Position des confessions religieuses sur le Sénat : le festival de la cohérence et du clair-obscur

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Titre
Position des confessions religieuses sur le Sénat : le festival de la cohérence et du clair-obscur
Editeur
Le Pays
Date
16 septembre 2013
Résumé
La mise en place du Sénat est devenue un véritable serpent de mer, tant elle revient régulièrement au devant de l'actualité. Ce samedi 14 septembre encore, le sujet était au centre des audiences que le chef de l'Etat a accordées aux confessions religieuses.
Couverture spatiale
Bobo-Dioulasso
Droits
In Copyright - Educational Use Permitted
Langue
Français
Contributeur
Frédérick Madore
contenu
La mise en place du Sénat est devenue un véritable serpent de mer, tant elle revient régulièrement au devant de l'actualité. Ce samedi 14 septembre encore, le sujet était au centre des audiences que le chef de l'Etat a accordées aux confessions religieuses.

En plus d'être un sujet majeur de discorde politique, la mise en place de cette institution est diversement appréciée par les confessions religieuses de notre pays.

Ainsi, pour le président de la conférence épiscopale, Mgr Paul Y. Ouédraogo, archevêque de Bobo-Dioulasso, l'Eglise catholique reste cohérente dans sa position sur l'inopportunité de cette institution.

L'Eglise catholique demeure toujours dans son rôle premier « d'autorité morale qui est celui d'éclairage, de promotion de la cohésion sociale et de médiation au besoin, tant au service de la majorité que de l'opposition ».

L'épiscopat burkinabè, en rappelant à l'occasion des audiences que le président du Faso a accordées aux autorités religieuses, la cohérence de sa démarche, a évité ainsi de commettre un parjure, et ce faisant, a évité la confusion et le doute dans l'esprit de leurs fidèles en particulier et des Burkinabè en général.

Cette clarification s'imposait donc. Elle tombe à pic. Après la sortie du président de la conférence épiscopale, les déclarations de certains hommes politiques s'apparentaient à une sorte d'imposture qui avait plongé les Burkinabè dans un malaise.

Cela dit, il faut relever le mérite de l'Eglise catholique qui a toujours, au sujet de la mise en place du Sénat, tenu un discours qui n'a jamais souffert d'ambiguïté et dont un des centres d'intérêt est le suivant : « Les institutions ne sont légitimes que si elles sont socialement utiles, favorisant le bien commun, la cohésion sociale, la paix ».

Comment peut-on invoquer l'apolitisme et participer en même temps à un organe délibératif qui va voter des lois selon les règles de la majorité ?

La cohérence dont a fait preuve l'Eglise catholique peut être observée du côté de la communauté musulmane. En effet, El hadj Souleymane Compaoré a, au nom de la Fédération des associations islamiques du Burkina (FAIB), laissé entendre que la communauté musulmane était favorable à la mise en place du Sénat.

En réalité, cette posture n'est pas étonnante dans la mesure où elle est en parfaite adéquation avec la ligne de la communauté musulmane connue depuis 2011.

Cette cohérence relevée, l'on peut s'arrêter tout de même sur les arguments fournis par El hadj Souleymane Compaoré pour étayer la position des Associations islamiques du Burkina. Pour lui, les débats sur la mise en place du Sénat sont politiques. Et comme la communauté musulmane est apolitique, elle n'entend pas y prendre part.

Ce syllogisme, si l'on peut l'appeler ainsi, ne peut pas résister à l'analyse. En effet, comment peut-on invoquer l'apolitisme et participer en même temps à un organe délibératif qui va voter des lois selon les règles de la majorité ?

La communauté musulmane, qui est respectable, doit savoir que si la problématique du Sénat passionne à ce point les Burkinabè, c'est parce que justement, cette institution, si elle venait à être opérationnelle, va plancher sur des questions éminemment politiques qui touchent à « la vie de la cité ».

Le Sénat pourrait, par exemple, conformément à ses attributions, et de concert avec l'Assemblée nationale, modifier l'article 37 de la Constitution qui limite les mandats présidentiels à deux.

Aucune confession religieuse n'aura l'excuse facile de dire devant l'Histoire, qu'elle n'avait pas entendu la clameur des Burkinabè sur le sujet

L'adhésion de la communauté musulmane à la mise en place du Sénat pourrait mettre à rude épreuve son rôle capital d'autorité morale et spirituelle qui est aussi celui d'éclairer les consciences, de travailler à promouvoir les valeurs de cohésion sociale et de concorde nationale.

Ces valeurs, en effet, sont essentielles parce que non seulement elles vont dans le sens de l'intérêt général, mais favorisent aussi l'instauration d'un climat de sérénité indispensable à la pratique de la religion.

Or, dans le cas d'espèce, ce sont ces mêmes valeurs qui risquent d'être remises en cause par la mise en place du Sénat dans notre pays. Aucune confession religieuse n'aura l'excuse facile de dire devant l'Histoire, qu'elle n'avait pas entendu la clameur des Burkinabè sur le sujet.

Quant à l'Eglise protestante, sa position est difficile à décrypter. Bien malin celui qui pourra dire avec certitude qu'il cerne tous les contours de la position de cette entité.

L'on sait seulement que son représentant a déclaré qu'il encourageait le chef de l'Etat à poursuivre ses concertations en vue de parvenir à un consensus sur la question. Une telle déclaration peut s'apparenter à une tentative d'enfoncer une porte déjà ouverte.

Cette posture ressemble bien à une réponse de Normand, à un clair-obscur qui ne fait pas avancer le débat sur la mise en place du Sénat, et qui, de ce fait, contribue à entretenir la confusion dans les esprits.

La gravité du moment n'autorise surtout pas les « hommes de Dieu » à aggraver le supplice des Burkinabè en leur servant une rhétorique ambiguë sur un sujet combien important pour la Nation. En attendant, le festival de la cohérence et du clair-obscur continue. Plaise au ciel que toute cette alchimie ne prépare le lit de Procuste.
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