El Hadji Cheick Aboubakar Sana, Grand Imam de Ouagadougou, Président de la Communauté Musulmane du Burkina

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Title
El Hadji Cheick Aboubakar Sana, Grand Imam de Ouagadougou, Président de la Communauté Musulmane du Burkina
Creator
Aba Kodjo
Publisher
San Finna
Date
26 March 2001
Abstract
A la rencontre des leaders d’opinion, San Finna s’est entretenu avec le Grand Imam de Ouagadougou et Président de la Communauté musulmane du Burkina, El Hadji Cheick Aboubakar Sana. L’homme, très respecté dans son milieu a accepté de se faire interviewer entouré de ses lieutenants El Hadji Koanda Oumar, El Hadji Mahamoudou Tiemtoré, tous deux vice-présidents et El Hadji Baba Sidiki Kontongomdé, secrétaire Adjoint. Incontestablement, le grand Imam de Ouagadougou est un théologien de renom qui a réponse à tout quand il s’agit des questions islamiques. En bon pasteur, il se préoccupe de la vie de ses brebis. C’est donc tout naturellement qu’il a accepté de donner sa compréhension de la Journée Nationale du Pardon. Sans détours, il parle aussi de l’organisation du “ Hadji ” si chère à la communauté qu’il dirige.
Rights
In Copyright - Rights-Holder(s) Unlocatable or Unidentifiable
Language
Français
Contributor
Frédérick Madore
content
A la rencontre des leaders d’opinion, San Finna s’est entretenu avec le Grand Imam de Ouagadougou et Président de la Communauté musulmane du Burkina, El Hadji Cheick Aboubakar Sana. L’homme, très respecté dans son milieu a accepté de se faire interviewer entouré de ses lieutenants El Hadji Koanda Oumar, El Hadji Mahamoudou Tiemtoré, tous deux vice-présidents et El Hadji Baba Sidiki Kontongomdé, secrétaire Adjoint. Incontestablement, le grand Imam de Ouagadougou est un théologien de renom qui a réponse à tout quand il s’agit des questions islamiques. En bon pasteur, il se préoccupe de la vie de ses brebis. C’est donc tout naturellement qu’il a accepté de donner sa compréhension de la Journée Nationale du Pardon. Sans détours, il parle aussi de l’organisation du “ Hadji ” si chère à la communauté qu’il dirige.

San Finna : Pouvez-vous vous présenter aux lecteurs de SAN FINNA ?

Cheick Aboubacar Sana : Je suis Cheick Aboubacar SANA, grand Imam du Burkina Faso, Président de la Communauté musulmane du Burkina. Je suis à la tête de cette communauté depuis décembre 1997.

San Finna : Parlez-nous un peu de la Communauté musulmane du Burkina, de son mode d’organisation et de son fonctionnement.

C.A.S : Je ne saurais dire que je connais parfaitement la Communauté musulmane, parce que l’homme ne peut prétendre tout connaître, seul Dieu connaît tout. Mais je sais que la Communauté musulmane est le “ père ” de toutes les Associations islamiques. La construction des mosquées, des medersas est du ressort de la Communauté musulmane.

San Finna : Depuis quand existe la Communauté musulmane du Burkina ?

C.A.S : La Communauté musulmane a été créée en 1957.

San Finna : Au jour d’aujourd’hui est-ce que vous pouvez nous dire combien la Communauté musulmane compte de membres en son sein ?

C.A.S : La Communauté musulmane compte environ 111 membres y compris le bureau exécutif.

San Finna : Quelle est la représentativité de la Communauté musulmane au niveau national ?

C.A.S : Dans toutes les 45 provinces du Burkina, la Communauté musulmane est représentée. Dans les départements, où il y a une mosquée, il y a un bureau de Communauté musulmane.

San Finna : Monsieur le Président, de votre point de vue, les musulmans du Burkina Faso sont-ils aujourd’hui plus unis qu’hier ?

