An-Nasr Vendredi #268 (La zakât : compréhension, définition et traduction)

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Titre
An-Nasr Vendredi #268 (La zakât : compréhension, définition et traduction)
Créateur
An-Nasr Vendredi
Date
2 janvier 2009
numéro
268
Droits
In Copyright - Educational Use Permitted
Langue
Français
Contributeur
Frédérick Madore
Wikidata QID
Q116190758
extracted text
Lorsque vient le secours d'Aile h ainsi que lavictoire, célèbre les louangesde ton Seigneuret irrplore son pardon

Avec la zakât, troisième pilier de l’I­
premièrement destinée aux pauvres et
aux nécessiteux de la société (ou aux
slam, nous avons d’abord un problème
œuvres de nature caritative et/ou pu­
de compréhension et subséquemment
blique). Enfin, elle a une dimension
de définition. Le plus souvent on pré­
spirituelle majeure puisqu’elle purifie
sente la zakât comme une « aumône »
qui aurait cette particularité d’être une
les biens des êtres humains comme
ceux-ci purifient leur cœur quand ils
prescription (entendue au sens d’une
prient et leurs corps quand ils jeûnent.
obligation) dans la pratique de la mu­
sulmane et du musulman. Pour rappro­
La zakât englobe ces trois dimensions
cher
ces
que nous pouvons
deux
direndre par la formu­
La zakât : compréhension le : taxe sociale puri­
mens io n s
définition et traduction
quelque peu
f ic a tr ic e .
C e tte
traduction n’est pas
c o n trad ic­
anodine en ce qu’elle tente de
toires (l’aumône est ordinairement un
circonscrire une des dim ensions
don libre), on a traduit le concept par
fo n d am e n ta le de l’e n s e ig n e m e n t«
des formules essayant de comprendre
islamique : la
nature profondément ■
les deux idées : « aumône légale »,
spirituelle de la conscience sociale des ’
« aumône prescrite », etc. (parfois les
individus.
traducteurs préfèrent même ne pas tra­
duire le mot).
C ’e s t un p rem ier e n seig n em en t
Ces définitions ne sont pas satisfaisan­
essentiel et nos définitions ou nos
traductions approximatives nous font
tes car elles ne permettent pas de com­
parfois prendre le sens de ce pilier
prendre les différents aspects de la za­
kât : parce qu’elle est obligatoire pour
majeur de l’Islam. Ce n’est pourtant
la conscience de tout musulman prati­
pas tout, deux autres enseignements
quant. La zakât est une taxe (ou un im­
fondamentaux sont à méditer quant à
pôt) à prélever (selon un décompte
l’application concrète du prélèvement
précis) sur ses biens. La nature de cet­
e t de la dépense de la zakât
aujourd’hui dans
te taxe est d’être « sociale » car elle est
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les pays majoritairement musulmans ou
en occident.
La priorité de la proximité
Lorsque le prophète de l’islam(PBSL)
envoya un émissaire dans une tribu qui
avait accepté l’islam, et lui demanda de les
inform er des obligations de la pratique en
expliquant les cinq piliers de l’islam. E n
parlant de la zakât, il lui dit de leur ensei­
gner que celle-ci devait être prélevé sur
l’argent des riches et distribuer à « leurs
pauvres » (Alâ fuqarà’ihim). Les ulâma’ à
travers les écoles et les âges ont, de ce fait,
toujours insisté sur la nécessité de dépen­
ser la zakât localement d ’abord, pour les
pauvres et les nécessiteux du lieu, de la
locaEté ou de la société dans laquelle elle a
été prélevée. Ce n ’est que lorsque les
besoins sont satisfaits que la dépense de la
zakât puisse se faire à l’étranger ou alors
dans uns situation d’exception lors d ’une
catastrophe naturelle, d’une guerre, etc.
N on seulement la zakât façonne la
conscience sociale du musulman mais elle
l’oriente également vers son environne­
m ent immédiat afin qu’il construise cette
même conscience en faisant face aux
difficultés et aux disfonctionnements de
sa société, de ses pauvres, de ses laisséspour-compte.
La zakât à la différence de l’aumône libre
(sadaqa) est destinée d ’abord aux musul­
m a n s e t la fid élité à l’e n s e ig n e m e n t
n o u s im p o se d ’o b s e rv e r ce qui

