Journée nationale de pardon : plus jamais ça!

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Title
Journée nationale de pardon : plus jamais ça!
Date
2 April 2001
Abstract
Cautionnée par les uns, désapprouvée par les autres, la Journée nationale du pardon (JNP) qui n'a pas fait l'unanimité s'est quand même tenue vendredi dans l'après-midi au stade du 4-Août.
Sans le Collectif et certaines familles de victimes qui ont refusé de s'associer à cette journée. Du reste, le Collectif a célébré ce jour-là ce qu'il appelle «Une journée de deuil» en allant se recueillir sur les tombes de Norbert Zongo et de ses cosuppllciés (à Gounghin) et sur celles de Thomas Sankara et de ses compagnons d'infortune du 15 octobre 1987 à Dagnoën.
Dans la cuvette du stade du 4-Août, la célébration de cette journée a été marquée par le discours-confession de Biaise Compaoré qui a demandé pardon aux familles des victimes et au peuple burkinabè tout en formulant le voeu que plus jamais le Burkina ne connaisse ça.
Nos articles ci-dessous et sur les pages suivantes ainsi que l'intégralité, à titre documentaire, des principales interventions qui ont ponctué cet office du pardon.
Rights
In Copyright - Educational Use Permitted
Language
Français
Contributor
Frédérick Madore
Wikidata QID
Q114035576
content
Cautionnée par les uns, désapprouvée par les autres, la Journée nationale du pardon (JNP) qui n'a pas fait l'unanimité s'est quand même tenue vendredi dans l'après-midi au stade du 4-Août.

Sans le Collectif et certaines familles de victimes qui ont refusé de s'associer à cette journée. Du reste, le Collectif a célébré ce jour-là ce qu'il appelle «Une journée de deuil» en allant se recueillir sur les tombes de Norbert Zongo et de ses cosuppllciés (à Gounghin) et sur celles de Thomas Sankara et de ses compagnons d'infortune du 15 octobre 1987 à Dagnoën.

Dans la cuvette du stade du 4-Août, la célébration de cette journée a été marquée par le discours-confession de Biaise Compaoré qui a demandé pardon aux familles des victimes et au peuple burkinabè tout en formulant le voeu que plus jamais le Burkina ne connaisse ça.

Nos articles ci-dessous et sur les pages suivantes ainsi que l'intégralité, à titre documentaire, des principales interventions qui ont ponctué cet office du pardon.

Le déclic vers la réconciliation ?

Elle a enfin eu lieu ! Elle c'est bien sûr la Journée nationale de pardon (JNP). Rejetée par certains notamment le Collectif et ses militants ainsi que les familles de victimes célèbres comme Thomas Sankara et Norbert Zongo, car sans objet tant que la trilogie (Vérité - Justice - Réconciliation) n'aura pas été une réalité, célébrée par d'autres, cette JNP aura, selon ses organisateurs, rassemblé les Burkinabè pour l'accomplissement du premier geste, prélude à la réconciliation. C'est dans un stade du 4-Août transformé en fournaise par la canicule que l'archevêque de Bobo, et ci-devant président du Collège de sages a joué le rôle de grand officiant qu'il a du reste admirablement exécuté.

Cocélébrants : Deux Dima, le Mogho Naba et le Naba Kiiba du Yatenga, le Ouidi Naba, les pasteurs Freeman Kompaoré, Jean Ouédraogo, Samuel Yaméogo, les Cheick Aboubacar Sana, grand imam de Ouagadougou, Aboubacar Doukouré (Hamdallaye) et Aboubacar Maïga II (Ramatoulaye) et enfin les abbés Roger Ouédraogo et Joël Tapsoba. Que peut-on retenir de cette JNP ?

Il faut tout de suite signaler que le décor planté au stade du 4-Août rappelle la configuration de certaines.... conférences nationales : sur les gradins le peuple, face à face les officiers de la cérémonie (religieux et coutumiers) et les chefs d'Etat (Blaise Compaoré et trois de ses devanciers : Sangoulé Lamizana, Saye Zerbo et Jean-Baptiste Ouédraogo). A quelques mètres de là, les représentants des familles des victimes.

Un décor qui n'est pas sans rappeler ces fameuses tribunes d'aveux, même si l'on s'évertue à le réfuter.

