Laïcité et maintien de la paix dans l'espace francophone subsaharien : le cas du Mali et du Burkina Faso

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Academic Article
Title
Laïcité et maintien de la paix dans l'espace francophone subsaharien : le cas du Mali et du Burkina Faso
list of authors
Yenteme Djagba
Abstract
fr La multiplication des attaques terroristes en Afrique francophone en particulier au Mali et au Burkina Faso, révèle l'insuffisance d'une stratégie de lutte antiterroriste uniquement basée sur la réponse militaire et interroge sur l'impact de la laïcité dans le maintien de la paix. En tant que principe de gouvernance et d'organisation de l'État, la laïcité proclamée par les constituants du Mali et du Burkina Faso, est censée permettre à ces pays d'assurer librement leurs fonctions régulatrices et identitaires afin de mieux répondre aux besoins des citoyens. Aussi, sa violation constatée dans le fonctionnement des institutions politiques, expliquerait en partie les crises dans ces régions et leurs répercussions sur d'autres États de l'Afrique de l'ouest. A cet égard, la fragilité du Mali et du Burkina Faso au niveau socio-économique favoriserait l'implantation des groupes terroristes, facilitée parfois par le fait que l'islam y reste une religion très influente dans la vie sociale comme politique. Ainsi, c'est la question générale de la bonne gouvernance qui se pose en réalité même si elle ne devrait pas occulter celle de la pertinence civilisationnelle du principe de laïcité, appliqué à des sociétés africaines organisées suivant des logiques ethniques ou confessionnelles au-delà de la pertinence des arguments théoriques et juridique qui en font un outil pacificateur.
en The multiplication of djihadistes attacks in French-speaking Africa especially in Mali and in Burkina Faso, reveals the insufficiency of a strategy of fight against terrorism only based on military answer and questions about the impact of secularism in the maintaining of peace. As principle of governance and of organisation of the State, the secularism proclaimed by the constituents of Mali and of Burkina Faso, is supposed to allow these countries to assure freely their regulating and self-defining functions to answer better in need of the citizens. Also, his violation determined in the functioning of the political institutions, would explain crises partly in these regions and their repercussions on other States of Western Africa. In this respect, the fragility of Mali and of Burkina Faso at socioeconomic level would favour the establishment of the terrorist groups, made easier sometimes due to the fact that Islam remains a very influential religion in social life as politics there. So, it is the question of the good governance that is at issue in reality which besides is be common in a good many of Africain States. But, it should not eclipse that of the civilisationnelle pertinence of the principle of secularism applied to Africain societies organised according to ethnic or denominational logic more than on a sum of désécularisés individuals-citizens, beyond the pertinence of theoretical and legal arguments making secularism a peacemaking tool.
Journal
Revue internationale des francophonies
issue
9
Date
2021
Language
Français
Wikidata QID
Q113524307
Spatial Coverage
Burkina Faso
Mali
extracted text
Revue internationale des francophonies
ISSN : 2556-1944
Éditeur : Université Jean Moulin Lyon 3
9 | 2021
La laïcité : problématiques et pratiques dans l’espace francophone. Volume 2

Laïcité et maintien de la paix dans l’espace
francophone subsaharien : le cas du Mali et
du Burkina Faso
Yenteme Djagba

https://publications-prairial.fr/rif/index.php?id=1276
DOI : 10.35562/rif.1276
Référence électronique
Yenteme Djagba, « Laïcité et maintien de la paix dans l’espace francophone
subsaharien : le cas du Mali et du Burkina Faso », Revue internationale des
francophonies [En ligne], 9 | 2021, mis en ligne le 03 juin 2021, consulté le 17 juin
2021. URL : https://publications-prairial.fr/rif/index.php?id=1276

Laïcité et maintien de la paix dans l’espace
francophone subsaharien : le cas du Mali et
du Burkina Faso
Yenteme Djagba

PLAN
I. Un idéal de droit : la préséance de la laïcité dans le maintien de la paix
I.1. La visée sécuritaire de la laicité
I.1.1. Des fondements juridiques : l’affirmation de la laïcité comme
facteur de promotion des droits de l’Homme
I.1.2. Des fondements politiques : la quête de la stabilité par une
neutralité de l’État
I.2. La contribution sécuritaire de la laïcité
I.2.1. Les velléités de changement démocratique des régimes politiques
I.2.2. La tolérance de la diversité des religions
II. Une réalité de fait : La fragilité du maintien de la paix dans la pratique de
la laïcité
II.1. La persistance d’un dynamisme religieux dans la gestion des affaires
publiques
II.1.1. La capitulation du politique devant le religieux
II.1.2. L’affirmation d’un leadership islamique : l’islamisation normative
II.2. Le risque d’instrumentalisation du religieux par le pouvoir
II.2.1. La possibilité de crises politiques
II.2.2. L’accroissement de la précarité sociale et politique
Conclusion

TEXTE
1

Le maintien de la paix reste à l’heure actuelle une préoccupation de
premier ordre en Afrique de l’ouest comme partout d’ailleurs dans le
monde. Depuis la fin du XXe siècle, à l’heure de l’apparition des socié‐
tés multiculturelles dominées par l’identitaire, et de l’importance des
phénomènes de radicalisation religieuse, certains espaces franco‐
phones sont particulièrement déstabilisés par une série d’attaques
djihadistes d’une gravité extrême. C’est le cas entre autres du Mali et
du Burkina Faso dont les populations sont presque majoritairement
musulmanes 1. Dans cette partie du continent africain, on assiste de
plus en plus à des assauts armés contre l’État, à des agressions terro‐

Laïcité et maintien de la paix dans l’espace francophone subsaharien : le cas du Mali et du Burkina Faso

ristes islamistes perpétrées par les membres de diverses organisa‐
tions dans le cadre du djihad qu’elles mènent dans le monde entier.
Bien que les ambitions de ces organisations diffèrent selon le pays où
elles opèrent, leurs actions s’inscrivent avant tout dans une radicali‐
sation de la pratique de l’islam au mépris des valeurs étatiques, no‐
tamment du multiculturalisme prôné par les constituants négroafricains. Cette situation a un impact direct sur la laïcité en tant que
concept philosophique, sociétal et juridique voire constitutionnel.
2

Selon le dictionnaire de droit constitutionnel, la laïcité est un sys‐
tème de valeur qui permet d’affirmer la distinction du domaine tem‐
porel par rapport au domaine spirituel (Duhamel, Mény, 1992, 562).
Forgée d’abord dans le contexte de la culture chrétienne romaine
pour affirmer dès la fin du Moyen Âge la dissociabilité de la christia‐
nité et de l’humanité, la laïcité sera ensuite introduite dans la
construction de la troisième République en France où elle devient
l’une des composantes décisives du vocabulaire politique et institu‐
tionnel. À ce titre, elle désigne le caractère de l’espace public émanci‐
pé de tout contrôle particulariste, et notamment celui de l’Église et
plus tard de la religion en général. Elle apparaît comme un instru‐
ment de préservation du monopole de l’autorité de l’État indispen‐
sable à la construction d’une citoyenneté égalitaire et universaliste.
En cela, elle se veut à la fois émancipatrice promouvant les droits in‐
dividuels et protectrice des institutions publiques de toute influence
particularistes.

3

Importée par le colonisateur français (Triaud, 2009, 121-143) 2, la no‐
tion de laïcité en Afrique noire francophone revêt un caractère nor‐
matif ou de droit positif grâce à son affirmation fabuleuse et presti‐
gieuse dans les Constitutions 3. Bien que prônée au Mali et au Burkina
Faso comme principe de gouvernance, l’islam y reste une religion très
influente dans la vie sociale comme politique. Ce constat favorise en
partie les ambitions des organisations djihadistes dont les actions
menacent sérieusement la paix dans la sous-région ouest-africaine.
En effet, différentes des guerres civiles (Schindler, 1996, 466-593) 4 ou
de simples émeutes (Kpodar, 2002, 21 ; Zorgbibe, 1975, 6), les actions
des organisations djihadistes se caractérisent par l’utilisation de la
violence ou de la terreur dans la poursuite d’un objectif idéologique
et politique sans qu’il soit aisé d’établir la qualité d’agents ou de re‐
présentants étatiques des auteurs. Elles prennent la forme de terro‐

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risme international opposant les autorités en place voire la popula‐
tion civile à des groupes armés islamistes organisés dont l’enjeu est
de semer la terreur pour substituer radicalement la théocratie basée
sur la loi islamique à l’ordre formellement établi, notamment la démo‐
cratie.
4

Notion encore difficile à cerner, le terrorisme est condamné en droit
international comme en témoignent de nombreuses résolutions de
l’Assemblée générale des Nations Unies (AGNU, 1995, 49/60). De
même, dans la liste des actes incriminés en 1991 par la commission du
droit international (CDI), figure le terrorisme international (C.D.I.,
1991, 101). Or, tout comme les conflits armés internes (Jacquier,
1993,77-82  ; Robert, 2001, 13), le terrorisme international, est une
forme de menace à la paix qui n’était pas formellement prévue par le
système onusien de sécurité collective (Salmon, 2001, 1024) lequel ne
visait à l’origine qu’à pacifier les relations mutuelles entre États
(Dupuy, 1998, 532 ; Brigitte Stern, 1994, 145). Aussi l’ONU s’est-elle vite
forgée une nouvelle conception de la sécurité en s’intéressant, outre
les guerres civiles, au terrorisme international (Barrea, 1991, 136) qui,
à l’instar de celles-ci, peut résulter des facteurs de nature non mili‐
taire (Boutros-Ghali, 1998, 12), d’ordre économique, social, politique
auxquels l’on ajoute la colonisation par l’Occident, les considérations
identitaire, idéologique ou religieuse et la politique étrangère améri‐
caine (El Khadir, 2004, 8-21).