C.A.S : Je peux dire qu’aujourd’hui les musulmans du Burkina sont plus unis qu’hier, parce que leur nombre ne fait que croître. Avant on rencontrait des musulmans qui adhéraient à la communauté mais priaient toujours séparément, mais aujourd’hui, cette tendance a diminué. A chaque fête musulmane, les fidèles des différentes associations prient ensemble. Ce qui est une très bonne chose.

San Finna : Est-ce à dire que la Communauté musulmane est sans problèmes ?

C.A.S : Non. Bien sûr que nous avons des difficultés. Vous savez que là où il y a un regroupement d’hommes, il existe des problèmes. La Communauté musulmane est une, mais de nombreuses associations sont nées d’elle et cela crée en certain nombre de soucis, du fait de la divergence des points de vue. Il serait difficile citer les difficultés que chaque association rencontre dans le cadre de cet entretien.

San Finna : Mais quelles sont les problèmes fondamentaux ?

C.A.S : Ce que je peux retenir comme difficultés majeures, c’est par exemple l’organisation du Hadj. Il se trouve que nous ne sommes pas libres de l’organiser. Si les choses se passent bien, on ne dit rien, mais si ça tourne mal, la faute incombe aux seuls musulmans, alors que les responsabilités devraient être partagées.

San Finna : Les musulmans du Burkina, à l’instar de leurs coreligionnaires du monde entier viennent de fêter la Tabaski. Quelle importance revêt cette fête pour le musulman ?

C.A.S : On célèbre cette fête depuis le jour où Dieu a mis Abraham à l’épreuve en lui demandant de sacrifier son fils unique. Lorsque Abraham voulut passer à l’acte, Dieu lui envoya un bélier qu’il égorgea en lieu et place de son fils. Depuis lors c’est devenu une loi, une “ charia ” pour tout musulman sur terre de tuer soit un bélier soit un bœuf à l’occasion de cette fête. C’est ce qui se pratique d’ailleurs aujourd’hui de par le monde.

San Finna : Vous disiez tantôt que l’un des problèmes qui minent votre mouvement était la question du Hadj. Comment s’est passé le Hadj pour les musulmans du Burkina cette année ?

C.A.S : L’organisation du Hadj est faite par une commission. Disons que c’est le Gouvernement qui a créé cette commission avec les associations. Ce que je peux dire c’est que depuis le retour des pélerins de la Mecque nous n’avons pas encore été informés sur ce qui s’est passé. Certains de ceux qui sont allés à la Mecque disent que c’était bien. Mais nous n’avons pas encore reçu des informations fiables par rapport aux difficultés que nos pèlerins ont pu rencontrer.

San Finna : Il semble que le Burkina ait eu à déplorer des pertes en vies humaines ?

C.A.S : Ce dont nous sommes au courant, c’est que deux personnes sont mortes. Nous attendons le rapport général.

San Finna : Vous voulez dire que la Communauté musulmane du Burkina ne fait pas partie de l'organisation du Hadj ?

C.A.S : Elle en fait partie. Comme toutes les associations musulmanes. Mais c’est seulement les premiers responsables de l’organisation du Hadj qui peuvent nous fournir de plus amples informations. S’il ne tenait qu’aux seuls musulmans, nous saurions ce qu’il y a lieu de dire.

San Finna : Est-ce à dire que la Communauté musulmane peut-elle seule organiser le pélerinage ?

C.A.S : La communauté musulmane peut faire certaines choses et ne peut pas faire d’autres. Elle ne peut pas par exemple trouver un passeport à quelqu’un, cela est du ressort de l’Etat ; même s’occuper de la santé et de la sécurité des pélerins, il faut l’intervention de l’Etat. En dehors de ces aspects la Communauté peut s’occuper du reste. Ce qu’elle avait du reste toujours fait jusqu’à l’intervention de l’Etat.

San Finna : Mais comment se fait-il qu’après chaque pélerinage il y ait mésentente ?

C.A.S : C’est que je vous disais. L’organisation du Hadj n’incombe pas uniquement aux musulmans. Beaucoup d’associations sont impliquées dans l’organisation du pélerinage ce que fait qu’il est difficile de s’accorder sur une seule voie. La Communauté musulmane sait ce qu’elle peut dire en ce qui la concerne.

