Pèlerinage à la Mecque : sur les traces d'un hadj meilleur

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Titre
Pèlerinage à la Mecque : sur les traces d'un hadj meilleur
Editeur
Mutations
Date
1 octobre 2012
Résumé
L’organisation du hadj aux pays des Hommes intègres ne se fait point sans couac et les fidèles croyants le savent bien. En effet, celle de l’année 2011 a révélé un profond malaise dans l’organisation.
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2
Couverture spatiale
Arabie saoudite
Droits
In Copyright - Educational Use Permitted
Langue
Français
Contributeur
Frédérick Madore
contenu
L’organisation du hadj aux pays des Hommes intègres ne se fait point sans couac et les fidèles croyants le savent bien. En effet, celle de l’année 2011 a révélé un profond malaise dans l’organisation.

De la méconnaissance du jour de départ à la situation de 144 candidats au hadj recalés en passant par des prestations aéroportuaires peu enviable à la disparition des bagages des pèlerins au retour du lieu saint sans oublier le prix exorbitant du ticket d’avion et le gonflement du nombre de pèlerins à la station de Mina, une des villes de l’Arabie Saoudite, tels sont entre autres les problèmes révéles par l’organisation calamiteuse du pèlerinage 2011 au Burkina Faso.

« Notre véritable problème était le transport. Le transport représente 75% de l'organisation non en termes de coût financier, mais en termes de conséquence », dixit M. Issa Dianda, financier de l’agence Rangouma voyage.

Il est indéniable, aux dires des responsables d’agence, que leur souffrance est en grande partie causée par le transporteur exclusif choisi par l’Etat qu’est STMB/Tours. En effet, les angoisses du hadj ne se limitent pas au seul secteur du transport.

Le cadre d’embarquement des pèlerins burkinabè laisse à désirer et le représentant de l’AEEMB/ CERFI, monsieur Nikièma l’a bien déploré. « Le pèlerin burkinabè a payé son billet d’avion, il doit donc bénéficier des prestations de l’aéroport comme tons les autres passagers. Mais non, ils sont appelés à passer par le terminal des fruits, l’un des entrepôts de la SOBFEL et à ce niveau, il n’y a même pas de chaise pour s’asseoir, ils ne ressemblent pas à de voyageurs», assène sèchement M. Nikièma. M. Ouédraogo Ahmad du mouvement sunnite appelle à « l’amélioration des conditions d’accueil à l’aller et au retour des pèlerins même s'il faut faire comme le Sénégal qui a aménagé un Terminal Hadj ».

La perte des bagages des pèlerins à l’aéroport au retour de la Mecque est assez fréquente au Burkina Faso. Des bonnets aux chapelets sans compter parfois des bijoux et autres articles en mémoire du passage au lieu, c’est d’énormes biens matériels à d’exorbitant prix que perdent les pèlerins musulmans au retour de la Mecque. Ne sachant auprès de qui se plaindre, ils ruminent leur mécontentement.

Le prix du ticket d’avion au Burkina pour le hadj à la Mecque est des plus chers dans la sous-région. Ce qui amène d’autres compatriotes à aller prendre le vol dans les pays voisins.

La différence des prix en général atteint 300 000f CFA. Cela abaisse le chiffre d’affaire du transporteur national et aussi le nombre de pèlerins du pays. Ce qui ne fait pas honneur des organisateurs nationaux quand on se rend compte qu’on ne peut pas satisfaire le quota demandé par la Mecque. Certains responsables se sont indignés sur le coût du ticket d’avion au Faso. « Pour l’année passée, le coût du ticket d’avion a été de 1 200 000f ce qui ne s'expliquait pas », affirme le responsable de l’AEEMB/ CERFI.

Le prix du hadj est composé des frais de la prestation de l’avionneur qui est le billet d’avion et de la prestation des agences de voyages. La prestation des agences consiste au recrutement des pèlerins, leur encadrement, leur formation, leur accompagnement, leur hébergement, la prise en charge sanitaire et le transport urbain et interurbain à la Mecque.

Chaque année, l’Arabie Saoudite accorde à chaque pays un nombre donné de visas, donc de pèlerins que la nation peut convoyer. Si le pays a plus de candidats que de visas, alors il y aura des candidats qui attendront les années à venir. Et pour l’année 2011, 3000 visas ont été délivrés par l’ambassade de l’Arabie Saoudite au Burkina Faso. Les « 144 pèlerins recalés » lors de ce hadj n’ont pas eu de visas. L’agence de voyage qui a recruté ses candidats a été Africa voyage. Il avait à sa charge 325 visas et il a recruté un nombre plus élevé de candidats que de visas qu’il avait et le PDG de Africa voyage s’est expliqué qu’il pensait solliciter des visas complémentaires ; idée non partagée par certains responsables d’agences. « Une agence de voyage est d'abord une structure professionnelle ; on ne peut pas avoir un agrément pour 200 pèlerins et aller recruter 300 », fustige le responsable pèlerinage de STMB/Tours M. Nourdeen Sanfo.

M. Sana Rasmané récusa la thèse de visa complémentaire et donne le processus d’obtention de visa. « Quand on dit visa, il s'agit de payer le loyer, le transport, les taxes saoudiennes, avant d'avoir le visa », a-t-il dit. Il a ajouté que « ce n’est pas le consul qui délivre le visa, c'est l'Arabie qui, en fonction du quota attribué au pays, donne feu vert au consul de donner le visa ».