5

Cependant, les efforts de l’ONU (Flory,1965, 446) 5 ainsi que ceux en‐
trepris récemment dans le cadre du G5 Sahel 6 restent encore insuffi‐
sants pour éradiquer cette menace. Au contraire, celle-ci prend une
ampleur inquiétante s’étendant vers les États frontaliers du Mali en
particulier le Niger à l’est et le Burkina Faso au sud. Aussi se
caractérise-t-elle par une configuration assez complexe, marquée
par le choc de différents groupes djihadistes eux-mêmes en proie à
diverses scissions et recomposition au sein des États dont les institu‐
tions restent marquées par une rupture du pacte de la laïcité au pro‐
fit ou au détriment de la religion islamique (Ouédraogo, 2018, 119-140 ;
Vanvyve, 2016, 22-44).

6

Dans les deux cas, il s’agit d’États marqués par une forte population
musulmane mais aussi par une cohésion interne fragile à laquelle une
bonne pratique de la laïcité aurait peut-être pu remédier. Cette

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double caractéristique n’est donc évidemment pas sans influence sur
le maintien de la paix. En effet, l’incapacité des États du Mali et du
Burkina Faso à assurer une gestion saine des deniers publics, à lutter
contre l’injustice et la pauvreté, les rendent plus vulnérables aux at‐
taques djihadistes que les autres États de l’Afrique noire à forte popu‐
lation chrétienne ou animiste. Certes, il n’est pas question d’attribuer
le monopole de la mauvaise gouvernance à ces deux pays, encore
moins de réduire le djihadiste à l’islam, mais de mettre l’accent sur
l’influence de cette religion dans la tolérance et parfois l’acceptation
des idées des groupes islamistes par la population ou la frange la
moins favorisée, affaiblie de sa perte de confiance aux valeurs de la
démocratie et de la laïcité. À ce titre, les menaces à la paix dans ces
pays visent-elles au-delà d’autres considérations, la déstabilisation de
l’État en représailles aux politiques ou aux valeurs héritées après tout
de l’Occident.
7

Face à cette situation, l’une des solutions revient peut-être pour ces
États affectés, de régler les conflits intérieurs par une bonne pratique
de la laïcité. Il s’agira surtout de rétablir la confiance de leur popula‐
tion ainsi que l’autorité légitime de l’État là où existait celle de l’islam.
Dans ces conditions, se pose le problème de l’impact du principe de
laïcité sur les valeurs que celui-ci promeut en particulier le maintien
de la paix. Comment permettre au Mali et au Burkina Faso de mainte‐
nir une paix durable ou de lutter contre le terrorisme grâce à la laïcité
de leurs institutions ? Dans ce cas, il y a lieu de se demander aussi si
le maintien de la paix dans ces régions défaillantes à forte population
musulmane est un objectif compatible avec la laïcité proclamée par
les constituants malien et burkinabé. En d’autres termes, la laïcité im‐
portée par le colonisateur français, au-delà de la pertinence des ar‐
guments théoriques faisant d’elle un outil pacificateur, est-elle vrai‐
ment adaptée aux sociétés traditionnellement ethnique et/ou
confessionnelles  ? Pour répondre à ces interrogations, il est impor‐
tant de focaliser notre analyse sur les mécanismes par lesquels le
principe de laïcité proclamé dans les Constitutions de ces États inter‐
vient ou est censé intervenir dans le maintien de la paix.

8

Ainsi, l’intérêt de cette étude est de mener une analyse susceptible de
déboucher sur un essai de théorie juridique dans le cadre spécifique
des États africains à forte population musulmane. Le thème s’y prête
particulièrement puisqu’il permet d’interroger les mécanismes par

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lesquels la laïcité pourrait intervenir pour répondre aux menaces dji‐
hadistes et maintenir la paix dans la sous-région. Il permet également
d’interroger la pratique et d’y voir, s’agissant particulièrement de la
société malienne, l’échec d’un modèle d’État et de valeurs importés
notamment la laïcité au-delà même des causes internes liées à la
mauvaise gouvernance.
9

Il y aurait donc une préséance de la laïcité en matière de maintien de
la paix (I) qui fait que sa violation ou sa mauvaise expression explique‐
rait en partie la fragilité accrue de certains États de la sous-région
(II).

I. Un idéal de droit : la préséance
de la laïcité dans le maintien de la
paix
10

Le Mali et le Burkina Faso, deux pays de l’Afrique de l’Ouest franco‐
phone à forte population musulmane, connaissent des attaques djiha‐
distes accrues depuis peu. Ces problèmes font en réalité partie d’un
vaste fléau qui embrase tout le monde entier : le terrorisme interna‐
tional 7.

11

Face à ce problème, certes, la communauté internationale recherche
la paix mais celle-ci est d’abord l’apanage des États eux-mêmes dont
l’une des premières missions est d’assurer la protection et la sécurité
de leurs citoyens (Daudet, 1995, 11). Ainsi, au-delà de l’effort d’institu‐
tionnalisation des stratégies de luttes contre le terrorisme au niveau
mondial, continental et des groupes d’États intéressés, les États de
l’Afrique noire francophone pris individuellement ont, depuis leurs in‐
dépendances, manifesté leur détermination à agir indirectement
grâce à la proclamation du principe de laïcité dans les Constitutions
afin d’assurer la stabilité indispensable à leur épanouissement. Cette
volonté a été réaffirmée dans les années 1990 à travers le vent de la
démocratie, élément clé de la laïcité faisant ainsi de cette dernière, le
premier critère de prévention des crises dans la région. Il faut bien
voir qu’il s’agit là d’une certaine visée sécuritaire de la laïcité (I.1.), qui
a également pour effet une certaine contribution de la laïcité au
maintien de la paix (I.2.).

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I.1. La visée sécuritaire de la laicité
12

L’intérêt des États francophones de l’Afrique noire à forte population
musulmane pour la laïcité n’est pas surprenant. Il s’inscrit dans le
cadre de la laïcité à la française héritée de la colonisation qui pro‐
clame la séparation de la religion et de l’État. À la fin de la période de
domination pendant laquelle l’administration coloniale ne fut jamais
neutre à l’égard de l’islam, l’heure était à la naissance d’une véritable
séparation de l’État et de l’Église dont la christianisation n’était à
l’époque qu’un instrument de colonisation rendant la laïcité, au sens
«  anticatholique  » inexistante. La laïcité renaît donc au Mali et au
Burkina Faso devenus indépendants, où précisément l’islam était
quoique prégnant. Pour comprendre ce phénomène paradoxal, il faut
rechercher les fondements de la visée sécuritaire de la laïcité dans
ces pays lesquels sont à fois d’ordre juridique (I.1.1) et politique (I.1.2.).

I.1.1. Des fondements juridiques : l’affirma‐
tion de la laïcité comme facteur de promo‐
tion des droits de l’Homme
13

En général, rechercher les fondements de la visée sécuritaire de la
laïcité au Mali et au Burkina Faso revient à analyser en réalité les mo‐
tifs, qui sont à la base de la volonté de ces pays quoique musulmans
d’affranchir l’autorité de l’État de toute influence de la religion en
particulier de celle de l’islam.

14

Spécifiquement, les motifs juridiques sont liés au fait que dans les
normes et principes de droit international relatifs aux devoirs de ces
États, la promotion des droits de l’Homme occupe une place détermi‐
nante. Si l’on convient avec le philosophe français Ferdinand Buisson
que les finalités de la laïcité sont l’égalité et la liberté des citoyens, en
particulier la liberté de religion, l’on pourrait mentionner au moins
deux textes internationaux qui en font référence (Baubérot, 2011, 20).
Il s’agit de la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 et
le Pacte des droits civils et politiques de 1966. Par exemple, l’article 18
de la Déclaration universelle des droits de l’Homme dispose que  :
« Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de
religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de
conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa convic‐

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tion seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseigne‐
ment, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites  ». Bien
qu’il ne s’agisse pas d’un texte exécutoire comme le serait un traité
ratifié, la Déclaration de 1948 a inspiré de très nombreux textes inter‐
nationaux et internes juridiquement contraignants. Il en est juste‐
ment le cas des différentes et successives Constitutions du Mali et du
Burkina Faso où la laïcité y est inscrite depuis 1960.
15

Par ailleurs, lors de la décolonisation, ces États à l’instar de toutes les
anciennes colonies se sont fondés sur le principe du droit des
peuples à disposer d’eux-mêmes qui dicte aujourd’hui le choix de leur
régime politique. À cet égard, la défense du droit des peuples malien
et burkinabè à disposer d’eux-mêmes va de pair avec le choix d’un ré‐
gime politique démocratique, libéral et laïc, outil privilégié de leur
autodétermination interne (Moine, 2013 (https://www.cairn.inforevue-civita
s-europa-2013/) ,

16

59).

