Gestion Hadj'98 : les associations islamiques accusent...

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Titre
Gestion Hadj'98 : les associations islamiques accusent...
Créateur
Mahorou Kanazoé
Editeur
Le Pays
Date
1 octobre 1998
Résumé
225 millions de FCFA. Tel est le montant du déficit qu'a connu la Commission nationale d'organisation du Hadj'98 et communiqué par son Secrétaire permanent dans un rapport. Les associations islamiques ont cependant rejeté en bloc ce bilan financier, au cours d'une assemblée générale très houleuse, le 29 septembre dernier, au ministère de l'Administration territoriale et de la Sécurité.
Couverture spatiale
Djeddah
Ouagadougou
Droits
In Copyright - Educational Use Permitted
Langue
Français
Contributeur
Frédérick Madore
contenu
225 millions de FCFA. Tel est le montant du déficit qu'a connu la Commission nationale d'organisation du Hadj'98 et communiqué par son Secrétaire permanent dans un rapport. Les associations islamiques ont cependant rejeté en bloc ce bilan financier, au cours d'une assemblée générale très houleuse, le 29 septembre dernier, au ministère de l'Administration territoriale et de la Sécurité.

C'est une catastrophe". Les membres de la CNOPM n'ont pas eu de mots assez durs pour qualifier la gestion du pèlerinage à la Mecque'98 et la responsabilité de son métronome, Saïdou Ouédraogo. Pendant près de 4 heures d'horloge (de 16h à 20h), Saïdou Ouédraogo, secrétaire permanent de la CNOPM, a été soumis à un feu nourri de questions, de critiques et même d'invectives. C'est à peine si une fatwa n'a pas été prononcée contre Saïdou Ouédraogo qui, pour sa gestion, a été sur-le-champ, débarqué de son poste de secrétaire permanent.

Ce représentant d'une association islamique a de la peine à contenir sa colère : "Depuis plusieurs décennies, nous n'avons jamais vu une telle catastrophe. Le Secrétaire permanent nous a poussés dans un gouffre. Malgré nos gestions artisanales dans le passé, nous n'avons jamais eu de dettes. Aujourd'hui que l'Etat prend les choses en main, commet des cadres, le résultat est catastrophique. Nous sommes profondément frustrés et meurtris". "L'Islam burkinabè traverse un danger en Arabie Saoudite. Si rien n'est réglé, soyez sûr que le Burkina Faso ne pourra plus envoyer de pèlerins à la Mecque", enchaîne un autre musulman". Des propos très sévères, qui traduisent le malaise profond que traverse la CNOPM, à la suite du Hadj'98.

Saïdou Ouédraogo, l'homme par qui le désastre est arrivé, imperturbable, nie en bloc toutes les accusations portées contre lui et défie quiconque d'apporter les preuves de son implication dans des malversations. Mieux, il réclame, comme tous les autres membres de la CNOPM, un audit sur la gestion du Hadj'98. Mais comment est-on arrivé à un solde passif aussi exorbitant de 225 millions de FCFA ? Dans un rapport qu'il a rédigé (tout seul), le Secrétaire permanent a expliqué que les déboires actuels sont liés à plusieurs faits : l'organisation tardive du Hadj, la faiblesse du budget de pèlerinage (75 millions F CFA), la non-maîtrise des dépenses de fonctionnement, les circuits parallèles d'inscription des pèlerins, l'inflation du ryal, la monnaie saoudienne. La CNOPM (disons plutôt le secrétaire permanent) a dû transporter les fonds dans des mallettes, jusqu'en Arabie saoudite. La BCEAO, explique Saïdou Ouédraogo, a refusé de transférer cette année les fonds du pèlerinage : "J'ai pris la responsabilité de gérer les fonds. C'est une situation exceptionnelle avec une gestion exceptionnelle". En clair, des centaines de millions de FCFA étaient trimballés par le sieur Ouédraogo qui a tout seul géré la cagnotte. Au siège de la CNOPM, à Ouagadougou, par exemple, les liasses de billets étaient fourrés dans des casiers, des coffres-forts et tout ce qui pouvait contenir de l'argent. "C'était un cafouillage, une foire", remarqua une membre de la CNOPM. Dans une telle pagaille, la CNOPM ne pouvait que se retrouver avec une ardoise (vraie ou imaginaire). D'autant que le passeport du président de la Commission Finances a été dérobé, dit-il, par le sieur Saïdou pour l'empêcher de se rendre à la Mecque. Et d'avoir un oeil sur la gestion des fonds.

