Hadj 2013 : les nouvelles conditions du paradis

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Title
Hadj 2013 : les nouvelles conditions du paradis
Publisher
Le Pays
Date
19 June 2013
Abstract
Cette année, tous les candidats au pèlerinage ne se rendront pas à La Mecque ! Contre toute attente, les autorités saoudiennes ont en effet annoncé le week-end dernier seulement, une réduction du nombre des visas. Raison invoquée officiellement : les travaux d'agrandissement de la Grande Mosquée.
Spatial Coverage
Arabie saoudite
Rights
In Copyright - Educational Use Permitted
Language
Français
Contributor
Frédérick Madore
content
Cette année, tous les candidats au pèlerinage ne se rendront pas à La Mecque ! Contre toute attente, les autorités saoudiennes ont en effet annoncé le week-end dernier seulement, une réduction du nombre des visas. Raison invoquée officiellement : les travaux d'agrandissement de la Grande Mosquée.

De sources officieuses, on craindrait plutôt la propagation du coronavirus, proche du Syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS). Apparemment, le régime saoudien serait pris entre le marteau et l'enclume ! Mais les raisons officiellement avancées ne sont-elles pas discutables ?

Le coronavirus avait fait plus de 800 victimes dans le monde en 2003. Or, il a été découvert cette année sur un malade suspect en Arabie Saoudite où on rapporte de nombreux cas d'infection et de décès.

D'origine égyptienne, le virologiste de l'hôpital de Jeddah qui avait annoncé la nouvelle dans un journal saoudien, s'était immédiatement vu licencier et renvoyer dans son pays d'origine.

Comment donc ne pas croire que des inquiétudes en matière de santé, sont à la base des mesures de réduction du nombre de pèlerins cette année ? La crainte d'une propagation du coronavirus serait donc bien fondée.

En effet, l'Arabie saoudite passe aujourd'hui pour le pays le plus touché par le virus : 28 décès et 46 cas détectés depuis septembre 2012, date à laquelle on avait dénombré au total 33 décès dans le monde.

A deux pas du Hadj, déjà dix fois plus de malades ont été identifiés, dont au moins un à La Mecque ! Autant dire que cette seule raison aurait suffi pour justifier la mesure de réduction du nombre de pèlerins. Surtout dans un espace restreint, où plus de 5 millions de pèlerins vont devoir se côtoyer.

Riad ne ferait donc que tenter de limiter les dégâts. Car, des dispositions devront être prises au retour par les pays envoyant des pèlerins en Arabie Saoudite cette année. Pour l'instant, l'Organisation mondiale de la santé (OMS), n'a pas donné de recommandations particulières aux pèlerins qui souhaitent se rendre à La Mecque.

Que fera-t-on en Afrique en particulier ? Au Burkina Faso où la déception a toujours été grande s'agissant des conditions de départ, du séjour et du retour de nos pèlerins, que pourra-t-on faire de sérieux ? Il y a de quoi être inquiet à l'approche du pèlerinage 2013.

S'agissant des travaux à la Mecque, d'extension, ils se justifient pleinement. Les gens se préparant toute leur vie durant, au fil des ans le nombre des pèlerins va croissant.

Les besoins aussi. Et pour un pays aussi riche que l'Arabie Saoudite, le problème financier ne devrait pas tellement se poser, les autorités engrangeant ordinairement des milliards de dollars à chaque Hadj.

Il leur faut plutôt savoir être prévoyant, le problème des infrastructures devant se poser à un moment ou à un autre. C'est donc légitime qu'on veuille porter la capacité d'accueil de l'esplanade de la Grande mosquée de la Mecque de 1,5 million à 2,2 millions de fidèles.

Chaque pays musulman a en principe droit à un quota de 1000 pèlerins pour un million d'habitants. En 2012, on avait pu ainsi enregistrer 3,1 millions de fidèles venus essentiellement de l'étranger.