Ainsi, l’approche internationale de la question religieuse est très
éclairante car elle marque la volonté de ces pays dominés par l’islam
de définir un moule fondamental qui les encadre. Aussi, les lois in‐
ternes du Burkina Faso et du Mali s’inscrivent dans le souci de
conformité aux textes internationaux qui font la promotion des droits
de l’Homme. Ceux-ci constituent non seulement le socle d’un vivreensemble harmonieux au sein des États mais aussi une condition de
leur facile ouverture dans les relations internationales. Il en ressort
qu’il existe une relation évidente entre la laïcité, les droits de
l’Homme et le maintien de la paix. Il s’agit pour la laïcité de permettre
à des personnes pratiquantes ou non, de vivre ensemble sans acrimo‐
nie pouvant déboucher sur des radicalisations dangereuses pour la
paix car, tant que la liberté de conscience et le libre exercice des
cultes sont respectés par l’État, on peut toujours espérer une certaine
paix sociale déduite de la paix spirituelle des citoyens.

17

Il faut cependant signaler que la paix spirituelle apparaît insuffisante
si elle ne s’accompagne pas d’une paix de satisfaction matérielle du
moins en ce qui concerne les cas spécifiques du Mali et du Burkina
Faso. C’est en cela que la laïcité proclamée par les constituants de ces
pays devrait-elle aussi permettre un libre exercice de leurs souverai‐
neté indispensable pour remplir leurs missions, en particulier écono‐
miques et sociales. Tant que les citoyens de ces pays se sentiront dé‐

Laïcité et maintien de la paix dans l’espace francophone subsaharien : le cas du Mali et du Burkina Faso

laissés économiquement ou socialement par leurs États, tant que le
chômage règnera en maître et que les élites politiques s’enrichiront
illicitement, l’égalité, la justice et la démocratie qui sont les valeurs clé
de la laïcité demeureront entachées. C’est ce qui explique en partie
que certains citoyens cautionnent les violences, s’engagent indivi‐
duellement ou en groupe de manière détournée à la quête de ces va‐
leurs. La multiplication des crises politiques liées au terrorisme dans
ces pays en est évidemment l’une des manifestations.

I.1.2. Des fondements politiques : la quête de
la stabilité par une neutralité de l’État
18

Le Mali et le Burkina apparaissent au sein des pays francophones du
Sahel comme une zone où l’autorité politique de l’État est considéra‐
blement affaiblie du fait d’un contexte politique très instable provo‐
quant l’apparition de nombreux mouvements religieux ou d’associa‐
tions islamiques dont l’emprise dans la vie politique et sociale s’agran‐
dit. Cette emprise ne poserait peut-être pas de problème particulier
si elle n’était pas accompagnée de foyers de tensions ou ne faisait pas
craindre un embrasement aux contours religieux tels que les attaques
contre des églises, les attentats et les règlements de compte inter‐
communautaires comme ce fut récemment le cas en avril 2019 au
nord du Burkina Faso.

19

En moins de cent ans, ces pays du Sahel ont subi des chocs considé‐
rables dus à des facteurs aussi bien internationaux qu’internes. Au
titre des premiers, se distingue clairement le partage colonial opéré
sur la base de conceptions étrangères opposées à celles qui avaient
jusque-là été au fondement de la carte politique africaine (Lachaume,
1979, 7-94). À ce titre, la France, en ce qui la concernait, imposa à ses
colonies une laïcité hypocrite, c’est-à-dire favorable à la christianisa‐
tion des sociétés dont la majorité des membres s’identifiait pourtant à
travers l’islam. Ce changement brusque fut avalisé au moment de l’in‐
dépendance des nouveaux États issus de la décolonisation qui les ont
imposés à leurs peuples. Cette situation ajoutée aux facteurs internes
favorise des tensions dont certaines finissent par déboucher sur des
radicalisations et des attaques terroristes. En effet, le Mali et le Burki‐
na Faso postcoloniaux ont contribué eux aussi à développer les
germes des actuelles attaques terroristes à travers l’installation des

Laïcité et maintien de la paix dans l’espace francophone subsaharien : le cas du Mali et du Burkina Faso

régimes attentatoires à la démocratie dont l’une des conséquences
économiques immédiate est la pauvreté et le sous-développement. À
ce titre, après la phase d’expérimentation des Constitutions oc‐
troyées par la puissance métropolitaine, on a relevé dans ces pays
comme dans la plupart des États africains, une forte concentration
du pouvoir portant la marque de la personnalité du chef de l’État, de
sa formation intellectuelle et de son origine sociale, l’établissement
de régimes de répression violente de toute forme d’opposition ainsi
que la discrimination notamment ethnique ou régionaliste voire reli‐
gieuse.
20

Il faut remarquer que si ces atrocités ont conduit aux différents sou‐
lèvements populaires des années 1990 dans nombre d’États africains,
elles ont aussi réussi à développer une certaine culture de la haine et
de la violence qui se ressent encore aujourd’hui et dont certaines at‐
taques terroristes en sont l’un des récents relents. Même si l’heure
est aujourd’hui à un certain regain pour les valeurs démocratiques, les
échecs et dérives du passé ont suffi à faire perdre à ces valeurs la
confiance qu’elles devraient inspirer aux citoyens surtout ceux des
régions socialement musulmanes, de plus en plus convaincus, de
trouver dans la loi islamique l’amélioration de leurs conditions, loin
de toute inspiration d’origine occidentale y compris la laïcité « héri‐
tée de la France ».

21

Il en ressort que toute partie prise ou toute atteinte à la neutralité et
à la laïcité par l’État lui-même, soit par l’attitude de ses organes, soit
en raison de la nature de ses institutions est souvent source de frus‐
tration, de repli sur soi, de crispation et de revendications suscep‐
tibles de contribuer à une radicalisation inquiétante pour la paix.
Ainsi, l’exemple actuel du Burkina Faso s’y prête particulièrement. En
effet, si l’émergence et le développement d’acteurs de violences djiha‐
distes sont principalement liés à la faiblesse du pouvoir central burki‐
nabé, ils révèlent par ailleurs l’instrumentalisation par ceux-ci des cli‐
vages identitaires pendant longtemps nourris par l’attitude de l’État
burkinabé lui-même. À cet égard, si les actions des groupes djiha‐
distes dans le nord du pays ont débouché sur des violences entre
groupes ethniques et entre communautés religieuses dirigées en par‐
ticulier contre les protestants et les catholiques (Kane, 2019), c’est
pour répondre à leur logique de vengeance et de représailles contre
l’État burkinabè qui, dans sa pratique de la laïcité n’a jamais été entiè

Laïcité et maintien de la paix dans l’espace francophone subsaharien : le cas du Mali et du Burkina Faso

rement neutre (Ouédraogo,2018, 119-140). Bien que constituant une
minorité religieuse, les chrétiens ont fortement influencé en effet
l’histoire du Burkina Faso depuis son indépendance notamment, par
ses dirigeants en majorité catholiques dont les politiques ont été gé‐
néralement orientées vers la protection de cette minorité religieuse.
22

De même, dans le rapport du Secrétaire général des Nations Unies
sur la situation au Mali du mois de novembre 2012, apparaissent
parmi les causes de la situation que traverse ce pays, la défaillance de
la laïcité et ses implications. Une telle défaillance s’est opérée au pro‐
fit de l’islam lequel profite de la faiblesse des institutions étatiques
pour faire peser une menace accrue sur la démocratie laïque 8 (ONU,
2012, 894). La présence forte des lois musulmanes dans le code de la
famille ou l’attitude de certains dirigeants 9 en violation du caractère
laïc de la République en rendent témoignage. Cette situation n’est pas
de nature à favoriser la paix en ce qu’elle pourrait convaincre les fi‐
dèles de la supériorité de la religion islamique et même inciter cer‐
tains à œuvrer en conséquence pour l’imposer à tous, au besoin par la
force.