En effet, il y avait d'un côté dans un certain sens, les bourreaux, c'est-à-dire ceux qui incarnent l'Etat, et de l'autre, les victimes. On pense immédiatement au pays de Nelson Mandela. Or le cas sud-africain est unique (multiracialité oblige) et il est aussi vrai qu'ici il ne s'est agit nullement d'une confrontation entre deux camps (exécutants et victimes).

Ces nuances soulevées, il faut reconnaître que cette journée du 30 mars fut riche en émotions et en solennité, avec plusieurs actes forts dont le plus important fut sans doute la «confession» du chef de l'Etat en exercice Biaise Compaoré.

Le premier acte remarquable fut l'entrée en scène du président du Collège de sages.

Il faut dire que si cette JNP rencontrait des appréhensions, c'est entre autres du fait qu'elle a été confiée aux «gens du pouvoir au lieu du collège de sages», un pouvoir qui «s'ammende» donc en mettant en avant le prélat de Bobo.

D'entrée de jeu, Mgr Anselme Sanou dira que «Nous sommes tous coupables pour ce que nous n'avons pas fait, mal fait, omis de faire ou laissé faire. Responsables, intellectuels, chefs coutumiers, communautés religieuses, qu'avons-nous fait pour être utiles ou nuisibles pour ce pays ? Combien de personnes au pouvoir comme à l'opposition, n'ont pas contribué à tuer, à spolier, à exiler, à juger et condamner, à réduire à la misère morale et matérielle d'honnêtes concitoyens et leurs familles dans ce pays ?»

Pour le prélat, il fallait un moment pour s'arrêter, observer et réfléchir, marquer une pause pour trouver ensemble les voies et moyens conduisant à l'instauration et au maintien de la paix sociale. Et ce, notamment par les voies de la justice, de la vérité et surtout de l'humilité qui permet de reconnaître les erreurs et de pardonner avec grand cœur et magnanimité. Car le chemin qui bâtit l'avenir, c'est le pardon, la réconciliation et la miséricorde.

Une démarche en trois phases a constitué le clou de la cérémonie. Il s'est agi d'abord du repentir, ensuite de l'aveu et enfin de la réparation.

C'est ainsi qu'au nom de tous les régimes précédents et actuel, le président Sangoulé Lamizana en sa qualité d'aîné et de doyen, a présenté officiellement les excuses de l'Etat aux familles des victimes et à tout le peuple.

Les familles des victimes représentées au stade par la voix d'une femme et d'un homme, ont réaffirmé leur disponibilité à adhérer à cette JNP et à accepter le pardon pour le repos des âmes des leurs. Les hommes passent mais l'histoire demeure, c'est pourquoi ils ont accepté le pardon pour le bonheur et la prospérité de notre pays. Elles ont toutefois souhaité que les réparations suivent leur cours et que ces erreurs et ces manquements ne se reproduisent plus au Burkina Faso.

Une minute de silence accompagnée par l'hymne aux morts a été ensuite observée en mémoire de tous les disparus.

Les coutumiers ont tenu également à affirmer le sens du pardon et de la clémence dans nos valeurs traditionnelles et culturelles.

En effet, ont-ils soutenu, celui qui détient le pouvoir, détient la clé du pardon. La tolérance et le pardon conduisent à une saine justice, à la réconciliation et à la paix sociale. C'est pourquoi ils ont imploré Dieu et les mânes des ancêtres afin qu'ils nous assistent pour que désormais le citoyen quels que soient son rang, ses origines, se sente libre dans notre patrie commune débarrassée à jamais de la violence politique et prête à s'engager résolument dans la démocratie, le progrès et le développement.

Le Cheick Aboubacar Sana pour sa part, a remercié Dieu et l'a supplié de mettre dans le cœur des gouvernants et celui de tout le peuple, la miséricorde et le pardon. Il a enfin prié Allah pour que la paix véritable et l'amour du prochain règnent désormais au pays des hommes intègres.

En outre, pour le grand imam de Ouagadougou, c'est parce qu'il y a le peuple, qu'il y a un chef et vice-versa. Chacun doit savoir, donc raison garder.

Quant au pasteur Freeman Kompaoré, il a analysé le sens du pardon selon les Saintes Écritures.

Le pardon, a-t-il soutenu, a sa source en Dieu qui pardonne abondamment, parfaitement et totalement. Et de conclure que pardonner, c'est vivre et que le pardon, c'est la vie.

