Hadj 96 : aux mêmes maux, les mêmes remèdes

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Text
Title
Hadj 96 : aux mêmes maux, les mêmes remèdes
Creator
Sidibé Daouda
Date
2 July 1996
Abstract
Le 22 novembre 1995, le gouvernement du Burkina Faso décidait de s'investir dans l'organisation du hadj. Une Commission nationale d'organisation a été créée à cet effet au cours du Conseil des ministres de cette date. La présidence, comme on le sait, en a été confiée à monsieur le ministre de l'Administration territoriale, ministre de tutelle des confessions religieuses, et la vice-présidence à monsieur le ministre des Affaires étrangères.
Spatial Coverage
Koweït
Rights
In Copyright - Educational Use Permitted
Language
Français
Contributor
Frédérick Madore
Wikidata QID
Q114035695
content
Le 22 novembre 1995, le gouvernement du Burkina Faso décidait de s'investir dans l'organisation du hadj. Une Commission nationale d'organisation a été créée à cet effet au cours du Conseil des ministres de cette date. La présidence, comme on le sait, en a été confiée à monsieur le ministre de l'Administration territoriale, ministre de tutelle des confessions religieuses, et la vice-présidence à monsieur le ministre des Affaires étrangères.

Depuis, cette Commission nationale a travaillé d'arrache-pied en vue du succès de cette édition du hadj 96. Tout le monde a pu suivre à travers la presse (journaux, télé et radio) les compte-rendus transparents des réunions au niveau de la Commission nationale, elle-même, ainsi qu'au niveau des sous-commissions qui la composent.

Ainsi, les Burkinabè ont pu suivre de bout en bout les différentes phases de préparation du hadj. Tout le mérite en revient à messieurs Ablassé Ouédraogo, ministre des Affaires étrangères, et Yéro Boly, ministre de l'Administration territoriale.

Mais, depuis le retour des pèlerins, une polémique se fait autour de l'implication de l'Etat dans l'organisation du hadj; et certaines voix vont même jusqu'à demander le retrait de celui-ci (cf l'article intitulé) : pèlerinage de la Mecque “à Mohamed ce qui est à Mohamed" de monsieur Soura Daouda, paru dans l'Observateur paalga n° 4173 du jeudi 6 juin 1996.

L'intervention de l'Etat dans le pèlerinage n'a porté que sur les aspects extérieurs du hadj et non sur les fondements religieux de celui-ci. Le pèlerinage est un ensemble de rites que le pèlerin doit accomplir pendant son séjour en Arabie Saoudite; il commence le 8 du mois de zoul-hidja et ne dure que cinq ou six jours selon que l'on choisit de quitter Mina le 12 ou le 13 du même mois. 11 comprend les rites suivants :

1- le tour de la Kaaba (7 fois);

2- la marche entre Safa et Maroua (7 fois);

3- le séjour à Mina les 8, 10, 11, 12 et/ou 13 du mois de zoul-hidja;

4- le séjour à Arafat le 9 du même mois;

5- l'escale de mouzdalifa le 9 à partir du coucher du soleil;

6- le jet de pierres (ou lapidation du Satan) les 10, 11, 12 et/ou 13;

7- le sacrifice de mouton (n'est obligatoire que pour celui qui a commis un interdit ou oublié un des rites essentiels du hadj).

Chaque pèlerin accomplit lui-même ces rites sans l'intervention de qui que ce soit; et c'est à l'issue de ces rites que le pèlerin devient El-Hadj ou Hadja.

Je ne vois donc pas en quoi notre pays deviendrait un Etat islamique lorsqu'il assure à nos pèlerins de bonnes conditions de voyage, de bonnes conditions d'hébergement à la Mecque, de meilleures conditions de délivrance des passeports et des visas d'entrée en Arabie Saoudite et enfin de meilleures conditions de santé et de sécurité?

C'est là. à mon avis, le devoir de tout Etat responsable. Mais, malheureusement, nous autres musulmans n'avons jamais su faire quelque chose par nous-mêmes et n'avons jamais su ce que nous voulions; et c'est bien dommage.

Lorsque les Etats-Unis et les pays occidentaux ont volé au secours du Koweit et des autres pays arabes du Golfe, face à l'invasion irakienne, en quoi sont-ils devenus des États islamiques ? Soyons sérieux!

Je ne suis pas un membre de la Commission nationale d'organisation du pèlerinage; mais, j'ai séjourné pendant longtemps en Arabie Saoudite, fait le pèlerinage un certain nombre de fois. Et c'est à ce titre que je voudrais apporter par le présent écrit quelques éléments d'appréciation afin de permettre aux Burkinabè en général et aux musulmans en particulier, de mieux comprendre le bien-fondé de l'intervention de l'Etat dans l'organisation du hadj.

