Journée nationale de pardon : le déclic vers la réconciliation?

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Title
Journée nationale de pardon : le déclic vers la réconciliation?
Creator
Morin Yamongbe
Publisher
Le Pays
Date
2 April 2001
Abstract
Le Stade du 4 Août a accueilli un public important, non pas dans le cadre d'un match de football ou d'un concert musical, mais celui d'un rendez-vous avec l'histoire. En effet, avec la Journée nationale de pardon (JNP), Alain B. Yoda, le président du Comité national d'organisation, a réuni autour des anciens et de l'actuel chef d'Etat burkinabè, des délégations venues de provinces, des représentants de victimes et familles de victimes, des responsables coutumiers, religieux et politiques et bien d'autres personnalités. La messe a été dite par Mgr Anselme T. Sanou, Archevêque de Bobo-Dioulasso, président du Collège de sages et président du présidium de la cérémonie de la JNP. C'est autour de 16h15 que le présidium fit son entrée sur la pelouse du stade du 4 août transformée pour les circonstances en confessionnal. Il était suivi du quatuor des anciens chefs d'Etat.
Rights
In Copyright - Educational Use Permitted
Language
Français
Contributor
Frédérick Madore
content
Le Stade du 4 Août a accueilli un public important, non pas dans le cadre d'un match de football ou d'un concert musical, mais celui d'un rendez-vous avec l'histoire. En effet, avec la Journée nationale de pardon (JNP), Alain B. Yoda, le président du Comité national d'organisation, a réuni autour des anciens et de l'actuel chef d'Etat burkinabè, des délégations venues de provinces, des représentants de victimes et familles de victimes, des responsables coutumiers, religieux et politiques et bien d'autres personnalités. La messe a été dite par Mgr Anselme T. Sanou, Archevêque de Bobo-Dioulasso, président du Collège de sages et président du présidium de la cérémonie de la JNP. C'est autour de 16h15 que le présidium fit son entrée sur la pelouse du stade du 4 août transformée pour les circonstances en confessionnal. Il était suivi du quatuor des anciens chefs d'Etat. La couleur blanche était de mise dans la tenue vestimentaire. La démarche avait la solennité des événements de taille et les visages portaient une marque de sérieux, de sérénité et de recueillement. Le Mogho Naaba Baongo, Empereur des Mossé, le Naaba Kiiba du Yatenga et le Ouidi Naaba représentaient au présidium, les autorités coutumières. Les pasteurs Freeman Compaoré, Pawentaoré Jean Ouédraogo et Samuel Yaméogo étaient présents au nom des églises protestantes. Les Cheicks Aboubakar Sana grand Imam de Ouagadougou, Aboubakar Maïga de Ramatoulaye, et Aboubacar Doukouré de Hamdalaye, représentaient la confession musulmane tandis que Anselme Sanou, Archevêque de Bobo-Dioulasso, Roger Ouédraogo et Joël Tapsoba siégeaient au présidium au nom de l'Eglise catholique. En face des détenteurs des pouvoirs religieux et coutumiers, le Général Sangoulé Lamizana, le Colonel Saye Zerbo, le Commandant Jean-Baptiste Ouédraogo, tous anciens chefs d'Etat et le capitaine Blaise Compaoré, président du Faso, se tenaient assis, dans la peau de repentants. En effet, dans la logique de la "continuité de l'Etat", ceux-ci sont coupables des crimes économiques et de sang perpétrés "sur des Burkinabè par des burkinabè".

Le décor était ainsi planté au stade du 4 août où les banderoles rivalisaient entre elles pour faire passer un seul message : le pardon. Accepter et donner le pardon. C'est en un mot le sens de cette cérémonie faite de bénédictions. Nous sommes tous coupables de ce que nous n'avons pas fait, de ce que nous avons mal fait. Qu'avons-nous fait pour être utiles ou nuisibles à ce pays ? Il fallait un moment pour s'arrêter, observer et réfléchir pour rendre au Burkina Faso une paix sociale qui l'a quittée depuis un certain 13 décembre 1998 après le drame de Sapouy. C'est en substance, ce que l'on peut retenir des interventions pleines de subtilités de Mgr Anselme T. Sanou. "La démarche de nos chefs d'Etat honore tout le peuple burkinabè", a signifié l'archevêque de Bobo-Dioulasso, avant de relever que de nombreuses personnes, qu'elles soient du côté de l'opposition ou du pouvoir, devaient accompagner "les pères de la Nation" sur le chemin de l'aveu".

"Dans l'exercice de nos fonctions, nous avons été. consciemment ou inconsciemment, responsables des torts et des meurtrissures qui demeurent encore vicaces : aussi, demandons-nous pardon au peuple burkinabè". La voie du repentir a été ouverte par Sangoulé Lamizana, le doyen des chefs d'Etat. Sur ses pas, Blaise Compaoré, le président du Faso, au nom de l'Etat et de sa continuité prendra le relais. "Nous demandons pardon et exprimons nos profonds regrets pour les tortures, les crimes, les injustices, les brimades et tous les autres torts commis sur des Burkinabè par d'autres Burkinabè agissant au nom et sous le couvert de l'Etat, de 1960 à nos jours". Après ce mea-culpa du chef de l'Etat, qui a considéré la JNP comme le début d'un processus devant conduire à la paix par les canaux de la vérité, de la justice et de la réconciliation, Azèta Sawadogo et Silamane Gnegne, porte-parole des représentants des victimes et parents de victimes ont "accepté de bon coeur le pardon pour le bonheur et la prospérité de notre pays".

Le "master of ceremony" Mgr Anselme T. Sanou a alors relevé que "la nation entière a entendu ce qu'elle attendait des chefs d'Etat", c'est-à-dire leur "condamnation" et leur "responsabilité" dans les drames vécus par de nombreuses familles burkinabè. Tout en remerciant les différents acteurs qui ont contribué à la tenue et à la réussite de cette JNP qui "voudrait être le déclic d'un véritable cheminement de tous les Burkinabè vers la réconciliation nationale et le développement durable de notre pays", Alain Yoda le président du CNO a aussi demandé pardon.

Il a demandé pardon pour les imperfections qui ont émaillé l'organisation de la journée. La minute de silence - qui aurait trouvé une meilleure place en début de cérémonie -, l'hymne aux morts, le lâcher de pigeons, les accolades entre les chefs d'Etats et les représentants des victimes et familles de victimes de même que les prestations de certaines troupes et chorales, ont certainement constitué les moments forts de l'historique JNP. Et après la JNP ? La question reste posée et on espère que les 7 engagements pris par le président Biaise Compaoré, seront concrétisés. Il en va de la crédibilité déjà assez effritée des autorités burkinabè.
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