23

En somme, l’autonomie ou la neutralité de l’autorité de l’État apparaît
indispensable pour maintenir la paix. Elle est, à ce titre, inhérente à la
laïcité des institutions étatiques qui doivent être débarrassées for‐
mellement de toute influence ou connotation religieuse. La garantie
de la neutralité de l’autorité de l’État laïc peut le rendre parfois plus
influent que le leader religieux et tendre à décourager toute velléité
de substituer l’ordre souverain à tout autre basé sur une loi divine dé‐
terminée, au détriment des droits des personnes qui ne la recon‐
naissent pas forcément. Aussi, l’affranchissement de l’État de toute
influence de la religion en particulier de l’Islam implique l’engage‐
ment d’une lutte contre le communautarisme hostile à la République
laïque qui, elle, se fonde sur l’égalité entre les citoyens sans aucune
distinction.

24

C’est évidemment pour cette raison que ces pays ont conservé le
principe de laïcité dans leurs Constitutions respectives malgré leur
forte propension à l’islam et en font l’une des conditions de réconci‐
liation de leurs populations.

Laïcité et maintien de la paix dans l’espace francophone subsaharien : le cas du Mali et du Burkina Faso

I.2. La contribution sécuritaire de la laï‐
cité
25

L’un des traits marquants des accords de paix entre les pays d’Afrique
francophone affectés par le djihadisme et les organisations islamiques
est sans doute l’importance accordée à la laïcité dans la stabilisation
et la reconstruction de l’État. L’expérience particulière menée par le
Mali en Afrique de l’Ouest illustre bien l’importance nouvelle accor‐
dée à la laïcité, notamment dans le règlement des crises liées au dji‐
hadisme 10. Mais, elle s’inscrit en général dans la volonté actuelle sou‐
vent affichée des États de l’Afrique francophone subsaharienne de re‐
nouer clairement avec la démocratie laïque longtemps foulée (I.2.1.)
dont l’une des manifestations particulières est leur tolérance à l’égard
des religions (I.2.2.).

I.2.1. Les velléités de changement démocra‐
tique des régimes politiques
26

Conformément à ses initiateurs du siècle des lumières (John Locke,
Jean-Jacques Rousseau, Montesquieu), le constitutionnalisme répond
à une idéologie libérale fondée sur la croyance au droit comme pro‐
moteur de l’ordre légitime universel. C’est en cette idée que les États
d’Afrique d’expression française ont proclamé depuis les indépen‐
dances, leur foi (Buchmann, 1978  ; (Conac, 1979  ; Gonidec, 1978  ; Du
Bois De Gaudusson, 1997, 309-3016). Bien que l’on ait pu remarquer à
partir des années 1964-1965 jusqu’à 1990, une mutation du modèle li‐
béral des indépendances vers le gouvernement autoritaire, les États
africains ont très vite chercher à renouer avec les principes les plus
fondamentaux de leur constitutionnalisme originaire notamment la
séparation des pouvoirs, le multipartisme et les élections démocra‐
tiques (Chevallier, 1992 ; Conac, 1993, 483-508 ; Vignon, 2000, 99). Les
anciens postulats fondés sur le monopartisme et les élections nondisputées s’avérèrent de plus en plus inapplicables. Ainsi, s’est substi‐
tué presque partout en Afrique de l’ouest depuis les années 1990, le
pluralisme politique au monopartisme de droit ou de fait y compris
au Mali et au Burkina Faso. Ces États sont en effet conscients que
l’heure est à la reconstruction d’un cadre républicain fort dont les pi‐
liers doivent être entre autres la justice, la liberté mais aussi la laïcité

Laïcité et maintien de la paix dans l’espace francophone subsaharien : le cas du Mali et du Burkina Faso

qui, comme d’autres principes susmentionnés, constitue un élément
clé de la démocratie. Aussi, la laïcité permet aujourd’hui pour ces pays
de faire le choix de la République c’est-à-dire de :
« penser la cité selon un accord rationnel pour débattre sans préjugé
quelconque des contradictions économiques et sociales, pour élabo‐
rer des lois égales pour tous. C’est également vouloir que les déci‐
sions d’ordre public relèvent de la seule volonté exprimée par des ci‐
toyens libres, car ils sont émancipés et instruits à la connaissance
critique » (IDEA, 1998, 1 vii).
27

Ainsi, certaines études indiquent que le Burkina Faso a enregistré de‐
puis bientôt 10 ans, un progrès significatif dans le processus de
consolidation de la démocratie sur son territoire. En effet, outre la
restauration du multipartisme en 1990, le Burkina Faso a promulgué
en juin 1991 une Constitution démocratique soutenu par un cycle
électoral dont le rythme traduit l’amorce d’un processus politique dif‐
férent de celui qu’avait connu jusque-là le pays : référendum consti‐
tutionnel en juin 1991, élection présidentielle en décembre 1991, scru‐
tin législatif en mai de l’année suivante, élections communales en fé‐
vrier 1995 et, de nouveau, législatives en mai 1997. Plus récemment,
notamment après la chute de l’ancien président Blaise Compaoré en
octobre 2014, le Burkina Faso a connu une période de transition dé‐
mocratique bien qu’émaillée d’une phase d’instabilité 11, ayant débou‐
ché sur l’élection présidentielle qui a permis l’arrivée au pouvoir de
Marc Christian Kabore. Pour répondre aux difficultés liées à la bonne
gouvernance, s’est développé par ailleurs un processus décentralisa‐
teur au Burkina Faso afin de favoriser les initiatives locales et le
contrôle, à la base, des élus par la population. Cette réforme fut parti‐
culièrement menée avec soin grâce notamment au travail de réflexion
et de prospective engagé depuis plusieurs années par la Commission
Nationale de Décentralisation (IDEA, 1998, 9). Par ailleurs, la primauté
de la démocratie, s’est affirmée dans les textes à travers notamment
la consécration de l’indépendance de la justice par rapport au pouvoir
politique.

28

Cependant, cet arsenal juridique « démocratique » existant au Burki‐
na souffre d’une bonne effectivité dans la mesure où il soulève le pro‐
blème de l’application des textes en vigueur. Cette remarque vaut
d’ailleurs pour la plupart des pays francophones de la sous-région et

Laïcité et maintien de la paix dans l’espace francophone subsaharien : le cas du Mali et du Burkina Faso

en particulier pour le Mali. Ce dernier, tout comme le Burkina Faso a
connu en dix ans une courte expérience démocratique riche d’acquis
et de reculs. Au nombre des acquis, figurent entre autres l’instaura‐
tion du pluralisme, la promotion du pluralisme local, la mise en place
des institutions de la République. Ces réformes, en particulier celles
liées à la sauvegarde des institutions de la République furent égale‐
ment au cœur de l’accord de paix et de réconciliation issu du proces‐
sus d’Alger signé entre le gouvernement du Mali et les mouvements
contestataires de l’ordre malien. Même si cet accord fut violé, son
contenu révèle que ses signataires étaient convaincus que l’élimina‐
tion définitive des causes profondes de la crise malienne, y compris le
terrorisme, est lié entre autres à une réappropriation de l’histoire à
travers une unité nationale respectueuse de la diversité humaine ca‐
ractéristique de la Nation malienne, la bonne gouvernance, le respect
des droits de l’Homme et de leur égalité sans distinction de sexe et de
religion. C’est donc à ce titre que l’article 1 de l’accord dispose que
« les parties (…), réitèrent leur attachement aux principes (…) du res‐
pect de l’unité nationale, de l’intégrité territoriale et de la souveraine‐
té de l’État du Mali, ainsi que de sa forme républicaine et son carac‐
tère laïc » 12. En tout, il subsiste actuellement encore une réelle diffi‐
culté des institutions maliennes à mettre en pratique les règles défi‐
nies par l’État ainsi que l’incapacité du politique à apporter des ré‐
ponses appropriées aux préoccupations des populations maliennes. À
cela s’ajoute la fragilité de l’opposition malienne peu organisée et
soumise souvent à une forte pression du parti au pouvoir.
29

Au-delà de ces limites, il demeure que les velléités de changement
démocratique constatées au Mali et au Burkina Faso ainsi que dans la
majorité des États francophones de l’Afrique de l’ouest déteignent au
moins sur leur attitude à l’égard de la religion. Si cette attitude n’est
pas tout à fait neutre à l’égard de la religion, elle se caractérise au
moins par l’acceptation ou plutôt la tolérance de la diversité des
confessions religieuses.

