités. Ce n'est qu'à ce prix que se dégageront des solutions réalistes non conflictuelles avec nos propres valeurs sociales, économiques et culturelles.

Pour ce qui nous concerne, deux grandes alternatives se présentent pour la lutte contre la mendicité des jeunes désœuvrés en rupture familiale et des personnes handicapées.

- La première solution consiste en une prise en charge collective de toutes ces personnes. Quand nous parlons de prise en charge collective, il ne s'agit pas seulement de l'Etat ou des œuvres de bienfaisance. Il s'agit plutôt de chaque Burkinabè dans son unité de production, son milieu familial. C'est là que commence la lutte contre cette pratique. La finalité de cette lutte ne consiste pas non plus, comme cela se passe tous les jours, à leur assurer une maigre pitance, mais plutôt à les aider à trouver des solutions durables à leurs besoins.

Ni les atermoiements, ni les cartes d'invalidité, ni la charité ne peuvent à eux seuls venir à bout de la mendicité des jeunes et des handicapés.

Chaque parent, ami de ces personnes mendiantes devrait les aider à surmonter tous les obstacles pour atteindre la légalité des chances dans la cité d'aujourd'hui.

La prise en charge collective de la mendicité est tout d'abord morale, avant d'être matérielle. Certes que l'homme est une négation de l'homme mais, il est aussi et surtout remède pour autrui.

- La deuxième solution est économique.

Il s'agit de trouver une activité à ces personnes qui mendient en les insérant dans tous les secteurs économiques. Pour cela, l'intervention des organismes de développement semble cardinale, en plus de ce que fait déjà l'Etat dans sa politique actuelle de protection individuelle et collective des groupes sociaux les plus vulnérables. Il ne fait nul doute que la situation de Programme d'ajustement structurel dans laquelle vivent nos Etats, met ces groupes dans une concurrence déloyale en matière d'emploi. Doublement handicapés (physique et social), ces groupes vulnérables ne sortiront de leur vie de galerien que si les bailleurs de fonds, les donateurs, reconsidèrent positivement leur intervention dans le secteur social. Le secteur social mériterait un peu plus d'attention, si l'on veut atteindre un développement endogène et durable. Il faut promouvoir la formation de ces groupes, ainsi que des ateliers protégés et des métiers protégés. On le dit souvent, on ne peut atteindre le développement sans l'homme, principale force productive, même dans une société en robotisation.

Au demeurant les indicateurs du développement le mentionnent bien lorsqu'ils font allusion à la participation de toute la population au processus de production et de répartition des biens de consommation.

Ne sommes nous pas donc en droit de conclure que la mendicité pratique qui isole une très large partie de la population au Burkina Faso au processus de production et de distribution des biens de consommation est l'autre cause non négligeable du sous développement dans notre pays ?

Alors les, concepteurs des programmes de développement ont décidément beaucoup encore à faire.

Chaque jour qui passe, au regard des problèmes sociaux, semble nous éloigner des Indicateurs du développement.

Raphaël K. Zong-Naba
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Le Pays