Pèlerinage 1994 : repenser l'organisation

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Classe de ressource
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Titre
Pèlerinage 1994 : repenser l'organisation
Créateur
Salif Belem
Editeur
Sidwaya
Date
6 juillet 1994
Résumé
Initialement prévu pour le 1er mai 1994 à 9h30 mn, c'est finalement le 2 mai à 3h20 mn qu'a eu lieu à l'aéroport du premier convoi des pélérins burkinabè à l'aéroport de Ouagadougou. Arrivés le même le jour à 12h30 mn (heure locale) à Djedda, ils ont été accueillis par l'ambassadeur du Burkina en Arabie Saoudite Son Excellence Omar Diawara. Quant à la délégation bobolaise elle a quitté Bobo le 2 mai à 23h30 mn.
Droits
In Copyright - Educational Use Permitted
Langue
Français
Contributeur
Frédérick Madore
contenu
Initialement prévu pour le 1er mai 1994 à 9h30 mn, c'est finalement le 2 mai à 3h20 mn qu'a eu lieu à l'aéroport du premier convoi des pélérins burkinabè à l'aéroport de Ouagadougou. Arrivés le même le jour à 12h30 mn (heure locale) à Djedda, ils ont été accueillis par l'ambassadeur du Burkina en Arabie Saoudite Son Excellence Omar Diawara. Quant à la délégation bobolaise elle a quitté Bobo le 2 mai à 23h30 mn.

Après la procédure de retrait des passeports à l'aéroport (rendue longue à cause de notre inorganisation) les pélérins atteignaient Médina, première étape du séjour saoudien le 4 mai à 2h00 du matin. Pendant une dizaine de jours, les pélérins consacreront leur temps à la prière et à la visite dès l'aube des hauts lieux de l'Islam tels la montagne de Ouhd, le cimetière de Bakia, la mosquée de Qouba. A l'étape de Médina comme à toutes les autres, les pélérins burkinabè plus que d'autres pélérins vivront des problèmes de logement, de déplacement et d'encadrement. L'éloignement des résidences de la mosquée, dispersion des résidences et donc, des pélérins, surcharge des locaux, hygiène douteux, refus ou manque de moyens de payer les loyers d'où existence de "squatters” aux abords des mosquées. Voilà les conditions d'hébergement qu'ont vécu les pélérins burkinabè. Bien que réglé dès l'aéroport de Djedda pour tout le séjour chaque opération de déplacement des pélérins burkinabè était épreuve de patience et une preuve d'inorganisation de la délégation burkinabè. Enfin, l'encadrement du groupe de pélérins n'a pas manqué de causer des difficultés.

L'information des pélérins était quasi- inexistente et l'encadrement un vain mot. Il y a eu un manque visible de préparation du voyage, du séjour et des rites de pélérinage.

Etape de Makkah, Mina, Arafat, Mudzalifa

Après le séjour de Médine qui n'est pas une obligation du pélérinage, c'est le 14 mai que les pélérins ont quitté Médine pour Makkah après la mise en état de sacralisation (bain rituel, port de 2 pagnes blancs non cousus, intention, prononciation de la talbya ou réponse à l'appel du seigneur). A Makkah. le même jour s'effectuait le petit pélérinage (oumra) qui consiste en la circumambulation autour de de la Kaaba (7 fois), la marche entre les monticules de Safa et Marwa (7 fois) et à la coupe des cheveux Après cette oumra, le pélérin qui pratique le Hajj par la méthode dite "Tamattoue“ est désacralisé, il retrouve ses habits et sa pratique quotidienne normale en attendant le grand pélérinage (Hajj).

Jeudi 19 mai C'était le départ de Makkah après un nouveau rite de sacrisalisation pour se rendre à Mina à environ 8 km. Là, les pélérins passèrent la nuit du 19 mai au 20 mai sous des tentes, c'est le début du Hajj.

Vendredi 20 mai : Embarquement de tous les pélérins au petit matin pour Arafat où a lieu le stationnement de tous les pélérins; fussent-ils des millions Même les malades y sont transportés. C'est le clou du Hajj Arafat est une vaste plaine cernée de montagnes où se dresse le mont de la miséricorde. Les pélérins y passent toute la journée en invocations. A la tombée de la nuit, ils quittent Arafat et déferlent sur Mudzalifa où ils passent la nuit. S'il y a eu des images fortes du pélérinage telles la première vision de Kaaba, le stationnement à Arafat, celle du déferlement continu jusqu'au lendemain des pélérins qui à pied, qui en véhicule demeure un spectacle grandiose quasi unique au monde.

