Imam Tiego à propos de la fête de ramadan : « L'islam ne nous autorise pas à servir l'alcool à nos invités non musulmans »

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Title
Imam Tiego à propos de la fête de ramadan : « L'islam ne nous autorise pas à servir l'alcool à nos invités non musulmans »
Creator
Hamadi Baro
Publisher
Le Pays
Date
9 August 2013
Abstract
Après un mois de pénitence, voici venue l'heure de la fête de Ramadan pour rendre grâce à Dieu. Si certains souhaitent qu'Allah prolonge ce glorieux mois, d'autres ont commencé à pousser un ouf de soulagement.
Rights
In Copyright - Educational Use Permitted
Language
Français
Contributor
Frédérick Madore
content
Après un mois de pénitence, voici venue l'heure de la fête de Ramadan pour rendre grâce à Dieu. Si certains souhaitent qu'Allah prolonge ce glorieux mois, d'autres ont commencé à pousser un ouf de soulagement.

Pour en savoir plus sur cette fête de remerciements à Allah, nous avons rencontré l'imam Tiégo Tiemtoré de l'AEEMB. Il nous donne les raisons pour lesquelles il n'y a pas de date fixe pour la fête, le sens même de la fête, de sa préparation et de l'ambiance durant la fête.

Après un mois de jeûne, bientôt la fête. Quand est-elle prévue ?

La fête est prévue jeudi ou vendredi inch' Allah, et ce, en fonction du début du jeûne car, le mois de Ramadan compte 29 ou 30 jours.

Pourquoi, malgré les nouvelles technologies qui nous permettent d'avoir des informations précises, on est toujours en Islam au stade de la vision oculaire de la lune pour jeûner ou fêter ?

C'est vrai. C'est un débat récurrent qui n'a pas été totalement tranché même par les savants musulmans. Il fait toujours l'objet de débat, pour la simple raison qu'il y a le fait qu'on veuille respecter, au sens strict, le texte islamique qui dit « voyez la lune avant de jeûner, et voyez la lune avant de rompre ». D'autres estiment qu'on peut voir, d'une manière autre que la vision physique, la lune. Mais les savants contemporains disent qu'on peut jumeler les deux. On peut calculer le nombre de jours, mais on ne peut pas écarter la manière première de voir la lune, c'est-à-dire la perception par les yeux. Aujourd'hui, c'est possible, il suffit qu'il y ait un ou deux musulmans dignes de confiance qui aperçoivent le croissant lunaire au début ou à la fin et c'est valable pour toute la communauté. Donc, on ne demande pas à tout le monde de voir la lune. Quelqu'un peut avoir des problèmes d'yeux. Le ciel peut être nuageux. Voilà pourquoi, le texte islamique est clair « si vous voyez la lune, jeûnez ; si vous voyez la lune, vous rompez ». Donc, cela ne pose pas un grand problème. Je crois que la science évolue, mais on reste accroché aux textes islamiques parce que la science peut se tromper. C'est ce qu'il ne faut pas aussi oublier.

Pourquoi une fête après un mois de jeûne et quel sens accordez-vous à cette fête de Ramadan ?

Le mois de Ramadan lui-même est un mois de fête, un mois de rencontre avec Dieu parce que c'est un mois de purification, de retour à Dieu, de rapprochement. Un mois d'élévation spirituelle. On essaie d'éduquer tous ses sens à accomplir plus de bien que de mal. On est donc dans une dynamique d'ascension spirituelle vers le Seigneur. Pendant un mois, on a mis en éveil nos sens pour adorer Dieu. On était, chaque jour, content de rompre le jeûne et de remercier Dieu pour les bienfaits qu'il nous a accordés. La fête est une manière de dire « merci à Dieu de nous avoir accordé ce mois de grandes bénédictions, un mois qui finit et qui ne revient que l'année suivante », un mois qui compte pour beaucoup dans la balance des bonnes actions du croyant, un mois où Dieu pardonne toutes les fautes du croyant. Mais quel est le mot que l'on peut employer pour dire merci à Dieu ? La prière est avant tout une dimension spirituelle qui nous permet de rendre grâce à Dieu, de lui dire merci.

Alors, peut-on dire que cette prière est une obligation ?

La prière de la fête n'est pas une obligation, mais les savants la jugent comme une recommandation. Si l'on n'a pas d'empêchement majeur, il est important de se rendre à la prière. Mais ce n'est pas obligatoire au sens juridique du terme.

En quoi consiste donc cette prière ?

