Imam Ismael Tiendrébéogo : "Rechercher la lune est un acte d'adoration"

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Titre
Imam Ismael Tiendrébéogo : "Rechercher la lune est un acte d'adoration"
Date
9 septembre 2010
Résumé
"C'est quand même la prière de ramadan ?". Cette question est récurrente chaque année à l'occasion du jeûne musulman, tant on n'est jamais sûr de rien lorsqu'il s'agit des fêtes des adeptes de la religion de Mohammed. Même quand vous demandez aux plus érudits, la réponse tombe invariablement : "Je pense que... ça devrait être ... c'est en principe le ..."...
Couverture spatiale
Arabie saoudite
Médine
Droits
In Copyright - Educational Use Permitted
Langue
Français
Contributeur
Frédérick Madore
Wikidata QID
Q114035317
contenu
"C'est quand même la prière de ramadan ?". Cette question est récurrente chaque année à l'occasion du jeûne musulman, tant on n'est jamais sûr de rien lorsqu'il s'agit des fêtes des adeptes de la religion de Mohammed. Même quand vous demandez aux plus érudits, la réponse tombe invariablement : "Je pense que... ça devrait être ... c'est en principe le ..."...

...C'est toujours l'incertitude qui entoure les dates, perturbant du même coup les activités socio-économiques sans oublier les préparatifs de la fête. Quel est le sens de cette insaisissable lune ? L'Imam Ismael Tiendrébéogo du CERFI et de l'AEEMB, un jeune intellectuel musulman, dans cet entretien réalisé hier, donne des éclairages sur cette problématique.

A quand la fête de ramadan ?

La détermination de la fête de ramadan est basée sur la vision de la lune ou sur le nombre de jours observés pendant le jeûne. Si, par exemple, le temps du carême dure 30 jours, le calendrier lunaire n'excédant pas ce nombre, forcément le 31e jour sera le jour de la fête.

En suivant cette logique, c'est finalement à quelle date précise aura lieu le ramadan de cette année ?

Jeudi ou vendredi (NDLR : l'entretien a eu lieu le mercredi).

Justement, comme tous les ans, l'incertitude plane toujours sur le jour J.

Je ne pense pas qu'il y ait des incertitudes. Il y a des règles qui ont été prévues, et si elles sont respectées, en principe, on aura une harmonie. La règle dit qu'on commence à jeûner avec l'apparition de la lune et on arrête avec la prochaine lune. C'est aussi simple que ça. Si les gens font l'effort d'observer la lune et de patienter pour ce qui est de son apparition, et si l'information est diffusée à temps, je ne pense pas que le problème dont vous parlez se posera.

Il existe aujourd'hui une Fédération des associations islamiques du Burkina (FAIB), mais jusque-là l'Aïd-el-Fitr est célébré en rangs dispersés. Que se passe-t-il ?

Il y a trois problèmes à ce niveau. Le premier problème, c'est le leadership. Très souvent, dans nos structures, les gens ne sont pas assez proches des populations pour qu'elles s'identifient à eux. Beaucoup se démarquent de ceux qui gèrent la chose religieuse. Il faut régler cette question-là parce que, islamiquement, le respect de l'autorité fait partie des valeurs. Le Coran dit : "Suivez Dieu, suivez son messager et ceux d'entre vous qui détiennent l'autorité". Et la limite dans l'obéissance à l'autorité, c'est la transgression d'un commandement divin.

Le deuxième problème se situe au niveau de l'organisation. C'est vrai qu'il y a une structure centrale mais il n'y a pas de répondants locaux pour répercuter l'information. Individuellement, les gens attendent la nouvelle de la télé ou de la radio mais on sait aussi que ces médias ne couvrent pas l'ensemble du territoire. Si donc au niveau central on a l'information et au niveau local il y a des relais, la transmission devient aisée.

Le troisième problème, c'est le recours même aux médias qui limite les musulmans dans leur action puisque la télé ou la radio ferment à une certaine heure et toutes les populations n'y ont pas accès. Pour ce qui est de la télé, on fait tout pour qu'autour de 22h30 l'information puisse être transmise et ça devient une course contre la montre afin que le présentateur du journal parlé ne quitte pas le plateau sans annoncer la nouvelle.

Il y a des régions du Burkina Faso où on voit la lune mais le temps de répercuter l'information au sommet peut aller au-delà de 22 heures. A l'avenir, je pense que la communauté musulmane peut voir avec les responsables des téléphonies mobiles pour diffuser plus efficacement le message.

Si à certaines occasions, ces opérateurs ont fait du gratuit ou ont diminué considérablement le coût de la communication, pour ce qui est de ce pilier principal de l'islam et de ce que les musulmans représentent 60,5% de la population burkinabè, ils peuvent accompagner la religion en vue de transmettre l'information dans les coins les plus reculés.