De tous les problèmes soulevés, les acteurs du hadj lui ont trouvé solution et ils appellent l’Etat de les mettre en pratique.

M. Boureima Bougma appelle à privilégier la religion sur les désirs inavoués de tout un chacun des acteurs du hadj. « Il faut que les acteurs du hadj acceptent un temps soit peu mettre la religion devant l'argent, cela va apporter un souffle à l'organisation », a-t-il dit.

M. Issa Dianda ajoute qu’il est préférable de débuter le recrutement des pèlerins deux mois après l’arrivée des premiers avions du hadj qui s’achève. Il demande à l’Etat « d’attribuer à l’avionnaire une autorisation de cinq au lieu des autorisation annuelle qui ne permet pas à ce dernier de commencer à temps les locations de maisons à la Mecque au moment où le dollar est bas ; ce qui permettrait de diminuer le prix du ticket d’avion ». «Il est vraiment compliqué de réussir le hadj à la période dont nous le commençons au Burkina Faso », a avoué M. Nourdeen Sanfo.

A l’unanimité, les agences ont souhaité que l’Etat s’investisse dans le hadj en s’occupant du transport.

« Si l’Etat accepte prendre en main le transport, l’avionnaire sait qu'en cas de manquement, l'Etat peut le poursuivre. Mais si c’est des associations ou des agences, quelles forces avons-nous pour le faire ? », s’est demandé M. Dianda, financier de l’agence Rangouma voyage.

« Nous voulons que l’Etat nous trouve un transporteur crédible pour convoyer les pèlerins en toute sécurité à la Mecque c'est-à-dire un transporteur qui respecte les programmes donnés même s'il y aura un léger décalage », a souhaité le mouvement Sunnite, par la voix de M. Hamad Ouédraogo.

Il a également dénoncé la mise à l’écart des associations dans l’organisation du pèlerinage. « Les associations sont exclues de l’organisation du hadj, il faut que l’Etat trouve une formule pour permettre aux associations de participer à l’organisation car avant tout, elles constituent le socle du hadj en partant du recrutement à la formation des pèlerins. S'il y a un problème, les gens voient les associations et non les agences ou l’Etat », a précisé M. Hamad Ouédraogo.

D’un ton amère, le mouvement Sunnite affirme que « depuis 40 ans, le Burkina Faso tâtonne dans l’organisation du hadj ; et il va falloir, et l’Etat et les musulmans, trouver une formule approprié pour le hadj». Toutes ces critiques ont fait évoluer le Hadj cette année. Ce n’est plus une agence qui s’occupe du recrutement du transporteur, mais le comité piloté par le MADS et les associations musulmanes. C’est Air Burkina qui a été retenu.

De l’origine du hadj à la privatisation

Le Burkina Faso est un pays en majorité musulman. L’exécution du pèlerinage à la Mecque, cinquième pilier de la foi islamique, n’a pu toujours été chose aisée. De par son organisation et le coût financier qu’engendre le pèlerinage, les musulmans se retrouvent entre la croix et la bannière pour accomplir leur devoir religieux. Le mouvement sunnite affirme que « le hadj effectué par nos grands parents n'était pas organisé par une quelconque structure. Le trajet était du Niger au Soudan, en passant par le Tchad avant d'arriver en Arabie Saoudite ; il dure entre un an à trois ans. Les candidats au hadj divorçaient parfois avec leurs femmes parce que ce n'était pas évident de revenir les retrouver. »

Il a fallu attendre les années 1960 pour voir une structure se dresser pour l’organisation du hadj. « C'est en 1963 avec la création de la communauté musulmane qu'a débuté le regroupement des pèlerins ; sinon le voyage se faisait à 2, 3 ou jusqu'à 7 pèlerins et cela en fonction des moyens de tout un chacun. Il est dit que parfois c'est 50% des départs qui arrivent à revenir au pays », dit le mouvement sunnite.

Les années 1970 ont vu agrandir le cercle des organisateurs du hadj avec la naissance en 1973 du mouvement sunnite et par la suite la Tidjania. Chaque groupe a apporté son soutien à la communauté musulmane pour le hadj jusqu’en 1995, année d’intervention de l’Etat burkinabè dans l’organisation du pèlerinage à la Mecque. Le mouvement sunnite justifie la participation du gouvernement burkinabè dans l’organisation du hadj en disant que « Le Burkina Faso compte à peu près 70% de musulmans et l’Etat ne peut pas rester en marge des activités de cette frange de la population ». En s’impliquant en 1995 dans l’organisation du hadj, l’Etat burkinabé crée le Comité national d’organisation du pèlerinage à la Mecque (CNOPM), structure en charge du hadj. Au vue des problèmes rencontrés, l’Etat a restitué en 2005 l’organisation du pèlerinage aux associations islamiques pour la reprendre en 2007 et la confier aux agences de voyages, donc la privatiser. A la question « Pourquoi l'Etat a-t-il préféré la formule des agences à celle des associations islamiques qui a rapporté pas de 60 millions de bénéfices au peuple burkinabè et partants aux musulmans ?», aucune association n'a voulu se prononcer. Pour toute réponse de M. Moussa Damiba, vice-président de l’organisation à son temps, il dit : « c'est difficile de répondre à cette question ». Le président d’organisation du hadj en 2007, M. Rasmané Sana a justifié cela par le fait que les bénéfices réalisés revenaient aux associations et non aux individus qui ont accepté volontairement travailler aux comptes de leur structure.

KONYÂL-YE
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