I.2.2. La tolérance de la diversité des reli‐
gions
30

En Afrique subsaharienne francophone y compris au Mali et au Burki‐
na Faso, la tolérance religieuse est avant tout une norme qui vise à

Laïcité et maintien de la paix dans l’espace francophone subsaharien : le cas du Mali et du Burkina Faso

promouvoir la coexistence pacifique. Les constituants respectifs de
ces pays l’ont adopté à travers le caractère laïc de leurs républiques
et la consécration des droits et des devoirs de la personne humaine
en particulier l’égalité entre les citoyens. En ce sens, l’article 2 de la
Constitution actuelle du Mali dispose que « tous les Maliens naissent
et demeurent libres et égaux en droits et en devoirs. Toute discrimi‐
nation fondée sur l’origine sociale, la couleur, la langue, la race, le
sexe, la religion et l’opinion politique est prohibée  » tandis que l’ar‐
ticle 4 de la même Constitution ajoute que « : Toute personne a droit
à la liberté de pensée, de conscience, de religion, de culte, d’opinion,
d’expression et de création dans le respect de la loi ». Ces éléments se
retrouvent en quelque sorte dans la Constitution burkinabé de 1991
qui, interdit aussi notamment à l’article premier, les discriminations
de toutes sortes y compris celles fondées sur l’ethnie et la religion.
31

Cette diversité et cette tolérance religieuses dans la norme juridique
a longtemps influencé la vie politique ou sociale de ces pays et
contribué pendant quelques dizaines d’années, du moins avant l’appa‐
rition des récentes crises djihadistes, à maintenir un semblant de cli‐
mat de paix et d’unité nationale. Ainsi, au Burkina Faso, il existe à côté
de la religion musulmane majoritaire, plusieurs autres différentes
communautés religieuses notamment catholique, protestante et ani‐
miste qui entretiennent traditionnellement de bonnes relations entre
elles et avec les communautés musulmanes. Toutes ces communau‐
tés bénéficient chacune chaque année des subventions de l’État d’un
montant total équivalant à environ 100  000 euros ainsi que de l’aide
pour différents programmes et projets éducatifs qui, selon le gouver‐
nement sont d’intérêt national. Selon un commerçant burkinabé de
55 ans interrogé par le journal quotidien français La Croix et dont
l’épouse est catholique et les cousins protestants, « On parle de notre
Dieu, on mange dans le même plat… On n’a jamais fait de différence.
Chez nous, on participe tous aux fêtes des autres » (La Croix, 2016). À
cet égard, l’on peut dire que la tolérance juridique (Constitution) de la
diversité religieuse, traduite en quelque sorte dans les faits par l’État
burkinabé, a permis de relever peu d’activités djihadistes dans le pays
avant la crise malienne et la montée d’un islam rigoriste d’inspiration
wahhabite que recouvre le mouvement sunnite. Il reste donc à espé‐
rer, au regard des récentes attaques terroristes au Burkina Faso, que
la laïcité ou la tolérance interreligieuse traditionnelle à ce pays ait été

Laïcité et maintien de la paix dans l’espace francophone subsaharien : le cas du Mali et du Burkina Faso

suffisamment affermie pour faire face aux menaces actuelles de divi‐
sions et d’intolérance religieuses sans cesse croissante.
32

Quant au Mali composé d’une forte majorité de musulmans, on y
trouve également d’autres communautés religieuses tels les chrétiens
et les animistes. Cette diversité n’avait pas empêché qu’il y ait au Mali,
jusqu’à la crise de 2012, une certaine harmonie naturelle au sein des
membres de la population. Il y avait une certaine acceptation mu‐
tuelle des religions qui, si elle s’explique beaucoup par la culture du
peuple malien qui invite à l’acceptation de l’autre et à la tolérance
(CRAPES, 2017), peut aussi se justifier par le cadre légal établi par ce
pays. En effet, si la culture malienne fondée principalement sur la foi
musulmane apparaît comme un facteur d’union, de cohésion et de
solidarité, elle trouve le relais des valeurs qu’elle promeut dans la laï‐
cité proclamée par le constituant malien. La paix ainsi créée par l’har‐
monie de la laïcité et la culture de la tolérance du peuple malien
pourrait ainsi continuer à perdurer si d’autres facteurs n’entraient en
jeu pour obliger le religieux à sortir du cadre du sacré pour investir
les questions liées aux conditions économiques et sociales des ci‐
toyens lesquelles relèvent de la compétence exclusive de l’État. Or, on
assiste de plus en plus au Mali à une occupation de l’espace politique
par les associations islamiques qui met en danger la laïcité et qui n’est
pas de nature à favoriser un climat de paix. La fragilité de la paix dans
ce pays illustre d’ailleurs bien ce constat.

II. Une réalité de fait : La fragilité
du maintien de la paix dans la
pratique de la laïcité
33

La situation actuelle du Mali permet d’illustrer parfaitement le danger
que représente une mauvaise pratique de la laïcité pour le maintien
de la paix.

34

En effet, derrière les causes lointaines du djihadisme que constitue la
politique étrangère des États-Unis et la mondialisation dont les effets
pervers dans certains pays sont la misère, l’humiliation et le délite‐
ment des valeurs (El Khadir, 2005, 18), se cachent celles liées au dis‐
cours des religieux. Ces discours se transforment en une sorte de

Laïcité et maintien de la paix dans l’espace francophone subsaharien : le cas du Mali et du Burkina Faso

phénomène politique à travers la galvanisation émotionnelle qu’il sus‐
cite parfois aux fidèles. À cet égard, la dénonciation par les leaders
religieux des conditions économiques précaires des fidèles, de la
mauvaise gouvernance et des abus de pouvoir du politique, n’est pas
anodine dans une société où la majorité des fidèles partage la foi isla‐
mique car, si cette dénonciation n’est pas de nature à expliquer le
fonctionnement et la complexité scientifique de la situation écono‐
mique d’un pays, elle peut néanmoins susciter des jugements de va‐
leur dangereux en termes de bien et de mal auprès des fidèles. Il
s’agit pour ces derniers de faire désormais correspondre le pauvre
religieux musulman au bien tandis que le riche serait assimilé au
« mauvais », c’est-à-dire aux gouvernants et à leurs politiques hérités
de l’Occident, y compris la laïcité.
35

Ainsi, la crise au Mali avec ses répercussions sur d’autres États de
l’Afrique de l’ouest pourrait s’expliquer sous réserve d’autres facteurs
qui lui sont externes, par la violation du principe de laïcité. On y
constate en effet, la persistance d’un dynamisme religieux dans la
gestion des affaires publiques (II.1.) qui approfondit le fossé de la vio‐
lation des droits de l’Homme dans ce pays, compliquant davantage la
recherche de solutions de paix (II.2.).

II.1. La persistance d’un dynamisme re‐
ligieux dans la gestion des affaires pu‐
bliques
36

On assiste actuellement à l’islamisation spectaculaire de la politique
malienne en raison de l’échec des gouvernants en matière de poli‐
tiques sociales et économiques (Karjousli, Togola et Ouallet, 2014,
295-316). Depuis 1992, le religieux n’a de cesse d’accroître son in‐
fluence sur les masses populaires. Il en résulte une capitulation du
politique (II.1.1.) et l’affirmation permanente d’un leadership islamique
(II.1.2).

II.1.1. La capitulation du politique devant le
religieux
37

Si la laïcité est proclamée dans les textes en vigueur au Mali, celle qui
y est pratiquée, est pourtant assez singulière. Les références isla‐

Laïcité et maintien de la paix dans l’espace francophone subsaharien : le cas du Mali et du Burkina Faso

miques dominent la vie des citoyens, ce qui est d’ailleurs normal et
légitime au regard de la nature de la culture malienne. Mais, la vie po‐
litique malienne, y compris les institutions de la République, est éga‐
lement envahie par la religion islamique, ce qui soulève un certain
nombre d’interrogations. Il s’agit pour l’essentiel de relever l’occupa‐
tion du secteur public par le religieux qui apparaît pour le peuple vic‐
time de la corruption et de la délinquance financière du politique
comme une consolation ou un rempart à son désespoir issu de son
espoir déçu en la démocratie. Aussi, depuis 1992, les rangs des asso‐
ciations islamiques maliennes se gonflent-ils sans cesse de fidèles qui
sont plus que jamais convaincus de trouver dans la loi islamique la sa‐
tisfaction de leurs besoins. À cet égard, les leaders et groupes reli‐
gieux constituent un vivier d’électeurs dont le soutien pour la réus‐
site d’un quelconque candidat aux élections présidentielles ou légis‐
latives est incontournable. Cette situation est de nature à étendre
l’influence du religieux sur l’État. On le constate d’ailleurs bien lors
des campagnes électorales qui se déroulent souvent dans les lieux de
cultes à l’instar de celle menée par l’ancien président malien Ibrahim
Boubacar Keita en 2013. Dans l’ensemble, les mosquées furent utili‐
sées par des imams pour convaincre et pour influencer les fidèles à
voter pour tel ou tel candidat. Même si un tel phénomène n’est pas
nouveau d’un point de vue historique 13, l’on est aujourd’hui conscient
qu’il devrait être combattu comme en témoigne la loi électorale
adoptée en octobre 2016 interdisant formellement et sanctionnant les
campagnes électorales dans les lieux de cultes 14. Cependant, celle-ci
ne doit pas conduire à sous-estimer le poids toujours prégnant du re‐
ligieux sur le politique. Le Mali reste après tout un pays où plus de
90 % de la population sont monothéistes. À cet égard, s’il peut appa‐
raître légitime que la majorité de cette population cherche à soutenir
un candidat avec lequel elle partage la croyance, il est néanmoins re‐
grettable qu’une telle force électorale puisse être influencée dans son
choix par des manœuvres politiciennes qui l’instrumentalisent. Dans
certains cas, pour attirer la faveur de son électorat le politique malien
est prêt à sacrifier la laïcité en laissant s’affirmer un leadership isla‐
mique conforme à la volonté des masses de fidèles qui en constituent
également les électeurs.