Une gestion ubuesque

Une anecdote qui revèle le caractère ubuesque et burlesque de la gestion financière du Hadj. En tout cas, les associations islamiques ont produit un contre-rapport qui réfute point par point les déclarations du secrétaire permanent. "Ce rapport, sur le plan financier, est dépourvu de toute sincérité", ont Indiqué en choeur les associations Islamiques. Au contraire, elles estiment que si la gestion du pèlerinage avait été transparente, la Commission s'en serait tirée avec un excédent de 126 millions de FCFA. Elles ont par conséquent décliné toute responsabilité quant au déficit de 225 millions de FCFA. En outre, elles refusent que l'Etat débourse un sou pour régler les créanciers qui, déjà, manifestent des signes d'impatience. En effet, le ministre Yéro Boly a reçu un fax d'Arabie Saoudite, où les logeurs des pèlerins burkinabè réclament les 122 millions de FCFA qui leur sont dus, sans compter les chauffeurs embauchés sur place, les frais de secrétariat, de "mission interne", de "consultation", de location de véhicules, etc. Au niveau du Burkina, la CNOPM doit, selon les comptes (troubles ?) du Secrétaire permanent, 70 millions de FCFA au trésor public, plus d'un million à l'ONATEL, plus de 32 millions à Air Afrique et de nombreuses autres petites dettes.

Pendant toutes ces 4 heures de déballage, l'arbitre du jour, Yéro Boly, affichait la sérénité. Dans les accusations qui fusaient de toutes parts, il n'a jamais été cité comme ayant une responsabilité quelconque dans cette gestion calamiteuse. Il doit sans doute ce respect au fait qu'il a laissé toute la latitude au Secrétaire permanent et aux autres sous-commissions de gérer l'organisation pratique du Hadj. Bien sûr, en tant que président de la CNOPM, il s'est de temps en temps assuré que tout allait bien. Ce à quoi le Secrétaire permanent répondait qu'il n'avait aucune inquiétude à se faire. Toutefois, le président de la CNOPM, avait donné trois instructions fermes au Secrétaire permanent, qu'il a tenu à rappeler à l'Assembiée générale de mardi dernier : que tous les pèlerins aient leur pécule avant l'embarquement ; qu'ils ne soient pas importunés à l'aéroport de Djeddah ; qu'il n'y ait pas d'impayés de loyer.

Le MATS, pour prouver sa bonne foi, doit cependant faire toute la lumière sur cette affaire. Il y va de la crédibilité de l'Etat, qui a donné sa caution au Hadj'98. Du reste, un audit sur le Hadj'97 géré par ce même Saïdou avait prouvé des malversations. Les musulmans, en tout cas, réclament un audit dans les plus brefs délais afin dé savoir la conduite à tenir. Le président de la communauté musulmane, El Hadj Boubacar Sana, qui a assisté à l'Assemblée générale, a demandé que des dispositions soient prises pour que le prochain hadj se déroule dans de bonnes conditions. Car avec le pèlerinage désastreux de 1998, il n'est pas exclu que les Burkinabè soient déclarés persona non grata. C'est cette image négative que l'Etat voulait effacer, en prenant en charge l'organisation des pèlerinages sur les lieux saints. Malheureusement, le mal reste tenace. En tout cas, tant qu'il existera des gens qui n'ont peur ni de Dieu, ni du gouvernement, comme s'en plaignait un membre de la CNOPM.
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