Echec de la médiation interne : les quatre scenarii des médiateurs

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Text
Titre
Echec de la médiation interne : les quatre scenarii des médiateurs
Créateur
Kossaomané Anselme Kambire
Editeur
Sidwaya
Date
10 mars 2014
Résumé
Les médiateurs autosaisis ont réuni, le 10 mars 2014 à Ouagadougou, l'opposition et la majorité pour une reprise des négociations interrompues un mois plus tôt. Une fois de plus, après quelques minutes de huis-clos, les deux parties ont mis fin aux pourparlers.
Couverture spatiale
Bobo-Dioulasso
Ouagadougou
Droits
In Copyright - Educational Use Permitted
Langue
Français
Contributeur
Frédérick Madore
contenu
Les médiateurs autosaisis ont réuni, le 10 mars 2014 à Ouagadougou, l'opposition et la majorité pour une reprise des négociations interrompues un mois plus tôt. Une fois de plus, après quelques minutes de huis-clos, les deux parties ont mis fin aux pourparlers.

La médiation conduite par Jean-Baptiste Ouédrago pour une sortie de crise politique au Burkina Faso a du plomb dans l'aile. La majorité et l'opposition, engagées dans les négociations, se sont quittées dos à dos. Dans une conférence de presse tenue dans l'après-midi, le groupe de médiateurs conduit par l'ancien président, Jean-Baptiste Ouédraogo, a pris acte de l'échec dans les négociations. Il a reconnu que la médiation a échoué à cause des positions "intransigeantes et inconciliables " des parties prenantes. Cependant, son groupe, selon lui, n'éprouve aucun regret de s'être impliqué pour proposer un dialogue en vue de préserver la paix et la cohésion sociale. Les médiateurs ont estimé avoir joué leur partition et par devoir moral de citoyen conscient et responsable face à de potentiels troubles sociaux. Le groupe de médiation note que chaque partie surestime ses forces et s'approprie le rapport de force sur le terrain. Jean-Baptiste Ouédraogo et ses camarades ont lancé un appel à tous les acteurs politiques pour que, dans un sursaut patriotique, de pragmatisme et de responsabilité, ils placent l'intérêt supérieur du Burkina Faso au-dessus de toute considération afin de préserver la paix. Au président du Faso, les médiateurs ont adressé un message de sagesse, d'honneur et de crédibilité dans la préservation des acquis démocratiques, sociaux et économiques. Ils en ont fait de même aux acteurs politiques de tous bords à qui ils demandent plus de patriotisme, de responsabilité et d'amour du bien commun pour éviter des dérapages et des débordements pouvant conduire à des troubles graves et à des violences.

En attendant, le groupe de médiateurs a esquissé quatre scenarii auxquels les Burkinabè devraient s'attendre. Le « scénario d'honneur » où le président prend la responsabilité de son départ en 2015, fait l'économie d'un référendum. Ce qui, selon eux, permettrait à Blaise Compaoré de « sortir par la grande porte » et suscitera l'admiration au plan national et international. Le second, intitulé « scénario de défaite », prévoit l'échec dans la modification de la Constitution, et le chef de l'Etat « sort par la petite porte, humilié ». Dans cette deuxième possibilité, il est prévu également une défaite à l'élection présidentielle de 2015. La troisième esquisse des médiateurs concerne ce qu'ils ont appelé « scenarii à risque » où le président du Faso sort victorieux du référendum et de l'élection présidentielle. Le pays, dans ces conditions, précisent les médiateurs, peut devenir ingouvernable, le chef de l'Etat fera face à une fronde sociale. Le deuxième volet de ce troisième schéma est la transition apaisée négociée. Dans cette hypothèse, le président du Faso renonce à se présenter à l'élection présidentielle. Le Code électoral est modifié. Les élections sont repoussées à 2017. L'exécutif, dans ce cas de figure, relèvent les médiateurs, est un gouvernement d'union nationale avec un Premier ministre issu de la société civile.

Le mandat de la discorde

Les négociations de cette transition peuvent être difficiles et provoquer une fronde à cause de son caractère de « bonus » après deux septennats et deux quinquennats, prévient le président Jean-Baptiste Ouédraogo. Le dernier scénario prévu par le groupe de médiateurs porte sur un éventuel arbitrage de l'armée.

Les deux camps, quant à eux, s'accusent mutuellement à propos de cet échec. Les débats se sont achoppés sur la question du mandat du président du Faso que l'opposition politique exige à la majorité. En l'absence de ce préalable au rendez-vous du 10 mars 2014, l'opposition n'a pas jugé nécessaire de poursuivre les tractations. Selon Zéphirin Diabré, Chef de file de l'opposition politique du Burkina, c'est par respect de la délégation de la médiation et dans un esprit de considération que l'opposition a répondu à l'invitation. « Nous avons réitéré notre exigence, du mandat de la part du président du Faso. Malheureusement, la majorité n'a pas été à même de fournir ce mandat. De ce fait, la médiation a dû faire le constat d'un désaccord et a décidé de mettre fin aux travaux », a-t-il indiqué.