Ce que j'ai vu en Arabie Saoudite avant 96 est difficile à décrire; car, nos pèlerins y étaient traités et vendus (le mot n'est pas fort) comme du bétail à des logeurs sans scrupule, et le plus souvent non agréés. Des fois, un pèlerin était même vendu deux fois à deux logeurs différents, l'un détenant son passeport et l'autre, le pèlerin lui-même. Et il n'est pas rare d'entendre souvent dire : “si je vous amène tant de pèlerins, combien de rials (monnaie saoudienne) me donnerez-vous par tête (de pèlerins bien sûr)".

Au nom de quel islam nous nous donnons le droit de traiter nos prochains de cette façon? Ce qui est certain, si l'Etat burkinabè se retire du pèlerinage, ce sera une vraie catastrophe pour nos pèlerins; et un jour viendra où l'Arabie Saoudite refusera le pèlerinage aux Burkinabè parce qu'elle-même aura marre de supporter nos humiliations et aura marre de voir nos pèlerins souffrir.

Tout le monde reconnait, surtout, après avoir vu à la télé le reportage très édifiant de messieurs Yacouba Traoré et Salif Belem, que le hadj 96 a été un succès; les pèlerins, eux-mêmes, l'ont affirmé à la télé le vendredi 7 juin 1996.

Pour un premier essai, c'était vraiment un coup de maître. Bravo Ablassé Ouédraogo ! Brave Yéro Boly !

Combien de ministres des Affaires étrangères, de l'Intérieur ou de l'Administration territoriale, le Burkina Faso et l'ex-Haute-Volta ont-ils connus depuis l'Indépendance jusqu'à ce jour qui se soient préoccupés des calvaires vécus, annuellement, des décennies durant par nos pèlerins?

Une bonne quarantaine au moins, mais, pas un seul, en dehors d'Ablassé Ouédraogo et de Yéro Boly, n'a été ébranlé par ces rapports accablants, ces véritables cris de détresse des différents chefs de mission diplomatique burkinabè qui se sont succédé à la tête de notre ambassade en Arabie Saoudite, faisant état des conditions d'hébergement lamentables et miséreuses des pèlerins burkinabè qui étaient en proie, comme indiqué ci-dessus, à de sordides manœuvres, de marchandages, exactement comme des animaux dans un marché de bétail où des individus se réclamant des logeurs, par le biais de leurs lieutenants et hommes de mains, directement ou en sous-traitance, font voir toutes sortes de misères et d'humiliations à nos pauvres pèlerins en leur faisant des tas de promesses alléchantes. Mais une fois ces derniers tombés dans le piège, ils s'en mordent les doigts mais, c'est trop tard, car, notre monsieur "logeur” qui n'a peut-être même pas de maison a déjà encaissé et disparu; et ses pèlerins ne le verront plus que rarement, car, il doit aller chercher d'autres victimes. Ceux-ci sont alors obligés, n'ayant plus d'autres ressources, de se réfugier dans les rues, dans des tunnels ou sous des ponts. Monsieur Soura se demande, dans son article, si désormais les pèlerinages des autres communautés - burkinabè non musulmanes seront aussi organisés et contrôlés par l'Etat? Mon frère Soura,

Si un jour ces communautés se trouvent dans la même situation de désordre et de cupidité que nous les musulmans, l'Etat devra faire la même chose qu'il fait actuellement pour nous. Aux mêmes maux, les mêmes remèdes, mais, pour le moment, ces communautés ne sont pas dans le besoin, car, elles sont bien organisées et savent ce qu'elles veulent. Les médicaments sont faits pour les malades et non pour les gens bien portants. Laissons donc ces communautés en paix.

A monsieur le président du Faso je dis ceci : “Nos pèlerins ont trop longtemps souffert. El pour une fois dans l'histoire de notre pays, des pèlerins burkinabè ont pu accomplir leur hadj dans la quiétude, la tranquillité et la dignité grâce à la décision courageuse et salvatrice que votre gouvernement et vous-même avez prise au cours de ce Conseil des ministres historique du 22 novembre 1995 après une analyse profonde de la situation du pèlerinage. Aussi, j'en appelle à votre profond attachement à la dignité de ce peuple pour que ces citoyens innocents ne soient plus abandonnés à eux-mêmes, à la souffrance et à l'humiliation”.

Sidibé Daouda

BP 7038 Ouaga