se passe autour de nous, dans notre
com m unauté spirituelle la plus proche.
Cette priorité de la proxim ité est fonda­
m entale : elle im pose de connaître sa
société de se soucier de l’état des musul­
m ans dans son quartier dans sa ville,
dans son pays.
O r nous som m es bien loin de cela
aujourd’hui. D ans la m ajorité des socié­
tés occidentales, aux Etats-unis, en
G rande-Bretagne com m e en France, on
rencontre des femmes et des hommes
qui donnent la zakât a des œuvres carita­
tives dans le Tiers-m onde ou dans leur
pays d ’origine. Ils se soucient peu de
l’état de celles et de ceux qui vivent à coté
d’eux et sont persuadés d’être dans le
juste puisque ceux de là bas sont plus
pauvres que ceux d’ici. L ’erreur consiste
dans le fait d ’oublier que les pauvres d ’ici
ont des droits (haqun m a’lûm) sur les
riches d ’ici. Rien n ’em pêche ces derniers
d’envoyer des dons libres (sadaqa) au
pauvres du m onde entier ou dans leur
pays d’origine mais ils ont une obligation
établie envers les nécessiteux de leur
pays et à laquelle ils ne peuvent pas
échapper : encore une fois, c’est, devant
D ieu le droit de leurs pauvres. O n ne
peut qu’être triste et parfois révolté,
d ’observer com bien les m usulmans se
soucient peu des réalités locales : obsé­
dés par les affaires internationales et la
situation des « musulmans de là bas », ils
ne voient que la réalité du déficit
d’éducation, du chômage de la marginalisation

sociale, de la drogue, de la violence, des
prisons dans leurs propres sociétés. La
conscience, en soi positive, du m alheur
de « leurs frères »ailleurs a eu cette
conséquence d’être très négative de les
tendre passif négligeant et inconscient
de la situation de « leurs frères » d’ici. Il
s’agit là d’une drame d’un faute et au
fond, d’une trahison de l’enseignement
fondamental de la zakât. Les associadons islamiques ont une grande part de
responsabilité dans cette dérive tant
elles peinent à proposer un program me
et des priorités de distributions de la
zakât au niveau locales dans les villes et
les régions. Une bonne compréhension
de cette dimension de la zakât devrait
façonner la conscience spirituelle et
citoyenne de l’individu com prenant
qu’elle/il doit s’engager dans son
environnement, le comprendre et
trouver les moyens les plus cohérents de
distribuer cette taxe sociale purificatrice
dans sa société, en Grande Bretagne , en
France, au Canada, aux Etats-Unis et
partout ailleurs.
Vers l’autonomie
le troisième enseignement de la zakât
est non moins important. Le principe
n’est pas de maintenir le bénéficiaire de
cette taxe dans nue dépendance qui en
ferait un assisté de la communauté spiri­
tuelle en particulier et de la société en
jénéral. Il s’agit bien d’accompagner les
pauvres
dans
un
processus
d’autonomisation : dés le 7ème siècle
des savants comme Sufyân ath-Thawri