Pour la majorité, l'attitude de l'opposition est une « volonté de bloquer le dialogue ». Selon Assimi Kouanda, secrétaire exécutif du parti majoritaire, le CDP, la posture du camp adverse est une manière de manquer de considération et de respect aux « hautes personnalités qui ont géré notre pays... , à des hommes de conviction, de foi religieuse qui ont estimé qu'elles pouvaient apporter leur contribution à faire en sorte que les Burkinabè puissent se parler, s'asseoir à la même table, discuter, échanger sur les problèmes essentiels qui concernent la vie de notre pays ». Et de poursuivre : « en tant que majorité reconnue par l'ensemble des textes qui organisent la vie politique au Burkina Faso, nous n'avons pas à donner un mandat, encore moins à l'opposition pour continuer les discussions puisque son exigence ne se fonde sur rien ». Pour lui, le président du Faso, selon la Constitution, est au-dessus des partis politiques. Assimi Kouanda a estimé que c'est la majorité qui devrait, au contraire, demander de l'opposition un mandat « pour être sûre de ce qu'elle représente réellement ». Aussi a-t-il justifié : « la majorité a plus de 90 députés à l'Assemblée nationale. Elle a reçu la confiance du peuple burkinabè. Elle a plus de 15 mille conseillers municipaux. En tant que parti politique, nous ne voyons pas pourquoi un parti politique va nous demander un mandat du président du Faso ». Nonobstant les divergences de vue, l'opposition, selon Zéphirin Diabré, s'est dit disposée à d'autres discussions. Mais elle le fera, à l'entendre, selon les principes qui gouvernent son action, en ayant à l'esprit le sens de l'intérêt supérieur des Burkinabè.

Dans la continuité de la médiation sur la situation nationale entreprise par le Groupe de médiateurs composé de son Excellence monsieur Jean-Baptiste OUEDRAOGO, ancien chef d'Etat, de son Excellence, Monseigneur Paul OUEDRAOGO, Archevêque métropolitain de Bobo-Dioulasso, et de El Hadj Mama SANON, président de la Communauté musulmane de Bobo-Dioulasso, les partis de la Majorité et ceux de l'Opposition regroupés derrière le Chef de file de l'Opposition, se sont retrouvés le 10 mars 2014 à Ouagadougou à partir de 11 h20, sur invitation du groupe de médiateurs.

La délégation de la Majorité était composée de : Assimi KOUANDA, Kanidoua NABOHO, Bédouma Alain YODA, Blaise SAWADOGO, Bouba YAGUIBOU, Etienne OUEDRAOGO, Ousséni TAMBOURA, Amadou DIEMDIODA DICKO et Célestin S. COMPAORE et celle de l'Opposition de : Zéphirin DIABRE, Bénéwendé Stanislas SANKARA, Ablassé OUEDRAOGO, Moussa BOLY, Djédjouma SANON, Ibrahima KONE, Boureima T. SAWADOGO, Norbert Michel TIENDREBEOGO, Jean-Hubert BAZIE. iCette rencontre fait suite à la lettre adressée le 20 février 2014 à chacune des parties par le groupe de médiateurs en vue de la reprise des échanges sur la crise que traverse le Burkina. Le groupe des médiateurs a salué le retour des parties autour de la table et les a remerciées pour leur disponibilité et leur ouverture au dialogue. Le Président Jean-Baptiste OUEDRAOGO a rappelé que les travaux avaient été suspendus le 10 février 2014 suite à l'exigence par l'Opposition d'un mandat du Président du Faso donnant pleins pouvoirs à la Majorité présidentielle pour négocier en son nom, ce qui garantirait la mise en œuvre effective des résultats de la médiation. Il a ensuite donné la parole à chaque chef de délégation pour donner lecture de la réponse à sa lettre d'invitation à la reprise du dialogue. Après quoi, il a relevé que l'article 42 de la Constitution précise que le Chef de l'Etat est au dessus des partis politiques et qu'à ce titre, la médiation pensait que l'Opposition ne peut exiger de la Majorité présidentielle un mandat pour négocier. Il a souligné que le problème de fond est la question de confiance et appelé les parties à un sursaut patriotique et au dépassement de soi, face à la situation délétère que connaît le pays.

Le Chef de file de l'Opposition, après avoir salué le patriotisme et l'engagement citoyen des médiateurs, a relevé que si le Président Blaise COMPAORE est au dessus des partis politiques, cela veut dire a priori qu'aucun parti ne peut prendre un engagement en son nom. L'Opposition situant sa démarche dans la continuité de sa rencontre du 14 novembre 2013 avec le chef de l'Etat à qui un mémorandum a été remis, estime qu'elle ne discuterait avec la Majorité que si elle a un mandat du Président Blaise COMPAORE.

a Majorité présidentielle a réitéré ses sentiments de considération, de respect et d'estime envers les personnalités composant le groupe des médiateurs et indiqué sa pleine et entière disponibilité pour toute initiative qui pourrait renforcer le dialogue, la tolérance et la compréhension entre frères burkinabè. Par rapport à l'exigence de l'Opposition d'un mandat, la Majorité présidentielle estime qu'il est déplacé de lui demander un mandat du Président du Faso et précisé que toutes les personnalités représentant la Majorité présidentielle ont été mandatées par leurs partis politiques respectifs.

Constatant que les deux parties restent sur leurs positions respectives, la médiation en a pris acte et mis fin à la rencontre à 12h25.

Fait à Ouagadougou, le 10 Mars 2014
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