Samedi 21 mai : Au petit matin, c'est le retour à Mina et la lapidation d'une des 3 stèles symbolisant Satan. Epreuve difficile et périlleuse vu le nombre de pélérins (plus de 2,5 millions cette année) et où surviennent les premiers morts par bousculade. En deux jours, cette même épreuve occasionnera plus de 800 morts, essentiellement des Asiatiques. Toujours le 21 mai et après le jet des pierres, le rasage des têtes, la circumambulation à la Kaaba (Ifada), le sacrifice du mouton viendra clore le Hajj et les pélérins quittent l'état de sacralisation.

Lundi 23 mai : Retour à Makkah pour le restant du séjour qui se passera essentiellement en prières C'est le 30 mai que le premier convoi de retour quittera Djedda pour Ouagadougou.

El Adj Salif BELEM DGRTB

Les sentiments des acteurs du Hajj

Après le film de l'événement, nous vous proposons le point de vue de certains acteurs du pélérinage de cette année. Il s'agit du docteur Seydou Touré chef de la délégation médicale, Mama Sanou, délégué du convoi de Bobo-Dioulasso, Rasmané Bikienga un des nombreux “squatters”, Toumani Triandé, président de la Communauté musulmane et délégué général du Hajj 94 et de Son Excellence Omar Diawara ambassadeur du Burkina en Arabie Saoudite.

Question : Dr Touré quels sont les problèmes immédiats auxquels vous avez fait face à l'étape de Médine ?

Dr Touré Seydou : le tout premier, c'est l'enveloppe allouée au pélérinage. 150.000 F CFA pour plus de 800 pélérins dont on ne connaît pas l'état de santé et pendant un mois. Cela fait 6,2 F CFA par jour et par pélérin. C'est franchement ridicule. En fait, la dotation reçue est sensée servir uniquement pour les voyages aller et retour. L'équipe médicale est très légère. Elle se compose d'un médecin et de 2 infirmiers. Un major est là en appui mais il ne fait pas partie de la délégation officielle. A titre d'exemple l'équipe médicale ivoirienne qui encadre moins de 700 pélérins compte

26 personnes dont 4 médecins. Au départ de Ouaga, il n'y a pas d'encadrement dans le sens de faire acquérir à chacun sa pharmacie individuelle de première nécessité. Pour Bobo, c'est différent car chaque pélérin dispose d'un minimum de produits. Le choix de l'équipe médicale se fait tardivement d'où un manque de préparation de celle-ci. Sur place à Médine, nous n'avons même pas pu consulter tranquillement parue que nous sommes logés (à plus de 10) avec des pélérins. Difficile dans ces conditions de travailler. De plus on nous loge au 4e étage alors que des malades (hypertendus) sont au premier. Les pélérins burkinabè sont dispersés ; ce qui rend la couverture sanitaire pénible. Nous avons donc essayé de faire une visite par jour dans les différentes résidences. Il y a surtout le problème des "sans domicile fixe" qui errent aux abords des mosquées.

Q.: Les structures sanitaires locales vous sont-elles d'un quelconque apport ?

Dr T S. : elles nous sont un appui inestimable et sans elles, cela aurait été plus dur. Par manque d'information dès le départ, les pélérins sont étonnés de se voir délivrer des ordonnances par nous. Mais que voulez vous ? Nous n'avons pas le choix.

Q. : Avez vous une proposition concrète pour améliorer la couverture sanitaire des prochains pèlerinages ? Dr T.S. : Pour mieux assurer celte couverture, à mon avis, il faudrait instituer une commission permanente sanitaire du Hajj. Cette commission aura son mot à dire sur la candidature de chaque pélérin. On amène des pélérins mourants, d'autres qui cachent leurs maladies et la plupart n'emportent pas un minimun de médicaments essentiels. Elle pourra également statuer et prendre des dispositions pour les malades chroniques (hypertendus, diabétiques...).

M. Sanou Mama des pèlerins de Bobo-Dioulasso : nous sommes plus de 250 dont 7 délégués. Déjà à Bobo, Air Afrique a accusé un retard de 5 heures pour, semble-t-il un problème de transport de mangues. Arrivés à Djedda il y a eu un problème d'identification des délégués que l'ambassadeur a vite réglé. Nous avons passe plus de 24 heures à l'aéroport pour une question d'inorganisation de notre part. Le problème est le même au niveau des délégations de Ouaga. La Commission nationale devrait régler tous les frais cl autres taxes avant même notre arrivée et ce par chèque en lieu et place de chaque pélérin. Mais que constate-t-on ? Certains pélérins par manque d'information ou de confiance préfèrent régler ces frais eux-mêmes sur place, occasionnant un temps trop long d'attente à l'aéroport dû aux problèmes de change CFA/Rials. Certains n'ont même pas les moyens de s'en acquitter. Je crois que les autorités devraient vérifier que les pélérins remplissent les conditions matérielles et financières avant d'embarquer. Si les pèlerins ont leur part de responsabilité, il faut ajouter à leur décharge que le travail d'encadrement à la base au pays et avant le Hajj ne se fait pas. La plupart des démarcheurs ne s'occupent pas de l'information de leurs clients mais plutôt des commissions d'Air Afrique. Rasmané Bikienga squatter : Le loyer est trop cher. J'avais du CFA à l'arrivée mais le cours du CFA est très bas ici. 5000 F CFA se changent à 25 Rials. Je croyais que le cours atteindrait 35 Rials.

