Oumarou Kanazoé, homme de l'année 1996 : "… Nous évaluons notre fortune à notre capacité d'offrir du travail aux gens"

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Titre
Oumarou Kanazoé, homme de l'année 1996 : "… Nous évaluons notre fortune à notre capacité d'offrir du travail aux gens"
Editeur
Sidwaya
Date
22 janvier 1997
Résumé
Sidwaya : Quels sentiments vous animent en apprenant votre choix comme Homme de l'année 1996 par le quotidien Sidwaya ?
El Hadj Oumarou Kanazoé : Je pense et je crois que votre choix a été guidé par notre action de tous les jours que ce soit sur le plan professionnel ou en faveur des populations. Nous prions Dieu pour la paix et la santé pour tous. Nous pensons que quand il y a la paix sociale dans le pays et la santé pour les populations, tout devient possible. C'est dans ces conditions que nous arrivons à réaliser ce qui nous vaut aujourd'hui l'honneur d'être désigné comme Homme de l'année 1996.
Couverture spatiale
Ghana
Droits
In Copyright - Educational Use Permitted
Langue
Français
Contributeur
Frédérick Madore
contenu
Sidwaya : Quels sentiments vous animent en apprenant votre choix comme Homme de l'année 1996 par le quotidien Sidwaya ?

El Hadj Oumarou Kanazoé : Je pense et je crois que votre choix a été guidé par notre action de tous les jours que ce soit sur le plan professionnel ou en faveur des populations. Nous prions Dieu pour la paix et la santé pour tous. Nous pensons que quand il y a la paix sociale dans le pays et la santé pour les populations, tout devient possible. C'est dans ces conditions que nous arrivons à réaliser ce qui nous vaut aujourd'hui l'honneur d'être désigné comme Homme de l'année 1996.

L'un des arguments qui a motivé le choix de Sidwaya, c'est la construction du barrage Kanazoé dans le Passoré. Qu'est-ce qui vous a motivé à réaliser un tel investissement ?

El Hadj O.K : Nous pensons que chaque homme doit vivre pour son prochain. Les populations constituent notre force. C'est grâce à elles que nous sommes ce que nous sommes, que nous avons ce que nous avons aujourd'hui. Nous devons donc faire profiter à la population de ce que nous avons, de ce que Dieu nous a donné. Il y a des problèmes d'eau dans notre pays. Les populations souffrent de cette situation. Nous pensons que l'eau est indispensable aux populations et par conséquent nous avons pensé que la réalisation d'un barrage va les aider à résoudre beaucoup de problèmes. Le manque d'eau pousse nos populations à migrer vers d'autres régions, vers d'autres pays. La réalisation de barrages, va permettre aux populations de rester et de travailler sur place.

S : Pourquoi le choix du Passoré, votre province natale et pas la Gnagna ou le Kénédougou par exemple ?

El Hadj O.K : Il faut dire que nous avons déjà réalisé plusieurs barrages dans d'autres provinces, ne serait-ce que sur le plan de nos activités professionnelles. Vous devez aussi savoir que pour construire un barrage, le choix du site est important. Il faut que le site s'y prête pour que le barrage puisse recevoir et stocker suffisamment d'eau. Nous pensons aussi que le barrage que nous sommes en train de construire ne va pas profiter à la seule province du Passoré. C'est un barrage à cheval entre le Passoré et le Yatenga (ancien découpage). Aujourd'hui avec le nouveau découpage, ce barrage va profiter aux populations d'au moins trois provinces. Que ce soit de manière directe ou indirecte, nous pensons que le barrage sera bénéfique pour tous les Burkinabè.

S : Quel est le coût de ce barrage ?

El Hadj O.K : Le coût initial était estimé à environ deux milliards de francs CFA. Il y a eu cependant une extension, un agrandissement du barrage. Sa capacité de stockage a été augmentée. Ce qui fait que le coût initial est largement dépassé.