Laïcité et maintien de la paix dans l’espace francophone subsaharien : le cas du Mali et du Burkina Faso

II.1.2. L’affirmation d’un leadership isla‐
mique : l’islamisation normative
38

Depuis 1992, le leadership islamique s’est affirmé dans plusieurs do‐
maines témoignant de la sortie le plus souvent du religieux du cadre
du sacré pour investir les questions liées aux conditions économiques
et sociales des citoyens maliens. Certaines questions sociales sen‐
sibles ont souvent été en particulier au cœur des débats comme
celles liées par exemple au rôle et la place de la femme dans la société
ou à l’égalité homme-femme. Les réponses qui leurs sont apportées
témoignent de la politisation du religieux au Mali. On l’a bien vu en
2009 avec le rejet du projet de révision du code de la famille et des
personnes dont l’objectif était d’instaurer dans la loi malienne l’égalité
homme-femme. En effet, s’étant emparé de cette question, le Haut
Conseil Islamique du Mali (HCIM), sous la direction de son leader
Mahmoud Dicko, a largement influencé la population malienne des‐
cendue en masse dans la rue pour manifester contre le projet de révi‐
sion qui, pourtant s’inscrivait dans le respect de la laïcité et des enga‐
gements internationaux de l’État du Mali. La contestation de cette loi
qui prévoyait l’égalité homme-femme dans le foyer fut également
faite par Mahmoud Dicko, lors d’une intervention dans Jeune Afrique.
À cette occasion, il estima que « bien qu’étant laïc, le Mali est un pays
musulman à 90% dans lequel, le fait religieux ne saurait être ignoré.
En conséquence, la nécessité d’inventer un mode de gouvernance qui
accorde plus de place aux valeurs et aux réalités maliennes s’impose »
(Jeune Afrique, 2013). Selon lui, les politiques ont incarné la corrup‐
tion, la mauvaise gouvernance et le clientélisme. Il ajoute que, le « fait
que les Maliens aient davantage confiance en un imam qu’en un
homme politique ne devrait susciter aucune suspicion. Ils ont été pris
en otage par une élite qui a pris le contrôle des institutions pour s’en‐
richir sans jamais se soucier de leur quotidien » (Jeune Afrique, 2013).
Ainsi, les mobilisations et les protestations contre la première version
du code de la famille élaborée en 2009 ont abouti à l’adoption d’une
nouvelle version nettement moins favorable aux femmes maliennes. À
ce titre, celle-ci fait désormais de l’homme le chef de famille qui seul
a un droit de regard et de décision sur toutes les questions d’héritage
et de succession (Code des personnes et de la famille, 2011, 751-807).
Quant à la femme, son rôle est réduit au seul devoir d’obéissance à

Laïcité et maintien de la paix dans l’espace francophone subsaharien : le cas du Mali et du Burkina Faso

l’homme tandis que son âge du mariage légal est passé à 16 ans contre
18 ans dans l’ancien texte.
39

Tous ces éléments notamment le poids croissant des autorités mu‐
sulmanes dans la vie politique et sociale et surtout son acceptation
par la population elle-même, pourraient traduire en définitive l’échec
d’un modèle d'État et de valeurs importés au-delà même des causes
internes liées à la mauvaise gouvernance. En effet, comment ne pas
s’interroger sur la pertinence civilisationnelle du principe de laïcité
appliquées à une société qui, fondamentalement la rejette ou n’ac‐
cepte pas certaines de ses manifestations  ? La tradition malienne
fondée sur les choix islamiques est loin de s’adapter ou de corres‐
pondre en pratique aux exigences de la laïcité même si celle-ci est
présentée comme un outil pacificateur. À cet égard, l’on serait tenté
de rechercher d’autres solutions de maintien de la paix moins axées
sur le principe de laïcité en convoquant uniquement toutes celles qui
promeuvent la bonne gouvernance dans sa dimension économique et
sociale. Certes, la laïcité est un élément clé d’une bonne gouvernance.
Mais, il semble peut-être au regard de la pratique qu’elle devrait être
atténuée face à des sociétés organisées suivant des logiques confes‐
sionnelles. Il demeure néanmoins important de prévenir sur le danger
que peut comporter de manière générale une telle solution. En effet,
derrière la position du religieux qui s’impose comme un acteur in‐
contournable dans la vie politique se cache un risque d’instrumentali‐
sation de ce dernier par le politique, préjudiciable au maintien de la
paix.

II.2. Le risque d’instrumentalisation du
religieux par le pouvoir
40

Si la mobilisation massive des électeurs sous les auspices des reli‐
gieux est une démonstration de force sur la capacité mobilisatrice
des religieux, elle peut par contre apparaître comme une occasion
redoutable d’instrumentalisation du religieux par le politique. En
effet, à l’approche d’une élection, les leaders religieux peuvent chan‐
ger la donne sur simple consigne de vote lancée aux fidèles. À ce
titre, les guides spirituels peuvent profiter de la naïveté d’un grand
nombre de fidèles pour assurer au politique une base électorale.
Outre de figer la volonté réelle du peuple quant au libre choix de

Laïcité et maintien de la paix dans l’espace francophone subsaharien : le cas du Mali et du Burkina Faso

leurs représentants, cette situation rend favorables les tensions in‐
ternes notamment les crises politiques (II.2.1.) qui accroissent les re‐
vendications sociales (II.2.12).

II.2.1. La possibilité de crises politiques
41

L’un des facteurs aggravant du risque de crises dans les pays de
l’Afrique de l’ouest francophone avec une population à fort taux mo‐
nothéiste réside dans l’instrumentalisation de la religion au profit du
politique. Il est en effet regrettable que la force électorale que consti‐
tue la majorité des fidèles religieux puisse être influencée dans son
choix par des manœuvres politiciennes. Dans ce cas, il y a en général
un risque que le politique tente d’occulter derrière une apparente lé‐
gitimité reçue du peuple, son ambition politique démesurée et son
projet de pillage du pays. En effet, si à la lumière de l’exemple malien,
les auteurs en viennent souvent à conclure de l’influence de l’islam
sur la politique, il n’en est pas souvent le cas du rôle que joue en re‐
tour l’islam au service de la politique. Si l’un et l’autre est contraire à
la laïcité, le second apparaît en outre comme une occasion d’exploita‐
tion de l’islam par le politique. Il ne devrait donc pas être occulté par
le fait que le religieux semble clairement prendre le dessus sur le po‐
litique à travers les idées que les organisations musulmanes imposent
progressivement en pesant sur les décisions politiques et publiques.

42

En réalité, si le choix des dirigeants politiques par le peuple se fait sur
la base des consignes de vote données par les leaders religieux
proche du politique, il traduit après tout le désir voire l’espoir des fi‐
dèles religieux constituant les viviers d’électeurs de se voir gouverner
par une personne proche de leur « Dieu » d’amour et donc capable de
les sortir de la pauvreté et satisfaire leurs besoins les plus élémen‐
taires car, du moment où la consigne de vote vient des leaders reli‐
gieux dont la masse a pleine confiance, elle est considérée logique‐
ment par cette dernière comme celle qui correspond au meilleur
choix, indépendamment des aspirations profondes et réelles indivi‐
duelles. Or, il peut arriver que malgré toute la bonne foi du leader re‐
ligieux, celui-ci se trompe dans le choix de la personne à même de
réconcilier le peuple et d’assurer son développement. Dans ce cas, le
politique n’a fait que se servir du soutien de l’homme religieux pour
se faire élire sans pour autant avoir une réelle volonté politique de
changer la donne en permettant l’amorce d’une nouvelle ère, mar‐

Laïcité et maintien de la paix dans l’espace francophone subsaharien : le cas du Mali et du Burkina Faso

quée par le progrès social et le développement économique. Cette si‐
tuation peut vite déboucher sur des scissions entres communautés
religieuses et des crises de contestations de légitimité de l’autorité
établie bien que « démocratiquement » élue. En effet, il est probable à
cet égard que, si le peuple avait la latitude d’analyser et de choisir li‐
brement ses représentants, son choix se porterait sur celui dont le
programme correspond le mieux à ses besoins et peut-être capable
de les satisfaire partiellement. Sans garantir nécessairement au
peuple une bonne gouvernance, le choix libre des gouvernants sans
des a priori religieux, pourrait au moins réduire les risques de crise
de légitimité ou celle relative à la mauvaise gouvernance, sources de
crises politiques. Ainsi, en dictant moralement aux citoyens le choix
de leurs représentants sur la base de la religion, ces derniers ne les
reconnaissent pas nécessairement dans la réalité. Ils sont simplement
guidés par une sorte de suivisme religieux fragile qui peut à tout mo‐
ment changer de direction.
43