parlent du fait qu’il s’agit de permettre aux
bénéficiaires de la zakât de pouvoir parve­
nir à une situation financière où ils pour­
ront à leur tour payer la zakât (c’est-à-dire
d’atteindre le nissab- le minimum requis
—en matière de gain).
Distribuer la zakât doit se faire avec le
souci de permettre à des femmes et à des
hommes d’atteindre une autonomie finan­
cière et il ne peut s’agir de les maintenir
dans un éternel état d’assistance.
Or c’est malheureusement ce que l’on voit
partout dans les communautés musul­
manes. On distribue, on donne mais
aucune vision
sur les processus
d’autonomisation financière des bénéfi­
ciaires. La distribution est ponctuelle,
chaotique et ne répond à aucune philoso­
phie de l’action sociale. Ici encore le
manque de connaissance, de créativité
(quant à la nouvelle façon d’utiliser la
zakât), voire la paresse, l’emportent sur
l’étude du terrain : l’enseignement de la
zakât est trahi.
Une distribution cohérente, raisonnée et
juste de la zakât imposerait de connaître la
situation spécifique des individus, la
législation du pays en matière sociale, les
systèmes d’allocations du pays et ce que les
pauvres, les femmes abandonnés et seules,
les chômeurs sont en droit d’obtenir par
exemple. La distribution de la zakât doit
faire part d’une stratégie globale prenant
en compte tous les moyens qu’une société
offre pour passer de l’assistance à
l’autonomie. Il est nécessaire de réunir

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les ulamâ’a et les spécialistes ( les législa­
tions et les institutions nationales), les
travailleurs sociaux et les femmes et les
hommes de terrain pour avoir une vision
plus globale et plus claire des stratégies à
adopter en fonction des différents
contextes sociaux. C'est en effet en tenant
compte de tout ce que la société offre en
matière de politique, de taxe et de soutien
sociaux que la distribution de la zakât prend
tout son sens : ainsi la zakât peut se présen­
ter comme un soutien vers un projet
d’autonomisation financière. Pour certains
individus, elle peut se présenter comme un
appoint ponctuel dans une situation transi­
toire ; ou comme partie, ou tout, d’un
capital destiné à lancer un projet écono­
mique local ; ou encore comme un don
conditionné à la réalisation d’une activité
déterminée ; etc. Les options sont multiples
mais exigent une bonne connaissance de
l’Islam (concernant l’utilisation possible de
la zakât) des législations et des réalités
sociales locales et nationales. Toutes ces
options requièrent, de ce fait, une spéciali­
sation et de la créativité. O n ne voit rien de
tout cela aujourd’hui et la zakât, dans
l’esprit, de la majorité des musulmans, est
devenu une simple aumône pour assister et
non un outil exigeant au service d’une
philosophie de l’action sociale. Non seule­
ment la distorsion est grave mais il apparaît
souvent que les usages actuels sont contreproductifs.
Une réflexion sur le troisième pilier de
l’islam nous montre combien nous sommes
souvent très loin des simples exigences
d ’une pratique profonde et intelligente.

Nous respectons les form es... de moins en
moins le fond. Reste qu’un jour, dans une
vie au-delà de cette vie, nos voisins, nos
pauvres, nos marginalisés, nos chômeurs,
nos femmes, abandonnées et seules, nos
drogués, nos délinquants poseront l’unique
question qui compte : au non de quelle foi
avons-nous été si plein d ’émotions passives
pour les oppressés de la planète et si vide
d’intelligence et d’attention respectueuse et
active pour eux, qui vivaient à nos côtés, et
que nous ne voyions pas ? C’est en effet la
seule question qui compte quand on se
souvient que le prophète de l’islam (PSBL)
ne cessait de demander au très rapproché de
lui offrir « la richesse du cœur » et « l’amour
des pauvres ». Il faut commencer par là :
réapprendre à aimer, réapprendre à aimer
les démunis. Alors chacun réalisera que cet
amour et le juste traitement que les pauvres
méritent sont très exigeants et pas si
facile... lorsque que ceux-ci vivent au seuil
de nos portes. Cet amour et ce respect ne
sont-ils pas le jihad permanent du cœur, de
l’esprit et de l’âme du musulman contempo­
rain?

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Source: www.tariqtamadan.com

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