San Finna : N’est-ce pas le problème d’argent qui divise les gens plutôt que la foi ?

C.A.S : Nous pensons que le problème ne se situe pas au niveau de la foi, parce qu’à ce niveau chacun a sa place. Mais on constate que dès qu’il s’agit du Hadj, il y a toujours des querelles. C’est bien à cause de l’argent.

San Finna : Que peut-on faire selon vous pour parvenir à une entente autour de ces problèmes ?

C.A.S : L’entente sera difficile. On remarque que c’est le problème d’argent qui crée tous ces malentendus. Sinon au niveau de la prière, le problème ne se pose pas. Je pense qu’il serait mieux qu’on confie l’organisation du Hadj à la Communauté musulmane. Elle saura quelle association, elle va adjoindre à l’organisation du pèlerinage. Lorsqu’il y a un problème national, on fait volontiers appel à la Communauté musulmane, mais quand il s’agit du Hadj, on confie cela à des associations. On ne pourra jamais s’entendre ainsi.

San Finna : Pour en revenir à l'actualité nationale, il est présentement question de la tenue de la Journée Nationale du Pardon les 30 mars 2001. Qu’est-ce que le pardon selon l’islam ?

C.A.S : Le pardon existe en Islam. Sans le pardon, il n’y a pas entente entre les hommes. Dieu a un nom dans l’Islam qu’on peut traduire par “ pardon ’’Pour nous, croyants il nous arrive d’enfreindre aux lois de Dieu, mais nous croyons que c’est grâce au pardon de Dieu que nous pouvons être nous aussi pardonnés.

San Finna : Quelle est donc la position de la Communauté musulmane par rapport à la Journée Nationale du Pardon ?

C.A.S : Je crois qu’aucun burkinabé ne peut dire que le pardon n’est pas une bonne chose. La Communauté musulmane fait partie intégrante du peuple burkinabé et avec lui elle veut le pardon et veut oublier le passé. On peut toujours chercher la cause du décès d’une personne mais nous les musulmans, nous disons de s’en remettre à Dieu, et souhaiter que ce qui s’est produit ne se répète plus. Nous voulons que les uns et les autres puissent se pardonner.

San Finna : D’aucuns pensent qu’il ne peut y avoir de pardon sans vérité.

C.A.S : C’est vrai. Dans l’Islam, il est dit qu'il ne peut y avoir justice sans pardon. Les deux vont de pair. Il faut le pardon qui contribue à la justice. Il n’y a pas de vérité que ce qu’on veut qui soit vrai. Pour nous autres qui croyons en Dieu, son message est la vérité pour nous. Pour d’autres, il n’en est rien.

San finna : En tant que président de la communauté musulmane quel message avez vous à donner aux gens par rapport à la situation de nos compatriotes résidant en Côte d’Ivoire ?

C.A.S : Nous avons tous appris la situation que vivent nos compatriotes en Côte d’Ivoire. Il appartient au Burkina d’être attentif à ce qui se passe en Côte d’Ivoire parce que ce sont des burkinabé qui sont concernés. Nous pensons aussi que les gens sont appelés à vivre dans des pays autres que leurs pays d’origine. Il y a des ivoiriens au Burkina, au Mali au Ghana... L’islam nous recommande d’entretenir des relations de bon voisinage. Cette situation est du reste une école pour chacun de nous car comme le dit cet adage de chez nous “Celui qui dort sur la natte d’autrui, dort à même le sol”.

San finna : Que pensez-vous de l’unité des religions ?

C.A.S : C’est une chose difficile, parce que notre Etat est laïc. Chacun a sa conviction. Au niveau des religions, pour nous les musulmans il n’y a qu’un seul Dieu, mais chaque religion a sa loi. Nous pouvons travailler ensemble pour défendre une même cause.

San Finna : Le mot de la fin ?

C.A.S : Je remercie votre journal pour l’attention qu’il nous a accordée. Nous demandons à Dieu q’il vous assiste dans votre travail, qu’il protège le Burkina et nous accorde sa miséricorde. Que Dieu Tout-Puissant sauve le Burkina Faso.

SAN FINNA : Amina

Aba Kodjo/RM
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