Il y a aussi que le terrorisme peut inquiéter légitimement, au point de penser à doter les lieux saints d'infrastructures nouvelles, disposant de moyens technologiques de sécurité beaucoup plus performants. La lutte contre le terrorisme peut donc justifier la prise de mesures idoines.

Le Royaume étant là aussi souverain, il peut prendre toutes mesures susceptibles de contrer les actions de gens mal-intentionnés.

Nul n'ignore à ce jour que l'Arabie Saoudite fait partie des cibles de l'international « djihadiste », qui a toujours vu d'un mauvais œil la profondeur et la solidité des liens de collaboration entre le royaume et les pays occidentaux.

Riad qui a déjà enregistré des actes d'agression sur les lieux saints par le passé, est donc fondé à prendre ses dispositions pour assurer sa protection et celle des fidèles musulmans dont de nombreux étrangers.

A quatre mois du grand pèlerinage et à moins d'un mois du ramadan, la décision de Riad commence à faire du bruit. Une vraie catastrophe dans des pays comme le Burkina Faso où les fidèles s'obligent à respecter l'un des cinq piliers de l'islam.

Il y a de quoi fulminer, surtout après des années de préparation, de sensibilisation et de... mobilisation. Entre colère, indignations et damnations, l'ego en prendra sûrement un coup dans des milieux où parfois le pèlerin aspire même à aller mourir sur les lieux saints. Lui qui a prié Allah le Tout-Puissant dans cette intention, comment gèrera-t-il la décision des autorités saoudiennes ?

Pour cette année, il va donc falloir se plier aux directives officielles en provenance de Riad. Dans la plupart des pays, l'on organise déjà des tirages au sort pour sélectionner les heureux élus. Dans certains pays arabes, le quota a été considérablement réduit.

C'est le cas de l'Algérie : 27 800 passeports pour le Hadj contre 36 000 l'an passé. Par contre, dans d'autres pays comme le Maroc, c'est l'expectative : on attend toujours que soient clarifiées les modalités de cette réduction. Quid du Burkina Faso ?

Les autorités saoudiennes ont donc choisi d'anticiper. Le nombre de pèlerins venant de l'étranger se trouve réduit de 20%, et celui des fidèles de l'intérieur du royaume de 50%. Considérée comme « exceptionnelle » et « temporaire », la mesure va donc contraindre des millions de nationaux et d'étrangers à reporter le Hadj mais aussi la Umra (le petit pèlerinage).

Des exégètes musulmans, les oulémas, dénoncent la décision prise et rappellent que « la charia ne permet nullement de reporter le grand pèlerinage ».

Outre la déception de millions de musulmans qui ont économisé toute une vie pour accomplir le cinquième pilier de l'islam, l'Arabie Saoudite devra renoncer à une manne de 50 milliards de dollars. Mais, gageons que Riad saura entrer dans ses fonds en un temps record.

L'Arabie Saoudite serait donc bien fondée à prendre les mesures comme elle l'a fait, s'agissant des questions de santé. Peut-être aurait-il fallu prévenir plus tôt ? L'on peut comprendre le souci de réduire le nombre de pèlerins au moyen de quotas.

Mais sur la base de quels critères va-t-on vraiment procéder sur le terrain ? Il y a là des inquiétudes à se faire, tant la démographie varie d'un endroit à l'autre, et bien entendu avec elle, la ferveur dans la religion et le nombre de fidèles musulmans.

Comment les choses se passeront-elles véritablement dans nos différents pays ? Sûr qu'en Afrique, ce sera la traite pour la bande des mafieux, des malfaisants et tous ceux qui n'ont jamais eu peur de Dieu et qui frémissent de joie lorsque se présente l'occasion de se faire impunément de l'argent. Quelles autorités seront assez responsables pour aider à faire le tri en toute impartialité ?

Dans à peu près quatre mois, des millions de pèlerins musulmans devront prendre le chemin de La Mecque. Toutefois, pour un certain temps tout au moins, les chemins menant au Paradis resteront fermés sur terre pour un grand nombre de gens.
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