Pourquoi ne pas s'aligner une bonne fois derrière le calendrier grégorien ?

Non, non ! Le hadith du Prophète (Paix et Salut sur lui) est clair : "Jeûnez avec l'apparition de la lune, rompez avec l'apparition de la lune". Il n'y a rien d'autre que l'on puisse faire sur ce point.

Mais le calendrier est fait de façon scientifique...

L'islam croit à la science. D'ailleurs, le Coran dit : "Certes, ceux qui craignent le plus Dieu, ce sont les savants". La religion musulmane ne rejette donc pas le savoir scientifique. Bien au contraire, elle encourage la science. "Le décès des savants est plus pénible aux yeux de Dieu". C'est pour dire à quel point l'islam magnifie le savant.

Il y a donc des règles à respecter. Le fait d'observer la lune participe à l'adoration que le musulman fait durant ce mois pour montrer à quel point nous sommes soucieux de déterminer le premier jour du jeûne et connaître le dernier jour. Tous ces éléments constituent les actes d'adoration et il ne faut pas jouer au paresseux pour aller directement au calendrier. Il est arrivé que la date du calendrier a coïncidé avec l'apparition de la lune et il y a des moments aussi où on observe un décalage.

Même pour la fête de Tabaski, on n'est pas toujours situé alors qu'on dit que c'est 70 jours après le ramadan ?

Ces 70 jours sont simplement indicatifs. La fête de la Tabaski a lieu le lendemain de la montée des pèlerins sur le mont Arafat. Donc, c'est en fonction de l'information reçue concernant cette ascension sur le mont que la date est fixée.

Le fait que les dates ne sont pas connues d'avance perturbent les activités socio-économiques. N'y a-t-il pas de possibilité à défaut de suivre le calendrier, de s'aligner derrière un pays comme l'Arabie Saoudite, surtout que le décalage horaire est de 4 heures seulement ?

Au temps du Prophète Mohammed (PSL), il y a un monsieur qui est venu de la région de la Syrie où on avait vu la lune. Arrivé à Médine, il a dit au messager d'Allah que chez lui les gens ont commencé à jeûner. Et Mohammed de lui répondre qu'à Médine on n'a pas encore vu la lune. C'est pour dire que l'islam permet qu'entre des pays, il y ait une différence de date. Le tout étant de faire en sorte que l'apparition de la lune dans l'aire géographique soit attestée et transmise dans toute la communauté.

Pour la perturbation des activités socio-économiques, jusqu'à maintenant, personne ne s'en plaint puisqu'il s'agit d'une affaire d'une journée et la veille, l'information est véhiculée par les canaux habituels et comme théoriquement les fonctionnaires ont accès à la télé, la question est réglée au niveau de l'administration.

A l'Observateur paalga, par exemple, on est souvent dans l'embarras puisqu'on ne sait pas s'il faut tomber ou pas avec le journal comme on le dit.

Vous pouvez archiver vos informations et les publier par la suite (rires). Plus sérieusement, pour avoir participé à la vie de certains médias, je sais que presque tard dans la nuit l'imprimerie fonctionne. A 20 h si vous avez l'info, le journal peut être imprimé.

Il arrive que dans un pays voisin comme le Mali, on voie la lune. Peut-on s'aligner derrière lui pour mettre fin au jeûne ?

Cela dépendra de la distance entre les deux Etats, si on se réfère au hadith du Prophète que j'ai tantôt cité. Mais c'est une question de concertation entre les savants musulmans qui peuvent voir dans quelle mesure on peut prendre en compte l'apparition du croissant lunaire dans les pays limitrophes.

Donc, en résumé cette histoire d'apparition de la lune avant toute action est un dogme ?

C'est un enseignement qu'il faut respecter. En islam, nous avons cette règle qu'en matière de culte ou d'adoration, rien n'est permis jusqu'à ce qu'on voie un texte qui l'y autorise.

Comme le jeûne du ramadan est un acte cultuel, toutes les règles doivent être clairement établies avant l'accomplissement de toute oeuvre prescrite pendant ce mois. On a dit : "Jeûnez avec l'apparition de la lune et rompez avec l'apparition de la lune". On doit s'en tenir à cela.

Il n'appartient pas aux créatures de fixer les règles, c'est à Allah et à son Prophète de le faire. Mais il y a des règles qui peuvent s'adapter en fonction du contexte. Il y a cette grande règle de la législation musulmane qui dit que la nécessité lève l'interdit.

Mais pour ce qui est du jeûne, il n'y a pas de problème spécifique jusque-là. Pour terminer, j'adresse mes voeux à tous les Burkinabè. Que Dieu multiplie davantage ses faveurs et sa grâce sur les croyants et que le jour de la résurrection nous soyons au Paradis.
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