La prière consiste en deux unités de prières (rakats) plus le sermon de l'imam. On a remarqué dans certains lieux de prière qu'après les deux rakats de l'imam, les gens prennent leur tapis et s'en vont. Vous n'êtes pas obligés de rester, mais en réalité vous êtes venus pour cela. Vous avez 30 mn dans l'année pour dire merci à Dieu, pour prendre part à cette prière afin de recevoir des bénédictions. Cette prière est très importante si bien qu'on dit que les femmes qui sont en menstrues peuvent venir sur le lieu de la prière pour avoir des bénédictions. Si vous faites les deux rakats et vous repartez, vous avez divisé la prière, vous l'avez morcelée. Vous n'avez pas l'entièreté de la récompense. Après les deux rakats, le sermon ne durera même pas 30 mn, sermon au cours duquel, l'imam nous interpelle sur nos droits et devoirs et réveille nos cœurs. Il nous rappelle pourquoi Dieu mérite d'être adoré et remercié. Il nous interpelle, chacun, sur notre destinée. Puis, on fait des voeux pour nos familles nos parents et notre pays. C'est un moment de communion, un moment de rencontre des frères et sœurs. Donc, il ne faut pas partir avant la fin de la prière. La prière est composée de deux rakats plus le sermon de l'imam et, à la fin, on se congratule, on se souhaite les meilleurs vœux pour le prochain mois de Ramadan inch'Allah.

Comment se prépare justement cette fête-là ?

Dans la tradition musulmane, on se pare de ses plus beaux habits le jour de la fête. On se rend et on revient du lieu de la prière par des chemins différents. La tradition musulmane dit que Dieu poste des Anges à chaque passage, à chaque six-mètres pour témoigner de cette ferveur retrouvée. Voilà pourquoi on souhaite partir et revenir par des chemins différents pour que plusieurs Anges soient témoins de vos va-et-vient. Et contrairement à la Tabaski où on part prier et on revient manger quelque chose, pour le Ramadan, on prend le petit-déjeuner avant d'aller prier. En attendant l'imam, on chante la gloire de Dieu « Soub-hânallah, wal Hamdou lillahi, wa lâ ilâha illallah, wal-lahou Akbar » (gloire à Dieu, louange à Dieu, il n'y a de Dieu que Dieu, Dieu est le plus grand). On remercie Dieu. On évite le bavardage parce que c'est un grand moment de communion et on reste silencieux jusqu'à l'arrivée de l'imam. Après les deux Rakats et le sermon, on se fait des daas (invocations) et on se quitte. Lorsqu'on revient à la maison, c'est la fête. On partage la joie avec la famille, les amis, les voisins et également avec tous ceux à qui on offre à manger.

Est-ce qu'il y a des principes édictés pour la fête qu'il faut respecter ?

Bien sûr ! Ce qui est interdit avant Ramadan demeure interdit durant le Ramadan et même le jour de la fête. Ce qui était licite demeure licite. Donc, ce jour-là est un jour où vous remerciez Dieu. Vous ne pouvez pas remercier Dieu et en même temps l'offenser. Pas question pour un musulman pendant qu'il rompt son jeûne, le jour de la fête, de consommer ce qu'Allah lui a interdit. Le Coran a cité les interdits alimentaires tels que la consommation de l'alcool. C'est important de ne pas désobéir à Dieu le jour de la fête. Le prophète Mohammed (SAW) nous dit « pas d'obéissance à une créature dans la désobéissance de Dieu ». Il faut toujours chercher à faire plaisir à Dieu avant tout. Comme le dit un hadith (propos prophétiques), quand vous décédez, il y a trois choses qui vous accompagnent au cimetière. Deux choses reviennent et une reste. Des trois choses qui vous accompagnent, ce sont vos actions, vos biens et vos familles, parents et amis. On peut te mettre dans ta propre voiture aller t'enterrer et revenir. Mais tous ceux-là reviennent. Tu restes dans la tombe avec tes actions. Personne ne peut te sauver demain si ce ne sont tes bonnes actions. Ne cherchons donc pas à plaire aux gens, cherchons à plaire à Dieu. C'est le sens fondamental du Tawhid (l'unicité de Dieu). Rien que pour Dieu et tout pour Dieu.

Quelqu'un qui ne consomme pas d'alcool et qui reçoit des invités, notamment des amis de service qui ne sont pas musulmans, peut-il se permettre de leur servir de la bière ?

Non, l'Islam ne nous permet pas de servir de l'alcool aux invités non musulmans. L'alcool est interdit avant, pendant et après le Ramadan. Il n'est pas question que le jour de la fête, de la rencontre avec Dieu, l'Islam lui permette cela. Il faut assumer sa foi. Quand on est un homme de foi, c'est une responsabilité vis-à-vis de Dieu et des Hommes. Donc, il faut que ceux qui vous rendent visite sachent qui vous êtes. Vous n'avez pas une foi hypocrite, où on fait le jour ce qu'on ne fait pas la nuit où vice-versa. Maintenant, on trouve des musulmans qui le font. Il faut prier Dieu pour eux. Mais, ils doivent savoir que ce n'est pas bon. Nous ne sommes pas des Anges, on se trompe. Prions Dieu pour qu'ils ne perdurent pas dans l'erreur.

Pour la fête, il est question d'accompagner les pauvres et les nécessiteux à travers la Zakatoul Fitr, l'impôt de la rupture du jeûne. En quoi consiste cet accompagnement ?

