Ramadan 2014 : l'imam Sana ou la pédagogie de l'horreur

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Title
Ramadan 2014 : l'imam Sana ou la pédagogie de l'horreur
Creator
Hyacinthe Sanou
Date
29 July 2014
Abstract
Comme à chaque grande prière de fin de Ramadan ou de l'Aïd el-Kébir (Tabaski), on attendait toujours d'entendre ce que le grand Imam va bien pouvoir dire en rapport avec la situation nationale.
Spatial Coverage
Centrafrique
Ouagadougou
Rights
In Copyright - Educational Use Permitted
Language
Français
Contributor
Frédérick Madore
Wikidata QID
Q114035421
content
Comme à chaque grande prière de fin de Ramadan ou de l'Aïd el-Kébir (Tabaski), on attendait toujours d'entendre ce que le grand Imam va bien pouvoir dire en rapport avec la situation nationale.

Si la teneur spirituelle est toujours dense, la plupart du temps, ce sont souvent des propos convenus et des bénédictions urbi et orbi, pardon au pouvoir et à la nation, qui ont parfois le don d'agacer certains fidèles, car, bon an mal an, les gouvernants, la patrie et les hommes intègres dans tout leur ensemble auront leur lot de baraka.

Certains ont beau expliquer qu'ont bénit nos dirigeants pour que la sagesse les inspire dans la conduite des hommes, d'autres y voient une espèce d'allégeance qui ne dit pas son nom.

Mais pour ce Ramadan 2014, on a assisté de la part du grand imam de Ouagadougou, Aboubacar Sana, à un message d'une toute autre nature. A situation exceptionnelle, prêche exceptionnel. Et pour cause.

En effet, à l'occasion de la prière de l'Aïd el-Fitr, le lundi 28 juillet 2014 à la place de la Nation, le chef spirituel y est allé de sa prédication, conforme à l'air du temps politique, et franco : «J'ai vu le président du Faso, le président de l'Assemblée nationale et certains de nos ministres visiter au Rwanda la maison où sont entreposés les crânes des victimes du génocide. Je les exhorte à faire en sorte que des gens ne viennent pas visiter une telle maison au Burkina... Evitez-nous un Rwanda ou une Centrafrique... Ayez la crainte de Dieu.» Amyn !!!

On connaît le contexte dans lequel cette prière est intervenue : une crise larvée avec pour origine le projet du CDP de faire sauter le verrou constitutionnel qui empêche Blaise Compaoré de briguer un autre mandat au terme de l'échéance de 2015.

Qu'une autorité morale et spirituelle s'en émeuve et sonne le tocsin, quoi de plus normal, dans la mesure où c'est souvent aux leaders religieux que les hommes politiques ont recours pour éteindre l'incendie social.

Mais si les propos d'Aboubacar Sana sont d'abord adressés aux gouvernants burkinabè parce qu'après tout, ce sont eux qui ont le pouvoir d'Etat et donc le destin de 16 millions d'âmes, l'opposition , la société civile, la presse auraient tort de rire sous cape, en croyant ne pas être concernées par cette pédagogie de l'horreur.

Autant la guerre se fait à deux ou à plusieurs, autant la paix a besoin de plusieurs mains pour se façonner et se consolider. La preuve, l'exemple rwandais, que l'Imam a pris, a opposé de la façon la plus tragique deux camps.

Si l'imam est allé jusqu'à faire allusion à l'une des pires abominations du XXe siècle pour prévenir toute menace à la paix, c'est que la situation est critique. Et les différentes parties prenantes, qu'elles aient déjà effectué le pèlerinage au musée de l'horreur rwandais ou pas, doivent se fixer des lignes rouge-sang à ne pas franchir.

Même si on le répète, c'est d'abord à ceux qui nous gouvernent de savoir raison garder. Faut-il leur rappeler le proverbe cher à l'ambassadeur français au Burkina, Gilles Thibault, «an tara panga, en tar sougri»?(1)