S : Vous avez aussi préfinancé certains travaux du XIXe sommet France-Afrique. Etes-vous sûr que vous serez payé par l'Etat ?

El Hadj O.K : Nous n'avons pas mis au devant le gain financier, l'intérêt financier dans les travaux du 19e sommet France-Afrique. Nous avons pensé d'abord au Burkina. C'était un défi à relever pour le pays. C'est-à-dire un défi pour tous les Burkinabè. Si nous avions voulu tout attendre avant de faire quoi que ce soit, nous pensons que n'aurait pas fait avancer les choses. Nous pensons d'ailleurs que nous n'avons pas été seuls dans ce cas. Pratiquement tout le monde s'est investi avant toute considération pour le succès du sommet. La question de rentrer dans ses fonds ne nous préoccupe pas. Avec la paix et la stabilité que connaît notre pays, nous pensons que c'est là la plus grande garantie. Nous prions Dieu pour que notre pays continue à jouir de cette paix et de cette stabilité.

S : Il nous est revenu que l'entreprise Oumarou Kanazoé, malgré la prospérité de ses activités, ne paie pas régulièrement ses travailleurs. Vrai ou faux ? Si c'est vrai, pourquoi ?

El Hadj O.K : Nous n'avons jamais eu de problèmes pour payer nos employers. Si le travail de l'entreprise Kanazoé marche c'est parce qu'elle paye ses travailleurs.

Vous savez que si vous ne payez pas vos employers, ils abandonnent le travail et cela n'arrange pas votre propre entreprise. C'est vous qui perdez dans ces conditions. Nous avons travaillé de manière intensive en deux mois pour achever certaines réalisations du sommet France-Afrique. Vous pensez que si nous ne payons pas nos travailleurs, nous pouvons les amener à faire un tel travail ? à se sacrifier de la sorte pour que nous puissions respecter nos délais ? Nous pensons simplement qu'une grande entreprise comme la nôtre ne peut pas échapper à de telles rumeurs, à ce genre d'attaques. La réalité est cependant tout autre. Nous venons en aide à des personnes qui ne sont pas nos employers. Comment imaginer alors que nous ne versions pas de salaire à ceux qui travaillent pour nous ? Mieux, nous avons mis en place une “pharmacie” pour venir en aide à nos travailleurs. Les produits disponibles sont livrés gratuitement à ceux-là qui sont munis d'ordonnance.

S : Comment une seule personne peut-elle s'occuper d'une grande entreprise comme la vôtre, de la présidence de la Chambre de commerce sans oublier les multiples sollicitations pour parrainer telle ou telle cérémonie ?

El Hadj O.K : Nous croyons que tout est possible avec la grâce et l'aide de Dieu. Tout ce que vous voulez faire ne peut se réaliser qu'avec l'aide de Dieu.

S : Vous venez en aide à beaucoup de personnes ; vous distribuez ainsi chaque fois des vivres aux plus démunis. Un proverbe dit cependant qu'il vaut mieux apprendre aux gens à pêcher plutôt que de leur donner du poisson. Que faites-vous justement pour que les gens se prennent en charge ?

El Hadj O.K : Nous sommes sur cette voie. J'ai commencé à travailler seul pour monter mon entreprise. J'ai ensuite embauché une personne, puis deux. Cela est monté à cent personnes et nous sommes aujourd'hui à plusieurs centaines. En 1980, nous employions 32 expatriés européens mais actuellement il ne reste que 2 ou 3 dans notre entreprise. Cela veut dire que nous avons formé des nationaux, que nous avons augmenté les emplois pour des Burkinabè. Nous avons donc apporté un savoir aux gens qui en profiteront même hors de notre entreprise. Nous faisons aussi la différence entre les nécessiteux. Il y a les handicapés et ceux qui sont nécessiteux parce qu'ils n'ont pas du travail. En réalisant par exemple des barrages, nous favorisons la création d'emplois pour les populations qui peuvent faire de la culture maraîchère. Nous croyons aussi que notre action doit venir en complément aux efforts de tout un chacun pour la résolution de ce genre de problèmes. Il y a l'intervention du gouvernement, des ONG et de toutes les bonnes volontés. C'est donc la résultante de toutes ces actions qui va contribuer à la résolution des problèmes de survie que rencontrent les populations.