La boucle sera bouclée par ce qu'attendaient les Burkinabè, la sortie de Blaise Compaoré.

Osons le dire, ce genre de discours du président du Faso est rare. La diction, l'émotion, la solennité qui s'en dégageaient montrent que cela venait du tréfonds du premier magistrat burkinabè. Bref, Blaise Compaoré semblait penser ce qu'il disait.

Et lorsqu'il martèlera «Plus jamais ça au Burkina», ou encore mieux, quand il fera son acte de contrition en disant : «En cet instant solennel, en notre qualité de président du Faso, assurant la continuité de l'Etat, nous demandons pardon et exprimons nos profonds regrets pour les tortures, les crimes, les injustices, les brimades et tous les autres torts commis sur des Burkinabè par d'autres Burkinabè, agissant au nom et sous le couvert de l'Etat, de 1960 à nos jours», le Président du Faso entendra manifestement donner ici l'exemple de l'humilité, de la sincérité et la preuve de sa bonne foi.

En demandant pardon au peuple burkinabè, le chef de l'Etat signifie par là que pour la paix, la réconciliation, aucun sacrifice n'est de trop. On ne saurait occulter non plus son appel à l'endroit de ceux qui rejettent ce pardon comme pour leur dire : «Le pardon est possible à tout moment !». Enfin, les sept mesures d'accompagnement qu'il annonce devant le peuple prouvent si besoin était qu'il est résolu à prendre un nouveau départ, qu'il veut signer un nouveau contrat avec les Burkinabè. Et ce n'est pas rien de la part d'un chef d'Etat.

La cérémonie s'est clôturée avec le lâcher de pigeons blancs (oiseaux de paix). Ce qui fera dire à Mgr Sanon : «Que ceux qui ont la chance d'en attraper, les entretienne bien». Traduction : la paix n'est jamais un acquis définitif, il faut la cultiver en permanence.

Des cantiques sur le pardon

En Afrique et particulièrement au Burkina Faso, tous les instants de la vie sociale sont des occasions d'animation musicale. C'est ainsi que la musique est présente lors des baptêmes, des mariages, des décès... Pour cette Journée nationale de pardon, le Comité national d'organisation piloté par le ministre du Commerce, Alain Bédouma Yoda, n'a pas oublié cette réalité. Mais comme la JNP était par excellence un moment d'introspection, de ferveur et d'humilité, il ne fallait pas s'attendre à y écouter du N'Dombolo et autres sonorités musicales de l'heure.

Ce sont la chorale Naaba Sanem, la chorale de la Fédération des Eglises et Missions évangéliques, la troupe traditionnelle de Zougnazagmda et le chœur islamique de la Médersa centrale de Ouagadougou qui ont assuré l'animation. La chorale Naaba Sanem a distillé l'une de ses œuvres fétiches «Bark Tenga» qui rappelle que le Burkina a toujours été une terre bénie de Dieu et un pays de tolérance où il fait bon vivre.

Quant à la chorale de la FEME qui comprenait un groupe musical de l'Eglise centrale de Ouaga et un autre du Temple Emmanuel, elle a composé un cantique sur le pardon pour la circonstance. Intitulé «Seigneur, Dieu Tout-Puissant» les couplets 1, 2 et 5 disent ceci :

«Seigneur, Dieu Tout-Puissant protège notre Burkina Tu le comblas de dons, tu fus sa délivrance Nous plaçons en tes mains son radieux avenir Préside à ses destins et daigne le bénir Et daigne le bénir

Apprends-nous à l'aimer comme on aime une mère Eloigne de son sein la discorde et la guerre Donne aux fleurs la rosée, à nos champs les moissons Pends nos fils valeureux et nos foyers féconds Et nos foyers féconds

Humblement devant toi nous confessons nos fautes Par un plus grand amour, par des vertus plus hautes Fais que nous préparions les meilleurs lendemains Où la paix règnera toujours sur nos chemins Toujours sur nos chemins».

La troupe de Zougnazagmda pour sa part, a rappelé les vertus du pardon et a convié tous les Burkinabè à se pardonner afin de bâtir ensemble leur chère patrie. Le chœur islamique animé par les élèves de la Médersa centrale de Ouagadougou n'a pas été en reste dans la sensibilisation sur la nécessité de pardonner et de se donner la main en véritables fils d'Allah. Mais leurs airs seront-ils seulement entendus et repris par tous ?

S.Y.