Mal de vivre : la mendicité a la peau dure au Burkina

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Titre
Mal de vivre : la mendicité a la peau dure au Burkina
Créateur
Mahorou Kanazoé
Editeur
Le Pays
Date
14 novembre 1995
Résumé
Considérée jadis comme une véritable déchéance humaine, la mendicité est devenue aujourd'hui presqu'un débouché pour tous les Burkinabè qui n'ont aucun autre recours pour survivre. C'est dire l'ampleur que prend le phénomène (le fléau ? ) dans notre pays. Mais que font la société et l'Etat, pour trouver une solution à la mendicité, illustration d'une véritable “fracture sociale" (pour utiliser une expression à la mode sous d'autres cieux) ?
Droits
In Copyright - Educational Use Permitted
Langue
Français
Source
Archives Le Pays
Contributeur
Frédérick Madore
contenu
Considérée jadis comme une véritable déchéance humaine, la mendicité est devenue aujourd'hui presqu'un débouché pour tous les Burkinabè qui n'ont aucun autre recours pour survivre. C'est dire l'ampleur que prend le phénomène (le fléau ? ) dans notre pays. Mais que font la société et l'Etat, pour trouver une solution à la mendicité, illustration d'une véritable “fracture sociale" (pour utiliser une expression à la mode sous d'autres cieux) ?

Comment un pays, réputé pour sa tradition de solidarité, en vient-il à avoir aujourd'hui l'une des plus fortes densités de mendiants au km2 ?

Il n'y a pas de doute, les valeurs qui faisaient notre fierté et qui s'appelaient solidarité, sont en voie de disparition. Elles ne semblent pas, surtout dans les villes, résister à l'âpreté des conditions de vie liée à la crise économique. Les temps; comme on le dit, ont changé et les cœurs ont tendance à se durcir.

Face à la crise de la société où les uns et les autres adoptent de plus en plus une vie renfermée, l'Etat et certaines ONG sont souvent perçus comme les seuls recours pour les personnes nécessiteuses qui ont choisi la voie de la mendicité.

Car ce ne sont pas les aumônes de compassion qui viendront à bout de la misère et donc de la mendicité. Les regards, de temps en temps, sont donc tournés vers le ministère délégué chargé de l'Action sociale et de la famille, et vers les ONG.

Le ministère de Mme Bana Maïga, à travers sa Direction de l'insertion sociale (DIS) fait des pieds et des mains pour trouver une solution à la mendicité, qui apparaît de plus en plus comme un fléau. Mais la DIS, pour plusieurs raisons, ne fait que constater les dégâts, sans pouvoir vraiment résoudre le problème. Plusieurs raisons expliquent cela :

- le manque de moyens,

- le nombre élevé des mendiants,

- l'insuffisance du personnel,

- l'absence d'une politique gouvernementale en faveur des pauvres, etc.

Les gouvernements successifs ont tenté de trouver un remède à ce mal qui ne fait qu'enfler. En 1986, le gouvernement révolutionnaire du Burkina tenta une expérience non moins révolutionnaire : la construction de maisons dites de solidarité pour les mendiants. Objectif : supprimer la mendicité. Noble ambition certes, mais peut-être mal menée. L'histoire de ces cours de solidarité le prouvera : les mendiants ont déserté les lieux. L'initiative, en elle-même, était généreuse. Mais elle a pêché en de nombreux endroits.

Selon un rapport de la DIS, la création des cours de solidarité est intervenue comme “une mesure d'accompagnement”, face au “grand vide” née de la décision de supprimer la mendicité au Burkina. Ces cours avaient - et ont, puisque quelques-unes existent toujours - pour buts, selon le document, de “permettre aux mendiants invalides de continuer à bénéficier de l'aumône sans s'exposer aux intempéries de la rue et de mener des activités génératrices de revenus”.

Les cours étaient administrées par des agents de l'Action sociale. Leurs ressources provenaient essentiellement de l'Etat, mais aussi de bénéfices tirés des activités et de dons d'ONG. Au début de l'expérience, les cours de solidarité semblaient promises à un bel avenir. On en comptait 3 à Ouagadougou, 2 à Bobo-Dioulasso et 1 à Nouna, Ouahigouya, Dédougou et Bitou.

Entre 1988 et 1990, les 9 cours ont accueilli 850 pensionnaires et en 1991, 377 dont 49,18 % d'aveugles et malvoyants, 26 % de paralytiques, 9,20 % de personnes âgées, 8 % de lépreux, 4 % d'épileptiques et 3 % de retardés mentaux.

Aujourd'hui, la réalité est toute autre. Les mendiants habitués au gain facile de la rue ont déserté ces cours qui sont aujourd'hui “squattées” par d'autres types exclus de la société. C'est un nouveau combat qui attend les autorités compétentes de ce pays qui, pour le moment, n'ont pas encore fait connaître leur politique en matière de mendicité. Le maire de Ouagadougou, qui semble avoir ce problème dans sa ligne de mire, réussira-t-il, tout seul ? Une chose est sûre : tant que nos pays pataugeront dans la crise économique actuelle avec ses corollaires - licenciements, chômages, etc, l'horizon sera toujours sombre pour les mendiants et tous les laissés-pour-compte.
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