S : Dans quels autres pays travaillez-vous ?

El Hadj O.K : Nous travaillons dans trois autres pays en dehors du Burkina Faso. Il y a le Niger, le Bénin et le Mali. C'est une grande fierté pour nous car cela prouve qu'une entreprise africaine peut être performante et intervenir dans plusieurs pays.

S : Quel est le montant de la fortune de Kanazoé ?

El Hadj O.K : Nous évaluons notre fortune à notre capacité d'offrir du travail aux gens, d'aider les gens. Et vu sous cet angle, nous ne pouvons que remercier Dieu car notre entreprise procure de plus en plus d'emplois aux Burkinabè. Comme je l'ai déjà dit, nous sommes aujourd'hui non seulement présents au Burkina mais également dans d'autres pays africains. Ce sont donc des emplois qui sont créés dans ces pays.

S : Avez-vous cédé la direction de l'entreprise Oumarou Kanazoé à votre fils Mady Kanazoé ?

El Hadj O.K : C'est effectivement mon fils Mady qui dirige actuellement l'entreprise. Nous ne jouons présentement que le rôle de conseiller. Nous apportons ainsi chaque jour notre expérience pour la bonne marche de l'entreprise.

S : On vous dit grand militant et financier du CDP ?

El Hadj O.K : Je m'engage toujours du côté de tous ceux qui pensent au développement du pays qui veulent construire. Celui qui, vient à moi avec l'objectif de construire, de consolider la paix sociale, bénéficiera toujours de mon appui. Je n'ai pas choisi un parti pour soutenir ou pour m'engager. J'aide tous les partis qui viennent à moi avec comme objectif l'édification du Burkina. Si maintenant un parti a d'autres objectifs et ne vient pas à moi, je n'y peux rien.

S : Comment faire pour devenir riche comme El Hadj Oumarou Kanazoé ?

El Hadj O.K : Il n'y a pas de secret particulier pour le devenir. Si secret il y a, ce ne peut être que le travail et l'honnêteté. Il ne faut jamais oublier aussi son prochain. Quand vous êtes sérieux, travailleur et honnête, vous obtenez la confiance des gens et tout devient possible.

S : Combien d'heures dormez-vous par jour?

El Hadj O.K : Je me suis habitué à un certain rythme de vie depuis mon enfance. Je me couche généralement vers 22 heures, 23 heures et des fois vers minuit. Quelle que soit cependant l'heure à laquelle je me couche, je suis sur pied dès 4 heures du matin. Une fois debout, je ne connais de repos que quand je me met au lit le soir.

S : El Hadj O.K est-il heureux ?

El Hadj O.K : Je crois que quand on a la santé, on doit être heureux. Quand on a du travail en plus, le bonheur devient plus grand.

S : Vous avez été médiateur dans la crise du mouvement sunnite. Est-ce que la paix règne actuellement ?

El Hadj O.K : Je crois que la paix s'est renforcée au sein du mouvement sunnite. Dieu est unique. Nous devons savoir que Dieu est le même pour tous. Au Burkina nous avons la chance que toutes les religions vivent en harmonie. Nous ne devons pas cultiver la discorde entre nous. Dieu nous dit de nous aimer d'abord avant de solliciter son amour. Voilà pourquoi nous avons préché pour une entente entre frères du mouvement sunnite. On nous rapporte chaque jour les drames que vivent d'autres peuples à cause des conflits religieux. Nous prions Dieu pour que cela n'arrive jamais chez nous. Il faut donc éteindre toute étincelle parce qu'on ne sait jamais jusqu'où irait l'incendie qu'elle provoquera. Avec le concours de tous et l'aide de Dieu, la communauté sunnite connaît actuellement la paix. Le gouvernement s'est beaucoup investi dans la résolution de la crise. Je crois qu'actuellement tout va bien.

