Promo-Femmes, la communauté musulmane et le prêche sur l'excision du 7 juillet 1995

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Text
Title
Promo-Femmes, la communauté musulmane et le prêche sur l'excision du 7 juillet 1995
Creator
Monique Ilboudo
Date
31 October 1995
Abstract
La démocratie n'est pas seulement une manière d'être des institutions. Elle ne peut être que si chacun, dans sa pratique quotidienne, veille au respect de ses exigences. La démocratie implique donc un rôle plus accru du citoyen et de la citoyenne, de ce qu'on nomme aujourd'hui la société civile. Pourtant, on constate que notre société sombre de plus en plus dans une certaine léthargie, de démission totale où chacun attend de l'autre qu'il réagisse face à l'acte ou au propos qui le choque ou l'indigne.
Rights
In Copyright - Educational Use Permitted
Language
Français
Contributor
Frédérick Madore
Wikidata QID
Q114035659
content
La démocratie n'est pas seulement une manière d'être des institutions. Elle ne peut être que si chacun, dans sa pratique quotidienne, veille au respect de ses exigences. La démocratie implique donc un rôle plus accru du citoyen et de la citoyenne, de ce qu'on nomme aujourd'hui la société civile. Pourtant, on constate que notre société sombre de plus en plus dans une certaine léthargie, de démission totale où chacun attend de l'autre qu'il réagisse face à l'acte ou au propos qui le choque ou l'indigne.

Dans un tel contexte, on ne peut que se féliciter de la vigilance et surtout de la prompte réaction de la directrice de Promo-Femmes à propos d'un prêche radiodiffusé on ne peut plus injurieux à l'égard des femmes.

Madame Ouédraogo Clémentine, directrice de Promo-Femmes/Développement-sport, écoute le 7 juillet 1995 sur les ondes de Radio Abga une émission sur l'excision. C'est le Cheick Mahamoudou Bandé qui prêche, mais ses propos ont de quoi choquer, surtout une femme engagée comme madame Ouédraogo.

Alors que l'excision et toutes les mutilations génitales féminines sont au coeur du combat des femmes pour le respect de leurs droits, le prédicateur prétend, sans pour autant citer le verset du Coran qui le prévoit, que l'excision est une exigence de la religion islamique, et que tout bébé doit être excisé une semaine après sa naissance.

Monsieur Bandé ne se contente d'ailleurs pas d'affirmer cela; il débite une kyrielle d'injures à l'encontre des femmes qui ne sont pas excisées et de celles qui luttent contre cette pratique.

A l'issue de cette émission, madame Ouédraogo prend donc sa plume et écrit une lettre au président du MBDHP avec ampliations à différentes ONG et associations de femmes, à la Radio Abga et à la communauté musulmane. Elle s'indigne du contenu du prêche de monsieur Bandé et propose de déposer une plainte contre celui-ci.

Radio Abga propose alors un droit de réponse aussi bien en mooré (langue de l'émission litigieuse), qu'en français. Pour un problème de calendrier, les femmes ne réussiront pas à se concerter pour préparer cette émission.

La communauté musulmane, informée par madame le ministre de l'Action sociale (la lettre de madame Ouédraogo ne leur était apparemment pas parvenue), décide de réparer ce qu'elle appelle elle-même “les erreurs dues au débordement du sujet traité”, “les écarts de langage” et “les attitudes personnelles” de son prédicateur.

Elle estime que de telles attitudes sont contraires aux règles déontologiques islamiques et exige de monsieur Bandé qu'il reintervienne sur Radio Abga pour “corriger ses erreurs et s'excuser publiquement auprès de toutes les personnes physiques et morales auxquelles ses propos auraient porté outrage”. Ce qui sera fait le 1er septembre 1995.

Autant la réaction de madame Ouédraogo était juste et légitime, autant cette réponse de la communauté musulmane est louable. C'est aussi l'occasion de lever toute équivoque quant à l'exigence de l'excision des filles comme un précepte de l'Islam.

En attendant, nous tenions à féliciter madame Ouédraogo pour sa vigilance et la communauté musulmane pour les efforts déployés afin d'effacer l'offense faite par l'un des siens aux femmes burkinabè.