Par ailleurs, la contestation de l’autorité en place n’est souvent que le
fruit de celle émise par les leaders religieux dont certains n’hésitent
pas à s’attirer les faveurs du politique ou à espérer de ce dernier une
conduite déterminée en contrepartie de leur soutien. Dans ce cas, le
non-respect de cette conduite a des conséquences graves sur les
prochaines élections en augmentant notamment la chance du désa‐
veu et de l’échec de l’autorité sortante. À cet égard, peu importerait si
cette dernière venait à entreprendre de bonnes actions au service de
la République et à prouver sa loyauté au peuple. Il en est ainsi puisque
«  le peuple  » ne vote que pour le candidat choisi par son chef reli‐
gieux et ne conteste que celui que son chef religieux conteste égale‐
ment. À ce titre, lorsque le chef religieux change de candidat, «  le
peuple  » composé de fidèles religieux en fait de même. On l’a bien
constaté en 2013, au moment des élections présidentielles, le leader
religieux Niono Bouyé Haidara avait ouvertement fait campagne pour
l’ex président malien Ibrahim Boubacar Keita qui a remporté plus de
75 % des voix au deuxième tour du scrutin face à son rival Soumaila
Cissé. Cependant, la tension monte entre les deux hommes dès la no‐
mination du premier gouvernement composé d’Oumar Tatam ainsi
que des proches des anciens présidents Amadou Toumani Touré
(ATT) et Alpha O. Konaré au détriment de la personne proposée par
Bouyé qui perd de ce fait la primature. Plus tard, le sentiment de tra‐

Laïcité et maintien de la paix dans l’espace francophone subsaharien : le cas du Mali et du Burkina Faso

hison qu’éprouve le Chérif de Bouyé à l’encontre de celui qu’il avait
soutenu atteint son comble lorsqu’il a été mis à l’écart par le pré‐
sident qui ne le consultait plus sur les affaires publiques mais aussi
lorsque son ami nouvellement promu général, Amadou Haya Sanogo,
fut arrêté. À la suite du recalage par la Cour constitutionnelle, des
candidats de Bouyé dans le cadre des élections législatives, ce dernier
déclare publiquement en janvier 2014 sa déception à l’égard du gou‐
vernement de Ibrahim Boubacar Keita. Lors d’un sermon très atten‐
du, le chérif de Bouyé estima que les résultats proclamés par la cour
constitutionnelle du Mali, «  ne reflètent pas la vérité des urnes  ». Il
ajoute que : « Nous n’avons pas eu droit au changement que nous at‐
tendions. Rien n’a changé depuis l’élection présidentielle. Au
contraire, les ténors de l’ordre ancien restent en place ou refont sur‐
face alors que les partisans du changement sont jetés en prison ou
exclus des affaires publiques  !  » (Guindo, 2018). On l’a remarqué, un
tel mécontentement s’est manifesté lors des élections présidentielles
de 2018 à l’occasion desquelles le Chérif de Nioro avait cette fois ci
soutenu publiquement un des adversaires politiques de l’ex président
malien. Même, si c’est le président sortant qui finit par remporter une
nouvelle fois les élections, celles-ci n’ont pas moins été émaillées de
contestations, d’attaques à main armée et autres violences (Kane,
2019).
44

En somme, grâce à la méthodologie qui consiste à élaborer des juge‐
ments de valeur en termes de bien et de mal, bien des religieux ont
acquis à leur cause une masse populaire de fidèles qui font leur
l’homme politique choisi par leurs leaders. Par ce procédé, les diri‐
geants ne reflètent pas véritablement la volonté réelle du peuple et
ne se sentent pas sérieusement liés par leurs engagements politiques.
En témoigne d’ailleurs la précarité criarde dans laquelle continuent
de vivre des millions de Maliens.

II.2.2. L’accroissement de la précarité sociale
et politique
45

Si au petit matin de la démocratie, les Maliens avaient cru à la nais‐
sance d’une nouvelle ère, marquée par le progrès social et le dévelop‐
pement économique, leurs attentes sont restées jusqu’à l’heure
vaines. Malheureusement, la situation est telle aujourd’hui, qu’elle ne

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met pas le pays à l’abri des endoctrinements et des radicalisations en
particulier en ce qui concerne les jeunes. On y relève comme
d’ailleurs un peu partout en Afrique noire francophone, le chômage,
la corruption, la précarité économique, l’insécurité, le manque d’eau
potable, d’électricité, de route, l’insuffisance d’écoles et de centres de
santé etc. À ce titre, l’affaiblissement des capacités de l’État à satis‐
faire ces besoins créent des conditions propices à l’émergence de ces
mouvements d’insurrection mais aussi à l’acceptation de l’idéologie
des djihadistes ce qui facilite en outre leur recrutement au sein des
populations, de même que leur capacité à conquérir des territoires.
46

On le sait, depuis 2012, plusieurs groupes qualifiés de djihadistes et
d’extrémistes violents se sont progressivement implantés dans le
nord du Mali profitant de la rébellion lancée en janvier de la même
année par le Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA)
et de l’affaiblissement de l’État malien pour prendre le contrôle de
certaines régions. Il en ressort que durant cette période, de nom‐
breux jeunes Maliens déscolarisés, au chômage ou vivant dans la pré‐
carité ont rejoint et combattu dans les rangs des organisations telles
que Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI), le Mouvement pour l’uni‐
cité et le jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) et Ansar Dine. Selon le
rapport d’étude réalisé en Mai 2016 par le bureau de Dakar de l’Insti‐
tut d’études de sécurité (ISS) mandaté par l’Agence japonaise de co‐
opération internationale, le chômage des jeunes est l’un des princi‐
paux facteurs de radicalisation (Diallo, 2016, 43) 15 du moins en ce qui
concerne la région de Tombouctou. Au nombre des hypothèses spé‐
cifiques des facteurs qui sous-tendent les logiques d’engagement des
jeunes de cette région dans les rangs des djihadistes, on relève entre
autres la faible présence étatique, les violences liées à la perte de re‐
pères, l’ignorance, le manque d’emploi. Cette situation pourrait être
évitée ou modérée si les Maliens choisissaient librement des repré‐
sentants engagés et conscients de leurs responsabilités envers leurs
électeurs sans influence religieuse.

Conclusion
47

Depuis plus d’une décennie, on a beaucoup parlé du phénomène du
terrorisme qui menace la paix et la sécurité internationales en
Afrique noire francophone en particulier dans certaines zones du

Laïcité et maintien de la paix dans l’espace francophone subsaharien : le cas du Mali et du Burkina Faso

sahel comme le Burkina Faso et le Mali. La multiplication des attaques
djihadistes dans ces régions témoigne de l’échec ou de l’insuffisance
d’une stratégie de lutte antiterroriste uniquement basée sur la ré‐
ponse sécuritaire ou militaire. Il est donc important de prendre en
compte la fragilité de ces pays au niveau socio-économique notam‐
ment l’abandon de la population par l’État qui constitue pour les
groupes terroristes une occasion pour gagner la confiance des ci‐
toyens et s’implanter sur les territoires. Or, l’un des facteurs qui per‐
mettent de mettre en place les mécanismes répondant au mieux aux
besoins des citoyens réside dans la laïcité de l’État. Au-delà des prin‐
cipes premiers sur lesquels elle repose à savoir la liberté de
conscience et de manifestation de ses convictions, la séparation des
institutions publiques et des organisations religieuses, l’égalité devant
la loi sans aucune distinction, la laïcité fait également de la souverai‐
neté du peuple le fondement de l’ordre politique à l’exclusion de
toute autre.
48

C’est en cela qu’elle appelle à la lutte pour la démocratie et le respect
des droits fondamentaux de l’homme. À cet égard, on remarque qu’en
Afrique noire francophone subsaharienne, en particulier au Mali et au
Burkina Faso, si les valeurs de démocratie et de droits de l’Homme
sont consacrées dans les textes nationaux en vigueur, comme pour
répondre à l’exigence de laïcité, elles ne sont pas véritablement effec‐
tives. On y relève une certaine persistance d’un dynamisme religieux
dans la gestion des affaires publiques qui suscite une réflexion sur
l’adaptation même du principe de laïcité aux sociétés africaines large‐
ment organisées suivant des logiques ethniques et/ou confession‐
nelles au-delà de la pertinence des arguments théoriques et juridique
qui en fait un outil pacificateur. Ainsi, le poids croissant des autorités
musulmanes en particulier dans la société malienne pourrait traduire
l’échec d’un modèle d’État et de valeurs importés de l’Occident. Mais,
cette situation n’est pas sans danger pour le maintien de la paix en ce
qu’elle comporterait un risque d’instrumentalisation du religieux par
le politique car outre de figer la volonté réelle du peuple quant au
libre choix de leurs représentants, elle rend favorable les tensions in‐
ternes notamment les crises politiques qui accroissent les revendica‐
tions sociales.