Q. : Etiez-vous informés de ce qui vous attendait comme dépenses ici en Arabie Saoudite ?

R.B. : franchement oui, mais avec ce taux de change, mon pécule est devenu très faible.

Q. : Etiez-vous au courant qu'il fallait dès le Burkina convertir le franc CFA en francs français ?

R.B : oui, mais la procédure était compliquée et je ne n'ai pas pu échanger beaucoup de F CFA en FF.

Q. : que pensez-vous de l'organisation côté burkinabè ?

R.B : je ne comprends rien à ce qui se passe, l'essentiel pour moi est de prier Dieu.

M. Toumani Triandé, délégué général : le problème majeur est celui du logement qui est apparu comme inattendu. C'est comme si des démarches n'avaient pas été entreprises auparavant par la Commission nationale d'organisation. Seule elle peut nous expliquer. Prenez par exemple le problème des sans abris. Je ne m'attendais pas à rencontrer une telle attitude de certains pélérins qui, sous prétexte de manque de moyens, refusent de payer le loyer et préfèrent dormir à la belle étoile avec tous les risques qu'on imagine. Le problème de moyen ne me semble pas réel pour beaucoup qui l'évoquent car les mêmes remplissent déjà leurs valises de marchandises coûteuses. Il y a de la malhonnêteté dans l'air.

Q. : Que comptez-vous faire pour résoudre le problème des "squatters" ?

T.T. : Je suis choqué et indigné de celte situation. Il faut le courrier mais à partir du Burkina par une organisation efficiente.

Q. : manifestement, Il y a manque de confiance entre pélérins et délégués.

T.T. : c'est vrai; il y a peut-être de l'intoxication à partir du Burkina. Il faut éviter de généraliser. Parmi les délégués, il y a d'honnêtes personnes compétentes qui se dévouent; bien sûr tout n'est pas parfait.

Q. : avez-vous une organisation au sein des délégués aux lieux saints ?

T.T. : oui, il y a une organisation, mais elle est ponctuelle, pratique selon les problèmes du moment, certaines choses nous échappent.

Q. : qu'en est-il de la maison du Burkina à Makkah ?

T.T. : il y a 30 ans, la Communauté musulmane avait acquis un immeuble à Makkah à 5 millions de F CFA à l'époque. Il a deux niveaux avec une capacité de 100 locataires au plus. Avec le temps, on s'est rendu compte que l'investissement n'était plus rentable. El Adj Issa Kombissiri, une très honnête personne qui s'en occupait nous a conseillé de le vendre il y a 5 ans. C'est maintenant chose faite à 600 000 Rials soit près de 45 millions de F CFA non dévalué. Cette somme sera investie dans la renovation de la Medersa centrale de Ouaga (inch Allait).

Q. : qu'est ce qui vous a le plus marqué durant ce pélerinage ?

T.T. : c'est l'inorganisation, notamment au niveau du logement, il nous faut une meilleure organisation pour résoudre radicalement le problème du logement entre autres. Il faut qu'au niveau des musulmans, il y ail observation stricte des conditions du Hajj définies par le Coran. Il me semble important que les autorités se penchent davantage sur l'organisation car quand plus de mille citoyens se déplacent à l'étranger, l'Etat, soirs prétexte de laïcité, ne peut rester indifférent. D'autres pays (Niger, Mali, Sénégal) sont laïcs mais l'Etat prend plus de responsabilité; il y va d'ailleurs de sa crédibilité.

S.E. Omar Diwara : De façon officielle, l'ambassade n'intervient pas dans l'organisation du Hajj mais en tant que représentant de notre pays, les problèmes de nos concitoyens ne peuvent nous laisser indifférents. C'est ainsi que dès l'arrivée des pélérins, nous intervenons pour aplanir certains problèmes. En fait, le travail d'organisation devrait se faire au Burkina pour éviter toutes les tracasseries qu'on connait. Malheureusement, il y a des imperfections et il me semble opportun de mener une réflexion de fond pour asseoir une organisation à la hauteur de l'évolution du Hajj. Lorsqu'il y a 2,5 à 3 millions de pélérins qui arrivent, ce sont les moins organisés qui souffrent le plus à tous les niveaux. Il faut espérer que l'appel que nous lançons depuis un certain temps trouve un écho favorable au niveau de la Commission nationale d'organisation pour un meilleur séjour de nos pélerins. Dans tous les cas, nous sommes à la disposition de tous.

Entretien réalisé par El Adj Salif BELEM

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