L'impôt de la rupture du jeûne ou Zakatoul fitr consiste à donner de la nourriture aux pauvres. Il y a deux objectifs à ce sujet. Un objectif spirituel de purification du jeûne. La tradition musulmane nous dit que, malgré nos précautions, notre jeûne peut être entaché d'erreurs. Donc, la Zakatoul fitr purifie le jeûne et le présente au Seigneur parce que sans l'impôt de la rupture du jeûne, votre jeûne reste suspendu entre ciel et terre. C'est une image pour montrer que Dieu n'accepte pas le jeûne qui comporte trop d'erreurs. On a peut- être menti, mal regardé les gens. On a eu de mauvaises pensées sur les gens. Tout cela vient se greffer à notre jeûne. Comme Dieu n'accepte pas ce qui est impur, pour le purifier, la Zakatoul fitr débarrasse notre jeûne de toutes ces imperfections. Donc c'est son premier objectif, le spirituel. Le deuxième objectif est social et communautaire : le jour de la fête, il n'est pas décent qu'il y ait encore des gens qui mendient. On demande donc aux gens d'être généreux, d'être solidaires en donnant à manger à des personnes nécessiteuses et si possible en avoir pour deux jours après la fête. Voilà pourquoi on demande que la Zakat soit donnée aux personnes nécessiteuses pour leur permettre également de partager la joie le jour de la fête. Elle correspond à environ 2,6 kg de l'aliment le plus répandu que vous consommez pour chaque individu à la charge du chef de famille. Et elle se donne un à deux jours avant la prière jusqu'au matin avant la prière.

Comment cet impôt est-il collecté et distribué ou bien chacun le prélève et le donne à qui il veut ?

Il faut ici interpeller les associations musulmanes à mieux organiser la Zakatoul fitr parce que cela donne un sentiment de désordre à l'Islam. L'Islam n'est pas désordonné. Les hommes peuvent être désordonnés. Il y a une nuance : c'est nous qui manquons d'imagination pour mieux nous organiser dans notre religion. A partir du moment où on dit que cela revient aux pauvres, une mosquée peut, avant le mois de Ramadan ou dès le début du mois du Ramadan, identifier les personnes nécessiteuses dans le quartier et dresser une liste. On a des jeunes bénévoles qui vont se charger, quand la Zakat est donnée à temps, de conditionner les céréales dans les sacs ou les sachets, et de désigner des gens qui passeront dans les quartiers pour les remettre de manière discrète, avec pudeur, à ces personnes nécessiteuses. Il faut éviter, de mon point de vue, que les gens viennent s'aligner devant une mosquée pour recevoir la Zakatoul fitr. Je pense qu'il faut préserver l'honneur et la dignité de ceux qui la reçoivent. C'est pourquoi il faut donner la Zakat plutôt pour que les mosquées puissent s'organiser à ce sujet. J'interpelle donc les associations islamiques à mieux organiser la Zakat. Le plus souvent, des gens rentrent dans une mosquée, le jour de la fête quelques minutes avant la prière, pour remettre leurs céréales de Zakatoul fitr. Comment peut-on distribuer cela à temps ? Le jeune qui prend la Zakat va à la prière. Alors, cette Zakat ne pourra pas arriver à destination. Donc, il faut donner un peu plus tôt, pour que chacun puisse avoir le temps de s'organiser.

Maintenant, parlons de l'ambiance durant la fête. Les gens, notamment les jeunes, aiment écouter la musique et danser. Alors, peut-on écouter la musique en manifestant sa joie ?

Le musulman a des loisirs. Ce n'est pas interdit en Islam. Mais on le fait avec ce qui est licite. Donc, il faut parler au cœur. Il faut ouvrir ses sens à ce qui fait plaisir aussi. Autant on a des nourritures du corps, autant on en a également pour l'âme, pour le cœur. Chacun d'entre nous, selon sa foi, sa croyance, le degré de sa relation avec Dieu, saura quoi choisir pour égayer sa fête. On ne peut pas imposer des choses aux gens. Mais chaque cœur a besoin de ce qui le rassure. Il faut chercher ce qui va rassurer ton cœur et non ce qui va mettre une barrière entre toi et Dieu.

A présent, qu'est-ce qui vous tient à cœur et que vous désirez transmettre à nos fidèles lecteurs ?

A la fin donc de ce mois béni du Ramadan, je réitère mes vœux de bonne santé, de piété élevée à nos fidèles musulmans et leur demande de prier autant pour leurs parents, leur famille et pour eux-mêmes, mais aussi, pour notre pays. J'aime prendre l'exemple du prophète Abraham qui priait pour lui-même, sa famille, mais également pour son environnement. Le bon croyant prie pour son pays. Si votre pays n'est pas stable, il n'y aura pas de mosquée, il n'y aura pas d'église. Donc, la stabilité, la paix, la bonne ambiance de l'espace dans lequel tu vis est une des conditions pour que tu puisses asseoir ta foi et la vivre. Si aujourd'hui, notre pays est dans la rébellion ou en guerre, on n'aura pas le temps de jeûner, on ne pourra ni faire la Zakat ni faire le pèlerinage. Nous allons nous entre-déchirer, il y aura l'exil, il y aura toutes sortes de dysfonctionnements dans la société. La stabilité, la paix dans notre pays est une chose importante. N'oublions pas cela dans nos prières. Je souhaite une bonne fête à tous les musulmans.
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