S : Quels sont les vœux que vous formulez pour votre famille et pour le Burkina ?

El Hadj O.K : Nous remercions d'abord Dieu pour ce que nous sommes et le prions toujours pour que demain soit meilleur à aujourd'hui. Nous formulons aussi des vœux pour la paix au Burkina. Quand un pays connaît la paix, il devient la patrie de tout le monde. Quand un pays connaît des conflits sociaux, personne ne veut y rester, à plus forte raison s'y rendre. Quand un pays connaît la paix, il peut facilement se développer car il attire les investisseurs. Aujourd'hui le Burkina a bonne presse sur le plan international à cause de cette paix qui y règne.

S : Présentez-vous à nos lecteurs : votre vie familiale, vos loisirs.

El Hadj O.K : Mes activités me laissent très peu de temps à accorder à ma famille. J'emploie cependant le peu de temps que j'arrive à dégager pour le consacrer aux miens. Notre famille qui connaît l'intensité de notre activité nous comprend et nous nous arrangeons pour qu'il y ait toujours le bonheur dans la famille. Quant aux loisirs, je dirai simplement que j'aime le travail. Quand je ne suis pas sur un travail, je ne suis pas satisfait, je ne suis pas content. On peut dire que celui qui travaille fait du sport. Le paresseux ne peut pas faire du sport. Quand nos sportifs remportent des victoires, cela fait notre fierté et c'est ainsi que nous aimons le sport. Le temps me manque pour me consacrer à d'autres loisirs.

S : Pouvez-vous nous rappelez vos débuts ?

El Hadj O.K : J'ai pris goût au travail dès mon plus jeune âge. J'ai débuté comme tisserand. Quand j'étais enfant j'ai bien sûr fait les travaux champêtres et garder les animaux comme les garçons de mon âge. Après le métier de tisserand, je me suis lancé dans le commerce. Je partais au Ghana, au Mali et en Côte d'Ivoire à pied. J'ai pu ensuite m'acheter un vélo Quelques années plus tard j'ai acheté d'autres vélos que j'ai donné à d'autres garçons pour m'accompagner pour mon commerce. J'ai ensuite construit une boutique pour vendre des marchandises. C'est en 1955 que j'ai acheté mon premier camion pour me lancer dans le transport. Mes activités se sont ensuite développées parce que j'ai su conquérir et fidéliser mes partenaires. Il faut savoir toujours garder de bons rapports avec ses partenaires. Je vous renvoie à votre précédante question sur ce que j'ai fait dans le cadre du sommet France-Afrique. C'est ainsi qu'on maintient d'excellents rapports avec nos partenaires, qu'il s'agisse de l'Etat ou de tout autre personne morale ou physique. J'ai toujours fait du travail sérieux, de qualité et à des coûts acceptables.

S : Quels sont les projets que vous nourrissez ?

El Hadj O.K : Nos premiers projets restent ce que nous avons déjà entrepris et qui sont à achever Nos projets et notre ambition sont également de poursuivre dans l'œuvre que nous avons entreprise dans le domaine du développement économique et social. Pour donner un exemple concret, nous comptons achever la construction du barrage que nous avons entamée dans le Passoré. Nous verrons ensuite ce qu'il y a à faire.

S : Quel est votre dernier mot ?

El Hadj O.K : Il faut que nous apprenions à nous aimer. L'homme doit aimer son prochain. Quand les gens apprennent à s'aimer, il y a la concorde sociale. J'insiste une fois de plus sur la paix sociale. Tout le monde devrait œuvrer à la consolidation de cette paix sociale. Quand un pays ne connaît pas la paix, personne ne connaît la paix. Même ceux qui ne souhaitaient pas la paix finissent par te regretter. Par contre quand il existe la paix dans un pays, même ceux qui étaient contre cette paix finissent par en profiter. La paix est au centre de tout.
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