49

En définitive, tant que les populations se sentiront délaissées ou
abandonnées par leurs États, ceux-ci seront toujours loin de minimi‐

Laïcité et maintien de la paix dans l’espace francophone subsaharien : le cas du Mali et du Burkina Faso

ser sur leurs territoires, les menaces à la paix, en particulier celles
liées au djihadisme. Malheureusement, il semble que les populations
marginalisées sont encore des plus nombreuses au Sahel.

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tolérance religieuse n’est pas un ac‐

NOTES
1

Selon le quatrième recensement général de la population et de l'habita‐

tion opéré au Burkina Faso en décembre 2006, le Burkina Faso compte envi‐
ron 60,5 % de musulmans, 23,2 % de chrétiens (19 % de catholiques et 4,2 %
de protestants), 15,3 % d’animistes, 0,6 % d’autres religions et 0,4 % sans re‐
ligion. Quant au Mali, les musulmans représentent environ 90 % de la popu‐
lation malienne. Cf. les résultats définitifs des différents recensements gé‐
néraux de la population et de l’habitation dans ces pays (RGPH).

Laïcité et maintien de la paix dans l’espace francophone subsaharien : le cas du Mali et du Burkina Faso

«  On connaît la phrase célèbre généralement attribuée à Gambetta –
mais aussi à Paul Bert – rarement datée, et contextualisée de façon erra‐
tique : « l’anticléricalisme n’est pas un produit d’exportation ». La formule a
2

servi notamment de justification au financement, par la République laïque,
des institutions catholiques outre-mer.
Ainsi, la Constitution du Mali du 12 janvier 1992, proclame à son article 25
le caractère laïc de la République malienne et affirme dans son préambule
l’engagement solennel du peuple souverain malien à défendre la forme ré‐
3

publicaine et la laïcité de l’État. De même, la onstitution du Burkina Faso du
2 juin 1991 commence-t-elle à son titre II, par la formule : « Le Burkina Faso
est un État démocratique, unitaire et laïc ».
La guerre civile peut être définie comme une « lutte armée ayant éclaté
au sein d’un État et ayant pris une importance et une extension qui la diffé‐
4

rencient d’une simple révolte (…) ».
On peut donner l’exemple l’intervention de la MINUSMA, mission multi‐
dimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali éta‐
5

blie par la résolution 2100 du CS du 25 avril 2013 (Flory,1965, 446). Cette
opération avait donc pour mission d’appuyer le processus politique dans ce
pays ainsi que d’accomplir des tâches d’ordre sécuritaire y compris la lutte
contre le terrorisme dans le pays.
6

LA G5 Sahel ou « G5S » est un cadre de coordination et de suivi de la co‐

opération régionale en matière de politiques de développement et de sécu‐
rité. Il est créé lors du sommet du 15 au 17 février 2014 par cinq États du
Sahel : Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad.
Hormis celles suscitées, on peut également mentionner, entre autres les
crises qui ravagent la Côte d’Ivoire, la Mauritanie, le Tchad et le Nigeria.
7

«  [...] Le Mali traverse une crise profonde qui a de graves conséquences
sur les plans politique, socioéconomique et humanitaire et sur ceux de la
sécurité et des droits de l’Homme. Les enjeux sont l’unité nationale du pays,
8

son intégrité territoriale et sa tradition de démocratie multiethnique et
laïque. La crise trouve son origine dans des problèmes structurels qui
existent de longue date, par exemple la faiblesse des institutions de l’État,
l’inefficacité de la gouvernance, la fragilité de la cohésion sociale, l’impres‐
sion bien ancrée qu’ont les populations du nord d’être négligées, marginali‐
sées et traitées de façon injuste par le gouvernement central, la faiblesse de
la société civile, en dépit de sa vivacité, et sa dépendance sur l’extérieur
(…) ».

Laïcité et maintien de la paix dans l’espace francophone subsaharien : le cas du Mali et du Burkina Faso

C’est le cas du président Malien Ibrahim Boubacar Keïta qui, à la suite de
son élection en juillet 2013, a commencé son discours d’investiture par un
9

long verset du Coran.
Cf. l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus
d’Alger.
10

11

On rappelle qu’avant les élections présidentielle et législative prévues

dans l’agenda de la transition pour le 11 octobre 2015, les putschistes menés
par le Général Diendéré annoncèrent le 16 octobre la dissolution des ins‐
tances de transition pour finalement se rétracter en redonnant le pouvoir
au Président de la transition Michel Kafando.
12

Cf. Accord de paix et de réconciliation du Mali.

Les autorités coloniales ont utilisé les chefs religieux également, ainsi
que les dirigeants de l’indépendance.
13

14

La loi n° 2016-048 du 17 octobre 2016 portant loi électorale. En son cha‐

pitre VIII notamment à l’article 73, elle dispose que : « (…) Toute campagne
est interdite dans les lieux de culte ». De plus, en vertu de l’article 115, la loi,
en son chapitre XII dispose  : «  Sera punie d’un emprisonnement d’un (1)
mois à un (1) an et d’une amende de vingt-cinq mille (25.000) à deux cent
cinquante mille (250.000) francs (…) toute personne qui aura battu cam‐
pagne dans les lieux de cultes ».
15

Ce rapport relève principalement la corrélation entre le chômage des

jeunes maliens et la radicalisation à partir des éléments empiriques notam‐
ment des enquêtes de collecte de données sur la problématique «  Jeunes,
chômage et radicalisation au Mali  ». Il a été réalisé le bureau de Dakar de
l’Institut d’études de sécurité (ISS) mandaté par l’Agence japonaise de co‐
opération internationale (Japan International Coopération Agency - JICA)
pour mener une enquête de collecte de données sur la problématique
« Jeunes, chômage et radicalisation au Mali » (ARGA).

RÉSUMÉS
Français
La multiplication des attaques terroristes en Afrique francophone en parti‐
culier au Mali et au Burkina Faso, révèle l’insuffisance d’une stratégie de
lutte antiterroriste uniquement basée sur la réponse militaire et interroge
sur l’impact de la laïcité dans le maintien de la paix. En tant que principe de
gouvernance et d’organisation de l’État, la laïcité proclamée par les consti‐

Laïcité et maintien de la paix dans l’espace francophone subsaharien : le cas du Mali et du Burkina Faso

tuants du Mali et du Burkina Faso, est censée permettre à ces pays d’assurer
librement leurs fonctions régulatrices et identitaires afin de mieux répondre
aux besoins des citoyens. Aussi, sa violation constatée dans le fonctionne‐
ment des institutions politiques, expliquerait en partie les crises dans ces
régions et leurs répercussions sur d’autres États de l’Afrique de l’ouest. A cet
égard, la fragilité du Mali et du Burkina Faso au niveau socio-économique
favoriserait l’implantation des groupes terroristes, facilitée parfois par le fait
que l’islam y reste une religion très influente dans la vie sociale comme poli‐
tique. Ainsi, c’est la question générale de la bonne gouvernance qui se pose
en réalité même si elle ne devrait pas occulter celle de la pertinence civilisa‐
tionnelle du principe de laïcité, appliqué à des sociétés africaines organisées
suivant des logiques ethniques ou confessionnelles au-delà de la pertinence
des arguments théoriques et juridique qui en font un outil pacificateur.
English
The multiplication of djihadistes attacks in French-speaking Africa espe‐
cially in Mali and in Burkina Faso, reveals the insufficiency of a strategy of
fight against terrorism only based on military answer and questions about
the impact of secularism in the maintaining of peace. As principle of gov‐
ernance and of organisation of the State, the secularism proclaimed by the
constituents of Mali and of Burkina Faso, is supposed to allow these coun‐
tries to assure freely their regulating and self-defining functions to answer
better in need of the citizens. Also, his violation determined in the function‐
ing of the political institutions, would explain crises partly in these regions
and their repercussions on other States of Western Africa. In this respect,
the fragility of Mali and of Burkina Faso at socioeconomic level would favour
the establishment of the terrorist groups, made easier sometimes due to the
fact that Islam remains a very influential religion in social life as politics
there. So, it is the question of the good governance that is at issue in reality
which besides is be common in a good many of Africain States. But, it
should not eclipse that of the civilisationnelle pertinence of the principle of
secularism applied to Africain societies organised according to ethnic or de‐
nominational logic more than on a sum of désécularisés individualscitizens, beyond the pertinence of theoretical and legal arguments making
secularism a peacemaking tool.

INDEX
Mots-clés
laïcité, paix, terrorisme, religion, bonne gouvernance
Keywords
secularism, peace, terrorism, religion, good governance

Laïcité et maintien de la paix dans l’espace francophone subsaharien : le cas du Mali et du Burkina Faso

AUTEUR
Yenteme Djagba
Yenteme Djagba est une juriste togolaise. Elle a soutenu une thèse de doctorat en
février 2018 à l’Université de Lomé sur le thème : « la Cour internationale de
justice et le droit international du maintien de la paix ». Actuellement, elle
intervient comme enseignante à la Faculté de droit de l’Université de Lomé.

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